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TROISIÈME PARTIE.

DÉTAILS
SUR LA TRIPLE OUVERTURE DU TOMBEAU
DE LA SOEUR EMMERICH.


Immédiatement après la mort de la soeur Emmerich, un riche Hollandais s'adressa au gouverneur prussien à Munster, demandant à être autorisé, moyennant une somme considérable, à faire enlever le corps de la soeur et à le transporter en Hollande. Il passa quelques jours à Dulmen, et on sut dans la ville qu'il avait eu la pensée d'acheter le corps de la sainte stigmatisée. On accueillit sa proposition comme ou devait le faire. Ce fut probablement cette démarche qui donna lieu au bruit qui ne tarda pas à se répandre, que le corps avait été enlevé; ce fut à cette occasion qu'eut lieu la première ouverture du tombeau. Elle se fit sept semaines après la mort de la pieuse fille, dans le plus grand mystère, mais avec l'autorisation préalable du doyen Rensing, et par les soins d'une amie de la soeur, Mlle Louise Hensel, encore existante actuellement; c'est à une lettre qu'elle a eu l'obligeance de nous écrire dans le cours de l'automne 1858, et que nous sommes autorisé à reproduire, que nous emprunterons les détails de cette première ouverture.

" Ma chère et admirable amie, à laquelle je dois infiniment plus que je ne saurais le dire, étant morte le 9 février 1824, on m'invita à me rendre en toute hâte à Dulmen, afin de mettre en ordre son petit mobilier, et surtout de recueillir des reliques qu'elle s'était proposé de donner, après les avoir arrangées, à différentes églises ou chapelles. Malgré toute ma bonne volonté, je ne pus arriver à Dulmen qu'au bout de six semaines; là, mon premier soin fut de faire planter un rosier sur sa tombe. Cependant, ses amis me dirent que son corps avait été enlevé par un Hollandais. Je me décidai aussitôt à faire ouvrir secrètement le tombeau pendant, la nuit; je m'adressai pour cela à M. le vicaire Niessing, mort actuellement, qui m'accompagna au cimetière avec son beau-frère, le bon chaudronnier Meiners, mort aussi maintenant, car il était déjà très-vieux à cette époque ; le vieux fossoyeur ouvrit la tombe, remonta le cercueil et le déposa auprès de la fosse. Au moment où nous enlevions le couvercle, qui se dégagea sans peine de la coulisse, la lune sortit du sein des nuages, et je n'eus pas besoin de ma lanterne pour la contempler; elle était là, un sourire m&eac ute;lancolique sur les lèvres et comme endormie, serrée dans un drap à peu près comme un enfant emmaillotté, et ayant sur la tête un bonnet que je lui avais donné. Nous ne vîmes point sur son corps la moindre trace de putréfaction, tandis que le foin qu'on avait mis sous sa tête (on ne l'avait même pas couverte d'un linge), était presque entièrement moisi. Je baisai son front chéri, et soulevai sa tête : je remarquai alors que son cou était flexible, comme si elle eut encore été en vie; seulement, il se ressentait de l'humidité de la terre qui entourait le cercueil, car il pleuvait depuis longtemps. Nous lui mîmes sous la tête une plaque de plomb que Brentano avait fait graver par Meiners. Cette plaque, qui portait simplement le nom de la soeur et la date de sa mort, avait de quatre à six pouces tant en largeur qu'en hauteur, et une épaisseur assez consid&ea cute;rable; on doit l'avoir retrouvée dans la fosse. La nuit suivante; on fit une nouvelle ouverture du tombeau, sur l'ordre du président supérieur de Vincke, qui avait reçu à cet effet des instructions spéciales de Berlin ; à la suite de l'ouverture, le bourgmestre et sept témoins (au nombre desquels figurait le menuisier qui l'avait mise dans le cercueil), signèrent un procès-verbal, constatant que le corps (on sait qu'il n'y avait pas moins de sept semaines qu'il avait été mis en terre), ne portait pas la moindre trace de corruption, ni d'odeur cadavérique, et qu'on n'avait pas trouvé un seul ver. Le procès-verbal, signé par les témoins, fut envoyé au conseil-général de la province. Bien que mon pauvre rosier eût été déplanté et replanté coup sur coup, on put m'écrire dans le courant de l'été : " J amais on n'a vu de rosier aussi extraordinaire que celui que vous avez planté sur la tombe de la soeur; il a porté un nombre incroyable de fleurs. "

Dans une lettre postérieure, la même personne donne encore quelques détails sur l'ouverture officielle exécutée sur les ordres du président du conseil supérieur: " On croyait alors (et je pense qu'on ne se trompait guère), que l'ordre venait du ministère lui-même. Le feu roi (Frédéric-Guillaume III, mort en 1840.) s'intéressait beaucoup à la soeur ; il avait même une fois envoyé, pour la visiter, son médecin, M. de Wiebel, qui avait dit, sans se gêner, à la Poste, en présence du docteur Wésener et de Brentano, que plusieurs de ses collègues s'étaient rendus ridicules en parlant de fraudes à l'occasion de la sœur : il était facile de voir que ce corp s ne se conservait en vie que grâce à un miracle de tous les instants. Les personnes qui avaient assisté à la première ouverture du cercueil, s'étaient obligées par serment, à ne pas en dire un seul mot, de peur d'être forcées de déposer dans les enquêtes que l'on pourrait faire. "

A l'occasion de la troisième ouverture de la fosse, qui se fit le 6 octobre 1858, le notaire apostolique (c'était le chapelain Bernard Schweling), interrogea officiellement le fossoyeur actuel de Dulmen, Henri Schroer, sur les détails de la seconde. Voici la substance de sa déposition. Aux funérailles solennelles de la soeur Anne-Catherine Emmerich, que d'ailleurs il n'avait pas connue personnellement, il avait descendu le cercueil dans la fosse (il remplissait les fonctions de fossoyeur pour son beau-père, lequel était fort âgé à cette époque). Après a voir descendu le cercueil et avoir rempli la fosse de terre, il avait remarqué le lieu de la sépulture, en y enfonçant de petits bâtons. Au bout de sept semaines, le bourgmestre de Dulmen, M. Mollmann, vint l'éveiller une nuit, entre une et deux heures du matin, et lui ordonna de l'accompagner au cimetière. Il s'y trouvait plusieurs officiers de la police, et on lui intima l'ordre de désigner et d'ouvrir la tombe de la soeur Emmerich. Après avoir exécuté cet ordre, il retira le cercueil de la tombe avec l'aide du charpentier Witte, qui est mort depuis plusieurs années; et celui-ci, qui avait fait le cercueil avec son compagnon, également présent, l'ouvrit sur l'ordre des magistrats. Voici la suite de la déposition du fossoyeur : " Je vis dans le cercueil un cadavre de femme, enveloppé de blanc. Je remarquai au front une suite d'écorchures; les mains étaient enveloppées dans le drap, j'observai des cicatrices aux pieds. Le bourgmestre Mollmann et les autres témoins affirmèrent que c'était bien le corps de la soeur Anne-Catherine Emmerich. Là-dessus, on remit le corps dans le cercueil, on le descendit dans la fosse et on le recouvrit de terre. " Le témoin constata l'identité de la plaque de plomb que l'on trouva le 6 octobre 1858, avec celle qu'il avait vue lors de la seconde ouverture. Mlle, L. Hensel fait observer, touchant cette déposition, qu'elle n'avait pas vu, la nuit précédente, des taches de sang à la tête et aux pieds, et qu'aucune des personnes précédentes n'avait observé rien de semblable; mais il a pu très-bien se faire que ce phénomène se soit produit lors de la seconde ouverture.

Arrivons maintenant à la troisième et toute récente ouverture de la fosse. Il y a quelques années, un père de l'Or dre de Saint-Jean-de-Dieu, destiné, comme on le sait, à soigner les malades, le père Athanase Pelliccia, était venu visiter sa vieille mère qui se trouvait à Munster. Il parla de la grande vénération que l'on avait à Rome pour la soeur Emmerich, et s'étonna d'en entendre si peu parler en Westphalie. Il se procura de ses reliques, recueillit tous les détails possibles sur sa vie, ses souffrances, et les privilèges que Dieu lui avait accordés, et visita à plusieurs reprises la soeur Sontgen qui vivait encore à cette époque et avait été, durant de longues années, l'amie et la compagne d'Anne-Catherine. Il se rendit aussi à Dulmen afin de voir le tombeau de l'humble religieuse, s'étonna de n'y trouver même pas une croix, et fit connaître le projet qu'il avait conçu d'ouvrir, à son retour à Rome, une souscription à l'effet d'élever un petit monument sur le tombeau de la soeur. Sur ces entrefaites, il fut appelé à Ancône par ses supérieurs, et des Romains de la plus haute naissance se chargèrent de réunir les fonds nécessaires. Quand ils eurent été envoyés par les soins du P. Pelliccia, l'évêque voulut bien permettre d'élever, sur le tombeau, une simple croix gothique, et d'ouvrir la fosse avant de jeter les fondements du petit monument.

Plusieurs des amis de la soeur conservaient l'espérance de retrouver son corps intact. Il était nécessaire que l'ouverture de la fosse se fît en présence de témoins. Monseigneur l'évêque de Munster nomma, pour diriger les travaux, le notaire apostolique Bernard Schweling, chapelain de Saint-Lambert de Munster. Afin d'éviter l'éclat, on procéda à l'ouverture le 6 octobre 1858, au point du jour; c'était le jour de la tête de saint Bruno, le fondateur de ces Chartreux qui, jusqu'au commencement du siècle présent, possédèrent à Dulmen un riche et magnifique monastère. Les autres témoins qui assistaient à cette troisième ouverture, étaient MM. Cramer, doyen, Einhaus et Ruin, vicaires de Dulmen, Kluter, curé d'Angelmodde, Ohm, bourgmestre de la ville de Sprissen, conseiller du cercle judiciaire, Schweling, receveur des finances, et les deux docteurs, Wiesmann et Wésener, membres du conseil de salubrité; ce dernier était le fils du docteur Wésener, qui avait donné ses soins à la soeur durant les dix dernières années de son existence. On commença par enlever la pierre tumulaire, laquelle porte cette inscription :

ANNE-CATHERINE EMMERiCH,

RELIGIEUSE DE L'ORDRE DE SAINT-AUGUSTIN,

NÉE LE 8 SEPTEMBRE 1774, A FLAMSKE, PRÈS COESFELD,

MORTE A DULMEN, LE 9 FÉVRIER 1824;

puis on retira la terre avec beaucoup de précautions. On ne trouva plus rien du cercueil, à l'exception d'un clou. Quand, en procédant avec beaucoup de précautions, on fut arrivé aux ossements, on alla chercher à l'hôpital voisin du cimetière (l'hôpital Saint-François), deux soeurs de la Charité de la congrégation fondée par Mgr Droste de Vischering; elles prirent les ossements un à un, avec respect, et les présentèrent aux médecins, en finissant par le crâne, sous lequel était la plaque de plomb qui l'avait soutenu. Aussi il n'était pas détaché comme il arrive d'ordinaire, mais il tenait encore à la mâchoire inférieure. La plaque de plomb, carré long, ayant quatre pouces de haut sur six de large, portait cette inscription :

A. CAT. EMMERIK (note1) + 9 F. 1824 .

Note 1 : (C'est l'orthographe usitée dans le dialecte Westphalien)

et au-dessus la figure de la croix de Coesfeld Y.

Les deux médecins constatèrent que les os qu'on leur présentait appartenaient à un cadavre du sexe féminin, et les religieuses le replacèrent dans un cercueil neuf, en bois de chêne. On avait retrouvé à leur place toutes les parties du squelette, sauf des os extrêmement petits qui s'étaient détachés et perdus dans la poussière. Le crâne, la mâchoire inférieure avec les dents, les os des bras et des jambes, la plus grande partie de la colonne vertébrale et les côtes étaient parfaitement conservés. Vers les six heures du matin, l'opération était terminée; les .religieuses portèrent le cercueil à l'hôpital, accompagnées des personnes qui avaient assisté à l'ouverture; o n remit la plaque de plomb dans le cercueil, on le ferma, et on le scella avec soin. Cependant, on avait garni de briques le fond et les côtés de la fosse. Vers les deux heures de l'après-midi, le cercueil fut transporté de la chapelle de l’hôpital où on l'avait déposé d'abord, dans le corridor de la maison; un prêtre jeta dessus de l'eau bénite, et deux habitants de Dulmen le reportèrent au cimetière. La croix et les chandeliers marchaient en avant; derrière le cercueil venaient les sieurs de la Charité qui avaient assisté à l'opération du matin.

Comme on le pense facilement, on avait parlé dans la ville de l'ouverture du tombeau de la soeur; un grand nombre de personnes, qui conservaient précieusement son souvenir, étaient accourues et accompagnèrent ses restes dans le court trajet de l'hôpital au cimetière; plusieurs même se plurent &agra ve; jeter des fleurs dans la fosse. On la bénit de nouveau, puis on déposa le cercueil, au-dessus duquel on fit une voûte en brique. On mit, au-dessus de la voûte, l'ancienne pierre tumulaire, et, sur cette pierre, une croix modeste. La base porte, d'un côté, cette inscription :

ANNA-CATHARINA EMMERICH,

ORDINIS S. AUGUSTINI, NATA 8 SEPTEMB. 1774

OBHT 9 FEBRUAR 1824,

Et de l’autre

FIDELES ROMAE DEGENTES MOMENTUM

POSUERUNT 1858

Les tombeaux de ses amis, placés non loin du sien, sont :

1° à droite, et tout près, celui de son confesseur, avec cette inscription :

ICI REPOSE LOUIS-JOSEPH LAMBERG, EX-DOMINICAIN ET RECTEUR DE LA CHARTREUSE, NE LE 12 NOVEMBRE 1782, ET MORT LE 23 AVRIL 1854. - Les âmes des justes sont dans la main du Seigneur. Sap. III, 1.

2° Un peu plus loin, le tombeau du vicaire Niessing, avec cette inscription :

ICI REPOSE M. GASPARD NIESSING, VICAIRE DE DULMEN, NE LE 20 MARS 1779, MORT LE 30 JUIN 1854. -
Voici que je viens comme un voleur; heureux celui qui veille
. Ap. xv, 16.

3° Un peu plus loin, à droite, la tombe du docteur Wésener, avec l’inscription :

ICI REPOSE LE D. FRANC0IS-GUILLAUME WÉSENER,

NÉ LE 5 OCTOBRE 1782, MORT LE 6 MARS 1852. -
Le Christ est ma vie, et mourir m'est un gain. phil. I,20.

4° A gauche, enfin, est la tombe de M. Rensing, doyen de Dulmen ; on lui avait élevé une croix de bois, mais il n'en reste plus de vestige.

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