XI

La fille de Mme Larrivé

 

Une après-midi de l'été de 1852, Mme Larrivé quittait Lyon en compagnie de sa domestique, laissant à la maison sa fille fort bien portante et qui disait : « Maman, ne t'inquiète pas... Oui, reste huit jours à Ars. Cela te reposera et te fera du bien. »

Après un frugal diner dans une hôtellerie du village, Mme Larrivé, ne se sentant pas fatiguée, résolut d'imiter beaucoup d'autres femmes venues comme elle en pèlerinage : elle passerait dans le « vestibule du clocher » les heures qui précéderaient la réouverture de l'église. Ainsi elle aurait l'avantage d'apercevoir plus tôt le saint Curé et de prendre plus tôt son rang parmi les pénitentes.

Peu après minuit, une lanterne à la main, M. Vianney pénètre dans le vestibule et tire une clef pour ouvrir la porte qui donne accès à l'église même : il vient commencer sa rude journée de confesseur !

« Mon Père, lui dit à demi-voix Mme Larrivé qui a trouvé une place tout près de la porte, j'aurai le bonheur de passer huit jours ici.

— Oh ! pas tant que cela, mon enfant, répond le saint avec compassion. Repartez ce matin par la première voiture. Votre fille à Lyon réclame vos soins. »

L'étonnement de Mme Larrivé fut considérable. Sa fille malade, alors que, peu d'heures auparavant, elle était brillante de santé !... Mais le Curé d'Ars avait parlé. Elle repartit.

« À son retour à Lyon vers une heure de l'après-midi, rapporte M. Ball, elle trouva sa fille au lit par suite d'une mauvaise chute survenue accidentellement vers midi. »

Ainsi le Curé d'Ars, jouissant du don de prophétie, avait vu d'avance un accident dont une maison de Lyon serait le théâtre... Et la mère revenait à point pour soigner la pauvre enfant.

 

M. le chanoine Ball conclut dans son enquête : « Je tiens ce récit séparément et de Mme Larrivé et de sa fille qui fit la chute et qui s'appelle aujourd'hui Mme Garnier, domiciliée à Lyon, montée du Gourguillon, 31 (1). »

 

(1) Documents, n° 146