La religion de combat par labbé Joseph Lémann Livre Quatrième Chapitre Deuxième La citadelle autour de l’âme de nos enfants - I. Bien essentiel qui surpasse tous les autres biens: la qualité d’enfant de Dieu. I Parents chrétiens, lavantage le plus précieux qui appartienne à vos enfants, qui prime même celui dêtre vos enfants, nest-ce pas davoir été faits enfants de Dieu? Appartenir à Dieu comme son enfant, voilà bien le bonheur des bonheurs! Ce titre enthousiasmait saint Jean. Il disait à ces disciples: Considérez quel amour le Père nous a témoigné de vouloir que nous soyons appelés, et que nous soyons en effet enfants de Dieu Mes bien-aimés, nous sommes enfants de Dieu! On sait comment ce bonheur est arrivé aux hommes: Il existait deux familles, deux maisons: la famille divine qui est au Ciel, la famille humaine qui est sur la terre; la très sainte Trinité et le genre humain; la Maison de Dieu et la Maison de lhomme. Or, Jésus-Christ, en venant ici-bas, a produit lunion des deux Maisons: En lui, les deux familles se sont unies: Dune part, en demandant à la très pure et immaculée Vierge Marie lhospitalité de son chaste sein, il a reçu dElle tout ce qui appartenait à la famille humaine: il est devenu fils de lhomme. Mais dautre part, il nous a accordé, en retour, tout ce quil possédait du côté de son Père; il nous a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, dêtre faits enfants de Dieu. En Lui, nous avons été adoptés. Son Père céleste est devenu notre père: notre Père qui êtes aux cieux Son propre nom, nous le portons: Christ, chrétiens. Son Esprit-Saint, il nous la donné, avec les mille grâces de pureté, de charité, de douceur qui laccompagnent. Sa mère, la Vierge Marie, est devenue la nôtre; et son ciel, quil nous a promis, nous attend, si nous restons fidèles. Lunion des deux Maisons est cimentée, accomplie. Voilà comment nous sommes devenus enfants de Dieu! Eh bien, quune annonce étrange nous fasse tous sortir vivement de la torpeur: Nos petits enfants, nos chers petits enfants que nous aimons plus que nous-mêmes, sont menacés dans leur belle qualité denfants de Dieu. On veut leur ravir ce bien. On a formé le complot de les dégrader de ce titre, sils lont, de les empêcher de lavoir, si leurs parents y prétendent à leur naissance. Mères chrétiennes, levez-vous pour le défendre; Pères chrétiens, concertez-vous pour le leur conserver; Formez la citadelle! II Quels sont ceux en qui reluit plus spécialement la qualité denfants de Dieu? Ne sont-ce pas les enfants à lâge de linnocence? Vos anges, parents chrétiens! Je rappellerai la pensée dun grand docteur sur les âmes en état de grâce. Il disait que: «si on pouvait, dès ici-bas, voir à découvert une âme en état de grâce, cette vision serait si belle, quon ne voudrait plus rien voir ensuite». Cest une des raisons pour lesquelles Dieu nous a refusé ici-bas la vue des âmes. On serait ébloui, on ne supporterait plus aucun des spectacles de la terre. Cette pensée ne sapplique-t-elle pas surtout à lâme des enfants dans leur âge dinnocence? Déjà, ils sont si gracieux dans la légèreté et la souplesse de leurs petits mouvements, avec la candeur qui les environne comme une auréole; si, outre ces attraits, on pouvait contempler à découvert une âme denfant dans son innocence, alors que Dieu est son père pleinement, que le sang de Jésus-Christ na reçu en cette âme aucune offense, et que le Saint-Esprit y coule à pleins bords: on serait tellement captivé et ravi quon ne voudrait plus rien voir après! Il est facile de sexpliquer, lorsquon se place à ce point de vue où le charme encadre la vérité, pourquoi le Sauveur du monde disait avec délices durant sa vie mortelle: Laissez, laissez venir à moi les petits enfants; Le Sauveur avait quitté le ciel, il le retrouvait dans les enfants! Il est facile encore de sexpliquer pourquoi une mère chrétienne des premiers siècles de lÉglise profitait du sommeil de son enfant pour lembrasser à genoux à lendroit du coeur; Ce cur ingénu, cette poitrine de cristal nétait-elle pas comme le palais de linnocence? Il est facile, enfin, de sexpliquer pourquoi cette autre mère dont le jeune fils avait été martyrisé avec dautres martyrs, mais dont les bourreaux avaient négligé de consommer la mort, le prit avec énergie entre ses bras, marchant à côté du char qui emportait les corps des chrétiens. Elle eut ce courage! Durant le trajet, il expira sur le sein maternel. Elle le joignit aux autres martyrs; Elle appréhendait avec jalousie, cette mère, que son fils, si pur et ayant souffert, nentrât pas, avec ses compagnons, en possession de Dieu et de la couronne! De tous les rêves davenir quune mère puisse former pour son enfant, celui-ci est, assurément, le plus beau: quil demeure toute sa vie lenfant de Dieu! Par contre, de tous les soucis qui peuvent dévorer son coeur, celui-ci est le plus cruel: Naurait-on pas enlevé mon enfant à Dieu? III Cest, cependant, cet enlèvement, ce rapt, qui se perpètre aujourdhui, à la face du soleil. Les humains, sauf les monstres, avaient toujours respecté lenfance. On avait pitié des enfants, de leur innocence et de leur candeur. La corruption sarrêtait devant eux, elle se taisait à leur approche. Comme le fleuve du Jourdain avait miraculeusement suspendu ses flots et son cours devant lArche dalliance au moment de son passage, le torrent de la débauche, effrayé en quelque sorte de son cours, le retenait devant les troupes danges, devant les innocents, et ils passaient! Aujourdhui, il ny a plus cette pitié, ni cette frayeur respectueuse. La corruption, cruelle et savante, va chercher les enfants. On rencontre des fronts de dix ans qui nont plus de pudeur; on contemple avec effroi de pauvres victimes qui nont jamais connu ce que cest que linnocence! De sorte que ces paroles pleines de sévérité du Christ: Races de vipères, sépulcres blanchis, ces paroles qui sadressaient autrefois à de vieux pharisiens, à de vieux débauchés, peuvent, hélas! maintenant, sadresser aux enfants; races de vipères, oui, il y a des enfants qui sont élevés en vipères, tant on leur inculque la haine de Dieu et des choses saintes! sépulcres blanchis, il y a dinfortunées créatures qui sont des sépulcres blanchis à quatorze ans, alors quelles devraient être encore des boutons de roses blanches! Un apologue oriental me servira à faire comprendre tout ce quil y a dattendrissant dans le respect de lenfance et tout ce quil y a de cruel dans la destruction de linnocence et de son bonheur: Lapologue met en scène, à laurore de la création du monde, un ange auprès dun bouton de rose qui commence à souvrir. Lange, qui a reçu du Créateur la fonction de soigner les fleurs, est tellement charmé du pur et pudique aspect de la petite rose qui souvre, quil lui dit: «Fleur charmante, quest-ce donc que je pourrais faire pour toi!» La rose répond: «Orne-moi, pour mon Dieu, dun nouvel éclat.» Lange cueillit une simple mousse, et en entoura la fleur: alors apparut la rose mousseuse, la plus belle de toutes les roses! La morale de lapologue se présente de soi: Les précautions de toutes sortes dont la religion chrétienne entoure la formation dun enfant ressemblent à la mousse autour de la rose. Précautions assombrissantes au premier abord, comme la mousse, qui est terne et sombre: elles sappellent la modestie, lhumilité, la pudeur, le silence; mais, chose admirable, elles ont pour résultat vainqueur de rehausser la beauté et le charme des enfants, comme la mousse a rehaussé léclat de la rose. Dédaigneuse, hélas! de ces précautions, une secte cruelle, dominatrice aujourdhui de la société, les répudie; elle répudie la religion, Dieu lui-même! Lenfance, entre ses mains, ressemble à une rose forcée de sentrouvrir. Des doigts barbares écartent les frêles enveloppes, écrasent et gaspillent les jeunes trésors: elle na pas même le temps de se faner, elle est froissée, cest le meurtre de la fleur! Comment vous étonner, pauvres mères, quand vos enfants viennent à mourir à la fleur de lâge, quon soit tenté de moins les regretter et de moins vous plaindre? Ah! lorsque le ciel se penche avec jalousie sur un berceau pour le soustraire, en sen emparant, aux projets du mal, on se rappelle involontairement la conclusion de cette poésie célèbre qui est allée au coeur de toutes les mères, tant elle est douce! de cette poésie prophétique, tant elle est de circonstance! la poésie de lAnge et lEnfant cet ange qui à la fin se penche sur le berceau et sécrie: Dans les champs de lespace Avec moi tu vas tenvoler; La Providence te fait grâce Des jours que tu devais couler! Mais non! ce ne sont pas nos chers petits innocents qui doivent senvoler: la résignation, à lheure présente, serait une lâcheté; cest le mal quil faut faire reculer et disparaître. Par conséquent, ainsi que nous le disions au début, concertez-vous, concertons-nous, pour résister et triompher! IV Quels sont donc les moyens les plus propices pour conserver dans leur innocence et dans leur belle qualité denfants de Dieu, nos chers petits enfants? Ô mères, je vous aperçois avides de les connaître, plus avides de les employer. Ne semble-t-il pas quen rapport avec les trois phases de leur développement: leur bas âge, leur adolescence, leur jeunesse, un triple moyen doive être employé. Il va sans dire que linfluence de chacun est précieuse à tout âge: néanmoins, le bas-âge réclame un moyen qui le fascine et le protège plus particulièrement; ladolescence, ensuite, veut le sien; et la jeunesse a besoin dêtre plus vigoureusement soutenue par un troisième. Or, une Providence maternelle sest vraiment pliée à ces nuances, dans la gradation des moyens protecteurs: quels sont-ils? Pour le bas âge, cest lattrait de la Crèche. Il y a en effet, dans ce mystère de la Crèche du Dieu-enfant, un idéal de pureté céleste, un ensemble de choses graves et riantes qui saisit fortement et à jamais lesprit de lenfant; tout, jusquà la distribution des moindres personnages et de leurs rôles, le frappe dadmiration; et, résultat délicieux! le parfum de piété et de confiance qui sen dégage pénètre non seulement son coeur, mais encore celui dun père et dune mère qui lont amené devant la Crèche. Père quon veut déposséder de ton enfant, mère tremblante deffroi, laissez-moi vous conduire tous deux auprès de lendroit le plus auguste de lancien Temple de Jérusalem: le Saint des Saints. Il y avait là le propitiatoire. Cétait la partie supérieure de lArche dalliance, grande plaque dor très fin et très poli, sur laquelle le Seigneur se plaisait à rendre ses oracles et à se montrer propice (ainsi que le mot lindique, propitiatoire, propice aux prières quon lui présentait). Aux deux extrémités de cette plaque dor, se trouvaient deux chérubins qui formaient avec elle un tout inséparable. Lun des chérubins avait la figure dune jeune fille, et lautre, celle dun homme; et tous deux, placés à lopposite lun de lautre, tenaient leur visage un peu penché et leurs yeux arrêtés sur le propitiatoire de sorte quils se voyaient toujours lun lautre dans le miroir formé par létincellement de lor; et en même temps, de leurs ailes étendues, ils couvraient et protégeaient le propitiatoire. Dans ce symbole de lancienne Loi étaient figurées par avance les réalités les plus charmantes et les plus consolantes de la religion catholique. Les deux chérubins, nest-ce pas dabord la douce Vierge Marie et saint Joseph son époux, sinclinant ensemble vers lEnfant de la crèche, divin propitiatoire! Oh! comme leurs yeux et leurs curs se rencontraient dans lamour de ce divin Enfant! Mais à lheure grave que nous traversons, une autre interprétation est permise: Le propitiatoire dor, cest linnocence de votre enfant, cette petite poitrine où bat un cur pur! Les deux chérubins qui sont inclinés et se regardent dans la plaque étincelante, cest un père, cest une mère qui se rencontrent et se comprennent dans la garde de leur trésor. Ô père et mère, ah! inclinez-vous comme les deux chérubins; et que vos soins, semblables à leurs ailes étendues, sentrelacent au-dessus de votre petite famille, pour la garder, la garantir et la sauver! Inspirez-vous de la vision de la Crèche, amenez-y vos enfants: les enfants et la Crèche se comprennent si bien! Et puis, veillez contre le dehors. La Bible ne demandait que deux frères pour former la forteresse: le frère qui est aidé par son frère, cest comme une forteresse. Mais lorsque la fraternité, cest-à-dire lentente, vient dun père et dune mère, dont lamour est tout ce quil y a de plus fort au monde, oh! alors la forteresse est inexpugnable. Arrière, ravisseurs infâmes, vous napprocherez pas! Quand on touchait à lArche dalliance des deux chérubins, on tombait frappé de mort. Si vous touchez à nos enfants, cest vous qui tomberez! V À lâge de ladolescence, le moyen protecteur et conservateur de nos enfants, est une école chrétienne. Il y a des écoles qui font faire naufrage. Ô ciel, est-ce possible! Elle reste, toutefois, encore digne de ce beau nom décole, linstitution où lon initie aux lettres et aux sciences, où lon inculque la sagesse, la vertu, la politesse, et où, si lon ne peut fortifier la religion, du moins on la respecte et on la laisse libre. Mais là où la religion est dédaigneusement proscrite, où lon pousse le mépris jusquà éviter Dieu, ce nest plus une école, cest un antre. Eh quoi! devons-nous dire au malheureux instituteur, ces enfants sont là devant vous, qui vous regardent, qui vous écoutent, qui boivent vos paroles, où ils cherchent la vérité dont ils ont faim et soif: vous nommez toutes les magnificences de cet univers, vous le révélez à leur admiration, et vous taisez le nom de Celui qui les a faites! Vous le supprimez! Ô traître! Ce nest plus élever nos enfants: élever veut dire diriger en haut, et vous les dirigez en bas! Ils ne sont plus élevés, mais déprimés, abaissés. Vous ne formez pas des élèves, mais des sectaires. En conséquence: Premièrement, Faites choix, père et mère, pour votre enfant, dune école chrétienne. Toute la science possible! mais, au-dessus de la science, le catéchisme! Tout savoir et ne pas savoir ce que lon doit savoir, cest ne rien savoir. De quoi servira-t-il à votre fils davoir parcouru toutes les sciences, sil échoue sur un écueil, et pour léternité! Oh! retenez ce trait: Le monde était infesté de lerreur du manichéisme: un enfant qui devait être un jour, dans lÉglise, saint Pierre de Vérone, avait alors sept ans. Il fréquentait les écoles chrétiennes. Interrogé brusquement par un oncle, qui faisait partie de la détestable secte manichéenne, sur ce quil apprenait dans ces écoles: le Credo des chrétiens, répondit lenfant, et il se mit à le réciter avec candeur et intrépidité. Ni menaces, ni caresses, ne purent ébranler sa foi. Il grandit dans la persécution, il combattit lhérésie, il propagea la foi, il mourut martyr, et sur le point dexpirer, racontent avec admiration les annales de lÉglise, il prononça derechef le Credo des chrétiens. «Cette formule sacrée quil avait, dans son enfance, proclamée avec le courage dun homme, se retrouva sur ses lèvres à son dernier soupir.» Oh! bienheureuses, à notre époque, les lèvres des enfants qui seront ainsi courageuses: elles retrouveront, à leur dernier soir, le Credo de leur enfance! En conséquence: Deuxièmement, Si votre enfant, pour des motifs exceptionnels, est obligé de faire partie dune école respectueuse mais silencieuse sur la vraie religion, ou même dune école dangereuse, cest à vous, parents chrétiens, quincombe le devoir de lui expliquer le catéchisme: pour suppléer, dans le premier cas; pour neutraliser, dans le second. Mais soyez fiers de cet office: il vous rend coopérateurs de Dieu! Et puis, ne sera-t-il pas, pour votre fils exposé, comme une citadelle? Car reprenons, pour la compléter, la saisissante comparaison employée par la Bible sur le concert des efforts fraternels: Dans son style oriental, la Bible dit: Un frère qui est aidé par son frère, cest comme une forteresse; et leurs entreprises sont comme les verrous, les barres de fer, des portes des villes; Représentez-vous une forteresse, une ville parfaitement fortifiée, et à lentrée de cette forteresse, une robuste porte bardée de fer, derrière laquelle les verrous ont été poussés: voilà, au témoignage de lEsprit-Saint qui a inspiré la Bible, ce à quoi ressemble lunion fraternelle lorsquelle est bien établie quelque part. Or, si jamais cette consolante comparaison biblique a mérité de trouver son application, nest-ce pas, certes, à cette heure où le foyer domestique lui-même est en danger? Je suppose donc que, dans une famille, un enfant soit menacé par un enseignement impie du dehors: si son père, si sa mère, si le frère ou la sur aînée sentendent et se concertent pour le protéger, linstruire, et neutraliser par leurs efforts et leurs exemples lenseignement dévastateur, en vérité, on peut laffirmer, la main sur le texte de la parole de Dieu, ces efforts fraternels combinés formeront autour de cette jeune âme la résistance de verrous, de barres de fer entrecroisées; bien mieux, cet enfant sera lui-même une citadelle vivante, au pied de laquelle limpiété se brisera humiliée. Puissent tous les foyers de France se verrouiller de la sorte, et se garder inviolables! VI Arrive pour nos enfants la dernière phase de leur développement et de notre responsabilité: la jeunesse. Quel sera, à cet âge de feu et dentraînement, le moyen protecteur et conservateur à ajouter aux deux qui précèdent? Lombre tutélaire de la Croix! Cette ombre sacrée et tutélaire les couvrira, si vous obtenez deux, autant par lexemple que par la persuasion: 1° Quils fassent vaillamment leur signe de croix; 2° Quils aient un crucifix, ou sur eux, ou au mur de leur chambre. La corruption va guetter votre enfant: mais ayez confiance, puisque la croix le couvre! Oui, la Croix a, contre la corruption, une vertu que lui a communiquée Celui qui la baignée de son sang par amour. Il était le Saint: il y a ouvert et laissé la source de lincorruptibilité et de la vie. La Croix, depuis lors, préserve et vivifie. Un Dieu pouvait, seul, attacher une telle efficacité à deux morceaux de bois placés en travers lun de lautre. LEsprit-Saint, étendant sur ce bois ses ailes fécondatrices, lui a dit: Parce que tu as porté le Saint, tu seras, mieux que le cèdre, le bois incorruptible; rien ne pourra te détruire, et tu préserveras, toi-même, de la corruption tout ce qui te touchera, tout ce qui accourra à toi et viendra sasseoir sous ton ombre tutélaire La douce petite martyre sainte Agnès chantait du Christ son époux. Lorsque je laime, je suis chaste; lorsque je le touche, je suis pure; lorsque je le reçois, je suis vierge. On peut en dire autant de la Croix: lorsque je laime, je suis pur; lorsque je la touche, je suis chaste! Ayez donc lesprit tranquille, ô parents chrétiens: vos enfants cheminent entourés dune grande ombre; et puis, dans cette ombre, il y a deux mères qui veillent: quelles sont ces deux mères? Un jour, au pays de Gabaon, là même où Josué avait arrêté le soleil, sept hommes furent crucifiés ensemble: sept innocents, mais qui payaient pour des coupables. Ils furent mis en croix sur la montagne de Gabaon, devant la face du Seigneur, dit la sainte Écriture, pour apaiser le courroux du ciel: Crucifixerunt in monte coram Domino. Et alors, ajoute le Livre sacré, on fut témoin dun touchant spectacle: Une femme savança, cétait la mère de deux dentre eux: Respha, fille dAïa. Tenant à la main un cilice, elle létendit sur une pierre, et elle demeura là depuis le commencement de la moisson jusquà ce que leau du ciel tomba sur ces corps, cest-à-dire jusquà la fin de lété; et elle empêchait les oiseaux voraces de les déchirer pendant le jour, et les bêtes sauvages de les manger pendant la nuit. Cette femme, cette mère, qui, dans le deuil inénarrable de son âme et dans des sentiments silencieux de pénitence, veille sur ces sept corps, allant de lun à lautre, écartant les oiseaux et les bêtes, quelle scène mystérieuse! elle est lugubre, mais attendrissante. Les commentateurs sacrés y ont vu la figure de deux mères de la Loi damour: Cette femme, sept fois malheureuse devant ces sept corps crucifiés, nest-ce pas dabord la très sainte Vierge Marie notre di-vine mère? Elle était debout, sur le Golgotha, à côté de la Croix, mère des sept douleurs! et parce quelle avait eu le courage de cet holocauste, elle reçut la puissance de préserver de la corruption du péché, qui est la plus hideuse des corruptions, tous ceux qui se confieraient à elle: écartant deux les tentations et les occasions dangereuses, comme cette mère de lancienne Loi éloignait les oiseaux voraces et les bêtes carnassières. Confiez-lui donc vos bien-aimés, ô mères anxieuses! confiez-lui vos enfants, et vous-mêmes. Qui que nous soyons, navons-nous pas éprouvé bien des fois les effets de sa garde, alors que nous étions en danger dappartenir à la corruption. Halte-là! cétait le cri qui retentissait du ciel: une mère sétait avancée, et loccasion dangereuse était écartée, la bête fauve fuyait au loin! Mais les applications de la figure biblique ne sont pas épuisées: il y a une autre mère qui a dit: Je veillerai, et cest vous, ô femme, ô ma lectrice attendrie! Oui, veillez, ne vous lassez pas. Comme la femme de la Bible qui allait dune croix à lautre, dun corps à lautre, allez dans tous les sens autour de votre enfant: de sa chambre à son école, de son école à ses fréquentations, de ses fréquentations à ses lectures, de ses lectures à son vestiaire. Informez-vous de tout, questionnez-le lui-même en lentourant de vos bras: une mère a tous ces droits, pour soustraire le fruit de ses entrailles aux bêtes fauves qui rôdent la nuit. |