VIII

L'avenir d'un grand chrétien

 

Un des meilleurs et des plus éminents défenseurs de la foi catholique, M. de Gailhard-Bancel, s'éteignait saintement en mars 1936. Il avait, on peut le dire, consacré son existence entière à cet apostolat laïc tant recommandé par le pape Pie XI.

 

Né à Allex (Drôme), le 1er novembre 1849, étudiant en droit à la Faculté de Grenoble, dès sa jeunesse M. de Gailhard-Bancel s'était lancé dans la vie politique. Avocat, conseiller municipal, puis conseiller général, il était élu en 1899 député de l'Ardèche. Sauf une interruption de deux ans (1910-1912) il représenterait jusqu'en 1924 à la Chambre les catholiques Ardéchois. Au temps de la persécution religieuse soulevée par ce trop fameux Combes – dont le Curé d'Ars jadis avait prophétisé l'apostasie et le rôle néfaste – au temps du « régime abject » qui fit les « inventaires » brutaux et burlesques après avoir déchiré le Concordat, M. de Gailhard-Bancel s'était signalé à la tribune par ses ripostes vengeresses.

 

Ce champion du droit, ce chevalier de nos libertés religieuses fut en vérité la consolation et la gloire de sa noble famille.

Cela, le Curé d'Ars l'avait également prédit. M. l'abbé Maurice de Gailhard-Bancel, archiprêtre de la Motte-Chalançon (Drôme), a retrouvé dans les notes intimes de son père ce passage où il relata la grande grâce qui illumina son enfance et rayonnerait sur toute sa vie.

 

« Mon premier pèlerinage à Ars date de la fin de juin 1859, quelques semaines par conséquent avant la mort du saint Curé.

J'avais alors neuf ans et demi, et ma mère, préoccupée d'une grave maladie nerveuse qui risquait de me fermer les portes du collège de Mongré, voulait me conduire à M. Vianney pour lui demander ma guérison.

Sa confiance fut exaucée : ce pèlerinage d'Ars termina heureusement ma première enfance qui avait été pénible.

Grâce à M. et à Mme de la Bâtie, un vieux ménage que mes parents connaissaient et qui étaient venus se fixer à Ars pour se rapprocher du saint Curé, je pus sans difficulté approcher ce bon M. Vianney.

Pour m'éviter la longue attente à laquelle étaient condamnés les pèlerins qui se pressaient toujours nombreux autour du confessionnal, M. de la Bâtie me prit dans ses bras et m'y porta directement, au grand mécontentement de ceux qui attendaient.

Je pus me trouver plusieurs fois au premier rang des pèlerins qui faisaient la haie pour s'agenouiller au passage du saint Curé et recevoir sa bénédiction lorsqu'il allait de l'église au presbytère, puis revenait à l'église.

Il m'apposa plusieurs fois les mains sur la tête et dit à maman :

« Il guérira, il guérira, et il vous donnera beaucoup de consolation (1)»

 

Cette parole d'espoir, ou plutôt cette affirmation formelle fut pleinement justifiée. Quand elle fut rapportée au R. P. de Bouchaud, alors supérieur de Mongré, venant à l'appui de certificats médicaux encourageants, il accepta sans hésiter de me recevoir à la rentrée suivante.

 

C'est donc au saint Curé d'Ars que j'ai dû ma guérison et mon admission à Mongré, où j'ai reçu la solide éducation chrétienne qui a affermi celle du foyer familial. »

 

(1) C'est M. de Gailhard-Bancel lui-même qui a souligné ce passage dans son journal.