V

« Qu'elle est belle ! »

 

Mme la marquise de la Barge, qui avait un château à Arlay, dans le Jura, s'était chargée d'élever une de ses nièces devenues orphelines. L'avenir de cette enfant la préoccupant de plus en plus, elle prit le parti d'aller consulter le Curé d’Ars.

 

« Mon Père, interrogea-t-elle, cette nièce qui aura bientôt ses dix-sept ans, dois-je la produire dans le monde ? »

Le saint se recueillit un instant, puis, les mains jointes, les yeux levés, il s'écria :

« Oh ! Madame, qu'elle est belle, qu'elle est belle ! »

Et après une pause :

« Quelle belle suite ! »

La marquise de la Barge crut comprendre que sa nièce était destinée au mariage et qu'une riche union la rendrait heureuse.

 

Or, peu après son retour au château d'Arlay, elle eut à pleurer sur cette pure jeune fille emportée par une maladie imprévue.

Alors ses yeux s'ouvrirent. Elle comprit que le saint Curé d’Ars, en s'exprimant comme il l'avait fait, avait vu l'entrée de cette prédestinée dans le ciel au milieu d'une « suite », d'un cortège d'anges et d'âmes élues (1).

 

(1) Le fait d'intuition fut conté à Mère Laurence, supérieure de la Charité de Bourg, par Mère Ildefonse Carry, supérieure de la Charité d'Arlay, qui avait bien connu Mme la marquise de la Barge et le tenait d'elle.