III. - Espérances

 

31 décembre

UN PEU DE MIEUX

 

Le malade demande à Don Lemoyne (1) la bénédiction de Marie Auxiliatrice. Bien souvent il avait prié ses prêtres de le bénir, et dans ces circonstances, comme toujours du reste, son attitude si humble était pour tous un grand exemple de foi et de charité.

Les médecins constatent une très notable amélioration ; et nous en envoyons la nouvelle en France pour rassurer un peu nos chers Coopérateurs.

Don Bosco, qu'il veille ou qu'il dorme, a sans cesse présente à l'esprit la pensée de l'histoire ecclésiastique. Il voit près de son lit le confrère chargé par lui de traduire en latin l'Histoire de l'Église, dont il est l'auteur. Apprenant que ce travail touchait à sa fin :

— Bien : je suis content, répond-il. C'est une œuvre que je désirais tant savoir accomplie. Continue dans le Seigneur.

Aujourd'hui, un télégramme du Cardinal Alimonda nous apporte une nouvelle bénédiction du Saint-Père.

 

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1er janvier

LES ÉTRENNES

LE COMTE COLLE - DON BOSCO ET DON RUA

 

On reçoit la nouvelle de la mort presque, subite du comte Fleury-Colle de Toulon ; notre insigne bienfaiteur. L'étroite amitié qui l'unissait à Don Bosco nous oblige à prendre les plus grands ménagements pour communiquer la triste nouvelle au bien-aimé malade.

Ces jours-ci, il fait souvent appeler Don Rua et passe avec lui de longs moments dans des colloques confidentiels.

 

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2 janvier

SECRET D'UNE BONNE MORT

 

Don Bosco recommande à Mgr. Cagliero de dire aux Salésiens : Qu'ils soient préparés à la mort, mais à une bonne mort, moyennant une ample moisson de bonnes œuvres.

 

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3 janvier

LE MIEUX SE DESSINE

 

Le mieux se dessinant tout les jours davantage, Mgr. Cagliero demanda à notre vénéré Père la permission de se rendre à Nizza Monferrato pour une importante vêture.

— Va, répond Don Bosco en souriant, et bénis en mon nom cette communauté. Mais tu retourneras, n'est-ce pas ?

Le même soir il dit au secrétaire :

— Tu es Don Viglietti ?

— Oui, je suis Viglietti.

— Eh bien, cher Yiglietti,  sais-tu pourquoi ; lors du premier départ de Mgr. Cagliero, il y a des années, je n'ai pas voulu te laisser aller en Amérique ?

— Oui, je me l'explique maintenant, répondit le secrétaire en pleurant.

— Bien, tu te l'expliques et tu le vois... mais je te l'avais dit te souviens-tu ? C'est toi qui dois me fermer les yeux.

 

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4 janvier

DEUX GUÉRISONS

 

On écrit d'Alassio pour recommander aux prières de Don Bosco un enfant presque moribond, et un jeune abbé atteint d'une pleurésie. À cette communication le malade répond :

— Mais c'est moi maintenant qui ai besoin des prières des autres.

Dans d'autres circonstances il avait parlé d'une manière aussi évasive. Quoi qu'il en soit, l'enfant et l'abbé guérirent tous deux.

 

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7 janvier

PREMIER REPAS - CHOSES ÉTONNANTES

 

Ce soir, sur le conseil des médecins, Don Bosco a pris une panade et un œuf.. Il ôte son bonnet pour réciter le Benedicite et prie en pleurant. Autour de lui on tremblait que ce premier repas ne vint à faire mal : c'est le contraire qui heureusement eut lieu. À peine fut-il un peu réconforté, qu'avec une animation extraordinaire, il demanda des nouvelles de mille choses.

On dut lui parler de Rome, du Pape, des fêtes Jubilaires ; puis il voulut connaître les affaires de l'Oratoire et causer avec quelques-uns de ses jeunes religieux.

Il ne s'était pas encore trouvé aussi bien. Le soir, vers 9 heures, il fit dire à Don Lemoyne ce qui suit :

— Comment peut-on expliquer qu'une personne, après 21 jours passés au lit, presque sans manger et avec l'esprit affaibli à l'excès, reprenne tout à coup possession d'elle-même, se rende compte de tout, se sente forte et puisse au besoin se lever, écrire, travailler ? Oui, je me sens en ce moment aussi valide que si je n'avais jamais été malade.

Si quelqu'un en voulait savoir la raison, il n'y aurait qu'à répondre : Quod Deus imperio, tu prece Virgo potes...

Ce que Dieu opère par sa puissance, vous, ô Vierge, par la prière, vous le pouvez.

Il est certain que mon heure n'est pas encore venue ; ce pourrait être bientôt : maintenant, non.

 

Cette trêve inespérée n'a été obtenue, on peut l'affirmer en toute certitude, que par les ferventes prières adressées à notre Mère toute bonne, de tous les points de la terre. Ce fut une grâce précieuse. Le vénéré Fondateur put arranger pour le mieux une foule d'affaires délicates, donner des règles de conduite pour les questions ayant trait au personnel de certaines Maisons. Déjà, quelques jours avant cette amélioration, il avait commencé, et continua jusqu'à, la fin, à donner des marques d'une vie intellectuelle inexplicable dans l'état où i1 se trouvait.

Presque toujours, en sortant d'un assoupissement qui durait parfois des journées entières, il parlait, avec une présence d'esprit et un à-propos admirables de telle démarche commencée, de telle mesure à prendre, d'une disposition légale à mettre en ligne de compte, et que l'on avait négligée.

Les médecins ne savaient quelle cause assigner à une si parfaite lucidité d'esprit et à une activité qui tenait du prodige.

 

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8 janvier

LE DUC DE NORFOLK

 

À midi, le duc de Norfolk, se rendant à Rome, vient passer quelques instants avec Don Bosco et prendre ses commissions pour le Saint-Père ; dans cet entretien d'une demi-heure, il fut également question de la Maison Salésienne nouvellement fondée à Londres, et des missions projetées en Chine. Le noble visiteur voulut, avant de partir, recevoir la bénédiction du vénéré malade.

Don Bosco a dit, ce soir, au secrétaire :

— Je regrette de ne pouvoir plus venir à votre secours comme je le faisais autrefois, en allant moi-même chercher les aumônes ; avant même de tomber malade, j'avais dépensé mon dernier sou : me voilà maintenant sans ressources, et cependant nos enfants continuent à demander du pain. Comment ferons-nous ? Il faut qu'on le sache : ceux qui voudront exercer la charité envers Don Bosco et ses orphelins, ne doivent pas attendre que j'aille tendre la main moi-même : je ne le pourrai plus.

 

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11 janvier

LÉON XIII

 

Le Saint-Père a reçu aujourd'hui le Pèlerinage piémontais. Un de nos missionnaires, Don Cassinis, venu avec Mgr. Cagliero de la République Argentine, put profiter de cette audience en compagnie de quelques autres Salésiens.

Quand ils furent aux pieds du Souverain Pontife, S. E. le cardinal Alimonda, archevêque de Turin, les présenta à Sa Sainteté, par ces mots :

— Ceux-ci sont Salésiens, fils de Don Bosco.

— Oh !... bien, daigna dire le Pape ; et quelles nouvelles me donnez-vous de Don Bosco ? J'ai appris qu'il avait été très mal, mais qu'il est un peu mieux maintenant.

— Oui, Saint-Père, répondit Don Cassinis, les dernières nouvelles sont bonnes. Don Bosco marche vers le rétablissement.

— Oh ! que Dieu soit remercié, s'écria le Pontife, et priez pour la conservation de votre Fondateur. Dites-lui que le Pape pense à lui, et lui envoie la bénédiction apostolique. La vie de Don Bosco est précieuse, et sa mort, arrivant ces jours-ci, eût profondément attristé nos fêtes de Rome.

 

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12 janvier

LES PÈLERINS DE ROME ET DON BOSCO

 

Cette semaine nous a amené une foule de Pèlerins Français, Belges, Suisses, Anglais et Allemands revenant de Rome. Tous désirent voir Don Bosco et recevoir sa bénédiction. Dans les limites du possible, il les reçoit avec une affectueuse cordialité, leur recommande ses orphelins et leur demande des prières pour son âme ; puis, cédant à leurs instances, il les bénit.

D'autres, moins heureux, ne purent être introduits à cause d'une défense formelle des docteurs : Don Bosco l'ayant appris, en témoigna son très vif regret.

 

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13 janvier

AMIS ET ADVERSAIRES

 

Don Rua annonce au cher malade qu'une foule de personnes du meilleur monde viennent s'inscrire à la porterie et demander de ses nouvelles ; il ajoute que non seulement les journaux catholiques, mais aussi ceux qui lui avaient toujours été défavorables, parlaient de lui avec respect et sympathie.

Don Bosco répond :

— Faisons toujours du bien à tous, et jamais de mal à personne.

 

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15 janvier

PAUVRES POUMONS !

 

Notre si bon Père plaisante toujours volontiers. L'état de ses poumons lui inspire de réflexions comme celles-ci :

— Si vous pouviez me trouver un fabricant de soufflets capable d'arranger les miens, vous me rendriez un réel service.

Et le doux sourire qui illumine son visage nous est une consolation qui ravive notre espérance.

 

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16 janvier

DON BOSCO NE CROIT PAS À SA GUÉRISON

 

Le mieux s'accentue. Les docteurs font préparer un fauteuil à l'usage des malades dont la respiration est gênée, pour le cas, maintenant probable, où Don Bosco pourra bientôt se lever un peu. Mais notre bien-aimé Père, dans une conversation avec Don Durando, dit clairement que toutes ces dispositions resteront inutiles.

 

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17 janvier

RECONNAISSANCE

 

Don Bosco s'aperçoit qu'on étend devant lui une serviette neuve :

— D'où vient ce linge ? demande-t-il.

— De l'asile du Bon Pasteur, qui en a offert quelques douzaines à Don Bosco, répond Don Sala.

— Eh bien, ne manquez pas de transmettre tous mes remerciements.

 

Le soir, il s'agissait de le soulever : Don Francesia lui rendit ce service.

— Oh ! dit le malade, il ne fallait pas pour si peu de chose déranger les célébrités.

Un joyeux sourire souligna ce dernier mot.

Mais comme un long séjour au lit avait occasionné des plaies, le moindre mouvement lui infligeait de cruelles souffrances.

Don Sala voulut au moins s'excuser :

— Pauvre Don Bosco, combien je vous fais souffrir !

La réponse ne se fit pas attendre : — Oh non ! Dis plutôt : pauvre Don Sala, qui se fatigue tant ! Mais, sois tranquille, ce service, je te le rendrai à mon tour quand le moment sera venu.

Ce si bon Père oubliait ses tortures, pour se reprocher, en quelque sorte, les sollicitudes que son état imposait à ses fils.

 

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18 janvier

L'ARCHEVÊQUE DE MALINES

 

Don Bosco reçoit aujourd'hui la visite de Monseigneur l'Archevêque de Malines accompagné d'un de ses vicaires généraux et de plusieurs prêtres belges.

Il fait à Mgr. Cagliero les recommandations suivantes :

— Prends à cœur la Congrégation Salésienne tout entière : aide les autres Supérieurs de tout ton pouvoir. Venir au secours de nos Missions est le moyen infaillible d'obtenir de Marie Auxiliatrice les grâces que l'on désire.

 

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19 janvier

« PRIEZ AVEC UNE FOI VIVE. »

 

On commence à prononcer le mot de convalescence.

De fait, on a le droit de dire que la faiblesse seule empêche Don Bosco de quitter le lit. Mais il parait ne point partager nos douces illusions : il sent que sa vie dépend de la prière.

— Père, lui dit un des Supérieurs, nous prions tous beaucoup pour vous.

— C'est bien, répond-il aussitôt ; mais il faut prier avec foi, avec une foi vive.

 

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20 janvier

VISITEUR. DES PAYS LOINTAINS

 

Visite de Mgr. l'Évêque de Lari, coadjuteur de Mgr. Tissot au Visigapatam. Ce saint missionnaire, des Salésiens français d'Annecy, a bien voulu, à son retour de Rome, passer quelques heures à l'Oratoire ; il a été un des derniers à voir notre bien-aimé Père, avant le brusque revirement qui a précédé la catastrophe.

 

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21 janvier

« REVIENS BIENTÔT »

 

Mgr. Cagliero disait ce matin à notre bien-aimé Père :

— Cher Don Bosco, je suis appelé à Lu pour la fête de St.-Valère, patron de ce pays que vous aimez tant, et qui vous a donné, vous le savez bien, beaucoup de missionnaires et surtout des religieuses.

— Tu peux aller, cela me fait plaisir, répondit le malade ; mais tu reviendras bientôt, n'est-ce pas ?

— Dès que la fête sera finie, j'irai passer quelques heures au milieu de nos enfants de Borgo San Martino, et je reprends ensuite la route de Turin.

— Soit : mais ne fais pas de retard.

 

 

(1) Secrétaire général de la Société, et Rédacteur en chef du Bulletin Salésien