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HOMÉLIE XII. EPAPHRAS, QUI EST DE VOTRE VILLE, VOUS SALUE. C'EST UN SERVITEUR DE JÉSUS-CHRIST QUI COMBAT SANS CESSE POUR VOUS, DANS SES PRIÈRES, AFIN QUE VOUS DEMEURIEZ FERMES ET PARFAITS, ET QUE VOUS ACCOMPLISSIEZ PLEINEMENT CE QUE DIEU DEMANDE DE VOUS. CAR JE PUIS BIEN LUI RENDRE CE TÉMOIGNAGE QU'IL A UN GRAND ZÈLE POUR VOUS, ET POUR CEUX DE LAODICÉE ET D'HIÉRAPOLIS. (IV. 12, 13 JUSQU'A LA FIN.)
Analyse.
1. Tendresse de Paul pour ses frères.
2. Paul se glorifie de ses liens. Ses liens nous servent de leçon.
3. Bienheureux ceux qui pleurent!
4. Les larmes doivent être l'accompagnement des prières et des admonestations.
5. Le sacrement de mariage est le plus important de tous. Jésus-Christ et l'Eglise y sont représentés. Les courtisans et les baladins ne doivent point être admis à la célébration d'un mariage.
6. C'est Jésus-Christ accompagné des anges qu'il faut inviter à la célébration des noces.
7. Il faut donner à une jeune fille un mari probe et honorable plutôt que riche.
1. Au début même de cette épître, il recommande Epaphras, au nom de la charité. Car il a dit en commençant: « Epaphras, de qui nous avons appris aussi votre charité toute spirituelle». (Colos. I, 8.) Il fait ressortir aussi la charité d'Epaphras, et lui concilie la bienveillance des auditeurs, quand il le leur montre priant pour eux. Il le recommande, en rapportant tout d'abord ce qu'il demande à Dieu; car le respect qu'on a pour le maître est utile aux disciples. Il le recommande par ces mots : « C'est un d'entre vous ». Leur cité doit être fière de produire de tels enfants. « Il a prie sans cesse pour vous avec sollicitude ». Il ne se borne pas à prier, « il prie avec sollicitude », l'inquiétude et la crainte dans le coeur. « Je lui rends ce témoignage qu'il est plein de zèle pour vous ». Et Paul est un témoin digne de foi. « Il est plein de zèle pour vous », c'est-à-dire, il a pour vous beaucoup de tendresse et une ardente charité. « Et pour ceux de Laodicée et d'Hiérapolis »; il le leur recommande aussi. Il est vraisemblable qué les habitants de ces deux villes avaient déjà entendu parler du zèle qu'Epaphras avait pour eux ; mais cette lettre le leur apprenait encore. « Ayez soin », dit Paul, « que cette lettre soit lue aussi dans l'Eglise de Laodicée. Afin que vous demeuriez fermes et parfaits » (Colon. IV, 16), dit-il. Ces mots renferment une sorte de réprimande, un avis et un reproche sans amertume. Un homme peut être parfait, sans demeurer ferme dans la perfection; il peut, par exemple, être parfaitement instruit, mais vacillant dans ses croyances. On peut aussi, tout à la fois, manquer de perfection et de fermeté, si, par exemple, on n'a qu'une science incomplète et une croyance mal assise. Voilà pourquoi Epaphras demande à Dieu pour les Colossiens la perfection et la fermeté. Voyez comme il leur rappelle indirectement ce qu'il a dit des anges et de la vie chrétienne ! « Afin que vous accomplissiez pleinement tout ce que Dieu demande de vous ». C'est qu'il ne suffit pas de faire la volonté de Dieu. Quand une âme est bien convaincue de la nécessité d'obéir à Dieu, toute autre volonté que celle de Dieu perd sur elle son empire; autrement l'âme n'est pas pleinement convaincue. « Je lui rends ce témoignage qu'il est plein de zèle pour vous ». Il a du zèle, il en est plein. Il insiste sur le zèle d'Epaphras et sur l'ardeur de ce zèle. C'est ainsi que dans sa seconde épître aux Corinthiens, il dit : « J'ai pour vous un amour de jalousie, et d'une jalousie de Dieu ». (II Cor. XI, 2.) « Luc, le médecin, notre très-cher frère, vous salue (14) ». C'est saint Luc, l'évangéliste. Ce n'est pas pour le rabaisser, qu'il le met ici le dernier; c'est pour exalter Epaphras. Il y avait probablement d'autres personnes qui s'appelaient Luc. « Et Démas ». Après avoir dit : Luc, le médecin, il ajoute, « mon très-cher frère ». C'est un bien beau titre que celui de très-cher frère de saint Paul. « Saluez nos frères de Laodicée, et Nymphas, et l'église qui est dans sa maison ». Voyez comme il les encadre dans un même souvenir, non-seulement en les saluant tous ensemble, (170) mais en envoyant cette épître qui doit leur être lue. Puis il accorde à Nymphas un souvenir spécial et flatteur, et il a ses raisons pour cela, il veut inspirer à ses auditeurs le désir de l'imiter. C'est un grand honneur qu'il lui fait de ne pas le confondre avec les autres. Pour voir que c'était quelqu'un de considérable que ce Nymphas, jetez les yeux sur sa maison, sur cette maison qui est une église. « Et lorsque cette lettre aura été lue parmi vous, ayez soin qu'elle soit lue aussi dans l'Eglise de Laodicée (16) ». Je crois que la lettre de saint Paul aux Colossiens contient des détails qui devaient intéresser les Laodicéens. Et ces derniers n'en retiraient que plus dé fruits. Les avis donnés par saint Paul à leurs frères de Colosse leur faisaient faire un retour sur eux-mêmes. « Et qu'on vous lise aussi la lettre des Laodicéens ». Quelques interprètes voient dans cette autre lettre, non pas une épître de saint Paul aux Laodicéens, mais une épître des Laodicéens à saint Paul, puisque l'apôtre ne dit pas : Ma lettre aux Laodicéens, mais, la lettre des Laodicéens. « Dites à Archippe : Prenez garde au ministère que vous avez reçu du Seigneur, afin que vous en «remplissiez tous les devoirs (17) ». Pourquoi ne s'adresse-t-il pas directement à Archippe? Peut-être n'était-ce pas nécessaire, et suffisait-il de ce simple avis, pour ranimer son zèle. « Voici la salutation que j'ajoute ici, moi Paul, de ma propre main ». C'est là une preuve de tendresse sincère et du plaisir que devait causer aux Colossiens cette salutation écrite de la main de Paul. « Souvenez-vous de mes liens ». O liens consolateurs qui suffisent pour les exhorter en tout et pour les rendre plus forts ! Que dis-je? En les rendant plus forts, ces liens les attachaient davantage à l'apôtre. « La grâce soit avec vous ! Ainsi soit-il ». 2. C'est un grand éloge, c'est l'éloge le plus magnifique de dire, en parlant d'Epaphras « C'est un des vôtres; c'est un serviteur du Christ ». Saint Paul le représente comme un ministre de Dieu qui combat pour eux; c'est ainsi qu'il se représente lui-même comme un ministre de l'Eglise, comme dans ce passage où il dit : « Je lui ai prêté mon ministère, moi Paul ». (Colos. 1, 25.) Il appelle Epaphras au partage de cet honneur. C'est son compagnon dans le service de Dieu, a-t-il dit plus haut. C'est un serviteur du Christ, nous dit-il encore dans ce passage. « C'est un des vôtres». Il semble s'adresser à la cité qui est sa mère; il semble dire à cette cité C'est là fruit de tes entrailles. Mais un panégyrique aussi explicite aurait déchaîné l'envie. Voilà pourquoi, afin de le recommander aux Colossiens, il s'appuie sur ce qui les intéresse personnellement. C'est le moyen de conjurer l'envie. « Il ne cesse, d'avoir pour vous », leur dit-il, « une tendre sollicitude ». Et cela, non pas seulement quand il se trouve avec nous ou avec vous; car il n'y a pas chez lui d'ostentation. Il caractérise d'un mot le zèle et l'ardeur d'Epaphras. « C'est une tendre sollicitude ». Puis, pour que son langage ne soit pas suspect de flatterie, il ajoute : « Il a un grand zèle pour vous et pour ceux dé Laodicée et d'Hiérapolis». «Afin que vous demeuriez fermes et parfaits » . Ce n'est pas là de la flat. terie; c'est le signalement d'un maître respectable. Il faut que vous demeuriez fermes et parfaits, dit-il. En leur accordant l'une de ces deux qualités, il leur refuse l'autre. Il ne dit pas : Afin que vous soyez préservés de toute chute ; mais : « Afin que vous restiez fermes». Ces salutations font le bonheur de ces hommes qui, salués par leurs amis, se voient rappelés en même temps au souvenir de la cité. « Dites à Archippe de considérer le ministère qu'il a reçu de Dieu ». Il les met par là sous la dépendance absolue d'Archippe. Ils n'ont plus le droit de le critiquer, lorsqu'il les reprend, puisqu'ils lui donnent eux-mêmes plein pouvoir. Il est leur maître, et il n'est pas rationnel que les disciples se permettent de critiquer le maître. C'est donc pour leur fermer la bouche parla suite. qu'il leur écrit. « Dites à Archippe : Prenez garde à votre ministère ». C'est le ton de la menace. Il dit de même : « Gardez-vous des chiens ». ( Philip. 111, 2.) « Prenez garde qu'on ne vous égare prenez garde que cette liberté dont vous jouissez ne soit une occasion de chute pour les faibles». (Colos. II, 8; I Cor. VIII, 9.) Voilà comme il parle toujours, quand il veut inspirer une crainte salutaire. « Prenez garde », dit-il, « au ministère que vous avez reçu de Dieu afin que vous le remplissiez dignement ». Il ne le laisse pas; maître de ses actions. Il disait de même dans son épître aux Corinthiens : « Si je prêche l'Evangile de bon coeur, j'en aurai la récompense ; mais si je ne le fais qu'à regret, je dispense ce qui m'a été confié ». (I Cor. IX, 47.) « Afin que vous (171) accomplissiez pleinement, toujours avec zèle, tout ce que Dieu demande de vous ». Votre ministère, ce n'est pas de nous, c'est de Dieu même que vous le tenez. Et il les soumet au ministre de Dieu, en disant que c'est de Dieu même qu'il tient son ministère. « Souvenez-vous de mes liens. La grâce soit avec vous ! « Ainsi soit-il ». Il les affranchit de toute crainte. Leur maître a beau être chargé de fers; la grâce vient l'en délivrer. Et c'est encore un effet de la grâce que cet aveu de Paul qui proclame sa captivité. Ecoutez cette parole de saint Luc : « Les apôtres sortaient du conseil, pleins de joie; ils avaient été jugés dignes de souffrir cet outrage pour le nom de Jésus ». C'est qu'il est vraiment honorable d'être, pour le nom de Jésus, abreuvé d'outrages et chargé de fers. N'est-ce pas un bonheur de souffrir pour celui qu'on aime et surtout pour Jésus-Christ? Cela étant, ne supportons pas avec peine les afflictions pour le Christ, mais souvenons-nous des liens de Paul, et qu'ils nous servent de leçon. Prêchez-vous par exemple la charité au nom du Christ, rappelez-vous les liens de Paul, et déclarez que, vous et vos auditeurs, vous seriez des misérables de refuser du pain aux pauvres,quand Paul s'est laissé charger de liens pour l'amour du Christ. Vous êtes fier de vos bonnes uvres : souvenez-vous des liens de Paul, et vous verrez combien il est injuste que Paul soit chargé de liens, quand vous nagez dans les délices. Vous soupirez après les plaisirs songez à la prison de Paul: vous êtes son disciple, vous êtes son compagnon d'armes. Est-il rationnel que votre compagnon d'armes soit dans les fers, tandis que vous nageriez dans les plaisirs? Vous êtes dans l'affliction, vous vous croyez abandonné : écoutez les paroles de Paul, et vous verrez que l'affliction n'est pas un signe d'abandon. Vous voulez avoir des robes de soie : souvenez-vous des liens de Paul, et vos robes de soie auront moins de prix à vos yeux que des haillons. Vous voulez que l'or brille sur vos vêtements souvenez-vous des liens de Paul, et cet or vous fera l'effet d'un brin de jonc desséché. Vous voulez orner votre chevelure et paraître belle pensez au dénûment de Paul dans sa prison, et vous serez éblouie par l'éclat des vertus des apôtres, et tous ces ornements mondains vous sembleront hideux, et vous gémirez profondément, et vous envierez à Paul ses liens. Vous prend-il fantaisie de mettre du fard, et de recourir à de semblables moyens pour peindre votre visage? pensez aux larmes de Paul; il a passé trois ans à pleurer, nuit etjour, dans sa prison. Que de pareilles larmes vous servent d'ornement; elles donneront à votre visage un pur éclat. Je ne vous dis pas de pleurer sur les autres, je voudrais qu'il en fût ainsi, mais cette charité est au-dessus de vous. Tout ce que je vous demande, c'est de pleurer sur vos péchés. Vous avez donné l'ordre que votre enfant fût enfermé et vous êtes irritée : souvenez-vous de la prison de Paul, et votre colère s'arrêtera. Souvenez-vous que vous êtes du nombre des victimes, et non des bourreaux; du nombre de ceux dont le coeur est brisé, et non pas de ceux qui brisent le coeur des autres. Votre joie se répand au dehors, et vous poussez de grands éclats de rire : souvenez-vous des larmes de Paul, et vous gémirez; ces larmes-là vous rendront bien plus belle.. Vous avez vu ces hommes qui se livrent au plaisir et qui dansent : souvenez-vous des larmes de Paul. Est-il une source d'où l'eau jaillisse avec autant d'abondance que les larmes de ses yeux? Il dit, ailleurs : « Souvenez-vous de mes larmes » (Act. XX, 31), comme il dit ici : « Souvenez-vous de mes liens ». Et il avait raison de parler ainsi à ces prêtres qu'il faisait venir d'Ephèse à Milet; car il parlait. à des maîtres qu'il voulait rassembler autour de lui. Ici, au contraire, tout ce qu'il demande à ses auditeurs, c'est de savoir traverser les, épreuves. 3. Quelle source féconde pourrait être comparée aux larmes de Paul? Serait-ce celle qui venait du paradis et qui arrosait toute la terre? Mais ses larmes, à la différence de cette source, n'arrosaient pas la terre, elles arrosaient les âmes. Qu'on nous montre Paul pleurant et gémissant, ce spectacle sera bien préférable au spectacle de tous ces chants de théâtre,, malgré leur élégance et leurs couronnes de fleurs. Je ne parle point ici de vous; mais que l'on prenne sur la scène ou au théâtre un de ces débauchés qui ne. ressentent d'ardeur que pour la beauté -physique, qu'on lui. montre une vierge à la fleur de l'âge, plus belle et plus jolie que toutes ses compagnes, avec ses yeux doux et veloutés, avec des yeux souriants où la pudeur se mêle à la grâce, une vierge aux paupières soyeuses et frangées de cils d'ébène, une vierge au front pur et aux regards parlants, aux joues vermeilles comme le carmin (172) et lisses comme le marbre; puisque l'on me montre, à moi, Paul versant des larmes, je laisserai l'habitué du théâtre regarder la vierge, et je m'empresserai d'aller contempler Paul. Car c'est des yeux de Paul que jaillissent les rayons de la beauté immatérielle. La beauté matérielle transporte, brûle et enflamme le coeur de la jeunesse; la beauté spirituelle apaise les sens. Quand on voit ces yeux qui pleurent, les yeux de l'âme deviennent plus beaux, on met un frein à Sa sensualité, on se sent rempli de sagesse et de commisération, un coeur de bronze est capable de s'amollir. Ces larmes de Paul arrosent le sol de l'Eglise et engendrent des âmes. Ces larmes peuvent éteindre le feu qui dévore le corps et les sens ces larmes éteignent les traits enflammés de l'esprit malin. Songeons donc à ces larmes et nous nous rirons de tous les biens de la vie présente. C'étaient ces larmes que le Christ appelait des larmes bienheureuses, quand il disait : « Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu'un jour ils seront dans la joie ». (Matth. V, 5.) Voilà les larmes que versaient Isaïe et Jérémie. Isaïe disait : « Laissez-moi partir; laissez-moi répandre des larmes amères ». (Is. XXII, 4.) Jérémie disait . « Qui changera mes yeux en deux sources de larmes » (Jér. IX, 1), comme si la source naturelle de ces larmes ne lui suffisait pas. Rien de plus doux que de pareilles larmes; elles sont plus douces que le rire de la gaîté. Ils savent bien, ceux qui pleurent, quelle consolation on éprouve à pleurer. Ne demandons pas à Dieu d'éloigner de nous les larmes; demandons-lui plutôt de pouvoir pleurer. Souvenons-nous de ces larmes et de ces liens pour avoir le coeur content, en pensant aux pécheurs. Les larmes de Paul coulaient donc sur ses liens; mais la mort de ses bourreaux l'empêchait de goûter le charme de ces mêmes liens. Il pleurait sur ces bourreaux, en vrai disciple de Celui qui pleurait sur le sort des prêtres juifs , non pas parce qu'ils devaient le faire mettre en croix, mais parce qu'ils devaient périr. Non content d'agir ainsi, le maître exhorte ses disciples à l'imiter, en disant : « Ne pleurez pas sur moi, filles de Jérusalem ». (Luc, XXIII, 28.) Oui, les yeux de Paul ont contemplé le paradis, ils ont contemplé le troisième ciel; mais, selon moi, ils sont moins heureux encore d'avoir eu ce privilège que d'avoir versé les larmes, à travers lesquelles ils ont vu le Christ. Voilà ce qui a fait leur véritable bonheur; car Paul lui-même se vante d'avoir joui de ce spectacle, en ces termes : « N'ai-je pas vu Jésus-Christ Notre-Seigneur? » (I Cor. IX, 1.) Mais c'est un plus grand bonheur encore de pleurer, comme Paul pleurait. Beaucoup ont été admis à voir le Christ, et ceux qui n'y ont pas été admis sont aussi proclamés heureux par le Christ, qui s'écrie: «Bienheureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru ! » (Jean, XX, 29.) Mais peu de gens ont obtenu ce privilège. Si, en effet, pour travailler au salut de ses frères, mieux vaut rester sur cette terre que de trouver dans la mort un moyen de se réunir au Christ, il est encore plus nécessaire de gémir pour sauver ses frères que de voir le Christ. S'il est plus désirable d'être dans la géhenne pour ses frères que d'être avec le Christ, il est plus désirable aussi d'être séparé du Christ pour l'amour de ses frères que d'être avec lui. C'est ce que disait saint Paul « Pour mes frères, je voudrais être anathème et séparé du Christ ». (Rom. IX, 3.) A plus forte raison doit-on désirer d'être condamné aux larmes pour ses frères. Je n'ai pas cessé, dit l'apôtre , d'avertir chacun de vous, en pleurant. (Act. XX, 31.) Pourquoi? Ce n'était point par crainte des périls. Mais, semblable à un ami qui , assis au chevet d'un malade, ignore comment tout cela finira, et qui pleure, parce qu'il tremble pour les jours de son ami, saint Paul pleurait sur les âmes faibles que ses avis ne pouvaient ramener. C'est ce que faisait le Christ , qui voulait voir si ses larmes seraient respectées. Rencontrait-il un pécheur, il l'avertissait. Le pécheur s'éloignait, en lui crachant au visage ; alors le Christ pleurait, pour le ramener à lui. 4. Souvenons-nous de ces larmes. C'est ainsi que nous devons élever nos fils et nos filles. Pleurons sur eux, quand nous les voyons en proie à la maladie du péché. O femmes, qui voulez être aimées, souvenez-vous des larmes de Paul, et gémissez; ô femmes si heureuses aux yeux du monde, vous qui goûtez les douceurs de l'hymen et qui vivez au sein des plaisirs, souvenez-vous de ces larmes; vous tous qui êtes dans le deuil, échangez vos larmes contre celles de l'apôtre. Ce n'était pas sur les morts qu'il pleurait; c'était sur les vivants qui couraient à leur perte. Dois-je citer d'autres exemples? Il pleurait aussi, Timothée, le disciple de l'apôtre, et voilà pourquoi saint Paul lui (173) écrit : « Je me souviens de tes larmes, quand je veux goûter une joie sans mélange ». (II Tim. I, 25.) Bien souvent aussi , c'est la joie qui fait couler les larmes. Alors c'est un plaisir, c'est un grand plaisir de pleurer. De pareilles larmes ne sont ni, brûlantes ni amères; elles ne prennent point leur source dans une douleur mondaine; de pareilles larmes sont autrement précieuses que les larmes arrachées par les plaisirs terrestres. Ecoutez cette parole du Prophète : « Le Seigneur a entendu mes pleurs ». (Ps. VI, 9.) Les larmes sont-elles jamais inutiles? N'ont-elles pas leur utilité dans les prières, dans les avis? Nous les blâmons, nous autres, parce que nous ne savons pas nous en servir. Consolons-nous un frère d'une faute qu'il a commise ? pleurons et gémissons. Perdons-nous notre temps à conseiller un sourd qui court à sa perte? pleurons encore. Ces larmes-là sont celles de la sagesse. Mais que la pauvreté, la maladie et la mort ne fassent pas couler nos larmes; car elles ne les méritent pas. Nous blâmons le rire hors de saison; nous blâmons les larmes répandues mal a propos. La vertu ne se montre dans tout son lustre que lorsqu'elle est bien employée. Le vin a été donné à l'homme pour l'égayer et non pour l'enivrer; le pain a été donné à l'homme pour le nourrir; l'union des sexes a été donnée à l'homme pour propager son espèce. L'abus de tous ces dons est blâmable ; l'abus des larmes est blâmable. Posons, en principe, que les larmes ne doivent être employées que dans les prières et dans les admonestations; dans ces deux cas, il faut appeler les larmes. Rien ne lave mieux les souillures du péché. De plus, elles rehaussent la beauté, en inspirant la compassion; elles donnent à la physionomie une teinte grave et honnête. Rien de plus sympathique que des yeux en pleurs. L'oeil est le plus noble et le plus beau des organes ; c'est l'organe de l'âme. A travers ces yeux en larmes , c'est l'âme que nous voyons pleurer et c'est ce qui cause notre émotion. J'ai un but, en vous tenant ce langage c'est de vous éloigner de ces noces, de ces danses, de ces choeurs où règne une licence qui est l'oeuvre du démon. Voyez , en effet, ce que l'esprit du mal a imaginé. La nature elle-même écarte les femmes du théâtre et de ses peintures déshonnêtes; voilà pourquoi le démon a introduit dans le gynécée des hommes efféminés et des courtisanes. Cet abus a été amené par je ne sais quelle loi nuptiale; mais pourquoi parler de loi nuptiale? Il a été amené par notre mollesse. O homme ! pourquoi agir ainsi? Vous ne savez ce que vous faites. Vous vous mariez parce que vous voulez mener une vie honorable et avoir des enfants. Pourquoi donc ces courtisanes? Pour égayer les noces, dites-vous. Mais n'est-ce pas une folie? N'est-ce pas une insulte que vous faites à votre épouse et aux femmes que vous invitez ? Et si elles trouvent du plaisir à cela, c'est un plaisir honteux. Mais, si la vue de ces courtisanes éhontées et sans pudeur est un spectacle si magnifique, pourquoi n'en faites-vous pas jouir votre épouse, pourquoi l'en éloigner? Ah ! quelle infamie d'introduire chez vous des danseurs efféminés et toutes les pompes de Satan ! « Souvenez-vous des liens de Paul ». Le mariage aussi est un lien, un lien d'institution divine , tandis que la courtisane. est le type de la dissolution. Il est d'autres moyens d'égayer les noces. On fait bonne chère, on fait toilette; je ne le défends pas, pour ne point avoir l'air d'un sauvage. Pourtant Rébecca, ce jour-là, parut avec ses vêtements de travail. Mais enfin je vous permets ces extra. Mettez vos habits de fête; livrez-vous à la joie en bonne compagnie. Mais à quoi bon de monstrueux plaisirs? Quels propos entendez-vous sortir de la bouche de ces bouffons? Vous rougiriez de les répéter. Quoi ! vous en rougissez et vous les provoquez? Si vous admirez ces baladins , pourquoi ne faites-vous pas comme eux ? S'ils vous font rougir, pourquoi les forcer à parler comme ils parlent? Il faut observer en tout les lois de la tempérance, de la modestie, de la dignité et de la décence, et, dans vos têtes, que voit-on? Des baladins qui sautent comme des chameaux et des mulets. La jeune mariée ne doit connaître que le lit nuptial. Mais elle est pauvre, dites-vous. Eh bien, c'est pour elle une raison d'être modeste et honnête. La vertu doit lui tenir lieu de richesse. Mais elle ne peut apporter de dot. Pourquoi donc voulez-vous la pervertir et la rendre tout à la fois pauvre et méprisable? Qu'elle ait auprès d'elle d'autres jeunes filles, ses compagnes; qu'elle ait auprès d'elle de jeunes mariées dont elle va grossir le nombre, à la bonne heure ! et voilà qui est convenable. Il y a là, en effet, deux troupes ; la troupe des jeunes filles, la troupe des jeunes mariées. La (174) première remet la fiancée entre les mains de la seconde. La fiancée est là, entre ces deux troupes : elle n'est plus jeune fille, elle n'est pas encore femme. Elle est en train de passer d'une classe dans une autre. Mais pourquoi ces courtisanes? Elles devraient, quand il y à un mariage, se cacher sous terre ; car leur métier est l'abus dégradant de l'union des sexes, et malgré cela, nous les admettons à nos noces ! Quoi que vous fassiez, vous vous gardez bien de prononcer même une parole qui pourrait être en contradiction avec ce que vous faites. Quand vous semez, quand vous mettez la vendange sous le pressoir, vous êtes sourd à toute parole qui peut faire une allusion quelconque à l'ivraie et au vin tourné. Et dans un moment où il faut du sérieux et de la modestie, vous amenez chez vous la lie de la société ! Etes-vous occupé à composer un parfum ; vous éloignez de vous toute odeur malsaine. Eh bien ! le mariage est un parfum ; pourquoi cette boue nauséabonde que vous laissez entrer chez vous lorsqu'il se prépare? Eh quoi! cette jeune mariée danse, sans rougir, pour cette autre jeune fille qui lui fait vis-à-vis. Elle devrait cependant être encore plus sérieuse et plus modeste qu'elle, puisqu'elle sort des bras de sa mère et non d'une école de danse. Je dis même qu'une jeune fille ne devrait jamais figurer à un bal de noce. 5. Dans le palais d'un roi, les personnages de distinction se tiennent à l'intérieur et entourent la personne du souverain ; les autres se tiennent en dehors. Restez donc chez vous auprès de votre femme. Et vous, jeune femme, restez aussi maintenant chez vous, ne faites point parade de votre virginité. Il y a près de vous deux troupes; l'une qui montre dans quel état elle vous remet entre les mains de l'autre, l'autre chargée de veiller sur vous. Pourquoi cette tache que vous imprimez à votre virginité ? Si votre extérieur est si peu décent , votre époux vous jugera sur votre extérieur. Car c'est toujours une honte d'avoir de mauvaises manières, fût-on la fille d'un roi. Qui vous empêche d'être digne? Est-ce votre pauvreté? Est-ce votre humble condition ? Mais une jeune fille, quand même elle serait esclave, doit avoir de la réserve. « Car, en Jésus-Christ, il n'y a ni esclave, ni homme libre». (Gal. III, 28.) Est-ce que le mariage serait un théâtre ? Non, c'est un mystère qui représente une grande chose. Si vous ne respectez pas le mariage, respectez au moins ce qu'il représente. « Ce sacrement est grand en Jésus-Christ et en l'Eglise », dit l'apôtre. (Ephés. V, 32.) C'est Jésus-Christ et l'Eglise qu'il représente, et vous amenez des courtisanes à la célébration de ce mystère ! Mais, dites-vous, si les jeunes filles, si les jeunes mariées ne dansent pas, qui donc dansera? Personne. La danse n'est pas chose si nécessaire. Chez les gentils, la danse entrait dans la célébration des mystères; mais nos mystères à nous demandent le silence, la décence et le sérieux, la réserve et la modestie. Un grand mystère est en train de s'accomplir; hors d'ici les courtisanes ! Hors d'ici les profanes ! Mais quel est ce mystère? Ce sont deux créatures humaines qui s'unissent pour n'en former qu'une seule. Pourquoi, à l'arrivée des deux époux, n'y a-t-il ni danses, ni bruit de cymbales? Pourquoi ce silence profond? Et quand ils s'approchent l'un de l'autre, en représentant non pas une froide image terrestre, mais l'image même de Dieu, pourquoi ce désordre qui jette le trouble dans l'assemblée et qui souille les âmes ? Voilà deux êtres qui viennent s'unir, pour ne faire qu'un seul être ! C'est un mystère de charité qui commence ! Tant qu'ils ne seront pas unis, tant qu'ils continueront à former deux êtres séparés, ils ne pourront donner la vie à une foule d'autres êtres ; leur union seule produira cet effet. Nous voyons, par là, combien l'union est puissante. Dès l'origine du inonde, le grand Ouvrier a fait deux créatures de la seule créature humaine qui existât. Et, pour montrer que cette séparation ne les empêche pas de ne faire qu'un, il n'a pas voulu que chacun des deux, en particulier et à lui seul, pût travailler à l'oeuvre de la génération. Car l'un de ces deux êtres, quand il n'est pas joint à l'autre, n'est pas entier; il ne forme que la moitié d'un tout. Et voilà pourquoi il est inhabile à procréer. Avez-vous fait attention au mystère du mariage? Dieu s'est servi d'une créature humaine, pour en faire une autre, puis il a réuni ces deux créatures et n'en a fait qu'une. Voilà pourquoi on peut dire que c'est un seul être qui en produit un autre. Car le mari et la femme ne sont pas deux êtres distincts; ils ne sont qu'une chair, et à l'appui de cette vérité, on peut citer bien des preuves. On peut citer Jacob, on peut citer Marie, la mère du (175) Christ; on peut citer cette parole: « Dieu les a faits mâle et femelle ». (Gen. I, 27.) Si l'un est la tête et l'autre le corps , comment formeraient-ils deux êtres séparés? La femme, c'est l'écolière; le mari, c'est le maître. Le mari, c'est le chef; la femme, c'est l'être qui obéit. La manière dont elle a été créée vous fera voir qu'elle ne fait qu'un avec son époux; elle a été tirée d'une côte de l'homme, et tous deux sont, pour ainsi dire, les deux moitiés d'un tout. Voilà pourquoi l'homme la regarde comme son aide. Voilà pourquoi la femme quitte père et mère pour s'attacher de préférence à l'homme auquel elle va s'unir, avec lequel elle va vivre. Et un père lui-même se plaît à établir son fils et sa fille, à serrer les noeuds de ce mariage qui va rendre à un être une partie de lui-même. Que de dépenses ! Quelle perte d'argent pour ce père, avant d'en venir là ! Mais qu'est-ce que cela fait? Ce père serait inconsolable,, s'il n'établissait pas ses enfants. Chacun d'eux, en effet, quand il reste isolé, est comme une chair séparée de sa chair; c'est un être incomplet qui ne peut procréer; c'est un être incomplet qui n'a pas encore organisé sa vie. De là ce mot du Prophète : « C'est le reste de ton âme ». (Malach. II, 15.) Mais comment ne font-ils qu'une chair ? C'est comme si vous détachiez d'un lingot d'or ses parcelles, les plus pures pour les mêler à un autre lingot. De même ici, c'est la partie la plus onctueuse du sang de l'homme que le plaisir verse dans le sein de la femme où elle se trouve développée, en se mêlant aux germes que la femme fournit. Et l'enfant joue, entre le mari et la femme, le rôle de trait d'union. Voilà donc trois êtres qui ne font qu'une chair, et dont l'un sert de lien entre les deux autres. C'est comme si deux cités, divisées par un fleuve, étaient réunies en une seule par un pont. Dans la circonstance qui nous occupe, l'union est la même, que dis-je? elle est plus intime. Car le trait d'union est de la même nature que les deux objets unis. Les deux êtres ne font donc qu'un seul être, comme le tronc accompagné des membres ne fait qu'un même corps avec la tête. C'est le cou seul qui les sépare ; encore les unit-il autant qu'il les divise, en se trouvant au milieu d'eux. C'est comme si un chur, après s'être séparé en deux moitiés, se recomposait avec ses membres pris à droite et à gauche. Aussi ce mot : Ils ne feront qu'une chair, est-il exact. C'est leur enfant qui produit cette union intime. Mais que dis-je? Quand même ils n'auraient pas d'enfant, ils ne formeraient pas encore deux êtres distincts. Et le motif en est clair. C'est la cohabitation qui confond ces deux individualités en une seule ; c'est le parfum qu'on jette dans l'huile et qui s'y incorpore, de manière à ne faire qu'un avec elle. 6. Bien des gens, je le sais, sont choqués de mes paroles. Mais ce qui m'a fait aborder ce sujet, ce sont les abus introduits par la débauche et par l'impudeur. Oui, la manière dont se font les noces, ces habitudes dépravées et corrompues dégradent le mariage. « Car les noces en elles-mêmes sont honorables, et le lit nuptial est immaculé ». (Hébr. XIII, 4.) Pourquoi donc avoir honte de ce qui est honorable ? Pourquoi rougir de ce qui est immaculé? C'est aux hérétiques de rougir; c'est à ceux qui amènent des courtisanes. Je veux purifier le mariage pour lui rendre sa noblesse, pour fermer la bouche à l'hérésie. On a déshonoré une institution qui est un présent divin,-qui est la source du genre humain; on y a jeté du limon et de la boue. Purifions cette source, en appelant la raison à notre aide. Un peu de courage ! Quand on ne craint pas la boue, on ne doit pas en craindre l'odeur. Je veux vous montrer que ce n'est pas le mariage, mais l'abus que vous y introduisez qui doit vous faire rougir. Vous n'avez qu'une mauvaise honte et vous condamnez Dieu qui a institué le mariage. Je vais vous dire ce que c'est que ce sacrement de l'Église. C'est le Christ qui vient trouver l'Église, l'Église née de lui et à laquelle il s'est uni par des liens spirituels. « Car je vous ai fiancés », dit l'apôtre, « à cet unique époux qui. est le Christ, pour vous présenter à lui comme une vierge toute pure ». (II Cor. XI, 2.) Voyez comme il déclare que nous appartenons au Christ, que nous sommes les membres de ses membres, et la chair de sa chair. Livrons-nous à ces réflexions et respectons ce mystère sublime. Eh quoi ! le mariage vous représente Jésus-Christ, et vous vous enivrez ! Dites-moi , si vous aviez devant vous l'image du souverain, ne la respecteriez-vous pas ? Ah ! sans doute, vous la respecteriez. On semble n'attacher aucune importance à la manière dont on se comporte quand on assiste à un mariage, et pourtant cette indifférence à (176) des suites désastreuses. Ce ne sont qu'habitudes impies. « Point de paroles déshonnêtes », dit saint Paul, « point de paroles insensées ou bouffonnes ». (Ephés. V, 4.) Et pourtant, quand on assiste à une noce, on n'entend que propos déshonnêtes, insensés ou bouffons. Cette habitude est devenue un art qui fait honneur à celui qui l'exerce : oui, le vice est devenu un art. Et cet art, nous ne le pratiquons pas à la légère; nous déployons, en l'exerçant, notre application et notre science. Et d'ailleurs, c'est le démon en personne qui commande et qui dirige ces troupes de bouffons. Car la débauche loge à la même enseigne que l'ivresse : là où circulent les propos obscènes, le démon prend toutes ses aises. A ces repas de noces, avez-vous bien le coeur, je vous le demande, d'invoquer le démon, en célébrant les mystères du Christ ? Vous me trouvez peut-être fâcheux et importun , car c'est encore l'effet de votre perversité extrême de tourner en ridicule l'austérité de vos censeurs. Eh ! n'entendez-vous pas saint Paul qui vous dit : « Quoi que vous fassiez, que vous mangiez ou que vous buviez, agissez toujours pour la gloire de Dieu?» Vous, au contraire, vous vous occupez à dire de mauvais propos et des infamies. N'entendez-vous pas cette parole du Prophète : « Servez le Seigneur avec une crainte respectueuse et avec une allégresse mêlée de terreur? ». (Ps. II, 11.) Vous, au contraire, vous vous plongez dans la mollesse. Ne pouvez-vous donc pas vous livrer à des plaisirs sans danger? Voulez-vous entendre de mélodieux accords? Certes vous n'en auriez pas besoin; mais je me plie à votre faiblesse, si vous voulez; au lieu des concerts de Satan, écoutez les concerts des anges. Voulez-vous voir des danses? Contemplez celles des anges. Et comment faire pour les voir? me direz-vous. Pour cela vous n'avez qu'à chasser tous ces musiciens, tous ces danseurs profanes. Alors le Christ viendra à vos noces; or le Christ est toujours accompagné du choeur des anges. Il opérera, si vous voulez, des miracles, comme autrefois; il changera encore l'eau en vin et fera d'autres prodiges. Cette joie dissolue, ces désirs qui bientôt vous laissent froids, se changeront bientôt en joie spirituelle. Voilà ce qui s'appelle changer l'eau en vin. Là où sont vos joueurs de flûte le Christ ne paraît pas; mais entre-t-il dans la salle, il les chasse et opère des miracles. Quoi de plus choquant que ces pompes de Satan, où il n'y a que confusion , où, s'il n'y a pas confusion, il n'y a que honte et amertume? 7. Rien de plus doux que la vertu ; rien de plus suave que la tempérance ; rien de plus désirable que l'honneur. Que les noces soient telles que je le demande, et l'on verra quel plaisir on y trouve. Faites bien attention aux conditions que je pose: pour une jeune fille, il faut, avant tout, chercher un mari qui puisse être à la fois son époux, son protecteur et son tuteur. Il y a là un corps sur lequel il faut mettre une tête. Ce n'est pas une esclave que vous donnez à un maître; c'est votre fille à laquelle vous allez donner un époux. Ne cherchez ni la richesse, ni la splendeur de la naissance, ni l'éclat du berceau ; tout cela est superflu ; mais demandez chez l'époux de votre fille, la piété, la douceur, la véritable sagesse, la crainte de Dieu, si vous voulez que votre fille soit heureuse. En courant après la richesse, loin de faire le bonheur de votre fille, vous ferez son malheur; car, de libre qu'elle était vous la rendrez esclave. L'or n'est point aussi doux que la servitude est amère. Ne cherchez donc pas tous ces vains avantages; donnez à votre fille un mari de sa condition. Si la chose est impossible, cherchez un mari plutôt pauvre que riche, si vous ne voulez pas pour votre fille un maître, mais un époux. Quand vous l'aurez bien choisi, quand vous serez décidé à lui donner votre fille, priez le Christ d'honorer cette union de sa présence; il ne s'y refusera pas; car c'est lui qui doit être présent dans ce mystère. Et priez-le de vous donner, pour votre fille, l'époux que vous demandez. Ne restez pas au-dessous de l'esclave d'Abraham qui, parti pour un si long voyage, sut deviner à qui il devait avoir recours et vit son entreprise couronnée d'un plein succès. Si vous flottez dans l'incertitude, si vous n'êtes pas encore fixé, ayez recours à la prière et dites à Dieu : Que votre volonté et votre prévoyance me viennent en aide. Reposez-vous sur lui de toute cette affaire. De cette manière, vous l'honorerez et il vous récompensera. Il y a ici deux chose à faire : il faut confier à Dieu les intérêts de votre fille; il faut lui chercher un mari selon Dieu, c'est-à-dire un homme probe et honorable. Au moment de la célébration, n'allez pas de maison en maison emprunter des miroirs et des objets de toilette. Le (177) mariage n'est pas une affaire d'ostentation; vous ne menez pas votre fille à la parade. Contentez-vous des ressources que vous trouvez chez vous, invitez vos voisins, vos amis et vos parents; invitez tous les gens de bien, tous les gens honnêtes que vous connaissez, et priez-les de se contenter de ce que vous leur offrez. Point de danseurs de profession : c'est une dépense superflue et peu honorable. Avant tout, invitez le Christ à ces noces, vous savez quels sont ses représentants ici-bas. Le bien que vous ferez, dit-il, au plus humble d'entre vous, c'est à moi que vous le ferez. (Matth. XXV, 45.) Ce n'est pas, gardez-vous de le croire, un ennui et une corvée d'inviter les pauvres pour l'amour du Christ; mais c'est une corvée bien lourde d'inviter des courtisanes. Inviter les pauvres est un moyen de s'enrichir; inviter les courtisanes est un moyen de se ruiner et de se perdre. Donnez à la jeune mariée, pour parure, non pas des robes enrichies d'or, mais des vêtements ordinaires dont la pudeur et la bonté rehaussent l'éclat. Au lieu de vêtements brodés d'or, qu'elle revête la pudeur et la décence, sans rechercher les parures mondaines. Point de bruit, point de désordre. Qu'on appelle le fiancé et qu'on remette entre ses mains la jeune fille. Que la sobriété, que la pure allégresse de l'âme règnent au festin. De telles noces seront la source d'une foule d'avantages et ne compromettront pas votre existence. Mais les noces, pour ne pas dire les parades matrimoniales d'aujourd'hui , de combien de maux ne sont-elles pas la source? Le festin est terminé et, tout aussitôt, on s'inquiète, on a peur que quelque pièce d'argenterie prêtée ne se retrouve pas, et voilà la gaieté qui fait place à une insupportable inquiétude. Mais cette inquiétude et ce chagrin, direz-vous, sont pour la personne chargée de l'ordonnance du repas. Ah ! la nouvelle mariée elle-même n'en est pas exempte. Que dis-je? tous les désagréments qui surviennent ensuite, deviennent son partage. Cette ruine complète, quel sujet de tristesse ! Cette demeure livrée à l'abandon, quel sujet de chagrin l d'un côté le Christ, de l'autre le démon; d'un côté l'allégresse, de l'autre l'inquiétude; d'un côté le plaisir, de l'autre la douleur; d'un côté la dépense, de l'autre rien qui y ressemble; d'un côté l'opprobre et la honte, de l'autre la modération; d'un côté l'envie, de l'autre absence complète de jalousie; d'un côté l'ivresse, de l'autre la sobriété, le salut, la sagesse. Réfléchissons à tous ces détails et arrêtons-nous dans cette mauvaise voie où nous sommes soyons agréables à Dieu et montrons-nous dignes d'obtenir les biens promis à ceux qui l'aiment, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, auquel, conjointement avec le Père et le Saint-Esprit, gloire, honneur et puissance, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.
Traduit par M. BAISSEY.
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