VI

Deux décès

 

En 1851, Mme André, qui demeurait à Lyon, 9, rue de la Bombarde, était partie pour Ars, sans bien réfléchir que sa belle-mère, déjà malade, ne pouvait guère se passer de ses soins. Et elle s'absentait au moins pour deux jours.

Certainement, M. Vianney n'avait jamais entendu parler de cette dame André, qui faisait le pèlerinage pour la première fois, pas plus que de sa belle-mère. La Lyonnaise entre à l'église, s'agenouille, se relève, examine l'assistance et se rend compte immédiatement qu'elle ne pourra aborder le confessionnal – car elle voudrait se confesser au serviteur de Dieu – non pas demain, mais peut-être après-demain dans la soirée. Et, malgré tout, elle prend son rang au fond de l'église.

 

Mais Dieu est bon, et quelque chose de sa bonté passe au cœur de ses plus grands amis, les saints. Là, à gauche de la nef, à l'entrée d'une étroite chapelle, Mme André remarque ce prêtre en surplis qui, du geste, l'appelle. Oui, c'est bien elle, l'étrangère, arrivée tout à l'heure, qu'il désigne !

 

Elle s'agenouille au confessionnal, suffoquée d'émotion.

« Mon enfant, lui dit aussitôt M. Vianney, il faut vite reprendre la même voiture. On vous attend à la maison. Votre belle-mère a besoin de vous. »

Mme André restait muette de surprise. Comment le Curé d'Ars savait-il ces choses si précises sur des personnes de lui totalement inconnues ?

« Elle ne mourra pas tout de suite, continuait le serviteur de Dieu. Mon enfant, il faut vous préparer par la prière : vous aurez une mort chez vous avant celle de votre belle-mère. »

On devine dans quels sentiments Mme André fit ensuite sa confession.

 

Les choses se passèrent comme l'avait annoncé le Curé d'Ars. Tandis que la malade continuait de languir, « le beau-père de Mme André mourut deux mois après cette prédiction, sans que rien n'eût pu le faire prévoir dans le moment qu'elle fut faite (1) ».

 

(1) Documents Ball, n° 104