XII

La repentie

 

« Oui, continua le vénérable M. Messire, ancien curé de Sainte-Blandine et chanoine de la Primatiale Saint-Jean de Lyon, je connais une histoire inédite sur le Curé d'Ars. Elle n'est pas banale et se termine d'une façon édifiante. Je vous la donne comme me la raconta mon ami Coutte, qui était au grand séminaire avec moi.

 

« Ma mère, me disait donc l'abbé Goutte, tenait un ouvroir à la Croix-Rousse. Une année, très affairée à l'approche des fêtes de Pâques, elle demanda à ses ouvrières de vouloir bien veiller tous les soirs pour achever le travail. En récompense, elle leur promettait un beau voyage : le pèlerinage d'Ars, où l'on verrait un saint, ou même on pourrait se confesser à lui !... Perspective qui mit du courage aux doigts de toutes les ouvrières.

Le lundi de Pâques, un char-à-bancs emportait vers Ars la caravane lyonnaise.

Toutes ces demoiselles, décidées à attendre tant qu'il faudrait, voulurent se confesser à M. Vianney. Heureusement, l'attente ne fut pas trop longue, car les étrangers étant restés pour leurs pâques dans leurs paroisses respectives, l'église se trouvait moins encombrée que de coutume.

À l’une des jeunes ouvrières le saint Curé dit avec autorité : « Mon enfant, dites tout.

— Mais, mon Père, je vous ai tout dit.

— Non, mon enfant, vous n'avez pas tout dit.

— Je vous assure...

—Eh bien, mon enfant, vous cachez un péché : dans six mois, vous serez mère... Vous aurez un petit garçon. »

La jeune fille, confondue, puis sincèrement repentante, fondit on larmes. Elle reprit ses accusations et fit une confession excellente.

 

Alors le saint Curé lui révéla ce que deviendrait cet enfant.

Au sortir du confessionnal, la pauvre jeune fille alla se jeter au cou de ma mère et elle lui raconta tout ce qui venait de se passer. Ma mère ne repoussa pas celle que le saint avait absoute. Elle la consola, au contraire, de son mieux et lui recommanda de bien suivre les conseils du Curé d'Ars. Elle-même lui viendrait en aide en ces circonstances pénibles.

Les prédictions de M. Vianney s'accomplirent à la lettre : le petit garçon fut dans la suite tout ce que le serviteur de Dieu avait annoncé. »