XXVII

 

Une future Supérieure Générale

 

Fille d'un riche armateur, Mlle Victorine Morgera avait passé son enfance à Naples, sa jeunesse à Marseille, où elle suivait les cours du pensionnat Saint-Joseph. Elle désira se faire religieuse, mais se heurta au refus formel de son père. Seule pour lutter, elle ne savait que devenir, lorsque la pensée lui vint, un jour de 1858, de consulter le Curé d'Ars. M. Morgera ne s'opposa pas au voyage ; cependant il n'accorda à sa fille que le temps nécessaire. « Pourvu que je puisse voir ce bon saint une minute, songeait-elle, cela suffira. » Elle ne croyait pas penser si juste.

 

Elle réussit à l'approcher dès son arrivée, alors qu'il se rendait de l'église à la cure. M. Vianney regarda cette enfant et sembla lire dans ses yeux. Elle n'eut pas le temps de lui dire un mot.

« Entrez chez les Sœurs de Saint-Joseph, lui jeta-t-il en passant. Elles auront besoin de vous. »

Mlle Morgera ne le revit plus. Mais elle s'éloigna pleine de confiance et tout à fait résolue à brusquer les choses, s'il le fallait.

Elle n'en eut pas besoin, car son père s'inclina en chrétien qu'il était devant la décision du Curé d'Ars. Peu après son pèlerinage, Victorine entrait au noviciat où elle devenait Sœur Marie-Angèle.

 

En 1902, l'année noire pour tant de religieuses enseignantes, la Congrégation de Saint-Joseph faillit être emportée dans la tourmente. Mais celle à qui saint Jean-Marie Vianney avait prédit quarante-quatre ans plus tôt qu'un jour les Sœurs de Saint-Joseph auraient besoin d'elle se trouvait à la barre comme Supérieure Générale. La barque ne sombra pas. Pour défier l'orage et le vaincre, il n'avait pas moins fallu que la fermeté sereine, l'intelligence hors ligne, l'invincible confiance en Dieu, jointes à la connaissance des affaires et aux relations étendues, de la Révérende Mère Marie-Angèle. (1)

 

 

(1) Ces détails ont été communiqués, le 4 août 1926,à M. le chanoine Louis Joly par Mme Gaillard, de Drom (Ain), qui les tenait directement de Mère Marie Angèle dont elle avait été l'élève, en 1880, au premier pensionnat des Sœurs de Saint-Joseph à Bourg.