Système d’éducation

 

 

Toutes les Maisons de Don Bosco fonctionnent d'après un système uniforme.

Les professeurs et les chefs d'ateliers sont, en général, des Salésiens, prêtres, clercs ou laïques ; à défaut de Salésiens on prend, autant que possible, d'anciens élèves ayant appris leur métier dans les Maisons de Don Bosco, et devenus d'excellents pères de famille. Cependant on a quelquefois recours à des contremaîtres étrangers, si le personnel est insuffisant : mais ce genre de choix est entouré de toutes les garanties désirables.

La plupart des enfants apprennent une profession, et reçoivent l'instruction élémentaire.

Ceux chez lesquels on reconnaît des aptitudes prononcées ou plus spéciales, deviennent étudiants. On leur enseigne alors le latin et les matières exigées par les programmes du gouvernement ; de sorte qu'ils peuvent aspirer à diverses carrières administratives, et même libérales.

Enfin l'Œuvre de Marie Auxiliatrice pour les vocations ecclésiastiques permet aux adultes, chez lesquels se manifeste une vocation formelle, de faire des études théologiques complètes, et d'arriver à la prêtrise sans passer par le Grand Séminaire.

Don Bosco a trouvé des procédés d'enseignement d'une simplicité et d'une efficacité étonnantes, adoptés depuis dans beaucoup de collèges et de maisons d'éducation. Il avait des formules à lui qui dissipaient toutes les obscurités, et incrustaient dans les têtes, les règles les plus difficiles.

Nous avons vu des jeunes gens sachant, à peine lire et écrire à vingt ans, et capables, après peu d'années d'études, de devenir des prêtres remarquables et d'une instruction parfaite.

Au point de vue moral les enfants sont dirigés d'après la méthode préventive, c'est-à-dire, qu'on s'attache soigneusement à prévenir les fautes pour n'avoir pas à les punir.

Les prêtres formés à l'école de Don Bosco excellent dans l'application de cette méthode, tout imprégnée du pur esprit de Saint François de Sales : aimer les enfants, s'en faire aimer, n'est-ce pas le meilleur moyen d'en tout obtenir ?

La clef de ce système est tout entière dans ces mots de saint Paul : Charitas benigna est, patiens est ; omnia sufert, omnia sperat, omnia sustinet. – La charité est affable, patiente ; elle soufre tout, elle espère tout, elle supporte tout.

 

Le maître, visant toujours au cœur de l'élève, s'attache à prévenir la moindre défaillance ; et, dans ces rapports où l'affection remplace la contrainte, une parole, un simple coup d'œil sont des reproches presque toujours suffisants. Les réprimandes sévères et les punitions deviennent inutiles.

Ce qui distingue, avant tout et entre toutes, les Maisons Salésiennes, c'est la voie de perfection chrétienne dans laquelle sont hardiment lancés tous ces enfants, et le bien énorme qui en résulte.

 

Les enfants sont admis à la première communion de très bonne heure, selon la coutume primitive de l'Église. « Lorsqu'un enfant est capable de distinguer entre pain et pain, et qu'il possède une instruction suffisante, il ne faut pas avoir égard à l'âge, mais faire en sorte que le Roi des Cieux vienne régner dans cette âme innocente. »

Presque tous ces enfants font la sainte communion tous les dimanches ; un grand nombre, deux ou trois fois par semaine, et quelques-uns tous les jours.

« La fréquentation de la confession et de la communion, la messe tous les jours, sont les colonnes qui doivent soutenir l'édifice de toute éducation, si l'on veut en bannir les menaces et les punitions. »

Dans les Maisons de Don Bosco, les enfants ne sont jamais seuls. Chacun des ateliers est surveillé par un prêtre ou clerc, qui peut d'ailleurs, pendant ce temps, continuer ses études.

La même surveillance est exercée pendant les récréations, mais elle est bien douce ; car, d'habitude les jeunes prêtres prennent une part active à tous les jeux. Il fut un temps où Don Bosco lui-même ne dédaignait pas de tenir sa place dans quelque superbe partie de barres et de ballon, et cette tradition s'est soigneusement conservée.

 

En ce beau temps de jeunesse, il y avait des scènes charmantes, à l’Oratoire. Voici comment Don Ballesio (1) en retrace le souvenir :

« Combien de fois je me rappelle Don Bosco doux et souriant au milieu de ses fils, sous les portiques ou dans la cour même, assis à terre, avec sept à huit cercles d'enfants tout autour de lui, comme des fleurs tournées vers le soleil, pour le voir et l'entendre.

Entrez, un peu après le repas, dans le réfectoire. Don Bosco, retenu par un continuel travail, vous y rejoint presque toujours tardivement, et seul, après les autres, le saint homme prend un peu de nourriture. Est-ce quelque chose de préparé pour lui, et qu'on lui aura réservé ? C'est la nourriture des siens qui, en surplus, sera peut-être réchauffée. Mais, ciel ! quel est ce tapage ? Le réfectoire est plein d'enfants ; l'un joue, l'autre chante, l'autre crie. Celui-ci est droit sur ses pieds, celui-là est sur les bancs, cet autre sur les tables. Autour de Don Bosco est un amoncellement de têtes, à droite, à gauche, sur la table, en face de lui. Et, au milieu de ce bruit assourdissant, dans cet air échauffé, Don Bosco jouit de ses fils : à l'un une parole, à celui-ci une caresse, à cet autre un regard, un sourire ; tous sont joyeux, et lui plus joyeux encore. Même en mangeant, Don Bosco remplit sa mission sanctificatrice ; être avec les enfants est, chez lui, une sainte et irrésistible passion ; et je ne le vis jamais montrer d'ennui ou de trouble, sinon lorsque quelque visite, non nécessaire, venait lui dérober la douceur de ces familiers entretiens.

Après qu'il avait passé la journée avec nous, terminé l'école du soir, celle de chant et de musique pour les uns, de grammaire et d'arithmétique pour les autres, à l'appel de la cloche nous nous assemblions pour la prière. Cher et sublime moment ! Mon cœur tressaille de la plus douce joie rien qu'à ce souvenir ! On entonne un cantique, et trois cents enfants forment un chœur imposant qui s'entend au loin. On prie tous ensemble et à haute voix, Don Bosco agenouillé au milieu de nous sur le pavé de pierre. Combien il était beau et saintement illuminé, Don Bosco, en ces instants ! La prière finie, il montait sur la petite tribune, et, à le voir apparaître ainsi avec un visage paternellement amoureux et riant tourné vers nous, on entendait de toute cette grande famille partir un souffle, une voix, un doux murmure, un long soupir de satisfaction et de contentement. Puis un religieux silence, et les yeux de tous fixés sur lui. Alors, il donnait les ordres pour le lendemain, suggérait quelques avis utiles, et puis, comme un père à ses fils, il souhaitait la bonne nuit, souhait qui lui était rendu par un général, ardent et tendre salut de respect et d'amour. »

Cette coutume, de terminer la journée par une courte allocution, s'est perpétuée dans toutes les Maisons Salésiennes.

 

Notre pauvre humanité regimbe contre la dure loi du travail, et cependant l'âme peut y trouver un milieu bien favorable à sa dilatation, quand elle n'est pas oublieuse d'elle-même.

On rappelle aux enfants comment le travail des mains a été honoré comment glorifié par Notre Seigneur Jésus-Christ, qui a voulu, dans sa vie mortelle, être un simple ouvrier. On leur parle de cet adorable modèle, et aussi de ce Père qui les recevra triomphants, dans le ciel, au sortir des peines et des fatigues de ce monde.

L'atelier chrétien devient véritablement un séjour de paix et de joie quand le travail, considéré à son vrai point de vue, est non seulement accepté, mais encore aimé et béni.

Munis d'une piété solide, tous ces jeunes gens peuvent ensuite aborder avec vaillance les difficultés de la vie, et suivre inflexiblement la ligne droite, ce qui est le meilleur et plus sûr moyen de réussir.

On évalue à environ trois cent mille le nombre des enfants sortis des Maisons de Don Bosco. La plupart sont restés dans les positions les plus modestes, ouvriers de diverses professions, mais quelques-uns cependant ont pu se créer des positions très honorables. On peut en citer qui dans le commerce, 1'industrie, l'administration, la magistrature et l'armée ont conquis des places élevées.

Ces anciens élèves sont dispersés un peu dans toutes les parties du monde. Mais que la fortune leur ait souri ou qu'ils soient restés dans la condition la plus humble, ce qui ne varie chez aucun d'eux c'est l'amour qu'ils conservent pour la Maison qui les a élevés. Chaque année, ceux qui le peuvent ne manquent guère de venir y faire une retraite ; Don Bosco et tous leurs anciens maîtres sont restés pour eux l'objet d'une vénération et d'une reconnaissance sans bornes.

Il ne faut pas oublier ce trait caractéristique : aucun de ces enfants n'a, jusqu'à présent, encouru de poursuites ou de condamnations judiciaires.

S'il est un fait éclatant, c'est que les Patronages et toutes les Maisons de Don Bosco rendent, aux pays qui leur donnent l'hospitalité, le plus grand et le plus signalé des services.

Des milliers d'enfants qui auraient été abandonnés aux hasards de la rue, et exposés à devenir l'écume de la société, sont transformés par la pieuse sollicitude de l'amour. On en fait d'utiles et honnêtes citoyens, des hommes de bien et de mérite. C'est ainsi que l'Œuvre Salésienne concourt, d'une façon certaine, à l'honneur et à la prospérité d'une nation.

 

(1) Don Ballesio, docteur en théologie et curé de Moncalieri, a été désigné par ses condisciples pour faire l'oraison funèbre de Don Bosco, au service que les anciens élèves de l'Oratoire ont organisé à la mémoire de leur Père bien-aimé. Cette oraison funèbre, qui retrace la vie intime de D. Bosco, est un vrai chef-d'œuvre, où la touchante vérité du sentiment revêt toujours la forme la plus exquise. Ces pages ravissantes seraient à citer toutes : c'est qu'elles font revivre, avec un bonheur que l'affection seule explique, l'homme de Dieu maniant les âmes de ses premiers enfants, pour les orienter vers les splendeurs de la grâce et les délices de l'amour divin.