La religion de combat par l’abbé Joseph Lémann

Livre Quatrième

Chapitre Deuxième

La citadelle autour de l’âme de nos enfants

- I. Bien essentiel qui surpasse tous les autres biens: la qualité d’enfant de Dieu.
– II. Combien cette qualité reluit à l’âge de l’innocence: charme céleste dans nos enfants qui sont en même temps enfants de Dieu.
– III. Tous ces trésors menacés à l’heure présente: rage de l’impiété pour dégrader nos anges, un apologue oriental.
– IV. Moyens protecteurs et conservateurs en rapport avec les phases du développement de l’enfance. Dans le bas âge, c’est l’attrait de la Crèche; son radieux et très instructif symbole: le propitiatoire d’or avec ses deux chérubins.
– V. Dans l’adolescence, c’est une école chrétienne; le Credo de saint Pierre de Vérone, jeune enfant; sollicitudes entrelacées des parents, sûrs verrous contre les dangers.
– VI. Dans la jeunesse, c’est l’ombre tutélaire de la croix; garde sublime de trois mères associées à cette ombre tutélaire: Respha, la Vierge Marie, ma lectrice.

I

Parents chrétiens, l’avantage le plus précieux qui appartienne à vos enfants, qui prime même celui d’être vos enfants, n’est-ce pas d’avoir été faits enfants de Dieu? Appartenir à Dieu comme son enfant, voilà bien le bonheur des bonheurs! Ce titre enthousiasmait saint Jean. Il disait à ces disciples: Considérez quel amour le Père nous a témoigné de vouloir que nous soyons appelés, et que nous soyons en effet enfants de Dieu… Mes bien-aimés, nous sommes enfants de Dieu! On sait comment ce bonheur est arrivé aux hommes: Il existait deux familles, deux maisons: la famille divine qui est au Ciel, la famille humaine qui est sur la terre; la très sainte Trinité et le genre humain; la Maison de Dieu et la Maison de l’homme. Or, Jésus-Christ, en venant ici-bas, a produit l’union des deux Maisons: En lui, les deux familles se sont unies: D’une part, en demandant à la très pure et immaculée Vierge Marie l’hospitalité de son chaste sein, il a reçu d’Elle tout ce qui appartenait à la famille humaine: il est devenu fils de l’homme. Mais d’autre part, il nous a accordé, en retour, tout ce qu’il possédait du côté de son Père; il nous a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, d’être faits enfants de Dieu. En Lui, nous avons été adoptés. Son Père céleste est devenu notre père: notre Père qui êtes aux cieux… Son propre nom, nous le portons: Christ, chrétiens. Son Esprit-Saint, il nous l’a donné, avec les mille grâces de pureté, de charité, de douceur qui l’accompagnent. Sa mère, la Vierge Marie, est devenue la nôtre; et son ciel, qu’il nous a promis, nous attend, si nous restons fidèles. L’union des deux Maisons est cimentée, accomplie. Voilà comment nous sommes devenus enfants de Dieu! Eh bien, qu’une annonce étrange nous fasse tous sortir vivement de la torpeur: Nos petits enfants, nos chers petits enfants que nous aimons plus que nous-mêmes, sont menacés dans leur belle qualité d’enfants de Dieu. On veut leur ravir ce bien. On a formé le complot de les dégrader de ce titre, s’ils l’ont, de les empêcher de l’avoir, si leurs parents y prétendent à leur naissance. Mères chrétiennes, levez-vous pour le défendre; Pères chrétiens, concertez-vous pour le leur conserver; Formez la citadelle!

II

Quels sont ceux en qui reluit plus spécialement la qualité d’enfants de Dieu? Ne sont-ce pas les enfants à l’âge de l’innocence? Vos anges, parents chrétiens! Je rappellerai la pensée d’un grand docteur sur les âmes en état de grâce. Il disait que: «si on pouvait, dès ici-bas, voir à découvert une âme en état de grâce, cette vision serait si belle, qu’on ne voudrait plus rien voir ensuite». C’est une des raisons pour lesquelles Dieu nous a refusé ici-bas la vue des âmes. On serait ébloui, on ne supporterait plus aucun des spectacles de la terre. Cette pensée ne s’applique-t-elle pas surtout à l’âme des enfants dans leur âge d’innocence? Déjà, ils sont si gracieux dans la légèreté et la souplesse de leurs petits mouvements, avec la candeur qui les environne comme une auréole; si, outre ces attraits, on pouvait contempler à découvert une âme d’enfant dans son innocence, alors que Dieu est son père pleinement, que le sang de Jésus-Christ n’a reçu en cette âme aucune offense, et que le Saint-Esprit y coule à pleins bords: on serait tellement captivé et ravi qu’on ne voudrait plus rien voir après! Il est facile de s’expliquer, lorsqu’on se place à ce point de vue où le charme encadre la vérité, pourquoi le Sauveur du monde disait avec délices durant sa vie mortelle: Laissez, laissez venir à moi les petits enfants;

Le Sauveur avait quitté le ciel, il le retrouvait dans les enfants! Il est facile encore de s’expliquer pourquoi une mère chrétienne des premiers siècles de l’Église profitait du sommeil de son enfant pour l’embrasser à genoux à l’endroit du coeur; Ce cœur ingénu, cette poitrine de cristal n’était-elle pas comme le palais de l’innocence? Il est facile, enfin, de s’expliquer pourquoi cette autre mère dont le jeune fils avait été martyrisé avec d’autres martyrs, mais dont les bourreaux avaient négligé de consommer la mort, le prit avec énergie entre ses bras, marchant à côté du char qui emportait les corps des chrétiens. Elle eut ce courage! Durant le trajet, il expira sur le sein maternel. Elle le joignit aux autres martyrs; Elle appréhendait avec jalousie, cette mère, que son fils, si pur et ayant souffert, n’entrât pas, avec ses compagnons, en possession de Dieu et de la couronne! De tous les rêves d’avenir qu’une mère puisse former pour son enfant, celui-ci est, assurément, le plus beau: qu’il demeure toute sa vie l’enfant de Dieu! Par contre, de tous les soucis qui peuvent dévorer son coeur, celui-ci est le plus cruel: N’aurait-on pas enlevé mon enfant à Dieu?…

III

C’est, cependant, cet enlèvement, ce rapt, qui se perpètre aujourd’hui, à la face du soleil. Les humains, sauf les monstres, avaient toujours respecté l’enfance. On avait pitié des enfants, de leur innocence et de leur candeur. La corruption s’arrêtait devant eux, elle se taisait à leur approche. Comme le fleuve du Jourdain avait miraculeusement suspendu ses flots et son cours devant l’Arche d’alliance au moment de son passage, le torrent de la débauche, effrayé en quelque sorte de son cours, le retenait devant les troupes d’anges, devant les innocents, et ils passaient!

Aujourd’hui, il n’y a plus cette pitié, ni cette frayeur respectueuse. La corruption, cruelle et savante, va chercher les enfants. On rencontre des fronts de dix ans qui n’ont plus de pudeur; on contemple avec effroi de pauvres victimes qui n’ont jamais connu ce que c’est que l’innocence! De sorte que ces paroles pleines de sévérité du Christ: Races de vipères, sépulcres blanchis, ces paroles qui s’adressaient autrefois à de vieux pharisiens, à de vieux débauchés, peuvent, hélas! maintenant, s’adresser aux enfants; races de vipères, oui, il y a des enfants qui sont élevés en vipères, tant on leur inculque la haine de Dieu et des choses saintes! sépulcres blanchis, il y a d’infortunées créatures qui sont des sépulcres blanchis à quatorze ans, alors qu’elles devraient être encore des boutons de roses blanches! Un apologue oriental me servira à faire comprendre tout ce qu’il y a d’attendrissant dans le respect de l’enfance et tout ce qu’il y a de cruel dans la destruction de l’innocence et de son bonheur: L’apologue met en scène, à l’aurore de la création du monde, un ange auprès d’un bouton de rose qui commence à s’ouvrir. L’ange, qui a reçu du Créateur la fonction de soigner les fleurs, est tellement charmé du pur et pudique aspect de la petite rose qui s’ouvre, qu’il lui dit: «Fleur charmante, qu’est-ce donc que je pourrais faire pour toi!» – La rose répond: «Orne-moi, pour mon Dieu, d’un nouvel éclat.» L’ange cueillit une simple mousse, et en entoura la fleur: alors apparut la rose mousseuse, la plus belle de toutes les roses! La morale de l’apologue se présente de soi: Les précautions de toutes sortes dont la religion chrétienne entoure la formation d’un enfant ressemblent à la mousse autour de la rose. Précautions assombrissantes au premier abord, comme la mousse, qui est terne et sombre: elles s’appellent la modestie, l’humilité, la pudeur, le silence; mais, chose admirable, elles ont pour résultat vainqueur de rehausser la beauté et le charme des enfants, comme la mousse a rehaussé l’éclat de la rose. – Dédaigneuse, hélas! de ces précautions, une secte cruelle, dominatrice aujourd’hui de la société, les répudie; elle répudie la religion, Dieu lui-même! L’enfance, entre ses mains, ressemble à une rose forcée de s’entrouvrir. Des doigts barbares écartent les frêles enveloppes, écrasent et gaspillent les jeunes trésors: elle n’a pas même le temps de se faner, elle est froissée, c’est le meurtre de la fleur!

Comment vous étonner, pauvres mères, quand vos enfants viennent à mourir à la fleur de l’âge, qu’on soit tenté de moins les regretter et de moins vous plaindre? Ah! lorsque le ciel se penche avec jalousie sur un berceau pour le soustraire, en s’en emparant, aux projets du mal, on se rappelle involontairement la conclusion de cette poésie célèbre qui est allée au coeur de toutes les mères, tant elle est douce! de cette poésie prophétique, tant elle est de circonstance! la poésie de l’Ange et l’Enfant cet ange qui à la fin se penche sur le berceau et s’écrie:

…Dans les champs de l’espace Avec moi tu vas t’envoler; La Providence te fait grâce Des jours que tu devais couler!

Mais non! ce ne sont pas nos chers petits innocents qui doivent s’envoler: la résignation, à l’heure présente, serait une lâcheté; c’est le mal qu’il faut faire reculer et disparaître. Par conséquent, ainsi que nous le disions au début, concertez-vous, concertons-nous, pour résister et triompher!

IV

Quels sont donc les moyens les plus propices pour conserver dans leur innocence et dans leur belle qualité d’enfants de Dieu, nos chers petits enfants? Ô mères, je vous aperçois avides de les connaître, plus avides de les employer.

Ne semble-t-il pas qu’en rapport avec les trois phases de leur développement: leur bas âge, leur adolescence, leur jeunesse, un triple moyen doive être employé. Il va sans dire que l’influence de chacun est précieuse à tout âge: néanmoins, le bas-âge réclame un moyen qui le fascine et le protège plus particulièrement; l’adolescence, ensuite, veut le sien; et la jeunesse a besoin d’être plus vigoureusement soutenue par un troisième. Or, une Providence maternelle s’est vraiment pliée à ces nuances, dans la gradation des moyens protecteurs: quels sont-ils? Pour le bas âge, c’est l’attrait de la Crèche. Il y a en effet, dans ce mystère de la Crèche du Dieu-enfant, un idéal de pureté céleste, un ensemble de choses graves et riantes qui saisit fortement et à jamais l’esprit de l’enfant; tout, jusqu’à la distribution des moindres personnages et de leurs rôles, le frappe d’admiration; et, résultat délicieux! le parfum de piété et de confiance qui s’en dégage pénètre non seulement son coeur, mais encore celui d’un père et d’une mère qui l’ont amené devant la Crèche. Père qu’on veut déposséder de ton enfant, mère tremblante d’effroi, laissez-moi vous conduire tous deux auprès de l’endroit le plus auguste de l’ancien Temple de Jérusalem: le Saint des Saints. Il y avait là le propitiatoire. C’était la partie supérieure de l’Arche d’alliance, grande plaque d’or très fin et très poli, sur laquelle le Seigneur se plaisait à rendre ses oracles et à se montrer propice (ainsi que le mot l’indique, propitiatoire, propice aux prières qu’on lui présentait). Aux deux extrémités de cette plaque d’or, se trouvaient deux chérubins qui formaient avec elle un tout inséparable. L’un des chérubins avait la figure d’une jeune fille, et l’autre, celle d’un homme; et tous deux, placés à l’opposite l’un de l’autre, tenaient leur visage un peu penché et leurs yeux arrêtés sur le propitiatoire de sorte qu’ils se voyaient toujours l’un l’autre dans le miroir formé par l’étincellement de l’or; et en même temps, de leurs ailes étendues, ils couvraient et protégeaient le propitiatoire. Dans ce symbole de l’ancienne Loi étaient figurées par avance les réalités les plus charmantes et les plus consolantes de la religion catholique.

Les deux chérubins, n’est-ce pas d’abord la douce Vierge Marie et saint Joseph son époux, s’inclinant ensemble vers l’Enfant de la crèche, divin propitiatoire! Oh! comme leurs yeux et leurs cœurs se rencontraient dans l’amour de ce divin Enfant! Mais à l’heure grave que nous traversons, une autre interprétation est permise:

Le propitiatoire d’or, c’est l’innocence de votre enfant, cette petite poitrine où bat un cœur pur! Les deux chérubins qui sont inclinés et se regardent dans la plaque étincelante, c’est un père, c’est une mère qui se rencontrent et se comprennent dans la garde de leur trésor. Ô père et mère, ah! inclinez-vous comme les deux chérubins; et que vos soins, semblables à leurs ailes étendues, s’entrelacent au-dessus de votre petite famille, pour la garder, la garantir et la sauver! Inspirez-vous de la vision de la Crèche, amenez-y vos enfants: les enfants et la Crèche se comprennent si bien! Et puis, veillez contre le dehors. La Bible ne demandait que deux frères pour former la forteresse: le frère qui est aidé par son frère, c’est comme une forteresse. Mais lorsque la fraternité, c’est-à-dire l’entente, vient d’un père et d’une mère, dont l’amour est tout ce qu’il y a de plus fort au monde, oh! alors la forteresse est inexpugnable. Arrière, ravisseurs infâmes, vous n’approcherez pas! Quand on touchait à l’Arche d’alliance des deux chérubins, on tombait frappé de mort. Si vous touchez à nos enfants, c’est vous qui tomberez!

V

À l’âge de l’adolescence, le moyen protecteur et conservateur de nos enfants, est une école chrétienne. Il y a des écoles qui font faire naufrage. Ô ciel, est-ce possible! Elle reste, toutefois, encore digne de ce beau nom d’école, l’institution où l’on initie aux lettres et aux sciences, où l’on inculque la sagesse, la vertu, la politesse, et où, si l’on ne peut fortifier la religion, du moins on la respecte et on la laisse libre. Mais là où la religion est dédaigneusement proscrite, où l’on pousse le mépris jusqu’à éviter Dieu, ce n’est plus une école, c’est un antre. Eh quoi! devons-nous dire au malheureux instituteur, ces enfants sont là devant vous, qui vous regardent, qui vous écoutent, qui boivent vos paroles, où ils cherchent la vérité dont ils ont faim et soif: vous nommez toutes les magnificences de cet univers, vous le révélez à leur admiration, et vous taisez le nom de Celui qui les a faites! Vous le supprimez! Ô traître! Ce n’est plus élever nos enfants: élever veut dire diriger en haut, et vous les dirigez en bas! Ils ne sont plus élevés, mais déprimés, abaissés. Vous ne formez pas des élèves, mais des sectaires. En conséquence:

Premièrement, Faites choix, père et mère, pour votre enfant, d’une école chrétienne. Toute la science possible! mais, au-dessus de la science, le catéchisme! Tout savoir et ne pas savoir ce que l’on doit savoir, c’est ne rien savoir. De quoi servira-t-il à votre fils d’avoir parcouru toutes les sciences, s’il échoue sur un écueil, et pour l’éternité! Oh! retenez ce trait: Le monde était infesté de l’erreur du manichéisme: un enfant qui devait être un jour, dans l’Église, saint Pierre de Vérone, avait alors sept ans. Il fréquentait les écoles chrétiennes. Interrogé brusquement par un oncle, qui faisait partie de la détestable secte manichéenne, sur ce qu’il apprenait dans ces écoles: le Credo des chrétiens, répondit l’enfant, et il se mit à le réciter avec candeur et intrépidité. Ni menaces, ni caresses, ne purent ébranler sa foi. Il grandit dans la persécution, il combattit l’hérésie, il propagea la foi, il mourut martyr, et sur le point d’expirer, racontent avec admiration les annales de l’Église, il prononça derechef le Credo des chrétiens. «Cette formule sacrée qu’il avait, dans son enfance, proclamée avec le courage d’un homme, se retrouva sur ses lèvres à son dernier soupir.» Oh! bienheureuses, à notre époque, les lèvres des enfants qui seront ainsi courageuses: elles retrouveront, à leur dernier soir, le Credo de leur enfance!

En conséquence: Deuxièmement, Si votre enfant, pour des motifs exceptionnels, est obligé de faire partie d’une école respectueuse mais silencieuse sur la vraie religion, ou même d’une école dangereuse, c’est à vous, parents chrétiens, qu’incombe le devoir de lui expliquer le catéchisme: pour suppléer, dans le premier cas; pour neutraliser, dans le second. Mais soyez fiers de cet office: il vous rend coopérateurs de Dieu! Et puis, ne sera-t-il pas, pour votre fils exposé, comme une citadelle? Car reprenons, pour la compléter, la saisissante comparaison employée par la Bible sur le concert des efforts fraternels: Dans son style oriental, la Bible dit: Un frère qui est aidé par son frère, c’est comme une forteresse; et leurs entreprises sont comme les verrous, les barres de fer, des portes des villes; Représentez-vous une forteresse, une ville parfaitement fortifiée, et à l’entrée de cette forteresse, une robuste porte bardée de fer, derrière laquelle les verrous ont été poussés: voilà, au témoignage de l’Esprit-Saint qui a inspiré la Bible, ce à quoi ressemble l’union fraternelle lorsqu’elle est bien établie quelque part. Or, si jamais cette consolante comparaison biblique a mérité de trouver son application, n’est-ce pas, certes, à cette heure où le foyer domestique lui-même est en danger? Je suppose donc que, dans une famille, un enfant soit menacé par un enseignement impie du dehors: si son père, si sa mère, si le frère ou la sœur aînée s’entendent et se concertent pour le protéger, l’instruire, et neutraliser par leurs efforts et leurs exemples l’enseignement dévastateur, en vérité, on peut l’affirmer, la main sur le texte de la parole de Dieu, ces efforts fraternels combinés formeront autour de cette jeune âme la résistance de verrous, de barres de fer entrecroisées; bien mieux, cet enfant sera lui-même une citadelle vivante, au pied de laquelle l’impiété se brisera humiliée. Puissent tous les foyers de France se verrouiller de la sorte, et se garder inviolables!

VI

Arrive pour nos enfants la dernière phase de leur développement et de notre responsabilité: la jeunesse. Quel sera, à cet âge de feu et d’entraînement, le moyen protecteur et conservateur à ajouter aux deux qui précèdent?

L’ombre tutélaire de la Croix! Cette ombre sacrée et tutélaire les couvrira, si vous obtenez d’eux, autant par l’exemple que par la persuasion: 1° Qu’ils fassent vaillamment leur signe de croix; 2° Qu’ils aient un crucifix, ou sur eux, ou au mur de leur chambre. La corruption va guetter votre enfant: mais ayez confiance, puisque la croix le couvre! Oui, la Croix a, contre la corruption, une vertu que lui a communiquée Celui qui l’a baignée de son sang par amour. Il était le Saint: il y a ouvert et laissé la source de l’incorruptibilité et de la vie. La Croix, depuis lors, préserve et vivifie. Un Dieu pouvait, seul, attacher une telle efficacité à deux morceaux de bois placés en travers l’un de l’autre. L’Esprit-Saint, étendant sur ce bois ses ailes fécondatrices, lui a dit: Parce que tu as porté le Saint, tu seras, mieux que le cèdre, le bois incorruptible; rien ne pourra te détruire, et tu préserveras, toi-même, de la corruption tout ce qui te touchera, tout ce qui accourra à toi et viendra s’asseoir sous ton ombre tutélaire… La douce petite martyre sainte Agnès chantait du Christ son époux. Lorsque je l’aime, je suis chaste; lorsque je le touche, je suis pure; lorsque je le reçois, je suis vierge. – On peut en dire autant de la Croix: lorsque je l’aime, je suis pur; lorsque je la touche, je suis chaste!

Ayez donc l’esprit tranquille, ô parents chrétiens: vos enfants cheminent entourés d’une grande ombre; et puis, dans cette ombre, il y a deux mères qui veillent: quelles sont ces deux mères? Un jour, au pays de Gabaon, là même où Josué avait arrêté le soleil, sept hommes furent crucifiés ensemble: sept innocents, mais qui payaient pour des coupables. Ils furent mis en croix sur la montagne de Gabaon, devant la face du Seigneur, dit la sainte Écriture, pour apaiser le courroux du ciel: Crucifixerunt in monte coram Domino. Et alors, ajoute le Livre sacré, on fut témoin d’un touchant spectacle: Une femme s’avança, c’était la mère de deux d’entre eux: Respha, fille d’Aïa. Tenant à la main un cilice, elle l’étendit sur une pierre, et elle demeura là depuis le commencement de la moisson jusqu’à ce que l’eau du ciel tomba sur ces corps, c’est-à-dire jusqu’à la fin de l’été; et elle empêchait les oiseaux voraces de les déchirer pendant le jour, et les bêtes sauvages de les manger pendant la nuit. Cette femme, cette mère, qui, dans le deuil inénarrable de son âme et dans des sentiments silencieux de pénitence, veille sur ces sept corps, allant de l’un à l’autre, écartant les oiseaux et les bêtes, quelle scène mystérieuse! elle est lugubre, mais attendrissante. Les commentateurs sacrés y ont vu la figure de deux mères de la Loi d’amour: Cette femme, sept fois malheureuse devant ces sept corps crucifiés, n’est-ce pas d’abord la très sainte Vierge Marie notre di-vine mère? Elle était debout, sur le Golgotha, à côté de la Croix, mère des sept douleurs! et parce qu’elle avait eu le courage de cet holocauste, elle reçut la puissance de préserver de la corruption du péché, qui est la plus hideuse des corruptions, tous ceux qui se confieraient à elle: écartant d’eux les tentations et les occasions dangereuses, comme cette mère de l’ancienne Loi éloignait les oiseaux voraces et les bêtes carnassières.

Confiez-lui donc vos bien-aimés, ô mères anxieuses! confiez-lui vos enfants, et vous-mêmes. Qui que nous soyons, n’avons-nous pas éprouvé bien des fois les effets de sa garde, alors que nous étions en danger d’appartenir à la corruption. Halte-là! c’était le cri qui retentissait du ciel: une mère s’était avancée, et l’occasion dangereuse était écartée, la bête fauve fuyait au loin! Mais les applications de la figure biblique ne sont pas épuisées: il y a une autre mère qui a dit: Je veillerai, et c’est vous, ô femme, ô ma lectrice attendrie! Oui, veillez, ne vous lassez pas. Comme la femme de la Bible qui allait d’une croix à l’autre, d’un corps à l’autre, allez dans tous les sens autour de votre enfant: de sa chambre à son école, de son école à ses fréquentations, de ses fréquentations à ses lectures, de ses lectures à son vestiaire. Informez-vous de tout, questionnez-le lui-même en l’entourant de vos bras: une mère a tous ces droits, pour soustraire le fruit de ses entrailles aux bêtes fauves qui rôdent la nuit.

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