TITE VI
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HOMÉLIE VI. ET JE VEUX QUE TU AFFIRMES CES CHOSES, AFIN QUE CEUX QUI ONT CRU EN DIEU AIENT SOIN LES PREMIERS DE S'APPLIQUER AUX BONNES CEUVRES : VOILA LES CHOSES QUI SONT BONNES Ex UTILES AUX HOMMES. MAIS RÉPRIME LES FOLLES QUESTIONS, LES GÉNÉALOGIES, LES CONTESTATIONS ET LES DISPUTES DE LA LOI, CAR ELLES SONT INUTILES ET VAINES. REJETTE L'HOMME HÉRÉTIQUE APRÈS LE PREMIER ET LE SECOND AVERTISSEMENT, SACHANT QU'UN TEL HOMME EST PERVERTI ET QU'IL PÈCHE, ÉTANT CONDAMNÉ PAR SOI-MÊME. (III, 8-15.)

 

Analyse.

 

1. Ne pas trop disputer avec les hérétiques.

2. Aller au-devant des besoins des pauvres. — Celui qui fait l'aumône gagne plus que celui qui la reçoit.

3. De la porte étroite, ce que c'est. — Les richesses comparées aux épines.

4. Il faut souffrir avec patience les maux qui nous arrivent. — Histoire de deux martyrs.

 

1. Après avoir parlé de la bonté de Dieu et de l'ineffable Providence avec laquelle il prend soin de nous, après avoir dit quels nous étions et quels il nous a faits, l'apôtre continue et dit: « Et je veux que tu affirmes ces choses, afin que ceux qui ont cru en Dieu aient soin les premiers de s'appliquer aux bonnes oeuvres » ; c'est-à-dire, il faut affirmer ces choses et par elles exciter les fidèles à l'aumône. En effet, ces paroles ne nous exhortent pas seulement à l'humilité, elles ne nous enseignent pas seulement que personne ne doit se glorifier, ni injurier autrui ; elles conviennent encore à toutes les autres vertus. Ainsi dons une épître (432) aux Corinthiens, saint Paul dit: « Vous connaissez la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui, étant riche, s'est rendu pauvre pour vous, afin que par sa pauvreté vous fussiez rendus riches ». (II Cor. VIII, 9.) Ainsi donc par la pensée de la providence de Dieu et de son infinie bonté, il les exhorte à la pratique de l'aumône, mais non pas à l'aventure et négligemment, car que dit-il? « Afin que ceux qui ont cru en Dieu aient soin les premiers de s'appliquer aux bonnes oeuvres » c'est-à-dire qu'ils doivent porter secours à ceux qui sont lésés injustement, non-seulement en leur donnant de l'argent, mais encore en prenant leur défense, protéger les veuves et les orphelins, et remettre en sûreté tous ceux qui souffrent ; c'est là en effet « s'appliquer aux bonnes oeuvres ». — « Voilà », dit-il, « les choses qui sont bonnes et utiles aux hommes. Mais réprime les folles questions, les généalogies, les contestations et les disputes de la loi, car elles sont inutiles et vaines ».

Qu'entend-il par ces « généalogies? » Dans une épître à Timothée il en fait mention également en ces termes: « Les fables et les généalogies qui sont sans fin ». (I Tim. I, 4:) Peut-être ici et là fait-il allusion aux juifs qui étaient très-orgueilleux d'avoir pour ancêtre Abraham, et qui étaient négligents dans les choses qui les concernaient eux-mêmes. C'est pourquoi il appelle ces généalogies insensées et inutiles, car c'est de la démence que de mettre sa confiance en des choses inutiles.

Quant aux contestations avec les hérétiques, l'apôtre nous recommande de les éviter, pour ne pas nous fatiguer en vain; car en fin de compte nous n'y gagnerons rien. Lorsqu'il y a un homme assez pervers pour décider que, quoi qu'il arrive, il ne changera pas de sentiment, vous épuiserez-vous en vain à répandre la semence sur la pierre, au lieu d'orner les âmes des fidèles en leur parlant- de la charité et des autres vertus? Pourquoi donc l'apôtre dit-il dans un autre endroit: « Afin d'essayer si quelque jour Dieu leur donnera la repentance » (II Tim. II, 25), tandis qu'ici : « Rejette l'homme hérétique »,dit-il,« après le premier et le second avertissement, sachant qu'un tel homme est perverti et qu'il pèche, étant condamné par soi-même ? » Dans le premier passage il parle de ceux qu'on pouvait espérer devoir se corriger et qui résistaient seulement: mais dès qu'il s'agit d'un ennemi manifeste et connu publiquement pour tel, pourquoi combattre en vain, pourquoi porter vos coups dans le vide? Qu'entend-il par ces mots: « Etant condamné par soi-même ? » C'est que l'hérétique ne peut pas dire: Personne ne m'a enseigné, .personne ne m'a averti. Lors donc que malgré les avertissements il reste le même, il est condamné par son propre jugement.

« Quand j'aurai envoyé vers toi Artémas ou Tychique, hâte-toi de venir vers moi à Nicopolis ». — Que dis-tu, saint apôtre? Tu viens de placer la Crète sous son autorité, et de nouveau tu l'appelles vers toi. — Oui, mais ce n'est pas pour le détourner de ses devoirs, c'est pour lui donner plus de force. —En effet il ne l'appelle pas à lui pour qu'il l'accompagne et lé suive partout, écoutez en effet ce qu'il dit : « Car j'ai résolu d'y passer l'hiver ». Quant à Nicopolis, c'est une ville de Thrace. « Envoie devant Zénas ; homme de loi, et Apollon, et prends soin que rien ne leur manque ». On ne leur avait pas encore confié d'églises à gouverner; mais c'étaient des compagnons de saint Paul ; Apollon était véhément, il était savant dans les Ecritures et ha. bile à manier la parole. Pour Zénas, puisque c'était un homme de loi, il ne devait pas, diras-tu, être instruit par les autres. Mais ici par « homme de loi » il faut entendre qu'il était versé dans le droit judaïque, et ce que dit l'apôtre équivaut à ceci : Procure-leur tout en abondance, afin que rien ne leur manque.  « Que les nôtres aussi apprennent à être les premiers à s'appliquer aux bonnes oeuvres pour les usages nécessaires, afin qu'ils ne soient pas sans fruit. Tous ceux qui sont avec moi te saluent. Salue ceux qui nous aiment en la foi (par là il faut entendre ou bien ceux qui aiment Paul, ou bien les fidèles). Grâce soit avec vous tous. Ainsi soit-il ».

2. Pourquoi donc, saint apôtre, ordonnes-tu à Tite de fermer la bouche aux contradicteurs; s'il faut les éviter, lorsqu'il font tout pour leur perte ? —  Saint Paul dit très-bien qu'il ne faut jamais les réfuter en vue de leur être utile car jamais ils n'en retireront le moindre profit puisqu'ils ont l'âme pervertie. Mais s'ils veulent perdre aussi les autres, c'est alors qu'il faut lutter contre eux, les combattre, et leur résister de toutes ses forces. Si donc tu en vois d'autres se corrompre, et que tu sois dans la nécessité de parler, ne te tais point, ferme leur la bouche pour guérir ceux qui vont à (433) leur perte. Un homme qui a du zèle et qui est vertueux, ne peut pas toujours éviter le combat. Seulement qu'il ait soin de se conduire de la manière que je viens de dire. Car souvent l'inoccupation et une philosophie inutile font qu'on donne tous ses soins à la parole: or c'est se préparer un grand châtiment que de parler inutilement lorsqu'il faudrait ou enseigner, ou prier, ou rendre grâces. Il ne faut pas croire que nous devons épargner nos richesses, mais non, nos paroles : il faudrait plutôt encore être économes de celles-ci que de celles-là, et ne pas nous livrer sans réflexion à tout le monde.

Que veulent dire ces paroles : « Qu'ils apprennent à être les premiers à s'appliquer aux bonnes oeuvres? » C'est comme s'il y avait: Qu'ils n'attendent pas que les pauvres aillent vers eux, mais qu'eux-mêmes cherchent avec soin quels sont ceux qui ont besoin de leur aide. En effet, lorsqu'on se soucie des pauvres, c'est de cette manière qu'on s'en soucie, c'est avec le plus grand soin et le plus grand zèle, et, lorsqu'on agit ainsi, il y a moindre profit pour ceux qui acceptent que pour ceux qui donnent : car l'aumône donne accès auprès de Dieu. Au contraire, le combat dont nous avons parlé n'a jamais de fin, parce qu'il est très-difficile de corriger un hérétique. Or, de même que ce serait de la paresse, si l'on ne donnait pas ses soins à ceux dont on peut espérer la conversion, de même ce serait de la folie, ce serait une extrême démence que de perdre son temps auprès de ceux qui sont travaillés d'une maladie incurable : ce serait leur donner plus d'audace.

« Que les nôtres aussi apprennent à être les premiers à s'appliquer aux bonnes oeuvres pour les usages nécessaires, afin qu'ils ne soient pas sans fruit ». Remarquez-vous qu'il s'occupe plus de ceux qui donnent que de ceux qui reçoivent? Il pouvait sans doute les passer sous silence pour bien des raisons : mais, dit-il, je prends souci des nôtres. En quoi donc, dites-moi, l'apôtre veille-t-il à leurs intérêts.? Le voici si d'autres qu'eux découvrant ces trésors spirituels de l'aumône, se les appropriaient en nourrissant les docteurs, ils ne feraient, eux, aucun profit, ils resteraient sans fruit. Ainsi, dites-moi, le Christ, qui avec cinq pains a nourri cinq mille hommes, qui avec sept pains en a nourri quatre mille, n'aurait-il pas pu se nourrir lui-même, lui et ceux qui vivaient avec lui? Pourquoi donc se laissait-il nourrir par des femmes ? « Il y avait là des femmes qui le suivaient et le servaient ». (Marc, XV, 41.) Il nous apprend par là qu'il prend soin de ceux qui font le bien. Saint Paul ne pouvait-il pas ne rien recevoir de personne, lui qui de ses propres mains fournissait aux autres leur subsistance ? Vous le voyez cependant recevoir .et demander; pour quel motif? écoutez : « Ce n'est pas que je recherche des présents, mais je cherche un fruit abondant pour votre compte ». (Philipp. IV, 27.) Au commencement, lorsque, vendant tous leurs biens, les fidèles venaient en déposer le prix aux pieds des apôtres, vous voyez les apôtres s'inquiéter plus de ceux qui donnaient que de ceux qui recevaient. S'ils avaient eu peu de souci des pauvres, ils n'auraient pas puni Saphire et Ananie, lorsqu'ils eurent retenu une partie de leur argent. Quelqu'un leur commandait-il de tout donner à l'Eglise? ce n'est pas saint Paul, car il dit : « Non point à regret  ni par contrainte ». (II Cor. IX, 7.) Mais quoi ! saint apôtre, veux-tu être un obstacle pour les pauvres? — Nullement, répond-il, mais ce n'est pas à leur intérêt, c'est à celui des bienfaiteurs que je veille en ce moment. Voyez encore le prophète, il ne pense pas seulement aux pauvres lorsqu'il donne les meilleurs conseils à Nabuchodonosor, il ne dit pas seulement : Donne aux pauvres, mais: « Rachète tes péchés par des aumônes, et tes iniquités en faisant miséricorde aux pauvres » (Dan. IV, 24) ; c'est-à-dire : Répands tes richesses non pas seulement pour nourrir les autres, mais pour t'arracher toi-même au châtiment. De même le Christ dit : «Vends ce que tu as et le donne aux pauvres, puis viens et me suis ». (Matth. XIX, 21.) Voyez-vous ici encore que ce précepte était donné à ceux qui voulaient suivre Jésus? Comme les richesses sont un empêchement pour la vertu, il ordonne de les donner aux pauvres, et apprend à l'âme à être miséricordieuse, à mépriser l'or, à fuir l'avarice; car celui qui apprend à donner à celui qui n'a rien, apprendra ensuite à ne rien recevoir de ceux qui sont riches. C'est par là que nous nous rendons semblables à Dieu. Il y a plus de difficulté à rester vierge, à jeûner, à coucher sur la terre, mais rien n'a autant de force et de puissance que la miséricorde pour éteindre la flamme de nos péchés : c'est de toutes les vertus la plus grande, elle rapproche du souverain Maître lui-même ceux (434) qui la cultivent, et en cela il n'y a rien que de juste. Car être vierge, jeûner, coucher sur la dure, cela ne profite qu'à celui qui tient cette conduite, nul autre n'est sauvé par là; la miséricorde au contraire s'étend à tous et embrasse tous les membres de Jésus-Christ. Or il y a bien plus de grandeur dans les belles actions qui s'étendent à tous les hommes que dans celles qui ne servent qu'à un seul.

3. C'est cette compassion pour les pauvres qui est la mère de la charité, de la charité, dis-je, cette vertu qui caractérisé le christianisme, qui l'emporte sur tous les autres signes de la foi, et à laquelle on reconnaît les disciples du Christ. C'est le remède de nos fautes; c'est elle qui lave les souillures de notre âme, c'est l'échelle par laquelle nous montons au ciel, c'est elle qui réunit en un seul corps les membres de Jésus-Christ. Voulez-vous savoir quel grand bien est la charité? Au temps des apôtres tous vendaient leurs biens pour leur en apporter le prix qui était ensuite distribué: « Et il était distribué à chacun selon qu'il en avait besoin », (Act, IV, 35.) Dites-le-moi, et ici je laisse de côté les biens futurs, car nous ne parlerons pas encore du royaume éternel voyons seulement les biens de ce monde dites-le-moi, qui sont ceux qui gagnent à cela? Sont-ce ceux qui reçoivent ou ceux qui donnent? Ceux-là murmuraient et avaient entre eux des altercations, pour ceux-ci ils n'avaient qu'une âme : « Tous en effet n'étaient qu'un coeur et qu'une âme» ; la grâce était en eux tous, et ce qu'ils faisaient, ils le faisaient avec grande utilité pour eux. Mais ne voyez-vous pas que les autres y gagnaient aussi? Maintenant, dites-moi, au nombre desquels voudriez-vous être? est-ce au nombre de ceux qui se défaisaient de toutes leurs richesses et restaient sans rien, ou au nombre de ceux qui recevaient quelque chose des autres?

Voyez l'utilité de l'aumône : tous les obstacles, tous les empêchements sont enlevés et aussitôt toutes les âmes sont unies : « Tous n'étaient qu'un coeur et qu'une âme» ; ainsi, quand ce ne, serait pas pour faire l'aumône, il serait encore très-avantageux de donner ses richesses. Si j'ai tenu ce discours, c'est pour que ceux qui n'ont reçu aucun héritage de leurs parents, ne soient pas pour cela tristes et chagrins par la pensée qu'ils ont moins de biens que les riches : ils en ont plus, s'ils le veulent. Car il leur sera plus facile de faire l'aumône du peu qu'ils ont, comme cette veuve dont parlent les livres saints; ils n'auront aucune occasion d'entrer en intimitié avec leurs proches et ils seront les plus libres du monde: personne ne pourra les menacer de la confiscation , ils seront supérieurs à tous les maux. Ceux qui fuient nus donnent peu de prise à ceux qui veulent les saisir, tandis que celui qui est couvert et chargé de vêtements est facilement pris. Il en est de même du riche et du pauvre. Celui-ci, fût-il pris, échappera facilement; celui-là, fût-il libre, s'embarrassera lui-même dans ses propres filets, dans mille soucis, mille chagrins, mille sujets d'irritation et de colère: toutes ces choses accablent l'âme, mais ce n'est pas tout, il y a encore bien d'autres maux qui viennent à la suite des richesses.

Il est bien plus difficile pour le riche que pour le pauvre de se conduire avec modération; il est bien plus difficile pour le riche que pour le pauvre de vivre avec simplicité et d'éviter la colère. Mais, direz-vous, il aura une plus belle récompense. — Nullement. — Pourquoi? ne surmonte-t-il pas de bien plus grandes difficultés? — Oui, mais ces difficultés, il se les est préparées lui-même, car il ne lui était pas commandé d'être riche, au contraire, c'est lui-même qui se crée mille obstacles, mille empêchements. Les autres ne quittent pas seulement leur argent, ils soumettent encore leur corps à de nombreuses macérations. Car ils marchent dans la voie étroite. Mais toi, non-seulement tu conserves tes biens, tu donnes encore des aliments à la fournaise de tes passions, et tu te mets au milieu de nouveaux embarras. Va donc dans le grand chemin, c'est lui qui reçoit tes pareils; pour la voie étroite elle s'ouvre aux affligés, aux opprimés, à ceux qui n'ont pas d'autres fardeaux que ceux qu'on y peut porter, la miséricorde, la bonté, la probité, la douceur. Si c'est là ce dont tu es chargé, il te sera facile d'y entrer, mais si tues arrogant, orgueilleux, si tu es chargé d'épines, qu'on appelle les richesses, il te faudra une large voie. En effet, tu ne pourras pas percer la foule sans te heurter à beaucoup d'autres, lorsque tu feras effort pour avancer : il te faudra beaucoup d'espace. Celui qui porte l'or et l'argent véritables, je veux dire les bonnes oeuvres, ne blessera point je ne dis pas seulement ceux, qui se pressent à côté de lui, mais même ses parents, ceux avec lesquels il vit. Maintenant, si les richesses sont des épines, (435) que sera-ce du désir de les posséder? Pourquoi emportes-tu avec toi tes biens? Est-ce pour produire une plus grande flamme, en jetant tes fardeaux dans le brasier? N'y a-t-il donc pas assez de feu dans l'enfer? Vois comment trois enfants ont triomphé de la fournaise. Suppose que c'est l'enfer : c'est avec l'affliction qu'ils y tombèrent, liés et enchaînés qu'ils étaient : cependant ils y trouvèrent un large espace libre où ils étaient à l'aise; il n'en fut pas ainsi de ceux qui les entouraient.

4. Même maintenant il se produira quelque chose de semblable, si nous voulons résister avec une force virile aux tentations qui nous assiègent. Si nous avons espoir en Dieu, nous serons en sécurité, large et à l'aise; mais pour ceux qui nous auront persécutés, ils périront. Car, dit l'Ecriture : « Celui qui creuse une fosse y tombera». (Ecclés. XXVII, 29.) Qu'ils enchaînent nos pieds et nos mains; la torture même pourra nous délivrer de nos fers. Voyez une chose merveilleuse : voilà des hommes qu'on a liés, le feu les délie. En effet, qu'on livre à des esclaves .les amis de leurs maîtres, ceux-ci craignant- cette amitié, bien loin de leur faire mal, auront pour eux les plus grands égards; il en est de même du feu comme il savait que ces enfants étaient les amis de son maître, il rompit leurs fers, les délia et les mit en liberté, il était pour eux comme un tapis sur lequel ils se promenaient, et ce n'est pas sans raison, puisqu'ils avaient été jetés là pour la gloire de Dieu. Si nous sommes torturés, rappelons-nous ces exemples.

Mais, direz-vous, ceux-ci ont été délivrés de leurs tourments, mais il n'en sera pas de même de nous. C'est justice, car les enfants ne sont pas entrés dans la fournaise avec l'espérance d'être délivrés, mais avec la pensée qu'ils allaient mourir. Ecoutez-les en effet: « Il y a un Dieu dans le ciel qui peut nous délivrer; s'il n'en est rien, sache, ô roi, que nous ne servirons pas tes dieux, et que nous ne nous prosternerons point devant la statue d'or que tu as dressée ». (Dan. III, 17, 18.) Pour nous, nous mettons une sorte de condition aux épreuves que Dieu nous envoie, nous marquons la limite du temps et nous disons : S'il n'a pas pitié de nous d'ici au temps marqué; voilà pourquoi nous ne sommes pas délivrés. Lorsqu'Abraham allait vers la montagne du sacrifice, il ne croyait pas que son fils serait sauvé, il marchait avec l'intention de l'immoler, et contre son attente il le vit sauvé. Vous aussi, lorsque vous tomberez dans l'adversité, ne demandez pas d'être aussitôt délivrés,.disposez votre âme à tout supporter, et bientôt le malheur vous lâchera : car si Dieu vous l'inflige, c'est pour vous instruire. Lors donc qu'une fois nous avons été formés à le supporter patiemment et sans aigreur, il s'éloigne enfin de nous pour toujours, parce que tout est en bon ordre dans notre âme.

Je veux vous raconter un fait qu'il vous sera très-utile et très-profitable d'entendre. Quel est-il? Comme la persécution sévissait et que l'Eglise était troublée par une guerre violente, on se saisit de deux chrétiens, dont l'un était prêt à tout supporter, tandis que l'autre, qui aurait courageusement donné sa tête au bourreau, craignait et redoutait les autres tourments. Voyez comment Dieu a arrangé les choses. Lorsque le juge fut sur son siège, il ordonna qu'on couperait la tête à celui qui était prêt à tout, pour l'autre, il le fit torturer, non pas une ou deux fois, mais dans toutes les villes par lesquelles il passait. Or, pourquoi Dieu a-t-il permis cela? C'était assurément pour donner de la fermeté et de la vigueur au moyen des tourments, à l'âme qui n'avait pas été assez exercée. C'était pour lui enlever toute terreur, afin qu'elle ne craignît pas plus longtemps, qu'elle ne fût point lâche et ne tremblât pas pendant le supplice. De même, c'est au moment où Joseph faisait le plus d'efforts pour sortir de prison, qu'il y était retenu pour plus longtemps; écoutez-le « J'ai été dérobé du pays des Hébreux», dit-il, « mais souviens-toi de moi auprès de Pharaon ». (Genès. XL, 15.) Pourquoi était-il retenu? C'est pour qu'il apprît qu'il ne fallait pas mettre sa confiance dans les hommes, mais s'en rapporter entièrement à Dieu. Maintenant donc que nous savons cela, rendons grâces au souverain maître, et faisons tout ce qu'il convient, afin de gagner les biens éternels en Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui partage la gloire du Père et du Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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