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Le faux frère otre lecteur voudra bien se reporter en arrière à quelques faits de l'histoire de Torquatus. Le matin qui suivit sa chute, il trouva près de son lit, à son réveil, Fulvius. C'était bien le fauconnier qui, ayant mis la main sur un excellent faucon, s'occupe à l'apprivoiser, le dresser à chasser pour lui la colombe, et en échange de cet esclavage lui prodigue la bonne chère. Avec tout le sang-froid d'un homme expérimenté, Fulvius lui rappela tous les détails de la débauche de la nuit précédente, sa ruine complète et son unique chance de salut ; d'une main habile et impitoyable il fortifia et resserra toutes les mailles du filet où il le tenait enfermé depuis la veille.
Voici quel était la position de Torquatus : s'il faisait un pas vers le christianisme, et Fulvius assurait que ce serait inutile, à l'instant il était traduit devant le juge et souffrait une mort cruelle ; s'il restait fidèle à ses promesses de trahison, il ne manquerait de rien.
«Vous avez une fièvre brûlante, lui dit enfin Fulvius, une promenade et l'air frais du matin vous remettront.»
Le malheureux consentit. A peine avaient-ils atteint le forum, que Corvinus survint comme par accident. Après un échange de politesses : «Je suis heureux de vous rencontrer, dit-il, car je voulais vous montrer l'atelier de mon père.
- L'atelier ? demanda Torquatus avec surprise.
- Oui, l'endroit où il garde ses outils : il vient précisément de le faire restaurer avec soin. C'est tout près d'ici : tenez, voici son vieux contre-maître, le féroce Catulus, qui ouvre les portes.»
Ils entrèrent dans une cour spacieuse, entourée de hangars remplis d'instruments de torture de formes variées. Torquatus recula.
«Entrez, seigneur, ne craignez rien, s'écria le vieux bourreau ; le feu n'est pas encore allumé, et à moins que vous ne soyez d'abominables chrétiens, personne ne vous fera aucun mal. C'est pour eux que nous venons de nettoyer notre arsenal.
- Voyons, Catulus, dit Corvinus, expliquez à ce jeune homme étranger l'usage de tous ces jouets délicats.»
Catulus, dans la joie de son âme, leur montra son horrible musée, en y joignant toutes les explications possibles, et une quantité de plaisanteries que nous n'avons pas jugées dignes d'être rapportées. Dans son enthousiasme, il fut sur le point de donner à Torquatus une démonstration pratique de ce qu'il lui décrivait, et faillit lui saisir une oreille avec des pinces tranchantes, et lui briser les dents à l'aide d'un pesant maillet, qu'il fit passer presque à un pouce de son visage.
Ce fut une véritable jouissance pour Catulus d'exhiber les chevalets, un gril immense, une chaise de fer placée au-dessus d'un fourneau, d'énormes chaudières pour préparer les bains d'eau ou d'huile bouillante ; les cuillers pour faire fondre le plomb et l'introduire délicatement dans la bouche ; les tenailles, les crochets et les peignes de fer de toute façon pour mettre les côtes à nu ; les scorpions ou fouets terminés par des boucles de fer ou de plomb ; les colliers de fer, les menottes et les chaînes, dont la forme ingénieuse causait d'affreuses tortures ; enfin des épées, des couteaux et des haches à l'infini. Il se promettait aussi le plus grand plaisir à les essayer sur ces chrétiens dont la tête est si dure et la peau si épaisse (1).
Torquatus était accablé. On le conduisit aux bains d'Antonin, où il attira l'attention du vieux Cucumio, le capsarius chargé de la garde des vêtements, et de sa femme Victoria, qui l'avaient vu à l'église. Après un bon repas, il se rendit à une salle de jeu des Thermes, où il perdit son argent, comme cela devait être. Fulvius lui en prêta ; mais il ne lui donna pas un denier sans exiger une reconnaissance. Après quelques jours de ce traitement il fut complètement en son pouvoir.
Ils ne se réunissaient que le matin et le soir ; pendant le reste du jour Torquatus était libre, car ses alliés craignaient qu'il ne perdît sa valeur en devenant suspect aux chrétiens. Corvinus voulut frapper un grand coup, aussitôt que l'édit serait publié ; il imposa donc à Torquatus, en vertu de leur association, l'étude du principal cimetière où le pontife devait officier. Ce dernier ne tarda pas à obéir ; sa visite au cimetière de Calliste avait pour but de remplir cet engagement. Lorsque Severus observa la lutte qui avait eu lieu dans l'âme de ce traître entre la grâce et le péché, ce fut l'image de Catulus et de ses horribles instruments, et le souvenir des sommes dues à Fulvius, qui firent pencher la balance du côté du crime. Corvinus, après avoir entendu son rapport et dressé grossièrement un plan du cimetière, se détermina à l'envahir de bonne heure, le lendemain même de la publication du décret.
Fulvius agit autrement. Il chercha à connaître de vue les principaux membres du clergé et les chrétiens les plus importants de Rome. Une fois maître de ce précieux renseignement, il était sûr qu'aucun déguisement ne saurait les dissimuler à ses yeux clairvoyants ; il lui serait facile de les faire arrêter dans la suite, les uns après les autres. Torquatus fut donc obligé de le prendre pour compagnon à la première cérémonie importante qui devait réunir un grand nombre de prêtres et de diacres autour du pape. Fulvius surmonta toutes ses objections, dissipa toutes ses craintes, et l'assura qu'une fois mêlé à l'assistance, grâce au mot d'ordre, il se comporterait aussi bien que le meilleur chrétien. Le traître l'informa qu'il se présentait une excellente occasion : c'était l'ordination qui allait bientôt avoir lieu, précisément pendant ce mois de décembre.
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