CHAPITRE XXXVI

PRUDENCE DE LA VIERGE MÈRE DANS LE GOUVERNEMENT DES FIDÈLES. CE QU'ELLE FIT AVEC SAINT ETIENNE.


Parmi les qualités innombrables que posséda la très-sainte Vierge, elle eut la plénitude et l'abondance de la sa-y gesse et de la science divine, qui était convenable à la mère de Dieu établie mère et maîtresse de l'Eglise. Elle connaissait tous les fidèles qui venaient à la foi, et découvrait leurs inclinations, leurs passions, leurs caractères, le degré de grâce et de vertu qui était dans leur âme, le mérite de leurs oeuvres, la fin et les motifs de leurs actions. Elle pénétrait en même temps le mystère secret de la volonté divine, aussi elle dispensait les affections de sa charité éternelle avec poids et mesure, de sorte qu'elle n'aimait personne ni plus ni moins qu'elle le devait. Parmi les saints bienheureux qui méritèrent l'amour de cette divine mère fut saint Etienne, un des soixante-douze disciples, car dès qu'il commença à suivre le Sauveur, la très-sainte Vierge le regarda avec une affection spéciale et singulière. Elle connut aussitôt que ce saint était choisi par le maître de la vie pour défendre son honneur au prix de son sang. Le saint était d'une amabilité et d'une bonté naturelle très-grande et la grâce le rendait encore plus aimable à tous. A cause de ses rares qualités auxquelles s'unissaient les plus héroïques vertus, la divine mère l'aimait tendrement, et il en fut comblé de très-précieuses bénédictions; elle rendait grâces au Très-Haut d'avoir créé cette âme qui devait recevoir la couronne du premier martyr. L'heureux saint correspondait avec fidélité aux bienfaits qu'il recevait de son divin maître et de sa divine mère, car il était non-seulement doux, mais encore humble de coeur. Il avait une grande vénération pour la mère des miséricordes, il l'interrogeait avec humilité sur les, plus profonds mystères , car il était très-instruit et savant, plein de foi et rempli de l'Esprit-Saint. La mère de la sagesse répondait à ses demandes, l'éclairait, le fortifiait et l'animait. Pour le fortifier encore plus fortement dans sa grande foi, elle l'avertit qu'il devait être le premier des martyrs de Jésus-Christ.

Cette avis enflamma extrêmement saint Etienne du désir du martyre, de sorte que plein de grâce et de force il opérait de grands prodiges; il disputait avec courage et franchise avec les princes des prêtres et les confondait tous. Il se présentait le premier pour disputer avec les rabbins et les principaux docteurs de la loi de Moyse, comme s'il eût craint qu'on vint lui enlever la couronne qu'il devait recevoir le premier, et il recherchait toutes les occasions pour défendre le nom de Jésus-Christ. Le dragon infernal, s'aperçut du désir du saint, et il chercha dans sa haine à empêcher que l'intrépide disciple ne confessât en public !l foi de Jésus de Nazareth, et à faire que les Juifs Je missent à mort secrètement; mais la grande reine qui connaissait toutes les trames de Lucifer, délivra le saint de toutes les embûches. Dans trois occasions, principalement elle envoya un de ses anges gardiens, pour faire sortir en sûreté le saint d'une maison, où les juifs avaient formé le dessein de le faire périr, secrètement; l'ange le délivra en le rendant invisible aux ennemis de l'Église, il le présenta ensuite à la grande reine, et plein de reconnaissance pour son bienfait il la remercia avec humilité. D'autre fois la sainte Vierge le prévenait et Je faisait avertir par ses anges de ne pas passer dans telle rue. Quelquefois elle l'empêchait de sortir du cénacle, et comme il brûlait du désir du martyre il se plaignait doucement à la reine des anges; en disant, ah ma reine et mon refuge, quand viendra donc le jour si heureux pour moi où je sacrifierai ma vie pour la gloire de mon Jésus? Ces amoureuses plaintes du saint causaient une joie incomparable à la divine maîtresse, et elle lui répondait avec une douce et maternelle affection; mon fils, serviteur très-fidèle du Seigneur, l'heure fixée par la divine volonté viendra et vos belles espérances ne seront pas certainement frustrées.

Bien plus; la pureté et la sainteté de saint Etienne était si grande et d'une perfection si éminente que les démons le considéraient de loin, et s'éloignaient de lui autant qu'ils pouvaient, mais par contre il était très-aimé de Jésus et de sa sainte mère et même des apôtres qui l'ordonnèrent diacre, il mérita d'être le premier martyr de l'Église, comme le raconte saint Luc dans les actes des apôtres. Le saint fut arrêté tandis qu'il prêchait avec un grand zèle, et fut amené devant les juifs qui l'accusèrent par toute sorte de mensonges. La miséricordieuse mère l'ayant su, lui envoya un ange pour l'assister et le fortifier. Lorsqu'il fut interrogé il confondit par sa profonde sagesse et la force de son esprit., les juges et tous les accusateurs, de sorte que convaincus et ne pouvant rien répondre ils se fermèrent les oreilles et poussèrent des cris horribles. Le saint était seulement affligé de n'avoir pas reçu la maternelle bénédiction de la grande et tendre reine. La miséricordieuse mère voyant son désir, consoler l'intrépide et bien-aimé disciple, elle s'adressa au Seigneur qui secondant la charité de sa mère envoya du ciel d'autres anges et avec ses anges gardiens ils la conduisirent sur une nuée éclatante dans la salle du conseil, mais elle n'était vue que du saint qui entouré de cette lumière devint tout resplendissant et beau comme un ange. La tendre mère le regarda de ses yeux miséricordieux, lui dit des paroles de vie éternelle, le bénit et pria pour lui le Père éternel, afin qu'il le remplît de l'Esprit-Saint, ce qu'il fit avec une grande abondance, car le saint montra publiquement son courage invincible et sa profonde sagesse, en prouvant la divinité et l'incarnation de Jésus par les témoignages incontestables de la sainte écriture. La grande reine était encore présente, se réjouissant de voir le zèle et le courage de saint Etienne, lorsque les cieux s'ouvrirent et Jésus se fit voir debout à la droite du Père, et le saint rendant témoignage de la gloire de son maître les juifs perfides prirent ses paroles pour des blasphèmes; c'est pourquoi il fut condamné à être lapidé comme blasphémateur. ils se jetèrent sur lui en fureur et le traînèrent hors de la ville pour le lapider. La sainte Vierge lui donna de nouveau sa bénédiction, l'encouragea et prit congé de lui avec une grande bonté, elle commanda à ses anges de l'accompagner et de l'assister jusqu'à sa mort. Elle retourna au cénacle d'où elle considéra avec attention le martyre que le saint souffrait avec tant de constance, la miséricordieuse mère en versa des larmes de compassion et de joie. Lorsque avant de mourir, le saint à genoux cria à haute voix; Seigneur, n'imputez pas à ces hommes ce péché, la divine mère accompagna sa généreuse prière avec une joie incroyable, en voyant ce fidèle imitateur du rédempteur qui priait pour ses ennemis. Il expira et sa grande âme fut conduite en paradis par des troupes d'anges et par les anges gardiens de Marie, elle fut reçue avec une joie inexprimable par Jésus, qui la plaça en un lieu de gloire éminent à la grande allégresse de toute la cour céleste. Les anges qui revinrent vers leur reine lui rendirent grâce au nom du saint, pour l'amour et les faveurs qu'elle lui avait accordées. Ce glorieux martyre eut lieu neuf mois après la mort du rédempteur, le vingt-six décembre, il était âgé de trente-quatre ans. La prière de saint Etienne unie à celle de la mère de Dieu, obtint la conversion de saint Paul.

Lucifer fut couvert de confusion par la constance du saint martyr et par la présence de la grande reine, il résolut donc d'irriter les juifs contre l'Église pour la détruire entièrement. Les ennemis de l'église excités par le démon convinrent alors ou de chasser tous les chrétiens de Jérusalem et même de la Judée et du pays de Samarie, ou de les faire tous mourir. Il s'éleva alors, comme le raconte saint Lue, une cruelle persécution, de sorte que la grande reine avec les apôtres, et un petit nombre de fidèles se retirèrent dans le cénacle, les autres disciples sortirent tous de la ville et prêchèrent avec une grande constance la foi de Jésus-Christ. Le Seigneur ne permit pas qu'on fit attention à ceux qui étaient dans le cénacle, et il voulut que les disciples dispersés dans la Galilée, fussent seuls persécutés; Saul fut nommé le chef des persécuteurs. il est impossible de rapporter la vigilance et la sollicitude de la divine mère pendant cette persécution. Lorsque saint Etienne fut mort, elle ordonna d'aller chercher son saint corps et de l'ensevelir, elle ordonna aussi qu'on lui apportât une croix que le saint martyr portait sur sa poitrine; car la reine des anges depuis la venue de l'Esprit-Saint en avait toujours une, sur son sein, et tous les fidèles en portaient une à son-exemple. Elle commanda encore de recueillir les petites choses qui avaient servies à son usage ainsi que son sang autant qu'il était possible, et de conserver tout cela avec une grande vénération. Elle fit un magnifique éloge de son grand mérite en présence des apôtres et des autres disciples, et elle commanda à Lucifer et aux siens, comme auteur de la persécution, de se précipiter aussitôt dans l'enfer. Elle assembla les apôtres, les anima, les consola et les fortifia pour la persécution, elle envoya les disciples dans la Judée et le pays de Samarie, pour prêcher l'évangile de Jésus crucifié, qui les fortifierait toujours. Elle envoya un grand nombre de ses anges gardiens pour accompagner, les uns, les disciples, les autres, pour assister les fidèles moribonds; elle envoyait aussi les apôtres hors de Jérusalem, là où ils étaient nécessaires, comme elle le fit lorsque saint Pierre et saint Jean partirent pour Samarie. Elle voyait toutes les choses présentes, et elle prévoyait avec certitude les futures. Elle disposait toutes les affaires particulières et celle de l'Église de telle sorte, qu'il lui restait toujours quelque temps pour se retirer dans son oratoire, là elle se prosternait à terre, elle s'abaissait au-dessous de la poussière et ne s'estimait pas digne que la terre la supportât; elle poussait des gémissements et versait des larmes pour obtenir le salut des hommes et la conversion des pécheurs.

La grande mère de la sagesse, considéra que les disciples s'étant séparés pour prêcher Je nom adorable de son fils et la sainte foi, n'avaient pas encore des règles déterminées pour instruire avec uniformité, afin que les fidèles crussent ensuite tous les mêmes vérités; elle assembla donc les apôtres et leur dit par la bouche de saint Pierre, avec qui elle en avait conféré auparavant: mes frères, puisque nous devons nous séparer pour étendre l'Église fondée par le sang de notre divin maître, et prêcher dans le monde entier, il est convenable que nous déterminions les mystères qu'il faut proposer explicitement à tous les croyants. Tous les apôtres approuvèrent ce que proposait saint Pierre, le vicaire de Jésus- Christ célébra la sainte messe, et communia la divine mère et les apôtres, lorsqu'elle fut terminée ils invoquèrent tous l'Esprit-Saint avec la sainte Vierge, en priant pendant quelque temps avec une grande ferveur. On entendit alors un grand bruit, comme lorsque le Saint-Esprit descendit la première fois, le cénacle fut de nouveau rempli d'une splendeur admirable, et ils furent éclairés et illuminés d'une manière plus parfaite. Alors la grande maîtresse de l'Église les prévint, de prononcer chacun ce que l'Esprit-Saint lui inspirerait, et saint Pierre commença.

St. Pierre. Je crois en Dieu le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre.

St. André. Et en Jésus-Christ son fils unique, Notre-Seigneur.

St. Jacques le majeur. Qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie.

St. Jean. A souffert sous Ponce Pilate, à été crucifié, mort, et a été enseveli.

St. Thomas. Est descendu aux enfers, le troisième jour est ressuscité des morts.

St. Jacques le mineur. Est monté aux cieux, où il est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant.

St. Philippe. D'où il viendra juger les vivants et les morts.

St. Barthèlemy. Je crois au Saint-Esprit.

St. Matthieu. La sainte Église catholique, la communion des saints.

St. Simon. La rémission des péchés.

St. Thaddée. La résurrection de la chair.

St. Matthias. La vie éternelle, ainsi soit-il.

Ensuite on entendit une voix qui dit: Vous avez bien déterminé. Aussitôt la grande reine chanta des louanges et rendit des actions de grâces au Très-Haut avec les apôtres; elle les remercia encore tous, et se mettant à genoux aux pieds de saint Pierre, elle fit profession de la sainte foi catholique en récitant le symbole; et elle fit cette profession de foi pour elle-même et pour tous les fidèles de l'Église, en disant à saint Pierre : mon maître, je vous reconnais pour le vicaire de mon très-saint Fils; dans vos mains, moi chétif vermisseau, en mon nom et au nom de tous les fidèles de l'Eglise, je confesse et je crois tous ce que vous avez déterminé comme vérité infaillible et divine de la foi catholique, et dans ces vérités je loue et je bénis le Très-Haut de qui elles procèdent. Ensuite elle baisa la main à saint Pierre vicaire de Jésus-Christ et aux autres apôtres.