1884
Prêtre ! Jamais.
Qu'il meure plutôt !
Il y a quatre ans, une dame de l'aristocratie turinaise, accompagnée de son plus jeune fils, vint trouver Don Bosco. C'était une visite d'amitié. La famille était réputée pieuse, et non sans raison, puisque son chef, chargé d'affaires du gouvernement piémontais, était rentré volontairement dans la vie privée, après la brèche de la Porte Pie.
Don Bosco, avec sa bonté ordinaire, demanda des nouvelles de toute la famille, et finit par dire :
Et qu'allez-vous faire, Madame, de votre fils aîné ?
Il suivra la carrière diplomatique, comme son père.
Bien. Et le second ?
Oh ! Don Bosco, celui-là est à l'école militaire ; il travaille pour devenir général, et il serait le premier de notre famille à ne pas réussir.
À merveille ! Et celui-ci ? D. Bosco désignait le petit garçon qui accompagnait sa mère Celui-ci, nous le ferons prêtre, n'est-ce pas ?
À ce mot de prêtre, la noble visiteuse, atterrée, demeura un instant sans voix ; puis, comme ranimée par la fureur, elle s'écria avec une énergie presque sauvage :
Prêtre ! Jamais. Qu'il meure plutôt !
Don Bosco, profondément attristé par cette réponse ; essaye de ramener la pauvre femme à de meilleurs sentiments ; il lui fait observer, avec douceur, que ce mot, prononcé par lui, n'est pas une sentence. Peine perdue ! La malheureuse mère répète l'affreuse imprécation, et se retire bouleversée.
Huit jours après, Don Bosco la voit reparaître, toute tremblante cette fois, et baignée de larmes :
Don Bosco, venez, venez vite bénir mon enfant celui que je vous ai amené... il se meurt !
On arrive dans la chambre du petit moribond, qui prend la main de D. Bosco et la baise avec respect. Les médecins se trouvaient réunis pour une consultation ; ils déclarent ignorer la nature du mal qui emporte l'enfant.
Le jeune malade a tout entendu. Il appelle sa mère, et lui dit d'une voix faible, mais distincte :
Mère, je sais, moi, pourquoi je meurs : c'est votre parole qui me tue. Rappelez-vous chez Don Bosco ! Pauvre mère, vous avez préféré me voir mort, plutôt que de me donner à Dieu, et le Bon Dieu me prend.
Don Bosco ne put que préparer la famille à accepter la dure épreuve. Il promit de faire prier ses enfants, et se retira profondément ému.
On ne tarda pas à venir lui apprendre que la leçon divine était complète : l'enfant était mort.