VII

« Dans trois jours... »

 

En 1897, M. l'abbé Morin, curé de Lavigny, au diocèse de Saint-Claude, eut un entretien avec une dame Grand, de Beaufort. Il avait connu la famille de cette brave Jurassienne, veuve depuis bien longtemps déjà. Son mari, greffier du juge de paix à Saint-Amour, était mort du vivant même du Curé d'Ars. Ce triste événement remontait donc à environ quarante années, Mme Grand, heureuse de trouver à qui raconter ses peines, en expliqua à l'abbé Morin les étranges circonstances.

 

M. Grand n'était pas content de sa situation. Dans le petit chef-lieu de canton où l'administration l'avait envoyé, il se trouvait trop éloigné de ses parents ; et puis son traitement était plus que modeste ; enfin et surtout, le jeune fonctionnaire, bon chrétien, n'avait pas la liberté suffisante pour remplir ses devoirs religieux. Ses père et mère l'engageaient à patienter ; mais il était décidé à chercher autre chose.

Cependant, avant de démissionner, M. Grand résolut, encouragé en cela par sa femme, de consulter ce Curé d'Ars que l'on proclamait si saint et si éclairé.

Ils firent ensemble le pèlerinage, se confessèrent l'un et l'autre au serviteur de Dieu et lui exposèrent brièvement, chacun de son côté, le motif de leur voyage ; à tous deux M. Vianney fit une réponse identique : il n'y avait pas à s'inquiéter, puisque dans trois jours M. Grand aurait une autre place.

 

Confessés, communiés, les deux époux repartirent pour Saint-Amour pleinement rassurés.

Or, à peine de retour, M. Grand, saisi d'un mal subit, s'alita. Trois jours après, malgré tous les soins possibles, il rendait le dernier soupir (1).

 

(1) Documents Ball, no 159, d'après le récit de l'abbé Morin.