III

« Comme si vous deviez mourir. »

 

M. l'abbé Crude, qui dirigea à Sens un institut orthopédique, aimait à faire le pèlerinage d'Ars. Et au retour, il en contait les merveilles.

Un prêtre professeur de ses amis se montrait là-dessus passablement sceptique.

« Mais accompagnez-moi donc là-bas pendant vos vacances, lui dit un jour l'abbé Crude, agacé.

— Entendu ! »

Un certain mois d'août, les deux prêtres arrivaient au moment précis où finissait le catéchisme. Vite ils se placèrent entre l'église et le presbytère dans l'espoir de saluer M. Vianney.

La foule était dense comme toujours ; M. Crude et son ami se heurtèrent à une barrière de pèlerins.

Le saint paraît, avance d'un pas, puis aussitôt regarde dans la direction des nouveaux arrivants. Il fait un signe d'appel que seul des deux M. Crude peut apercevoir. Nouveau geste de la main.

« Mais, c'est bien vous qu'il demande, fait observer M. Crude à son compagnon. Il faut y aller. » Le professeur s'approche.

« Mon ami, lui dit, à mi-voix l'homme de Dieu, vous irez faire une retraite chez les Missionnaires Chartreux de Lyon, comme si vous deviez mourir. »

 

Et il appuya sur ces derniers mots.

Le professeur, profondément troublé, alla faire cette retraite. Trois mois après, il comparaissait au tribunal de Dieu (1).

 

(1) Nous tenons ce fait de M. l'abbé de Boissieu, supérieur do la maison de retraite de Vernaison (Rhône), qui l'a conté au presbytère d'Ars le 25 septembre 1931.