VII

« Oui, vous ferez bien... »

 

Le 12 janvier 1924 mourait à la communauté Saint-Louis de Marseille le vénéré Frère Primaël-Joseph. Il s'éteignait dans sa quatre-vingt-neuvième année, conservant jusqu'à la fin un délicieux souvenir de jeunesse, paix et bonheur de tant d'années consacrées à l'éducation chrétienne de l'enfance.

 

Né à Lyon le 29 novembre 1835, Joseph-Marie Buchet avait eu une sainte pour marraine. Ses parents, employés aux travaux de la soierie, connaissaient Mlle Pauline-Marie Jaricot, la célèbre fondatrice de la Propagation de la Foi. Elle n'était pas, il est vrai, en France pour le baptême du petit. Emportée presque moribonde au sanctuaire de Mugnano, dans le royaume de Naples, où l'on vénère les restes de sainte Philomène, Mlle Jaricot y avait été guérie soudainement le lundi 11 août de cette année 1835. Elle ne reviendrait d'Italie qu'au mois de juin de 1836. Mais, ayant accepté avant son départ de France de tenir sur les fonts du baptême l'enfant des Buchet, elle avait été sa marraine par procuration. Et Joseph-Marie était fier de se dire son filleul.

Il devint ouvrier en soie, comme ses père et mère. Ces braves gens, chrétiens pratiquants, ne lui donnèrent que de bons exemples, que de vertueuses leçons. Et tout en travaillant à son métier, Joseph-Marie vit se dresser un idéal plus beau à l'horizon do son âme.

 

Dans sa vingt-deuxième année, il lui sembla entendre une voix intérieure qui l'appelait à la vie religieuse dans l'institut des Frères des Écoles Chrétiennes. Mais en même temps il se sentait envahi d'une secrète frayeur : serait-il capable de remplir un emploi chez les Frères, lui, l'humble petit canut sorti depuis dix ans déjà de l'école primaire ? Il fit confidence à sa mère de ses désirs et de ses craintes.

Non pas peinée mais déconcertée par des confidences si inattendues, Mme Buchet ne sut que dire à son grand fils « Va trouver le Curé d'Ars, et demande-lui son avis. »

 

Bientôt, Joseph-Marie partait pour Ars. Le 30 mars 1856, agenouillé près de M. Vianney, il lui découvrait son âme.

« Oui, lui répondit avec autorité le serviteur de Dieu, vous ferez bien d'être Frère des Écoles Chrétiennes. »

Un ange lui eût parlé, que le jeune homme n'eût pas regagné Lyon avec plus de paix et de certitude.

Dès le lendemain, 31 mars, notre jeune Lyonnais se présentait au noviciat de Caluire-lès-Lyon.

Jamais un doute ne lui revint sur sa vocation (1).

 

(1) D'après les notes du Cher Frère Pacifique de Jésus, rédacteur des Notices nécrologiques de l'Institut des Frères des Écoles Chrétiennes, communiquées du secrétariat de Paris, le 22 novembre 1924.