La religion de combat par labbé Joseph Lémann Livre Troisième L'insolence du plan sectaire Chapitre Troisième - I.Comme quoi le terme d’insolence ne convient que trop justement à ce qui se perpètre. I À en juger par la seule physionomie des fils de ténèbres, nés de lapostasie, que nous avons esquissée, le plan sectaire doit être épouvantable. Mais si, à la lueur des faits qui se déroulent, et à lexamen des projets quon ne prend plus la peine de dissimuler, on considère ce plan en lui-même, dans son but, ses proportions et son exécution, un terme bondit, en quelque sorte, sous la plume pour le qualifier insolence. Le plan sectaire est insolent. Linsolence, dans lacception de ce mot, exprime deux idées: lidée de quelque chose dinaccoutumé, dinsolite; et lidée de lexcès dans laudace. Cest bien la double note de ce qui se perpètre: lapostasie prépare, pour le monde, quelque chose dinsolite, dinouï, on ne laura jamais vu; et son audacieuse tentative laissera bien loin derrière elle les excès des hérésies et des méchancetés passées. Le récit de la Genèse que lassyriologie contemporaine justifie si complètement, dit quau début de lhistoire du monde, dans cette époque restée obscure où les hommes étaient forts et vivaient longtemps, il y avait des géants: des géants étaient sur la terre en ce temps-là, cest-à-dire, daprès linterprétation du texte hébreu, des hommes qui, outre une stature au-dessus de la stature commune, étaient violents, audacieux, et se distinguaient par leurs crimes. Un autre livre sacré, lEcclésiastique, ajoute deux: Les anciens géants ont été détruits à cause de la confiance quils avaient dans leurs propres forces. Dieu les a eus en exécration à cause de leur insolence. Il ne faut plus se faire illusion, la consommation des siècles aura ses géants, comme les a eus la genèse: géants du mal! La stature physique des fils de ténèbres, nés de lapostasie, na rien, sans doute, que de très médiocre: ce sont même des hommes dégénérés, rapetissés. Mais les moyens formidables dont ils disposent donnent à leur puissance des dimensions sans bornes, et linsolence de leur plan renferme un défi que le ciel na jamais entendu. Sondons cette insolence, comme on fait dun abîme. Un prophète dIsraël disait des anciens géants, à propos de leur pays: Cest là quont été ces géants si célèbres, qui étaient dès le commencement, ces géants dune si haute taille, qui savaient la guerre. Voyons si ceux de lapostasie nentendent pas aussi, et que trop savamment, lépouvantable guerre contre Dieu. II Un dogme faux et impie a été posé au commencement de ce siècle: la souveraineté du peuple; Une institution redoutable a bientôt accompagné ce dogme: le suffrage universel; Quest-il sorti de ce dogme et du fonctionnement de linstitution? Ce spectacle sans précédent dans lhistoire des erreurs du genre humain: de grandes masses de peuples qui viennent, officiellement, se ranger en bataille contre Dieu. On appelle cet état de choses la démocratie. La démocratie est-elle donc mauvaise en soi, et ses racines plongent-elles dans les enfers? Pas le moins du monde. Elle est bonne comme la monarchie, bonne comme laristocratie, elle complète les trois éléments dun État, savoir: le monarque, la noblesse, le peuple. Seulement, bien loin dêtre elle-même une souveraineté, elle doit se subordonner avec humilité, reconnaissance et amour, à deux souverainetés qui lui procurent son organisation, sa force, sa beauté, son bonheur, et qui sont: La souveraineté de Dieu, de qui elle relève, comme toute créature, comme la monarchie et laristocratie; La souveraineté dun chef, élu avec poids, nombre et mesure, quel que soit, du reste, son nom (président, prince, consul), à la sagesse et au génie duquel elle confie ses destinées pendant quelle se livre à ses rudes labeurs absorbants, et avec qui elle respecte le pacte gouvernemental, conclu ensemble. Cette subordination, hélas! ne s’est pas accomplie, à la date fameuse de l’avènement de la démocratie : 1789. Le peuple, alors, s’est affranchi de Dieu, et s’est affranchi de tout chef; à l’instigation de perfides rhéteurs, il a proclamé sa propre souveraineté. Cette indépendance, impie vis-à-vis de Dieu, imprudente dans le rejet d’un chef légitime ou choisi avec sagesse, n’a amené, à la démocratie égarée et téméraire, que des désastres. Sa souveraineté ne traîne après elle que des calamités; elles crèvent les yeux, et aussi, le cœur! Première calamité : les Droits de l’homme, décalogue et évangile de la démocratie, ne font que faire verser des larmes à l’homme; jamais, en effet, la personnalité humaine n’a été plus méprisée, plus asservie, plus écrasée, plus malheureuse! Deuxième calamité : la souveraineté du peuple n’a pas empêché le pouvoir de tomber dans les mains d’exploiteurs qui, tour à tour, ont trompé cruellement le peuple, en le flattant. «Dans une démocratie gouvernée chrétiennement, le pouvoir s’élève vers les hauteurs lumineuses et s’exerce par l’aristocratie de l’intelligence et du mérite; dans les démocraties livrées à des athées, l’autorité s’abaisse, de degrés en degrés, jusqu’aux sombres marécages où les miasmes empoisonnés fermentent; le pouvoir finit par tomber entre les mains de scélérats bêtes et méchants.» Un peuple qui se passe de Dieu dit aux chefs ambulants qui se succèdent: Cest labomination qui vous a choisis, et ces chefs sont forcés dêtre abominables. Troisième calamité: au début de son avènement, la démocratie voulait borner son impiété à se passer de Dieu. Elle ne sest pas arrêtée là, elle ne pouvait pas sy arrêter. Des meneurs, les chefs de la secte, lui ont dit: Va contre Dieu! Le passage de sans Dieu à contre Dieu a été franchi, et lheure présente nest-elle pas au spectacle de grandes masses de peuples qui sont en marche contre le ciel? Le temps des géants est revenu! Il en résulte cette première insolence du plan sectaire, dautant plus excessive quelle saide de la plus impitoyable tyrannie: linsolence et la tyrannie du nombre. Une feuille catholique la décrit en ces termes expressifs: Combien justes et saisissantes sont ces réflexions! Que de fois, durant ces vingt dernières années, ne se sont-elles pas vérifiées dans les actes de brutalité dune majorité impie? Ici, cétait un conseil municipal qui rayait le terme Dieu de tous les livres de classe; là cétait une Chambre législative qui accompagnait de hurlements ses votes contre les institutions catholiques. Une locution célèbre est née de cette tyrannie insolente du nombre: La mort sans phrases; les institutions catholiques nont pas à parler, elles nont quà mourir! III Sans Dieu, puis contre Dieu, telles sont donc les étapes que la secte fait parcourir à la démocratie: mais dans quel but? que poursuit le plan sectaire? Ce but: Substituer à la Divinité, lHumanité; à Dieu, lhomme. Dieu nest plus, lhomme le remplace! Nest-ce pas linsolence de lusurpation? Lusurpation, en effet, forme le fond de la malice humaine, depuis le péché. Le paganisme antique avec ses mille dieux aux formes humaines a été laccaparement, labsorption, de la divinité dans lhumanité; mais laudace moderne tente une entreprise plus nettement usurpatrice: la supplantation directe de Dieu par lhomme. Plus de détours: Dieu est de trop; lHomme-Dieu est de trop; lÉglise de Dieu est de trop; ce que lhomme veut, cest lui-même; cest lui seul. La Divinité ayant été balayée, apparaîtra lHumanité! Dans un âpre désert de lOrient, au milieu dun buisson qui brûlait sans se consumer, lÉternel avait révélé son nom au pâtre qui fut Moïse: «Je suis Celui qui suis; tu diras aux enfants dIsraël que Celui qui est tenvoie vers eux.» Ô terre de lOrient, murmure le plan sectaire, tu prétends avoir entendu cela; Arabie, pays de lencens, tu as envoyé cette révélation, avec tes parfums, dans toutes les directions de la terre; mais lOccident, lui, comme un robuste travailleur en pleine possession de lui-même, avec ses bras noircis par le travail, avec les flots de fumée de ses chars de feu, lOccident apporte au monde une autre révélation que voici: Dieu nest pas, mais lhomme est; il est à lui-même son Dieu, et cest à lui de se créer sa félicité. Quelque incroyable et monstrueuse que soit cette tentative dusurpation, elle est cependant en train de saccomplir; trois grands courants de supplantation le prouvent surabondamment: Ny a-t-il pas dabord le transport sacrilège sur le peuple souverain, des attributs de la Divinité? «Suivant le blasphème révolutionnaire, le peuple est Dieu; on lui en reconnaît les incommunicables attributs: linfaillibilité, linviolabilité, limpeccabilité, lindiscutabilité «Dès lors pas de discussion, pas de contradiction; les pouvoirs émanés du peuple ne souffrent pas de telles familiarités. Prohibition de toute liberté dexamen, cest bien un culte cela, un abominable et sacrilège culte qui veut simposer par la force. «La souveraineté populaire nest bornée sur aucun point et dans aucune direction; elle est sans limite, sans devoir, sans foi ni loi. Une telle souveraineté na quun nom qui la caractérise: elle est lomnipuissance du mal.» Que nous sommes loin des belles doctrines traditionnelles qui plaçaient le trône de Dieu au-dessus des sociétés et disaient quil est le suprême arbitre des destinées! Dieu est détrôné: le suprême arbitre est le peuple souverain. De cette supplantation insolente, ny a-t-il pas une autre preuve dans la laïcisation? En effet, outre les spoliations iniques qui sont la suite de cette mesure, à quoi vise-t-on en laïcisant? que déclare-t-on ouvertement? On déclare quon veut substituer à Dieu, à lHomme-Dieu, à lÉglise de Dieu, un état de choses purement humanitaire; En laïcisant les écoles, substituer à léducation chrétienne, une éducation humanitaire; En laïcisant les hôpitaux, substituer à la divine Charité, des soins humanitaires; En laïcisant les funérailles, substituer à la mort chrétienne, une mort humanitaire; En laïcisant toutes choses, substituer à la civilisation chrétienne, une civilisation humanitaire. Nous sommes assez grands pour gouverner nos affaires! sécrient superbement les législateurs de la nouvelle Humanité; les vieux siècles de superstition avaient introduit dans nos affaires la main de Dieu; nous, nous ne reconnaissons que les bras de lhomme! De cette supplantation insolente, ny a-t-il pas une troisième preuve indéniable dans ce scandale qui dure: léglise de la patronne de Paris, sainte Geneviève, enlevée au Dieu vivant et adjugée au fracas des apothéoses. La Majesté du Dieu vivant remplissait ce temple; on lui a signifié un matin: Va-t-en, car voici de grands morts de la race humaine qui viennent prendre ta place. Le journalisme a décrit ainsi quil suit linsolence de ces apothéoses: «Il serait puéril de le contester, de semblables honneurs ne sont rendus quà une personnalité souveraine. Cela ne suffit pas; il faut ajouter que cette personnalité souveraine est la réduction de tout un peuple, disons mieux, de toute une époque, à un moment donné de lhistoire de lhumanité. «Si la France sémeut, si toutes les nations sémeuvent comme la France, parce que V. Hugo vient de mourir, concluez que V. Hugo était la lyre vibrante de toutes ces âmes agitées, la voix où notre temps se sentait passer avec éclat, dans tout le transport de ce qui le passionne le plus. Luvre colossale de V. Hugo restera lexpression la plus vraie et la plus palpitante du xixe siècle. Que vaut cette uvre, que vaut cette expression, que vaut ce xixe siècle? Lavenir le dira. «On le traînera au Panthéon, doù lon a chassé limage de Jésus-Christ. On le divinisera. «Révolutionnaire jusquaux moelles, parce quil était orgueilleux jusquaux moelles, il reçoit aujourdhui, du siècle quil a formé, lapothéose qui met le comble à sa funeste influence, son indécente gloire.» «Mais léclat poétique et la portée historique de lévénement extraordinaire qui se passe aujourdhui sous mes yeux ne me dissimulent ni les vices et les fautes du héros, ni la tristesse des conséquences de son apothéose. «Non, le triomphe posthume quon lui fait ne me cache rien des laideurs de son âme, de la béate et criminelle indulgence pour le mal qui forme aujourdhui le fond de loraison funèbre de V. Hugo. Mais ses funérailles sont significatives autant que grandioses, et je le dis: Victor Hugo est un monde; le juger en bloc est un contre-sens. Lanalyse seule peut en venir à bout. Or, les masses ne connaissent pas lanalyse et procèdent par synthèse. «Christ laïque, politique incorruptible,» voilà les deux médailles que le Petit Journal a suspendues, depuis dix jours, à la boutonnière de ses 600 mille lecteurs.» Oui, certes, il y a de quoi faire réfléchir. Les tendances de lhomme à supplanter Dieu et à se déifier prennent de jour en jour, dheure en heure, des formes et des dimensions qui font peur. IV Linsolence du plan sectaire est loin dêtre épuisée. Expulser Dieu, déifier lhomme, voilà donc le but à atteindre. Mais qui sera chargé de conduire officiellement lentreprise, et dy entraîner le reste du genre humain? «Les deux nations les plus catholiques», répond avec une joie maligne le plan sectaire. «La France et lItalie ont amené autrefois le monde à Dieu, au Christ et à lÉglise; la France et lItalie conduiront maintenant la guerre du monde contre Dieu, contre son Christ, et lÉglise.» Dans la conception de ce gigantesque contraste, quelle insolence ny a-t-il pas? Lennemi acharné du genre humain, Satan, a pu seul concevoir et inspirer une pareille antithèse. Son orgueil ne savourerait-il pas la plus basse jouissance, si jamais il pouvait sadresser ainsi à la France: «Toi, la fille aînée de lÉglise! Non, tu es la mienne à présent!» Y a-t-il dans les commencements de lÉglise une hérésie grandissante à arrêter dans sa marche, à clouer à terre? une flèche part du carquois de Dieu, cest la France: Clovis transperce et finit dans les plaines de Vouillé lhérésie arienne. Y a-t-il le cimeterre musulman à confondre dans son éclair par un éclair plus vif et plus prompt? une flèche part du carquois de Dieu, cest la France; Charles Martel écrase sous les murs de Poitiers linvasion musulmane. Y à-t-il lindépendance du chef de lÉglise à garantir, un Pape est-il en péril? le sifflement de la flèche qui part se fait entendre au-dessus des Alpes, cest la France! et le Pape qui, à sa gauche, avait déjà Constantin, voit à sa droite se placer Charlemagne. Y a-t-il une injustice commise quelque part, sélève-t-il le soupir dun innocent opprimé, fût-il soupiré au bout du monde? une oreille lentend et une flèche part, cest la France, et des bras se tendent pour remercier la libératrice. La France était donc, dans un sens très vrai, le carquois dhonneur et de réserve flottant aux côtés du Tout-Puissant. Mais voici, depuis la Révolution, un retournement lugubre, semblable au retournement dune flèche qui reviendrait contre celui qui laurait lancée: Y a-t-il la base même du foyer domestique à ébranler par le divorce? ce trait aigu atteint le cur de Dieu, et lon dit quil vient de France! Y a-t-il le crucifix à arracher, à faire tomber des murailles? ce trait aigu part, et lon dit quil vient de France! Y a-t-il linnocence des enfants à compromettre dans sa fleur? Y a-t-il la soeur de charité à éloigner du lit des malades dans les hôpitaux? Ces deux traits aigus partent, et lon dit quils viennent de France! Y a-t-il le dernier soupir, le dernier regard du moribond à détourner du ciel et de la miséricorde? Ce trait aigu part, et lon dit quil vient de France! Voilà un retournement lugubre et bien étrange. Doit-on en déduire que le carquois de Dieu est devenu le carquois du diable? Blasphème serait une pareille déduction! De même quautrefois larche dalliance était tombée an pouvoir des Philistins sans rien perdre de sa sainteté, la France tombée au pouvoir des sectaires conserve lespérance de reprendre et de continuer sa mission dhonneur. Léon XIII la soutient de cette espérance: ne la nomme-t-il pas la très noble nation de France, nobilissima gens Galliarum? Vous me faites servir à vos iniquités, dit-elle à ses oppresseurs, et je déteste liniquité . Néanmoins, quelle insolente satisfaction pour Satan davoir réussi à faire inscrire au plan sectaire: On visera Dieu, de la terre de France! «Vous me faites servir à vos iniquités, et je déteste liniquité,» peut dire également la noble Italie. Des bouches dor et des plumes savantes et émues ont célébré lItalie, mais nulle éloquence ne nous a semblé plus émouvante que les accents arrachés à un coeur dange et de femme, au moment où la Révolution inaugurait dans la péninsule son oeuvre de défiguration: «Et maintenant, après tant de douleurs, ma passion pour ce pays est toujours la même, ou plutôt plus forte, car à présent je sais pourquoi je laime, je sais quelle est la source doù ce délicieux parfum se répand sur lItalie. «Oh! oui, jaime et jaimerai toujours ce pays, dont le peuple croit à une patrie éternelle, à des amis invisibles auxquels il parle dans ses joies et dans ses peines; ce pays dont presque chaque ville voit son Dieu réellement présent, exposé continuellement aux yeux dune foule qui adore! Jaime ce pays qui a connu toutes les gloires et qui les a toutes rapportées à Dieu; ce pays dont les habitants ont su atteindre la perfection du beau en toutes choses, et qui cependant connaissent moins que dautres lambition et la fatuité. «Jaime ce pays, où les âmes et les fleurs répandent plus de parfum quailleurs; ce pays, qui vit naître saint François dAssise et lautre doux François, et tant dautres saints et saintes au cur brûlant; ce pays, où toutes les fêtes sont religieuses, où lon rencontre sur son chemin lhabit que portèrent saint Benoît, saint Dominique, saint François, saint Ignace et dautres dont le nom est écrit avec les leurs au livre de vie; ce pays, où tant de vies humbles et obscures sachèvent au fond des villages, comme au fond des cloîtres, par une sainte mort. Jaime ce pays, qui renferme la ville où règne le représentant de Jésus-Christ, la Ville Sainte, ou tant de vertus se sont pratiquées de tous temps et où est venue se fortifier celle de tous les grands bienfaiteurs de lhumanité. «Oh! jaime ce pays où le blé et la vigne semblent se presser de croître pour servir au plus sacré des mystères; ce pays si doux à lâme, si enchanteur aux yeux, quil me semble quen mourant on pourrait se dire: «Je vais voir bien mieux que lItalie!» Cest cependant ce pays auquel on sefforce de persuader que sans la présence du Chef de lÉglise sur son sol et dans son histoire, il atteindrait les plus hautes destinées dans laréopage des nations. LItalie chrétienne ne le croira jamais. Tant que Venise ne sera pas morte avec le lion de Saint-Marc, tant que Gênes élèvera au-dessus des flots ses palais de marbre, tant que Florence couvrira lArno des splendeurs de son génie, on ne pourra croire que la Rome des Papes fut une cause de décadence, de servitude et dopprobre. Il y a des accusations qui se répondent à elles-mêmes, et des injustices qui sont lhonneur des grandes choses. Néanmoins, là encore, quelle insolente satisfaction pour le père du mensonge davoir fait inscrire au plan sectaire: On persuadera à lItalie de se débarrasser de la Papauté! V «Cest par des lois correctes, continue le plan sectaire, que Dieu, le Christ, le Pape, lÉglise, les sacrements, les croix, doivent vider le terrain. Que celui qui a fait la Loi ancienne et la Loi nouvelle, le Décalogue et lÉvangile, déloge à son tour, au nom de la Loi!» Ce mode dexécution est dune insolence qui na pas de nom. Faire servir les deux plus belles patries chrétiennes à lexpulsion de Dieu, du Christ et des choses saintes, est déjà une audace inouïe; mais y employer correctement la Loi, cest le comble! En effet, voici le plus formidable péril des temps modernes; de courtes et lumineuses sentences de Bossuet sur les lois, rapprochées de ce qui se passe, aideront à le faire comprendre. Première sentence: La loi est réputée avoir une origine divine. Cest pourquoi, ajoute Bossuet, tous les peuples ont voulu donner à leurs lois une origine divine, et ceux qui ne lont pas eue ont feint de lavoir. Cest ainsi que les lois deviennent sacrées et inviolables. Mais à présent que Dieu est chassé, lorigine des lois est la volonté nationale, cest-à-dire la volonté dune multitude dirigée par des chefs sectaires, que labomination a choisis. Deuxième sentence: Lintérêt et la passion corrompent les hommes, mais la loi est sans intérêt et sans passion. À présent, au contraire, la passion est dans les lois; la haine y transpire contre le catholicisme; le vil intérêt également les anime, cest pour dépouiller les catholiques quon les fait. Troisième sentence: La loi est sans tache et sans corruption. À présent, au contraire, les lois sont pleines de taches; elles favorisent la corruption. Et dautre part, cependant, ces lois demeurent entrelacées à des restes de christianisme, par exemple, le Concordat et ses articles organiques. Or, Cest au nom de pareilles lois qui nont plus de liaison avec Dieu, qui expriment la passion et lintérêt, qui sont pleines de taches et qui, dautre part, demeurent entrelacées à des restes politiques de christianisme, cest au nom de ces lois, au nom de la Loi, quon vient dire et signifier dans des patries chrétiennes comme la France et lItalie, façonnées par le christianisme au respect de la loi: Dehors les religieux! plus de processions! obligation du service militaire pour les prêtres! incapacité denseigner pour les cléricaux! incapacité de posséder pour les congréganistes! et, de la sorte, se prolonge et se stabilise la plus douloureuse et la plus savante persécution qui se soit encore organisée, où lon voit les justes condamnés par la justice, mais une justice révolutionnée, de chrétienne quelle était! Si Julien lApostat pouvait reparaître, assurément, son coeur se gonflerait dorgueil; car le plan de la savante persécution dont il a eu lidée est repris, et cette fois, se dirait-il, tu ne vaincras pas, Galiléen! Évitant le plus possible la violence et leffusion du sang, il avait eu lidée de mettre les chrétiens hors lenseignement, hors les professions libérales, hors les moindres charges de lÉtat; de leur soustraire tous les moyens dexistence et dactivité, et de forcer ainsi le christianisme à étouffer, à tomber et à finir, faute dair et daliment. Lhistoire rapporte que, à lépoque de son expédition contre les Perses, Julien traversait la plaine de Cyrestica, quand il aperçut la grotte dun saint ermite, nommé Domitius, assiégée par une foule daffligés et de malades qui venaient demander à lhomme de Dieu des consolations ou la guérison de leurs infirmités. LApostat, frappé de ce spectacle, sarrête et va droit à lermite. «Nas-tu pas pris lengagement de vivre seul? lui crie-t-il dès quil laperçoit. Nest-ce pas pour cela que tu tes retiré dans ce désert? Que signifie cette foule? Pourquoi violes-tu ainsi ton vu?» «Mon âme et mon corps sont bien véritablement reclus dans cette caverne, répond le solitaire, mais je ne puis renvoyer ce peuple dont la foi me poursuit au désert.» «Ah! ce nest que cela! dit Julien avec un ricanement féroce, eh bien, je vais taider.» Et il ordonne de murer la grotte. Le saint ermite y mourut de faim. Le plan sectaire moderne se promet le même résultat. La France, lItalie, les patries chrétiennes, étaient, pour le christianisme, ce que lermitage au désert était pour le saint ermite: les multitudes et les peuples des autres parties du monde accouraient demander au christianisme ses bienfaits, particulièrement sur le sol de France et dItalie. Eh bien, cest en France même, en Italie, dans les patries chrétiennes, que le christianisme devra étouffer, tomber et finir: les lois serviront à le murer, elles le murent déjà. Et Satan et lapostasie moderne, avec un ricanement féroce, attendent patiemment, derrière les lois, comme derrière les portes de lEnfer, lagonie de loeuvre du Galiléen! VI Dans leffroyable plan qui sexécute, il y a encore linsolence des auxiliaires. Julien lApostat, lorsquil avait voulu détruire la religion chrétienne, avait appelé à la rescousse deux auxiliaires: le paganisme dont il ranima les fausses divinités, les usages et les fêtes, et le judaïsme, dont il entreprit de reconstruire le Temple. Lapostasie moderne, héritière, en lagrandissant, du plan de Julien lApostat, sest souvenue des deux auxiliaires. Laide du premier sest déployé avec fracas à louverture de la Révolution française, et il est demeuré célèbre, alors que, de 1789 à lEmpire, les coutumes ramenées de Rome païenne, dAthènes, de Sparte, roulèrent leurs flots de vase impure dans la vie de la nation très chrétienne, et que les bourreaux dansèrent, comme les satyres anciens, sur les corps des prêtres et des chrétiens massacrés: mais laide du paganisme est épuisé, et cest maintenant le tour du judaïsme, comme auxiliaire de persécution. Hâtons-nous de dire que la plupart des israélites ne sont pas persécuteurs, que beaucoup même sont animés de dispositions fraternelles pour leurs concitoyens chrétiens, mais que la malveillance invétérée du judaïsme à légard du christianisme est persécutrice. En outre, limagination dIsraël na pas cessé dêtre hantée par un rêve de domination universelle: en sorte que, par ces dispositions innées et traditionnelles de malveillance, et par ce rêve de la domination, tous les israélites participent, bon gré, mal gré, au rôle de persécuteurs adopté par un certain nombre dentre eux, qui ont pris rang dans les loges maçonniques, et même les dirigent. Ils font cause commune; tacitement, ils acceptent cette responsabilité, et la meilleure preuve, cest que nul rabbin, nul israélite de renom, ne sest levé pour protester contre la persécution à laquelle les catholiques sont en butte: autrefois, les papes se sont levés pour protéger les israélites persécutés; aujourdhui, pas un rabbin na fait acte de reconnaissance. Tout le peuple juif peut donc être considéré, sinon comme appartenant au camp des persécuteurs, du moins comme son allié: absents du Golgotha, ils nont pas démenti le crime de leurs pères et ils portent le poids du sang; absents des loges maçonniques, les israélites honnêtes portent le poids de la persécution contre les catholiques parce quils nont pas encore eu le courage de la blâmer et de démentir leur participation. Satan a regardé ce peuple, et il à dû se dire: «Je le déteste, il me déteste, et tous les autres peuples le détestent. Je le déteste, parce que de lui est né le Fils de Dieu et quil doit servir aux derniers desseins de la Providence. Il me déteste, parce que, malgré notre entente au Calvaire, il demeure, contre moi, le défenseur de lunité de Dieu. Et les peuples le détestent, parce quil attire à lui tous les sacs dor. Néanmoins, ce sera lui qui va devenir, mieux encore que le paganisme, lauxiliaire le plus précieux dans la lutte contre le catholicisme que je déteste souverainement Reprends courage, Satan, il y aura la mêlée des haines! » De fait, pour la première fois depuis Julien lApostat qui avait voulu reconstruire le Temple de Jérusalem, le peuple juif est rentré en ligne, appelé positivement par lapostasie moderne. Et linsolence accompagne tous ses mouvements: Insolence de sa fortune en face des malheurs des catholiques. Quelle joie secrète dabord, et maintenant bruyante, ce contraste ne lui inspire-t-il pas? «Cest notre tour à présent: la revanche du Talmud sur lÉvangile! Vive 89, notre nouveau Sinaï! Trop longtemps on a dit: Sus aux juifs! ce nest pas un mal quon dise: «Sus aux curés!» Insolence dans les complaisances de lapostasie à son égard. Des ministres de la guerre interdisent aux soldats de la très noble France dassister à la messe, même un jour de Pâques; mais pour les juifs qui sont sous les drapeaux, des circulaires datées du cabinet du ministre, écrites de sa main, enjoignent à tous les chefs de corps de les laisser aller dans leurs foyers pour y célébrer leurs Pâques juives. Les exceptions, les faveurs, les adulations prodiguées aux juifs sont encore plus révoltantes dans les autres ministères. Les patries chrétiennes se meurent et à cet être sans patrie, leurs dépouilles sont adjugées! Insolence de son faste. Hier encore, il était la fable et la risée des peuples, fugitif, sans demeure fixe; et aujourdhui, il est installé dans les hôtels somptueux et les palais royaux. Les chasses des parcs princiers lui appartiennent. Les rois se prosternent devant son sceptre. Le Père Lacordaire avait dit, à propos des murs qui commençaient à redevenir païennes sous Louis XIV: Dans la chambre où avait dormi saint Louis, Sardanapale était couché. Stamboul avait visité Versailles et sy trouvait à laise; aujourdhui ne dirait-il pas, en abaissant forcément son magnifique langage: «La Judengrass a visité Versailles et sy trouve à laise; dans la chambre où ont dormi les rois de France, sapprête à sallonger quelque revenant-squelette dune race flétrie; et si les mariages mixtes continuent à être recherchés par des couronnes de ducs en détresse, les couches royales ne sont plus à labri! » Insolence dans le ton de ses journaux. Ce n’est pas précisément le ton d’un parvenu, car il a été roi : peuple-roi avec David et le divin Messie! C’est le ton cruel et hautain d’un humilié resté orgueilleux et qui se sent redevenir le maître. Quelles injures ignobles et ordurières, les écrivains-reptiles dont il achète la plume, ne déversent-ils pas journellement sur l’auguste Chef de l’Église et sur les catholiques? Et si cette parole qu’on prête à un potentat de la finance est réelle: Je ne sais vraiment pas comment les petits chrétiens feront pour vivre dans cinquante ans, quelle insolente domination se prépare sous les ongles des vautours de la finance! Insolence de ses manières persécutrices. Il y a quelque chose d’étrange dans la persécution contemporaine: la violence, en effet, ne la caractérise pas, mais la ruse, l’hypocrisie, la ténacité et la patience. «Elle décèle Caïphe:» c’est le frisson général! Rien n’est précipité dans les coups qui frappent les catholiques, tout est calculé, vil, rampant. La société chrétienne n’est pas exposée dans les amphithéâtres aux bonds des tigres et des léopards, elle est saignée lentement, à la juive. Par une dérision qui fait exulter la secte, ce qui reste du temporel des Papes, le Vatican, était l’emplacement de l’ancienne juiverie à l’époque où saint Pierre vint à Rome; or, de connivence avec l’apostasie, la Haute Banque enveloppe et enserre le Vatican de constructions insolentes, pour y étouffer la Papauté: la fumée des usines pénètre dans les jardins du Pape, indice de mépris, et prélude de l’étouffement. Voilà lauxiliaire! le ricanement de Satan et du plan sectaire nest-il pas motivé: Tu ne vaincras pas cette fois, Galiléen! On sait que lorsque Julien entreprit de rebâtir le Temple de Jérusalem, des globes de feu sortirent tout à coup des entrailles du sol et dévorèrent, avec une partie des ouvriers épouvantés, les commencements de laudacieuse reconstruction. Nous laissons en réserve au Tout-Puissant le secret du feu qui, assurément, fera repentir les juifs francs-maçons ou haineux de leur concours fourni à lapostasie des Juliens modernes; et ne nous préoccupant que des Israélites honnêtes et bien disposés, nous leur rappellerons un épisode de leur histoire qui, avec la grâce de Dieu, pourra devenir, pour eux, un phare. Israël était en marche vers la Terre-Promise. Le roi de Moab, en apprenant son passage, fait venir Balaam, devin célèbre des bords de lEuphrate, comme auxiliaire de sa colère et de ses fureurs. Il lui offre des présents et lui dit: «Venez pour maudire ce peuple, parce quil est plus fort que moi, afin que je sente si je pourrai par quelque moyen le battre et le chasser de mes terres.» Alors se passe cette scène fameuse où Balaam, conduit successivement par le roi sur trois hauteurs différentes doù lon apercevait Israël campé sous ses tentes et distribué par tribus, bénit chaque fois au lieu de maudire, et prononce ces paroles émues: «Comment maudirai-je celui que Dieu na point maudit? Comment détesterai-je celui que le Seigneur ne déteste point? Je le verrai du sommet des rochers, je le considérerai du haut des collines Que vos pavillons sont beaux, ô Jacob! Que vos tentes sont belles, ô Israël! Elles sont comme des allées couvertes de grands arbres: comme des jardins le long des fleuves, toujours arrosés deau; comme des tentes que le Seigneur même a affermies; comme des cèdres plantés sur le bord des eaux.» Ô Israélites honnêtes et qui névitez pas laugmentation de la lumière, ce Balaam qui a ainsi béni vos pères avec des accents émus et pleins de grandeur a été surnommé le prophète des Nations; tous les prophètes sont sortis dIsraël, un seul excepté, celui-là; et, lorsque subjugué par lEsprit de Dieu qui le visitait, il prononça sa prophétie, ses lèvres, à défaut de son coeur, débordèrent en louanges et en bénédictions sur Israël quon lui demandait de maudire. Eh bien, ô Israélites debout dans la justice et pour les desseins de Dieu, voici venir bientôt loccasion heureuse de rendre aux nations chrétiennes, et à lÉglise leur mère, la bénédiction qui vous fut donnée au pays de Moab. À lapostasie qui compte sur votre concours pour laccomplissement final de lhorrible plan quelle a conçu, dites avec magnanimité: «Tu mas appelé comme auxiliaire de haine! Mais comment maudirai-je ceux que Dieu na point maudits? Comment détesterai-je ceux que le Seigneur ne déteste point? » Et puissiez-vous ajouter, en apercevant lÉglise portant ses campements, comme une sublime voyageuse, à travers le monde, intacte et fière dans sa belle ordonnance alors que les révolutions bouleversent tous les États, avec lunité de ses Évêques autour du Pape, le dévouement de ses prêtres, lobéissance de tous ses enfants, puissiez-vous non seulement, des lèvres, mais du cur, ajouter: Que vos pavillons sont beaux, ô Jacob! Que vos tentes sont belles, ô Israël! Mais avant que se produise cet acte dillumination et de magnanimité, par quelles douleurs purificatrices les restes dIsraël et les restes des Nations chrétiennes nauront-ils pas à passer? VII En effet, comme terme final du plan sectaire, se préparent pour lhumanité des adorations monstrueuses. Lhomme a besoin dadorer. Ce sentiment, ce culte, est inséparable de sa nature avide dêtre satisfaite. Son être étant fini, borné, ne trouvant pas en lui-même de quoi rassasier ses ambitions ouvertes sur linfini, il se précipite aux pieds de tout ce qui lui apporte un peu de la plénitude rêvée et poursuivie. Sil est religieux, il comprend que Dieu seul est capable de combler les abîmes de son être, et il nadore que lui. Si, au contraire, il est irréligieux, ou même simplement frivole, il éparpille et prodigue ses adorations à tout ce qui assouvit ses convoitises et contente ses caprices. Dans les réunions mondaines, on profane ce mot en trouvant adorables les choses les plus futiles. Bref, lhomme a besoin dadorer. Or, dès là que le plan sectaire sacharne à détourner les peuples de Dieu, vers qui, vers quoi, entraînera-t-il les adorations de la multitude? car les multitudes, elles aussi, ont besoin dadorer, elles crient: Cherchez-nous des erreurs! cherchez-nous des idoles! Le plan sectaire y a pensé. Ces idoles ne ressembleront en rien à celles de lancien paganisme, car les peuples façonnés par le christianisme sont devenus trop intelligents pour apporter leurs hommages à des simulacres de bois, de métal ou de pierre. Elles seront impersonnelles, par cela même plus difficiles à extirper. Confectionnant ces idoles en rapport avec lHumanité qui doit se substituer à la Divinité, le plan sectaire a dit aux multitudes: Vous adorerez trois choses qui sont les sources de toutes les faveurs et de toutes les jouissances: lor, la courtisane, le pouvoir. il y a ladoration de lor. Jamais les entrailles de la terre nont été plus empressées à en fournir et jamais la soif den avoir na été plus prudente, plus haletante. Les anciens riraient sils voyaient leurs formules dadoration reparues, surpassées. On a découvert dans les ruines de Pompéi une boutique avec cette enseigne: Salve lucro; la société moderne, aujourdhui, est à genoux devant cette enseigne. Les juifs dansaient autour du veau dor: lesprit du siècle est devenu juif, et, dans le cercle de danse agrandi, tous les peuples, à lenvi, se précipitent, sont entraînés. Rothschild apparaît aux foules comme le prince des Bienheureux, et, de tous les temples, nul nest plus fréquenté ni plus universalisé que la Bourse. Même ceux qui croient à lÉvangile se laissent envahir par la fièvre du lucre. LÉvangile recommande: Cherchez dabord le royaume de Dieu, et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît: hélas! on cherche dabord la fortune, et le royaume de Dieu passe au rang du surcroît. En vérité, depuis la Révolution, lor est devenu la première divinité démocratique, et, pour être admis à baiser le bout de son sceptre, il ny a pas de bassesse quon ne fasse et dignominie quon ne supporte. il y a ladoration de la courtisane. Le Livre des Proverbes sacrés contient une recommandation alarmée, dont les gouvernements, alors quils étaient bons, faisaient leur ligne de conduite pour la sauvegarde des citoyens, à légal de la sollicitude des mères de famille: «Maintenant donc, ô mon fils, écoutez-moi, et ne vous détournez point des paroles de ma bouche. Napprochez point de la porte de sa maison » Quelle est cette demeure dont les Livres saints, les mères de famille, les bons gouvernements, conseillent déviter les abords? Celle de la courtisane. Les Proverbes ajoutent: Car les lèvres de la prostituée sont comme le rayon doù coule le miel, et son gosier est plus doux que lhuile; mais la fin en est amère comme labsinthe, et perçante comme une épée à deux tranchants. Ses pieds descendent dans la mort, et ses pas senfoncent jusquaux enfers. Or, veut-on saisir, dun bond de la pensée, tout le chemin que lapostasie a fait parcourir aux patries chrétiennes? Quon cherche la réponse publique, officielle, éclatante, que les gouvernements donnent aujourdhui au vieux conseil de prudence: Napprochez point de la porte de sa maison. Quelle est la maison quils désignent à linterdiction? La maison de Dieu, léglise! Si vous en approchez, si lon vous aperçoit en franchir la porte, votre traitement sera supprimé, votre place vous sera enlevée, votre avancement sera compromis. Par contre, la maison de la courtisane vous est ouverte, vous navez pas besoin den détourner votre voie. Ainsi sest établi, stabilisé, ce contraste épouvantable: la maison de Dieu prohibée, la maison de la courtisane favorisée. Au début de la Révolution française, on vit un jour, dans Notre-Dame de Paris, lautel du Dieu vivant vide et le trône dune prostituée placé au-dessus; après un siècle, ce qui sétait osé dans le temple sest continué et universalisé dans les murs: les adorateurs sont enlevés à Dieu, et adjugés à la courtisane. Il y a ladoration du pouvoir. Dans un État démocratique sans Dieu, lexercice du pouvoir, depuis le portefeuille du ministre jusquà la fonction de garde champêtre, suscite et favorise lentente de la tyrannie et de ladulation. Pour arriver, on consent à de honteux compromis, à dignobles promiscuités, à de basses et odieuses mesures contre les gens de bien et lÉglise de Dieu: Tu auras ce siège de magistrat, mais tu rendras ainsi les arrêts. Je rendrai ainsi les arrêts. À toi, ce portefeuille de ministre, mais tengages-tu à faire passer cette loi? Je ferai passer cette lot. Tu seras député, mais tu voteras dans ce sens. Je voterai dans ce sens. Le célèbre évêque de Mayence, Mgr Emmanuel de Ketteler, doué, comme un de Maistre, dun coup doeil prophétique, avait annoncé en ces termes, il y a vingt ans passés, la déification de lÉtat: «Il y a au firmament un astre nébuleux dont il est difficile de dire sil croît ou sil diminue, et dans ce dernier cas, sil ne diminue que temporairement pour croître ensuite avec une force nouvelle et exercer sur le monde son action malfaisante. Cet astre, cest la déification de lhumanité sous la forme du Dieu-État
Il y a eu la déification de lhomme, vient maintenant la déification du genre humain. Or la forme qui sadapte le mieux à cette déification de lhumanité, cest la forme de lÉtat; et cest là en effet quaboutissent de nos jours, comme autant de petits ruisseaux, les opinions les plus diverses. Le Dieu-État, lÉtat sans Dieu, voilà le trait distinctif de lÉtat moderne, et si je ne me trompe, la tendance des sociétés secrètes. Daigne le ciel nous en préserver dans un avenir prochain! Si nos craintes se réalisaient, ce serait un signe que nous touchons à ces temps de combats terribles dont parle lÉcriture sainte.» Depuis que ces lignes prophétiques ont été écrites sur le péril de la déification de lÉtat, les choses ont vite marché: ladoration de ce monstre nest-elle pas en train de devenir pratique par les adulations pour lexercice du pouvoir? Se livrer corps et âme à lÉtat, consentir, pour avoir une charge, à tout ce que demande la secte, voilà une des formes de ladoration dans une démocratie sans Dieu. On y voit aller et venir des meutes dambitieux; semblables à des chiens âpres à la curée, ils se pressent, se succèdent, se culbutent, les derniers arrivés léchant les souillures de leurs devanciers, et tous, comme les chiens qui léchèrent le sang de Naboth le juste, prêts à se disputer les lambeaux de lÉglise catholique! Or, ainsi que la révélé lApôtre des Nations, cet homme de péché aura linsolence de réclamer ladoration: adversaire de Dieu, il sélèvera jusquà sasseoir dans le temple de Dieu, voulant lui-même passer pour Dieu. Mais, ajoute lApôtre, le châtiment de cette sacrilège insolence ne se fera pas attendre: Jésus-Christ le détruira par le souffle de sa bouche, cest-à-dire avec la plus grande facilité. Ces paroles indiscutables de saint Paul, rapprochées de ce qui se passe et de ce qui se prépare dans les loges de la secte, absolvent du reproche de témérité nos hypothèses qui peuvent devenir des réalités historiques de la manière que Dieu sait. Le grave évêque de Mayence termine ainsi le remarquable opuscule cité plus haut: Christ ou Antechrist, cette antithèse renferme tout le mystère de lavenir. Aussi quelles actions de grâces ne doit-on pas rendre à Léon XIII, pour avoir prescrit la récitation de cette petite prière qui se dit à la fin de chaque messe, sur tous les points du globe, par le prêtre auquel sunissent les fidèles: «Saint Michel Archange, défendez-nous dans le combat; soyez notre secours contre la malice et les embûches du diable. Que Dieu lui commande, nous vous en supplions; et vous, Prince de la milice céleste, enveloppant, avec cette divine énergie dont vous êtes armé, Satan et les autres esprits mauvais qui parcourent le monde en tous sens pour perdre les âmes, repoussez-les dans lenfer. |