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ARCHEVÊCHÉ DE LYON
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IMPRIMATUR DE S. E. LE CARDINAL COULLIÉ
ARCHEVÊQUE DE LYON
Lyon, le 17 janvier 1901,
en la fête de saint Antoine.
Mon cher Chanoine,
Il vous appartenait d'étudier et d'éclairer la question soulevée dans les Congrès Sionistes; vous l'avez fait avec succès dans votre ouvrage L'Avenir de Jérusalem.
Ce travail a été examiné avec l'intérêt qu'il mérite, et je ne puis qu'applaudir au jugement si autorisé porté par Mgr le Recteur de nos Facultés catholiques.
Je suis particulièrement heureux, mon cher Chanoine, d'appeler une fois encore, sous forme d'Imprimatur, sur vous et sur vos travaux les meilleures bénédictions de Dieu.
= PIERRE, Cardinal COULLIÉ,
Archevêque de Lyon et de Vienne,
Primat des Gaules.
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LETTRE DE MGR DADOLLE
RECTEUR DES FACULTÉS CATHOLIQUES
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Lyon, te 14 janvier 1901.
en la fête de saint Antoine
Cher monsieur le Chanoine,
La question de l'Avenir de Jérusalem vient d'obtenir un regain d'actualité, grâce à la série des Congrès Sionistes, et vous avez jugé bon de l'étudier à votre tour, cherchant à la résoudre à la double lumière de l'histoire et de l'antique prophétie.
Non content de la prendre comme d'autres l'avaient posée, vous en avez agrandi les proportions, vous lui avez donné l'ampleur qu'elle comporte.
C'est d'abord un coup d'oeil, rapide et précis, jeté sur la fortune de la Ville Sainte, devenue depuis le déicide la ville à jamais maudite. Israel, pendant plusieurs siècles, essaya de la reconstruire et d'y rentrer. Puis, durant le moyen âge et jusque vers le temps de la Révolution française, il parut se désintéresser de la patrie de ses pères, menant dans la dispersion, parmi les peuples inégalement hospitaliers, sa vie de châtiment que l'on regrette de ne pouvoir appeler une vie d'expiation. Or, à dater du jour où il s'est vu admis au droit commun de l'existence politique et sociale, une scission s'est opérée dans son sein tels des descendants d'Abraham, prenant à leur compte, et dans son sens le moins élevé, la devise « ubi benè, ibi patria », ont renoncé explicitement à la terre des ancêtres, tandis que d'autres, les moins fortunés, ceux particulièrement de l'Europe orientale et de l'Asie, se sont repris à rêver de l'occupation de Sion.
Ces derniers sont devenus les propagateurs du mouvement sioniste; ce sont eux pour lesquels vous avez écrit principalement.
Leur rêve prétend s'appuyer à des prophéties; il suppose par conséquent une sorte de foi, sans doute faussée et qui retarde de toute l'ère chrétienne, mais dont l'existence est néanmoins un fait très intéressant à relever, d'autant qu'il est pour surprendre ceux qui ne connaissent pas la psychologie religieuse d'Israël.
Et le problème se pose : Oui ou non, les prophéties de l'un et de l'autre Testament autorisent-elles l'espérance d'une restauration d'Israël dans une patrie juive? d'une restauration de Jérusalem dans la dignité de capitale d'un royaume juif? enfin d'une restauration de l'ancien Temple, soit pour être consacré au Christ, en hommage de réparation, soit pour être le theatre et l'objet d'une suprême profanation ?
De tous temps, ces différentes questions furent débattues par les commentateurs de nos saints Livres; elles donnèrent lieu à des solutions suffisamment concordantes, dont vous-même venez de faire la plus heureuse synthèse. Vous l'avez faite, dans un esprit à la fois de sage liberté et de respectueuse déférence pour l'autorité. Votre critique ne repousse jamais à la légère une opinion qu'elle ne partagerait pas; et, non plus, elle ne défend comme certaine l'opinion simplement probable. Est-ce qu'une partie de la science ne consiste pas, en effet, à savoir douter, à savoir aussi graduer les notes du jugement, soit qu'on affirme ou qu'on nie?
Cependant, il y a dans l'écriture des deux Testaments, au delà des textes d'une interprétation difficile, un enseignement parfaitement explicite et clair, selon lequel le Christ est la fin de la Loi. L'avènement du Messie a mis un point final à l'histoire vivante des institutions judaïques, de telle sorte que de celles-ci rien ne doit revivre, ni le Temple, ni la Cité sainte, pas plus que la liturgie de la vieille Synagogue. Au reste, à l'opposé de ce qui se voit pour la morale juive, dans la littérature inspirée de l'Ancien Testament, la morale spécifiquement chrétienne n'a, dans le Nouveau, pas de sanction temporelle que lui ait donnée le Christ. C'est pourquoi la conversion des Juifs, généralement attendue pour la fin des temps, n'aura point pour suite et pour récompense leur réintégration dans la terre des tribus.
Cet ensemble de considérations a été traité par vous indépendamment de l'exégèse directe des textes, dont elles vous ont ensuite aidé à éclaircir plus d'une obscurité. Finalement, il nous semble que votre thèse, conduite avec beaucoup de méthode, aboutit à la conclusion scientifique possible, et qui ralliera toute bonne foi.
Je veux rendre un spécial hommage, monsieur le Chanoine, à l'accent de charité évangélique avec lequel vous parlez aux enfants d'Abraha,n, vos frères par la race et le sang.
Vous avez grandement raison dans le noble effort que vous tentez pour élever leur pensée de la lettre à l'esprit; leur cœur, des biens de la terre à ceux du ciel; leur espérance enfin, d'une Jérusalem qui ne sera plus jamais juive, à la cité commune des enfants de Dieu, dans laquelle ne se reconnaissent pas les distinctions d'origine terrestre, de race ni de peuple.
Agréez, cher monsieur le Chanoine, avec mes félicitations pour le nouveau fruit de votre talent et de votre zèle, l'expression de mon plus respectueux et cordial dévouement.
P. DADOLLE, Vic. gén., Recteur des Facultés Catholiques de Lyon.