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CHAPITRE SEPTIÈME. 1. « ET IL ARRIVA PENDANT LES JOURS D'ACHAZ, FILS DE JOATHAN, FILS D'OZIAS, ROI DE JUDA. »
ANALYSE.
1. Dieu se sert des prophéties déjà accomplies pour faire croire à celles qui ne recevront que dans un temps éloigné leur accomplissement. Quelquefois, comme dans le Nouveau Testament, il unit un miracle et une prophétie, afin que ceux qui voient le miracle ajoutent foi à la prophétie, et que ceux qui seront témoins de la réalisation de la prophétie croient aussi au miracle opéré en union avec la prophétie.
2 et 3. Prédiction de la ruine d'Ephraim et de la Syrie.
4-7. Promesse de l'Emmanuel : C'est pourquoi le Seigneur vous donnera lui-même un signe. Voici que la Vierge concevra dans son sein et enfantera un fils auquel on donnera le nom d'Emmanuel, etc. Commentaire très-intéressant de cet important passage.
8-9. Prédiction de l'invasion des Assyriens.
1. Je répéterai ici ce que j'ai déjà dit bien des fois, que le but des prophéties n'était pas seulement d'apprendre aux Juifs l'avenir, mais de faire en sorte que cette connaissance leur fût avantageuse, que la crainte causée par les menaces les rendît plus sages, que l'espoir des récompenses les rendît plus zélés pour la vertu et qu'ils connussent par là quelle est la puissance et quelle était la providence de Dieu sur eux. Telle est la raison de l'espèce de prologue qui ouvre cette prophétie ; c'était pour empêcher de croire que ces événements arrivaient (387) au hasard et sans règle, d'après le cours de la nature ou un certain ordre des choses, et apprendre aux Israélites qu'ils étaient dirigés d'en-haut et par la volonté de Dieu, ce qui devait singulièrement les aider à connaître Dieu. Mais comme, ce que du reste j'ai déjà dit plus haut, la prophétie n'avait pas sa preuve au moment même et que les paroles précédaient de beaucoup les événements, de sorte que, quand ils arrivaient, quelques-uns étaient déjà morts et ne pouvaient pas juger de la vérité de ce qu'ifs avaient entendu, voyez ce que Dieu fait et quel moyen il prend. Il joint prophétie à prophétie, les plus rapprochées aux plus éloignées, montrant ainsi par celles dont la génération actuelle verra la réalisation, la foi qu'il faut accorder à celles qui n'arriveront que beaucoup plus tard. Dans l'Evangile, c'est par un autre moyen qu'il arrive au même but; là il lie les miracles aux prophéties et confirme les unes par les autres. Voici ce que je veux dire: un lépreux s'approche de Jésus et il est purifié; puis le serviteur du centurion est délivré de sa maladie; c'étaient là de grands miracles ; mais sans s'arrêter aux miracles, il y joint une prophétie. Car lorsque le centurion eut montré cette foi si vive, si admirable, par laquelle il mérita que son serviteur fût guéri, le Christ ajouta: « Beaucoup viendront de l'Orient et de l'Occident et auront place dans le royaume des cieux avec Abraham, Isaac et Jacob, tandis que les enfants du royaume en seront bannis. » (Matth. VIII, 11.) Par ces paroles, Jésus prophétise la vocation des Gentils et la réprobation des Juifs, événements qui maintenant sont des réalités et sont aux veux de tous plus clairs que le soleil; mais alors ils étaient obscurs et les incrédules refusaient de les admettre ; aussi le Christ, par le miracle qu'il fit alors, amena ses auditeurs à croire fermement ce qu'il annonçait pour un temps plus éloigné, de même qu'en voyant aujourd'hui l'accomplissement de la prophétie, nous en croyons plus fermement le miracle qui eut lieu alors. Que pourrait répondre l'incrédule? Que le lépreux n'a pas été purifié ? Qu'il voie la vérité de la prophétie et que celle-ci le fasse croire au miracle. Qu'auraient pu répondre les Juifs contemporains ? Que ce qu'il annonçait n'était pas vrai? Mais ils n'avaient qu'à voir le lépreux purifié, et apprendre, d'après ce qui s'était opéré sur lui, à ne pas refuser de croire ce qu'ils ne voyaient pas; pour les assurer de la prophétie ils avaient le miracle, comme ceux d'aujourd'hui ont la prophétie pour les assurer du miracle. Voyez-vous comme une chose confirme l'autre? La même conduite se voit dans l'Ancien Testament. Quand Jéroboam se laissa aller à ces excès de folie et qu'il eut élevé ces veaux d'or, un prophète vint pour lui annoncer l'avenir et en arrivant il fit un miracle, pour que personne ne refusât de croire à des choses qui ne devaient arriver qu'au bout de trois cents ans; il brisa l'autel, jeta la graisse des sacrifices et paralysa la main du roi, donnant ainsi, par les prodiges de ce moment, une preuve évidente de la réalité des choses qui devaient arriver longtemps après. Telle a été souvent la conduite (le Dieu dans l'Ancien et le Nouveau Testament, de Dieu qui, par ces moyens divers, pourvoyait à notre salut. C'est ce qui arrive ici et même d'une manière plus extraordinaire; au lieu d'un miracle seulement, il fit et une prophétie et un miracle. Mais pour mieux interpréter ce récit, parcourons-le avec attention. « Il arriva au temps d'Achaz, fils de Joathan, fils d'Ozias, roi de Juda; il arriva, dis-je, que Basin, roi de Syrie, et Phacée, fils de Romélie, roi d'Israël, se portèrent sur Jérusalem pour l'attaquer et ils ne purent la prendre, et l'on vint dire à la maison de David qu'Aram s'était ligué avec Ephraïm (1, 2). » C'est un récit que ces paroles, une exposition de faits; mais pour celui qui a de l'intelligence, de la pénétration, il y a là beaucoup à recueillir; il verra la sagesse de Dieu et sa providence sur les Juifs. Il ne réprima pas cette guerre dès son origine, et il ne permit pas aux ennemis de s'emparer de la ville ; mais, tout en faisant des menaces, il en empêcha l'effet, car il voulait seulement réveiller les Juifs, les faire sortir de leur torpeur et montrer sa puissance, puisque, même quand le danger est devenu imminent, il peut en délivrer aussi facilement que si ce même danger était encore à naître, chose que vous pouvez remarquer en bien des circonstances , par exemple, dans la fournaise de Babylone, dans la fosse aux lions et en raille autres occasions. Ces rois vinrent, ils assiégèrent la ville, mais tous leurs efforts n'aboutirent qu'à attaquer des murailles et à effrayer les assiégés. 2. Et ceci nous fait voir que le crime des dix tribus ne fut pas seulement d'avoir allumé une guerre civile et d'avoir pris les armes (389) contre leurs frères, mais encore de s'être liées avec ales peuples issus d'une autre famille, d'une autre race, d'avoir pris pour alliées des nations avec lesquelles toute communication leur était interdite, d'avoir placé leur camp à côté d'elles et d'avoir avec elles assiégé la ville. Car ils firent marcher Basin , un étranger, contre, leur métropole. Et les forces des combattants étaient inégales. Chez les uns, une multitude innombrable, des villes, des nations, des peuples; chez les autres, rien de tout cela, mais une seule ville, la capitale, afin que la force de Dieu parût avec plus d'éclat. Personne, en effet, ne leva les armes contre ces ennemis, personne ne les attaqua, personne ne les inquiéta, et pourtant leurs efforts pervers n'aboutirent à rien. « Car, dit le Prophète, ils ne purent la prendre. » Et qu'est-ce donc qui les en empêchait? Rien que la main de Dieu, qui les repoussait invisiblement. Toutefois, comme je l'ai dit, il fit disparaître le mal sans faire disparaître aussitôt la crainte. « Et l'on vint dire à la maison de David, qu'Aram s'était ligué avec Ephraïm. Et le cur du roi et le cur de son peuple furent saisis. » Quand Dieu se prépare à faire quelque chose d'étonnant, il n'opère pas aussitôt le prodige, mais il laisse d'abord sentir à ceux qui doivent en recueillir le fruit, combien leurs maux sont graves, afin qu'après leur délivrance, ils se gardent bien de montrer la moindre ingratitude. Comme, en effet, la plupart des hommes, soit par orgueil, soit par négligence, oublient leurs maux quand ils en sont délivrés, ou, s'ils ne les oublient pas, s'attribuent à eux-mêmes toute la gloire, Dieu les laisse d'abord sentir leurs maux et les délivre ensuite de leurs ennemis, ce qu'il fit particulièrement en cette circonstance. Il laissa la crainte s'emparer des coeurs, il les livre en proie à un grand abattement, et ensuite il envoie la délivrance. C'est ce qui est arrivé au grand David. Le Seigneur devait le conduire au combat et élever par ses mains un brillant trophée; mais il ne le fit pas dès le commencement de la guerre; il laissa d'abord les Israélites en proie à la crainte pendant quarante jours, et lorsqu'ils regardèrent leur salut comme désespéré, que le barbare Goliath leur lançait mille injures sans que personne osât se lever et marcher contre lui; alors, dis-je, alors qu'ils avouaient eux-mêmes leur défaite et que leur impuissance était devenue évidente, il envoya à la guerre ce tout jeune homme et lui fit remporter cette étonnante victoire. Et si après tout cela, après une telle preuve d'impuissance, Saül, quand il fut délivré, se laissa aller à la haine et à la jalousie, et dressa des embûches à David ; s'il se laissa vaincre par sa passion et se montra ingrat. envers son bienfaiteur, que n'aurait-il pas fait si lui, si son armée n'avaient pas avoué si hautement leur lâcheté ? Vous verrez Dieu agir ainsi en beaucoup d'autres circonstances, et surtout en celle-ci. Il se proposait de délivrer les Israélites de cette guerre et d'éloigner d'eux tout danger; mais il les laisse d'abord sentir leurs maux. « Le coeur du roi et le cur de son peuple furent saisis et tremblèrent, comme tremblent les arbres des forêts agités par le vent. » C'est le propre de la prophétie de révéler les choses cachées. Elle nous montre la disposition d'esprit de chacun et, pour plus de clarté, elle ajoute une image pour faire voir combien cette crainte était extrême. Leur coeur, dit-elle, était agité ; ils étaient dans une entière prostration, ils désespéraient de leur salut, ils pensaient être dans un danger extrême, ils n'attendaient plus rien de bon, tous étaient trahis par leurs propres pensées. Que fait Dieu? Il prédit leur délivrance, et aussitôt il l'opère, afin qu'ils ne puissent attribuer à aucun autre la levée du siège, et il envoie son prophète pour annoncer l'avenir. « Le Seigneur dit à Isaïe: Va au-devant d'Achaz, toi et Jasub ton fils qui t'est resté, à la piscine qui se trouve au haut du champ du Foulon, et tu lui diras : Ne sois ni dans l'agitation ni dans la terreur, et que ton âme ne tombe pas dans l'abattement et n'aie aucune crainte de ces deux bouts de tisons fumants; car lorsque ma colère sera montée, je vous sauverai encore (3, 4). » Qu'est-ce à dire : « Va au-devant? ». Le roi, agité pair la crainte et la frayeur, n'était pas tranquille, il ne pouvait rester dans son palais; mais, chose que les assiégés font ordinairement, il sortait continuellement pour visiter les remparts, les portes, courant de tous côtés, sens cesse dans l'agitation pour savoir où en étaient les ennemis; c'est pourquoi il lui dit : «Va au-devant. » Qu'est-ce à dire: « Toi et Jasub ton fils qui t'est resté?» Jasub, en langue hébraïque, veut dire conversation et manière de vivre. C'est ainsi que Jessé en envoyant David lui dit : « Tu connaîtras leur état, » c'est-à-dire tu (389) m'annonceras comment ils se portent et ce qu'ils font. 3. Et ici encore, me semble-t-il, le Prophète reçoit l'ordre de prendre un grand nombre de témoins, afin qu'après l'événement le roi ne puisse pas se montrer ingrat, comme si le prophète ne lui avait rien annoncé. Voici donc ce qu'il veut dire : Va au-devant, toi et ceux qui sont avec toi, ceux du peuple qui sont restés. Ne vous étonnez pas s'il appelle le peuple son fils; car il a dit auparavant: « Me voici, « moi et les enfants que Dieu m'a donnés » (Isaïe, VIII, 18.) Et certes les saints se montraient vraiment pères et surpassaient, par leur charité et leur amour pour ce peuple, tous ceux à qui la nature fait donner le nom de père. Il dit : « qui sont restés, » parce que la guerre en avait enlevé beaucoup, « sur le chemin du champ du Foulon. » Ceci rie paraît bien difficile à expliquer, que des assiégés enfermés dans leur ville et n'osant même regarder au delà des murs, se soient montrés hors des portes, car aujourd'hui ce chemin est situé hors des portes. Quelle est donc la solution de cette difficulté ? C'est qu'autrefois la ville avait un second mur; elle avait deux enceintes de fortifications, et vous le verrez facilement par les paroles d'un autre prophète, si vous voulez y faire attention. Ce prophète sort donc pour relever ces courages abattus et il tâche de leur rendre bon espoir pour l'avenir. Sois tranquille, dit le Seigneur, et ne crains pas; il appelle tisons ces deux rois; et ainsi il marque d'un seul trait et leur force et leur faiblesse. Car il ajoute « fumants, » c'est-à-dire près de s'éteindre. Ensuite, pour montrer que ce n'était pas par leur puissance, mais par la permission de Dieu qu'ils étaient venus attaquer la ville, il dit: « Lorsque ma colère sera montée, je vous sauverai encore. Le fils d'Aram et le fils de Romélie, unis dans un dessein funeste ainsi qu'Ephraïm ont dit contre toi : « Nous monterons vers la Judée et nous la ravagerons; agissant d'un commun accord, nous la ferons tomber dans nos piéges et nous y établirons pour roi le fils de Tabéel. Voici ce que dit le Seigneur des armées : Ces pensées ne subsisteront pas et n'auront pas d'effet. Damas demeurera la capitale de la Syrie et Basin régnera dans Damas, et dans soixante-cinq ans, Ephraïm cessera d'être au rang des peuples. Samarie sera la capitale d'Ephraïm, et le fils de Romélie règnera dans Samarie. Et si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas (5, 9). » Ici encore, le Prophète donne de sa prophétie une excellente confirmation. Après qu'il a excité la crainte, mis sous les yeux des maux imminents, fait espérer des biens encore fort éloignés et surpassant toute attente, comme les auditeurs n'étaient pas très-fermes dans leur foi, voici le moyen qu'il emploie : Il donne, de la réalité des événements futurs, la preuve la plus frappante, en faisant connaître les desseins mêmes des ennemis. Il fait connaître la pensée qu'ils avaient en marchant sur la ville, ce qu'ils se disaient les uns aux autres, le pacte qu'ils avaient fait avant de partir et il montre ou que c'était une trahison (agissant d'un commun accord, nous la ferons tomber dans nos piéges), ou qu'un orgueil insensé s'était emparé d'eux, puisqu'ils croyaient n'avoir besoin ni d'armes, ni de lutte, ni de combat pour prendre la ville. Il nous suffit de nous montrer, de parler; nous les prendrons tous et nous nous en irons. Puis, comme il arrive souvent aux fanfarons, enflés d'orgueil par cette espérance même, ils pensent à un roi, comme si déjà la ville était prise, et ils cherchent quel maître il faudra donner à cette capitale. Voilà, dit-il, ce qu'ils font; mais Dieu va confondre ces projets. C'est pourquoi il dit: « Voici ce que dit le Seigneur, » et sans s'arrêter là, il ajoute : « des armées. » Lorsqu'en effet il veut annoncer quelque chose de grand, il rappelle la puissance de Dieu, sa domination sur toutes choses, cette force étonnante et admirable. Que dit Dieu ? « Ces pensées ne subsisteront pas et n'auront pas d'effet : Damas demeurera capitale de la Syrie. » Sa puissance, veut-il dire, son autorité se bornera à Damas et n'ira pas plus loin. « Et Basin régnera dans « Damas, » et Basin continuera d'être le roi de Damas, c'est-à-dire il restera dans ses possessions actuelles, sans acquérir une puissance plus grande. « Et dans soixante ans Ephraïm cessera d'être au rang des peuples. » 4. C'est une bien grande preuve de la vérité que de voir les prophètes assigner d'avance l'époque précise, et donner ainsi à ceux qui le désirent le moyen de s'assurer de la valeur de la prophétie. Pour aujourd'hui, dit-il, ils ne feront que se retirer de devant la ville; mais dans soixante-cinq ans le royaume d'Israël périra; les ennemis les prendront et les emmèneront tous. Mais jusqu'à cette ruine ils ne (390) posséderont rien de plus que ce qu'ils ont actuellement. Ces paroles sont dites pour rassurer entièrement Achaz. En effet si le Prophète se fût contenté de dire : dans soixante-cinq ans vos ennemis périront, le roi peut-être se serait dit en lui-même : Mais quoi ! s'ils ne doivent périr qu'après nous avoir vaincus, quel avantage nous en reviendra-t-il ? Sois tranquille , dit Isaïe , même pour le moment présent; plus tard ils périront entièrement, et pour le moment actuel ils ne pourront s'agrandir. Mais Samarie sera la capitale d'Ephraïm, c'est-à-dire des dix tribus (là était leur gouvernement), et ils ne s'étendront point au delà ; et le roi d'Israël régnera dans Samarie : il répète ici ce qu'il a dit de Damas, pour montrer qu'ils ne posséderont rien de plus que ce qu'ils ont actuellement. Puis , comme les choses qu'il venait d'annoncer surpassaient toute intelligence humaine et toute espèce de raisonnement, il a raison d'ajouter. « Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas. » Ne cherche pas, veut-il dire, comment ni de quelle manière ces choses arriveront ; car c'est Dieu qui les fera, il ne faut que croire et penser à la puissance de celui qui agira : voilà toute la preuve de ce que j'ai annoncé. C'est aussi pour cela que le prophète David dit : «J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé. » (Ps. CXV, 10.) Et Paul s'emparant, non sans raison , de cette parole , lui donne encore une plus grande signification, en disant : « Ayant le même esprit de foi , comme il est écrit : J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé, et nous aussi nous croyons et c'est « aussi pourquoi nous parlons. » (II Cor. IV, 13.) En effet, si la foi était nécessaire pour ces choses anciennes, aussi éloignées de celles du Nouveau Testament que la terre est éloignée du ciel, combien plus n'est-elle pas nécessaire pour ces vérités si élevées et qu'aucune intelligence n'a jamais comprises. C'est ce qu'indique l'Apôtre dans ce qui suit: « Ce que l'il n'a point vu, ce que l'oreille n'a point entendu, ce qui n'est point monté dans le coeur de lhomme, voilà ce que Dieu a préparé à ceux qui l'aiment. » (I Cor. II, 9.) « Et le Seigneur parla encore à Achaz et il dit : Demandez au Seigneur votre Dieu qu'il vous fasse voir un prodige ou au fond de la terre ou au plus haut des cieux. Et Achaz dit: Je n'en demanderai point et je ne tenterai point le Seigneur. Et Isaïe dit : Ecoutez donc, maison de David : Est-ce peu pour vous de lasser la patience des hommes, sans lasser celle de Dieu. Aussi le Seigneur vous donnera-t-il lui-même un signe. Voilà que la Vierge concevra et elle enfantera un fils qu'on appellera Emmanuel » (10 - 14.) Grande est la condescendance de Dieu et grande aussi l'ingratitude du roi. Celui-ci devait, en entendant le Prophète, ne plus douter de ses paroles; que s'il conservait du doute, il aurait dû, à la vue d'un miracle , le chasser comme firent beaucoup de Juifs. Car Dieu, dans son amour pour les hommes, n'a pas refusé des prodiges à ces hommes grossiers, rampants et attachés à la terre; c'est ce qui arriva, par exemple, à Gédéon (1). Comme Achaz était très-grossier, très-incrédule, voyez combien Dieu montre de condescendance. Lui- même l'attire et l'excite à lui demander un miracle ; certes ce n'était pas déjà un petit prodige que d'avoir révélé ses secrets, d'avoir dévoilé toutes ses pensées, d'avoir manifesté toute son hypocrisie. Quand le Prophète lui eut dit : Demande un miracle, cet impie fit le croyant et dit: Je n'en demanderai pas et je ne tenterai pas le Seigneur; voyez avec quelle véhémence le Prophète le reprend ; et c'est à bon droit qu'après avoir montré son hypocrisie, il l'accuse avec plus de sévérité. C'est pourquoi il ne le juge même pas digne d'une réponse et s'adressant au peuple il dit : « Ecoutez donc, maison de David : Est-ce peu pour vous de lasser la patience des hommes, sans lasser celle de Dieu ? » Et comment lassez-vous celle de Dieu ? Cela est obscur; aussi faisons tous nos efforts pour éclaircir ce mot. Voici donc ce qu'il veut dire: sont-ce mes paroles? Sont-ce mes pensées? Si c'est une faute digne de blâme que de refuser sans aucun motif, sans aucune raison, de croire les hommes, combien plus de croire Dieu ! Lasser la patience, ce n'est donc pas autre chose qu'être incrédule. Est-ce là, dit-il, un faible crime ? Est-ce une légère faute que de refuser de croire les hommes ? Mais si cela est grave, combien plus de refuser de croire Dieu ! 5. Le Prophète a parlé ainsi pour apprendre à tous qu'il n'avait pas été trompé, et qu'il jugeait non d'après les paroles qu'il avait entendues, mais d'après les pensées d'Achaz. C'est ce que le Christ a fait bien souvent aussi dans l'Evangile. Avant de se manifester par des miracles, il reproche aux Juifs leur méchanceté
1. Il manque ici quelque chose très-probablement.
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bien qu'ils ne l'eussent pas encore montrée au dehors: c'est ce qui arriva par exemple lors de la guérison du paralytique. En effet, après lui avoir dit: « Mon fils, aie confiance; tes péchés te sont remis, » comme ils disaient en eux-mêmes: « Celui-ci blasphème », le Christ, avant de raffermir le paralytique, leur adresse ces paroles : « Pourquoi pensez-vous mal en vos coeurs? » (Matth. IX, 2, 3, 4.) Il leur donne ainsi de sa divinité la preuve la plus grande en leur montrant qu'il connaît les pensées secrètes. « Car il est écrit, seul vous connaissez les cours. » (III Rois, VIII, 39.) Et David dit encore: « Dieu qui scrute les coeurs et les reins. » (Ps. VII, 10.) Dieu donna souvent cette connaissance aux prophètes pour montrer que leurs paroles n'avaient rien d'humain, mais qu'elles leur venaient d'en-haut, du ciel. C'est pourquoi cet Isaïe à la grande voix, après avoir montré tant de douceur en parlant au roi, l'avoir retiré du danger, l'avoir rassuré pour le présent, et lui avoir donné pour gage de la vérité de sa prophétie la révélation des desseins formés par l'ennemi , la découverte d'une trahison, l'annonce d'une ruine entière et absolue pour Israël , la détermination précise de l'époque, Isaïe, dis-je, sans se contenter de cela, va plus loin encore, il n'attend pas que le roi lui demande un miracle, il l'y exhorte malgré son excessive incrédulité; bien plus, il le laisse maître du choix: il ne lui dit pas « tel ou tel miracle, » mais bien « celui que tu veux. » Le Maître est riche, son pouvoir infini, sa force indicible. Le veux-tu dans le ciel, rien ne s'y oppose ; sur la terre , aucun obstacle. C'est ce que signifient ces mots « ou au fond de la terre ou au plus haut des cieux. » Comme cela même ne le décidait pas, le Prophète, loin de se taire, ajoute un blâme sévère, et cela, pour convertir le roi, pour lui montrer qu'il n'avait pas réussi à tromper, à donner le change sur ses sentiments , et il annonce un événement ineffable, il prophétise le salut de la terre et la rénovation de toutes choses, et il dit que ce signe ne sera pas pour le seul Achaz, mais pour tout le peuple. Au commencement il adressait la parole au roi; mais quand il eut dévoilé son indignité, il parla à tout le peuple: « Aussi, dit-il, il donnera un signe, non pas à loi, mais à vous. » A vous, à qui donc? A vous qui êtes dans la maison de David. C'est de là comme d'une tige que sortira ce signe. Et quel signe? « Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils qui sera appelé Emmanuel. » Il faut observer, comme je l'ai dit plus haut, que ce n'est plus à Achaz qu'est donné ce signe. Ce n'est pas là une conjecture : car voyez les accusations et les blâmes du Prophète: « Est-ce peu pour vous que de lasser la patience des hommes?» et il ajoute : « C'est pourquoi le Seigneur vous donnera un signe. Voici que la vierge concevra. » Si elle n'eût pas été vierge, ce n'eût pas été un signe. Car un signe doit sortir de l'ordre habituel des choses, du cours ordinaire de la nature, avoir quelque chose d'insolite, d'étrange même, pour être remarqué par chacun de ceux qui le voient et l'entendent. C'est pour cela qu'on l'appelle signe, parce qu'il signifie. Or il ne signifierait pas, s'il restait caché dans l'ordre habituel des choses. Aussi si le Prophète avait parlé d'une femme enfantant selon le cours ordinaire de la nature , pourquoi appeler « signe » une chose qui arrive tous les jours ? Aussi il ne dit pas au commencement, voici qu'une vierge, mais « voici que la vierge », voulant marquer par l'addition de l'article que cette vierge était remarquable et seule entre toutes. Que cette addition ait bien la signification indiquée, nous pouvons le voir dans l'Evangile. Lorsqu'en effet les Juifs envoyèrent demander à Jean : « Qui es-tu ? » ils ne lui dirent pas: « Es-tu Christ, » mais bien: « Es-tu le Christ? » Ils ne dirent pas: « Tu es prophète, » mais: « Es-tu le Prophète ! » (Jean, I, 19-25.) C'est-à-dire le Christ, le Prophète par excellence. Saint Jean ne dit pas en commençant sors Evangile: «Au commencement était un Verbe,» mais: « Au commencement était le Verbe et le Verbe était en Dieu. » (Jean, I, 1.) De même ici, Isaïe ne dit pas: Voici qu'une vierge, mais « Voici que la vierge, » et il met en tête, comme il était digne d'un prophète de le faire, « Voici que. » Ces événements en effet, il les voyait presque, il se les représentait par l'imagination, ils étaient pour lui évidents. tes prophètes voyaient les événements futurs plus clairement que nous ne voyons ce qui se passe sous nos yeux. Nos sens peuvent se tromper; la grâce de l'Esprit-Saint les éloignait de toute erreur. 6. Et pourquoi ne pas ajouter que cette conception aurait lieu par la vertu de l'Esprit-Saint? C'était une prophétie et il fallait parler d'une manière obscure, comme je l'ai dit souvent, à cause de la grossièreté des auditeurs, de peur qu'une connaissance exacte des (392) choses ne les portât à brûler les Livres saints. S'ils n'ont pas épargné les prophètes, à plus forte raison n'eussent-ils pas épargné leurs livres. Ceci n'est pas une simple conjecture car un autre roi, du temps de Jérémie, déchire la Bible et la livre aux flammes (Jérémie, XXXVI, 23.) Voyez-vous cette folie intolérable, cette colère insensée? Il ne lui suffit pas de faire disparaître le livre, il le brûle pour satisfaire une passion délirante. Toutefois cet admirable prophète , même en restant obscur, a su tout indiquer. Une vierge , tout en restant vierge , comment peut-elle concevoir si ce n'est par la vertu de l'Esprit-Saint? Car enfreindre les lois de la nature ne saurait appartenir qu'à celui qui les a faites. Ainsi, en disant que la vierge enfantera, le Prophète a tout dévoilé. Après cet enfantement, il prédit le nom de l'enfant , non celui qui lui fut donné , mais celui qui lui convenait. De même qu'il appelle Jérusalem ville de la justice, non pas qu'elle ait jamais porté ce nom, mais parce que toutes les choses le lui donnaient, parce qu'elle devait se changer et devenir meilleure et accomplir toute justice, de même encore qu'il l'appelle prostituée, non qu'elle ait été ainsi désignée, mais parce que sa perversité lui méritait ce nom , comme sa vertu celui de ville de justice, de même, pour le Christ, il lui donne le nom que la nature des choses indiquait. Car c'est alors que Dieu fut avec nous, lorsqu'il parut sur la terre, conversant avec les hommes, et leur montrant la plus grande affection. Ce n'est pas un ange, ce n'est pas un archange qui se fait notre compagnon, mais c'est le Maître lui-même qui descend et vient tout redresser, qui parle aux courtisanes, qui mange avec les publicains, qui entre dans les maisons des pécheurs, qui permet tus larrons de lui parler avec confiance, qui attire à lui les mages, qui va partout et réforme tout, et s'unit notre nature. Or le Prophète annonce tout et cet enfantement et les biens ineffables, immenses, qui en découlent. En effet, lorsque Dieu est avec les hommes, il n'y a plus à craindre, à trembler, mais tout nous devient rassurant: c'est ce qui nous est arrivé. Ces maux anciens et inguérissables nous ont été enlevés, cette sentence portée contre tout le genre humain a été effacée, le péché a perdu toute force et le démon toute tyrannie; le paradis fermé à tous s'est ouvert pour la première fois à un meurtrier et à un brigand, les voûtes des cieux nous ont livré passage, l'homme s'est mêle; aux choeurs des anges, notre nature à été conduite jusqu'au trône du roi; la prison de l'enfer est devenue inutile; de la mort il n'est plus resté que le nom, la chose a disparu; les churs des martyrs, des femmes ont brisé l'aiguillon de l'enfer. C'est dans la prévision de ces événements que le Prophète tressaillait de joie et d'allégresse, et d'une parole il nous indique tout, en nous annonçant l'Emmanuel. « Il mangera le beurre et le miel ; avant de connaître ou de choisir le mal, il choisira le bien. Car avant de distinguer le bien et le mal, l'enfant s'éloignera du mal, pour rechercher le bien (15, 16). » Comme cet enfant ne devait pas être simplement un homme, ni seulement un Dieu, mais un Dieu dans un homme, c'est avec raison que le Prophète présente la chose sous plusieurs faces, tantôt sous celle-ci, tantôt sous celle-là, et parle de choses étranges, de peur que la grandeur du miracle n'empêche d'y croire. Après avoir dit que la Vierge enfantera, ce qui déjà est au-dessus de la nature, que cet enfant sera appelé Emmanuel, ce qui est au-dessus de toute attente, il veut empêcher qu'en entendant ce mot Emmanuel, on n'aille embrasser sur l'Incarnation les erreurs de Marcion et de Valentin, et il donne de l'Incarnation la meilleure preuve, il la tire du besoin de nourriture auquel sera assujetti le Dieu homme. Que dit-il en effet? « Il mangera le beurre et le miel. » Cela ne convient pas à la divinité, mais bien à notre nature. C'est encore pour la même raison que le Verbe ne forma pas immédiatement un homme pour habiter en lui, mais qu'il se renferma dans le sein d'une femme, et cela pendant neuf mois, qu'il naquit, fut enveloppé de langes , fut nourri comme on l'est dans le premier âge, pour fermer la bouche à ceux qui essayeraient de nier lIncarnation. Eclairé par la grâce divine, le Prophète voyait tout cela ; mais au lieu de parler seulement de cette naissance et de cet enfantement miraculeux, il parle de la nourriture que prendra l'homme-Dieu dans son premier âge, encore revêtu de ses langes, nourriture semblable à celle des autres hommes, et qui n'aura rien d'extraordinaire. En lui tout n'était pas différent de nous, mais tout n'y était pas semblable. Naître d'une femme, c'est notre condition; d'une vierge, c'est au-dessus de notre nature. Prendre de la nourriture (393) selon les lois ordinaires de la nature et la même nourriture que les autres hommes, c'est notre condition ; mais être étranger à tout vice, n'avoir jamais donné la moindre marque de perversité, voilà qui est extraordinaire, étonnant et qui ne convient qu'à lui. C'est pourquoi le Prophète mentionne l'une et l'autre chose. Ce n'est pas, dit-il, après avoir goûté le mal qu'il s'en éloigne, mais dès l'origine et parla vertu d'en-haut il a pratiqué toute vertu. Cest ce que le Christ a dit lui-même : « Qui de vous me convaincra de péché ? » et encore : « Le prince de ce monde vient et il n'a rien en moi. » (Jean, VIII, 46 et XIV, 30.) 7. Le Prophète même que nous expliquons n'a-t-il pas dit . « Il n'a point commis liniquité et le mensonge ne s'est point trouvé dans sa bouche? » (Isaïe, LIX, 9.) C'est aussi ce qu'il dit dans le passage actuel qu'avant même de connaître ou de choisir le mal, lorsqu'il sera encore dans cet âge de l'innocence, au commencement de sa vie, il embrassera la vertu et n'aura rien de commun avec le vice. « Car, avant de distinguer le bien et le mal, l'enfant s'éloignera du mal pour rechercher le bien. » Il répète dans les mêmes termes la même pensée et insiste sur la même idée. Comme ses paroles annonçaient une chose sublime, il s'efforce, en la répétant, de la faire croire. Ce qu'il a dit plus haut : avant de connaître ou de choisir le mal, c'est ce qu'il redit en ces termes : « L'enfant, avant de distinguer. » Et il insiste encore en disant : « Le bien et le mal, s'éloignera du mal pour rechercher le bien. » Ce fut là le caractère distinctif de l'enfant-Dieu. C'est celui que saint Paul fait continuellement remarquer, et saint Jean, en voyant le Christ, élève la voix pour crier : « Voici l'Agneau de Dieu, celui qui ôte le péché du monde. » (Jean, I, 29.) Mais celui qui enlève le péché des autres est à plus forte raison sans péché lui-même. C'est aussi ce caractère sur lequel, comme je l'ai dit plus haut, saint Paul insiste continuellement. Comme le Christ devait mourir, l'Apôtre, de peur qu'on ne crût que cette mort était la punition de son péché, rappelle sans cesse son innocence, pour montrer que sa mort était la rançon de notre péché. Aussi il dit : « Le Christ, ressuscité d'entre les morts, ne meurt plus : car s'il est mort, c'est pour le a péché qu'il est mort. » (Rom. VI, 9, 10.) Et cette mort, veut-il dire, il ne l'a pas endurée comme y étant soumis et à cause de son péché, mais à cause des péchés de tous. Si donc il n'était pas soumis à la première, il est plus que démontré qu'il ne mourra plus. « Le pays pour lequel tu trembles devant ces deux rois sera abandonné. » Ce que le Prophète fait en toute circonstance, il le fait ici encore. Après avoir annoncé les événements futurs, il revient aux présents. J'ai longuement montré qu'il en avait agi, à propos des séraphins, comme il agit ici. Il prophétise d'abord les biens que la terre entière devait recevoir, et ensuite il s'adresse au roi. C'est pourquoi il dit : « Le pays sera abandonné. » Qu'est-ce à dire, « abandonné? » Il ne sera pas attaqué, il sera libre, il n'aura rien à craindre, rien à souffrir des maux de la guerre. « Le pays pour lequel tu trembles, » pour lequel tu es dans la terreur et les angoisses « devant ces deux rois » de Syrie et d'Israël. Mais pour que l'annonce d'événements heureux n'amollisse pas le roi, et que la paix ne le rende pas indolent, le Prophète jette dans son âme une nouvelle inquiétude partes paroles : « Mais le Seigneur fera venir sur toi, sur ton peuple, sur la maison de ton père des jours tels qu'il n'y en a pas eu de semblables depuis qu'Ephraïm a fait venir de Juda le roi d'Assyrie (17). » Par là il indique cette invasion dans laquelle les barbares renversèrent la ville de fond en comble et enlevèrent tous les habitants captifs. Et il l'annonce, non pour qu'elle arrive, mais pour que la crainte les rendant meilleurs, ils éloignent ces maux de leur tête. Comme en effet rien n'avait pu les corriger, ni les biens qui leur avaient été départis sans aucun mérite de leur part (ce que montre la disposition d'esprit du roi et l'excès de son incrédulité), ni la menace de dangers effrayants, et qu'ils avaient résisté à ces deux remèdes salutaires, Isaïe annonce désormais un désastre plus profond, et cela pour retrancher toute corruption et guérir ces malades incurables. Que veulent dire ces mots, « depuis le jour où Ephraïm aura fait venir de Juda le roi d'Assyrie? » Les barbares vinrent dans le dessein d'enlever toute la nation; mais ils laissèrent Juda et ses deux tribus pour se jeter sur Israël. Voici donc ce que veut dire le Prophète : A partir du jour où les dix tribus attireront sur elles, par l'énormité de leurs fautes, l'armée des barbares qui sera venue d'abord contre vous, et où elles seront emmenées (394) captives, à partir de ce jour il vous faut craindre et trembler : car cette armée s'avancera et viendra contre vous, si vous ne changez. Et il dit : A partir de ce jour Dieu les amènera. Car ce ne fut pas en même temps que les Israélites que les deux tribus furent enlevées; mais l'intervalle ne fut pas long. 8. Voici donc ce qu'il dit : Ces jours étaient fixés; mais Dieu attendait, prenait patience bien que leurs fautes méritassent dès lors châtiment : souvent, quand le jour de la punition est fixé, Dieu attend, il temporise encore, preuve bien évidente de sa charité pour les hommes, signe bien manifeste contre ceux qui ne veulent pas profiter de sa longanimité. Déjà, dit le Prophète, la menace est faite, déjà la sentence est portée, déjà la colère de Dieu s'allume, il leur montre la vengeance, pour ainsi dire, à leurs portes, pour les exciter au repentir, les rendre meilleurs, leur imprimer une vive crainte par la ruine des autres, et pour empêcher qu'en se voyant épargnés par le châtiment qui en avait frappé d'autres ils ne devinssent encore plus négligents que par le passé. « Et en ce jour-là, le Seigneur fera venir d'un coup de sifflet les mouches qui dominent sur l'extrémité du fleuve de l'Egypte (18). » Vous le voyez, j'avais raison en disant que c'est pour augmenter leur frayeur que Dieu leur fait dès ce jour ses menaces. Ce qui suit produit le même effet, il accroît par ses paroles leur terreur en leur montrant ces armées qu'ils redoutaient tant , cette invasion si facile (ce qui devait les épouvanter), le grand nombre de ces barbares, ce qui devait leur faire perdre toute assurance; toutes ces choses, il les indique dans ce qui va suivre. Voyez : « En ce jour-là le Seigneur fera venir d'un coup de sifflet les mouches. » Il appelle mouches les Egyptiens, à cause de leur impudeur et de leur effronterie, et aussi parce que repoussés continuellement ils revenaient continuellement à la charge, sans les laisser respirer, leur tendant mille piéges, les harcelant sans cesse dans l'infortune, comme les mouches s'attaquent aux blessures. Dieu, dit-il, les amènera. Mais au lieu de dire il les amènera, il dit : « Il les fera venir d'un coup de sifflet, » pour faire voir combien sera facile cette invasion, combien est invincible la puissance de Dieu, à qui il suffit de faire signe pour que tout le suive. Et c'est avec raison qu'il profite de cela pour les menacer des maux qu'ils ont éprouvés déjà. « Et l'abeille qui est au pays d'Assur. » Le syrien et l'hébreu
« Ils viendront et se reposeront tous dans les gorges de ce pays, dans les creux des rochers, dans les cavernes, dans tous les trous, sur tous les arbres (19). » Après avoir annoncé combien la présence des ennemis sera effrayante et leur marche rapide, il dit quelle sera leur multitude. Il ne dit pas, ils camperont, mais « ils se reposeront, » non comme s'ils étaient venus dans un pays ennemi, mais comme s'ils habitaient leurs propres demeures, non comme s'il leur fallait travailler et combattre, mais comme s'ils couraient au-devant d'une victoire certaine et d'un butin assuré. C'est pour cela qu'il dit: « Ils viendront et se re« poseront, » ce qui ne convient qu'à des vainqueurs, à des hommes qui ont remporté une victoire, et qui reposent après des luttes et des fatigues nombreuses. Et ce ne sera pas dans les plaines seulement qu'ils se reposeront; mais comme cette multitude est innombrable et que le pays ne suffit pas à la contenir, abîmes, rochers, montagnes, forêts, tout, en un mot, est un asile pour ces barbares. Quand même les ennemis ne seraient pas si terribles ni les Juifs si faibles, il suffirait de ce grand nombre pour les effrayer; mais quand ces deux choses se trouvent réunies , la multitude et la puissance, quand (chose plus redoutable encore) c'est la colère de Dieu qui les conduit, quel espoir de salut peut-on conserver? Ces mots « dans tous les trous, sur tous les arbres» renferment une hyperbole : car ils n'allaient pas se reposer sur des arbres; mais, comme je l'ai indiqué plus haut, il y a tout à la fois hyperbole et continuation de la métaphore tirée des guêpes. « En ce jour-là le Seigneur se servira comme d'un rasoir enivré (20). » Il vient d'imprimer une vive crainte de ces armées; il la renouvelle maintenant, en faisant agir le ciel même, en montrant que ce ne sont pas quelques barbares Egyptiens ou Perses , mais Dieu (395) lui-même qui combat contre les Juifs. Il appelle rasoir sa colère devant laquelle rien ne peut résister, que personne ne peut soutenir, qui s'avance et ruine tout sans éprouver la moindre difficulté. De même que les cheveux ne peuvent supporter le tranchant du rasoir, mais qu'ils cèdent et tombent aussitôt, de même les Juifs ne pourront nullement résister à la colère de Dieu. 9. Ce rasoir enivré désigne donc la colère d'un Dieu plein de fureur, prêt à se venger, une sentence qui va s'exécuter. « Au delà du fleuve du roi des Assyriens, » c'est-à-dire au delà de l'Euphrate, comme était la Judée et toute la Palestine par rapport à ceux qui viennent de la Perse. Tout cela, dit-il, sera détruit entièrement. Par ces mots tête, cheveux, barbe, pieds, il désigne tout le pays sous une métaphore empruntée du corps humain, et il embrasse dans ces paroles la contrée tout entière , comme il l'a fait au commencement lorsqu'il disait : « Toute tête est languissante et tout coeur abattu. Des pieds jusqu'à la tête, il n'y a rien d'intact en lui (Isaïe, I, 5, 6); » là il parlait non d'un homme, mais de tout le pays qu'il comparait à un seul corps. C'est encore ce qu'il veut dire ici, savoir que toute la terre aura à subir un châtiment exemplaire. Il emprunte d'un côté ses images à un rasoir, de l'autre côté au corps humain, pour montrer que l'arrêt porté par Dieu produira un effet plus terrible que le rasoir, qu'il fera disparaître les hommes et tout ce que porte la terre, pour la laisser déserte et inhabitée. Il se sert encore d'une autre image pour exprimer cette désolation. Il le fait pour que la crainte grandisse toujours et reste, et pour éviter que la terreur ne diminue par suite d'un si long discours. Il semble à quelques-uns que ces paroles renferment la promesse de certains biens; mais un examen plus profond fait voir qu'il n'y a que la description d'une désolation extrême. Que dit-il en effet? « En ce temps-là un homme nourrira une vache et deux brebis, et à cause de l'abondance de leur lait, il se nourrira de beurre; car tous ceux qui auront été laissés sur la terre mangeront le beurre et le miel (21, 22). » Cela indique, comme je l'ai dit plus haut, une grande solitude. En effet, la terre qui produit du blé et de l'orge, étant dépourvue d'habitants fournira aux animaux une nourriture abondante et si abondante que deux brebis et une vache s'en nourrissant donneront à leur possesseur des fontaines de lait. Ainsi l'abondance de vivres pour les animaux est une marque évidente que les hommes auront disparu. Et voici ce qu'indique le miel; les abeilles aiment ordinairement à habiter dans les lieux déserts parce qu'elles y trouvent une nourriture abondante et que personne ne les trouble. Et pour mieux vous convaincre que le Prophète parle d'une solitude extrême, voyez la suite : « Et en ce temps, dans les lieux où l'on avait vendu mille pieds de vigne mille sicles, il ne croîtra que des ronces et des épines. On n'entrera qu'avec l'arc et les flèches , parce que les ronces et les épines couvriront toute la terre (23-24).» C'est la marque d'un grand malheur quand non-seulement les montagnes et les forêts, mais la terre arable elle-même et celle qui n'attend que la culture produit des ronces. Ce n'est pas sans raison qu'il a parlé du prix des vignes, c'est pour nous montrer la fertilité de la terre et les soins des cultivateurs. Eh bien ! dit-il , même ces lieux si fertiles, si dignes des soins des laboureurs seront tellement abandonnés qu'ils produiront au lieu de vignes des épines, et causeront à ceux qui les aborderont tant de terreur que nul n'osera y entrer sans défense et sans armes. Ces paroles marquent combien le lieu sera désert et comme les bêtes féroces y habiteront. Après avoir porté le trouble dans les âmes et jeté la crainte dans les coeurs, le Prophète s'adoucit un peu, pour annoncer aussi des événements heureux , la prospérité qui suivra, et faire comprendre par l'une comme par l'autre situation la puissance de Dieu. Mais il insiste suc les choses effrayantes et ne fait qu'effleurer les heureuses. Pourquoi cela ? Parce que c'était surtout par là réprimande que le peuple avait besoin d'être traité. à ce moment : aussi après avoir administré sans ménagement ce remède, voulant laisser respirer quelque peu les auditeurs et les exciter encore par là à la vertu, il annonce des événements heureux en disant: « Toute montagne sera cultivée par la charrue. » De même en effet que, pendant la colère de Dieu, même la terre arable a été abandonnée, de même quand il sera apaisé, la terre dure deviendra comme la terre meuble, et comme elle , sera labourée et ensemencée. Quand ces choses arriveront , leurs conséquences se produiront aussi, la paix, l'abondance, la confiance, la sécurité, en un mot, l'état d'autrefois, (396) « La crainte sera bannie. Cette terre infertile et couverte de ronces se changera en pâturages pour les brebis et sera foulée par les boeufs (25). » Par ces détails le Prophète indique encore l'abondance, comme il dira plus loin . « Heureux qui ensemence toutes les eaux et qui envoie le boeuf et l'âne dans ses pâturages. » (Is. XXXII, 20. ) En effet, de même que pour dépeindre la solitude, il parle de sirènes et d'onocentaures, de même, pour dépeindre la paix et la tranquillité, il ne parle que d'animaux domestiques et apprivoisés, propres au travail des champs; il les montre remplissant tous les lieux, pour faire entendre par là la culture et ses conséquences.
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