CHAPITRE XV

QUE L'ESPRIT DU SEIGNEUR OPÈRE EN NOUS.


  Or, de même que l' Esprit du Seigneur nous envoie au dehors, pour que-nous nous adonnions aux vertus et à toutes les bonnes oeuvres, et que nous y soyons appliqués : de même aussi il nous attire de nouveau au dedans, pour les exercices intérieurs ; et il exige et ordonne que nous rendions à Dieu louanges et grâces, que nous l'aimions et l'honorions sans cesse, comme il a été dit plus haut. Et plus nous avons reçu de connaissance et d'amour, plus nous devons connaître et aimer ; et c'est ainsi que nous nous élevons au-dessus de nos sens. C'est pourquoi l' Esprit du Seigneur nous ravit au-dedans, nous montre la face de l'amour, nous dépouille et nous débarrasse de nous mêmes, de ce qui nous est favorables ou nuisible, et de toutes les créatures ; nous infuse la plénitude de sa grâce; nous enseigne les actes du parfait amour, à savoir, la mutuelle contemplation entre Dieu et nous, le goût réciproque, la connaissance l'un de l'autre, un amour et une complaisance pareille, la fusion et la diffusion de l'amour. Car Dieu se donne lui-même à nous, mais nous ne pouvons ni le saisir ni le comprendre -, et de lui-même coulent en nous ses multiples dons, dans l'âme, le corps, les sens et toutes nos facultés (puissances). C'est pourquoi nous éprouvons et nous goûtons la consolation et la suavité de son amour : il mange et boit lui même avec nous, et nous avec lui. Et cela, certes, se fait au-dessus de la capacité des sens ; et plus nous nous rassasions, plus nous sommes insatiables ; plus nous nous désaltérons plus vive est notre soif ; mais l'amour couvre toutes les dépenses. Les dons mêmes de Dieu consument et nourrissent ; car ils sont tout à la fois nourriture et breuvage ; et bien qu'ils surabondent, et que toutes nos coupes débordent, cependant une faim et. une soif mystérieuse (secrète) persévère en nous. Car nous aspirons avec. une extrême avidité vers ce bien immense, qui est l'amour lui-même, et dépasse de l'infini tous les dons. C'est pourquoi l'Esprit du Seigneur se donne à nous, pour que nous puissions le saisir lui-même.

  Mais le même Esprit, nous ravissant au dedans, exige de nous, que nous soyons avec lui un (même) amour. En vérité tout ce que le Seigneur Jésus a dit, n'est nullement impossible à faire. Or, lui-même a désiré, a prié son Père céleste pour que nous soyons un avec lui et avec son Père comme lui-même, selon son humanité, est un dans l'amour avec Dieu ; non certes par nature, mais par grâce. Il a voulu aussi et il a demandé, que là où il est nous soyons aussi ; afin de voir la splendeur que lui a donnée le Père.
 

 

  Dans ces paroles nous devons distinguer six (points) en quoi résident la suprême connaissance entre Dieu et nous :

" Certes, l'amour se repaît de lui-même

Plus il mange ce pain, plus grande est sa faim

Plus il presse en ses doigts cette coupe suprême, 

Et plus il est épris du seul Etre qu'il aime ". 

CHAPITRE XVI
 

DES SIX POINTS EN LESQUELS RÉSIDE LA PRINCIPALE
OU LA SUPRÈME CONNAISSANCE ENTRE DIEU ET NOUS.

  Le premier point (nous indique) comment nous pouvons être un avec Dieu, dans l'amour et le Saint-Esprit ; le second, comment nous sommes autres, par rapport à Dieu, en grâce et en vertus ; le troisième, comment nous nous unissons à Dieu, au dessus de nous-mêmes; le quatrième, pourquoi nous demeurons en nous-mêmes, sans pouvoir atteindre au-dessus de nous ; le cinquième, d'où vient que .nous soyons en nous affamés et altérés, et que nous ne puissions comprendre Dieu ; le sixième, comment au-dessus de nous, dans l'éternelle charité, nous sommes rassasiés, bienheureux et dans l'abondance. 

  Nous entreprenons de l'expliquer. Que le lecteur soit attentif et considère chaque chose distinctement :

  Certes, nous tous, en Dieu notre éternel exemplaire, au-dessus de notre essence créée, nous sommes une (même) vie, de même une humanité, que Dieu a créée, et une humaine nature à laquelle Dieu a imprimé l'image de sa Trinité, et qu'il a prise par amour, de telle sorte, qu'avec nous, il est Dieu et homme. Et cela est commun à tous les hommes bons ou mauvais ; puisque c'est l'excellence et la noblesse de notre nature ; et par là, nous ne sommes ni saints ni bienheureux. 

  Mais quand la grâce et les vertus, dans la simple (nue) et paisible liberté de notre esprit, où Dieu règne, nous entraînent et nous élèvent (ravissent) : alors nous nous trouvons un avec Dieu et tous les saints, et nous sommes consommés dans un (même) amour qui est Dieu lui-même, principe et source de notre vie éternelle. 

  Mais nous sommes aussi autres que Dieu, et nous ne pouvons jamais faire un avec lui, car il est nécessaire que nous demeurions éternellement une (chose) autre et distincte de lui: puisque nous existons en nous mêmes, chacun en sa personne ; et que Dieu nous a faits semblables à lui, même dans la nature simple ou nue, selon nos facultés (puissances) supérieures.
 

  Or cette similitude que Dieu nous a donnée à tous également par nature, ne nous rend nullement saints ou bienheureux ; mais la grâce et les dons de Dieu qui viennent d'en haut en nous, et nous confèrent une vie vouée à la vertu, par laquelle Dieu vit en nous et nous en lui; et ainsi nous sommes semblables à Dieu au-dessus de notre nature, et nous lui demeurons semblables en grâce et en gloire.

  En troisième lieu, nous sommes un avec Dieu, au dessus de nous-mêmes, et nous lui demeurons en nous-mêmes perpétuellement semblables. Comment cela se fait-il ? L'inspiration ou l'attrait (attouchement) de Dieu nous instruit, illuminant notre raison, nous envoyant au-dehors, exigeant de nous une vie vouée à la vertu ; et de nouveau nous entraînant au-dedans, et exigeant de nous l'union avec Dieu. 

  Quand nous obéissons également à cette double (inspiration), nous vivons selon la très gracieuse volonté de Dieu ; et cette inspiration, cet attouchement est un moyen (milieu) perpétuel et vital entre Dieu et nous ; en tant que nous demeurons perpétuellement semblables en nous-mêmes (à Dieu) ; et, au dessus de la ressemblance, un avec Dieu. 

  En quatrième lieu, par l'inspiration ou l'attouchement même du Saint Esprit, nous sommes intérieurement et entièrement remués et un désir inapaisé naît, surgit en nous c est une implacable et avide appétence, que ni la raison, ni nulle créature ne peut calmer, endormir, assouvir. Car l'Esprit de Dieu exige de notre esprit que, entièrement, nous nous transvasions hors de nous-mêmes en Dieu ; et qu'en nous, nous embrassions, nous saisissions Dieu lui même tout entier : deux choses qui nous sont impossibles. Nous ne pouvons en effet passer (en sortant) de nous-mêmes, en Dieu, après avoir perdu notre essence : d'où vient qu'il est nécessaire, que pour toute éternité, nous soyons autres que Dieu, et que nous restions des créatures faites (par Dieu) ; puisque nulle créature ne peut se faire Dieu, ni Dieu devenir créature. Mais nous ne pouvons ni comprendre ou saisir Dieu en nous, puisqu'il est la grandeur immense ; ni l'atteindre et le ravir, puisqu'il est l'étendue infinie, la profondeur insondable, la sublimité qui dépasse démesurément toutes créatures. Or, ce qui nous est impossible, ne l'est pas certes, nous le savons, pour (Dieu) lui-même. 

  Là, en effet, où notre esprit et toutes nos facultés défaillent dans leur action, là l'Esprit du Seigneur agit au-dessus de nos forces et de nos actions ; et là nous sommes conduits par le même esprit, et nous subissons son opération au-dessus de toutes nos actions ; et, en supportant (sa vertu), nous le saisissons lui-même en quelque sorte, et nous sommes saisis par lui. Car, dans nos actes, nous sommes toujours défaillants et aisément abattus, et nous ne pouvons te comprendre ; mais au-dessus de nos actions, où lui-même est l'opérateur et nous les patients, là, nous le saisissons lui-même ; et cela comme je l'ai dit, en subissant (sa vertu) au-dessus de toutes nos actions. 

  Et c'est là, comprendre Dieu d'une façon incompréhensible, à savoir, en (le) subissant et en (le) saisissant. 

  En cinquième lieu, nous sommes conduits par l' Esprit de Dieu au-dessus de toutes nos actions ; et là, dégagés, dépouillés de nous-mêmes et de toutes choses, nous sommes unis à Dieu dans l'amour. Et cela, comme je l'ai dit déjà auparavant, dans le perpétuel exercice de charité, nous perfectionne absolument. Or, entre Dieu et nous, cette union se renouvelle sans cesse, puisque l' Esprit du Seigneur émane (au-dehors) et entraîne au-dedans, touche notre esprit et exige de nous, que nous vivions selon la très gracieuse volonté de Dieu; et non seulement cela, mais encore que nous aimions Dieu, en raison de son excellence. Ce contact, qui sert de milieu entre Dieu et nous, nous ne pouvons nullement le pénétrer ; nous ne pouvons savoir ce qu'est cet attouchement dans son fonds, et de même ce qu'est la charité en soi. Mais quand nous avons épuisé l'action, nous recommençons de nouveau ; car les dons de Dieu ne nous laissent pas oisifs. Certes, cette même émanation du Saint-Esprit nous enrichit, et remplit toutes nos coupes (nos âmes assoiffées) des dons divins, de la nourriture éternelle, et du breuvage spirituel ; mais néanmoins la faim et la soif persistent en nous, ainsi qu'une perpétuelle appétence d'atteindre et d'obtenir celui-là même qui n'a ni mode ni mesure : Mais cela nous est impossible. C'est pourquoi il est nécessaire que nous aspirions sans cesse avidement, et que cependant nous demeurions toujours dans notre action, faméliques et assoiffés. 

  Et bien que, pour ainsi dire, nous mangions et buvions (à la table) de Dieu, et que nous aspirions et désirions avidement (cette nourriture et ce breuvage), nous ne pouvons toutefois le saisir, l'absorber ou le consumer; mais il est perpétuellement nécessaire que nous tendions avidement vers l'incompréhensible ; car la faim, la soif, l'appétence éternelle ne peut s'apaiser. Du reste, de même que Dieu avec tous ses dons nous envoie dehors (vie extérieure), afin que nous vivions selon sa très gracieuse volonté; de même son esprit nous entraîne au-dedans (vie intérieure), pour que nous l'aimions en raison de sa grandeur. Mais son excellence exige de nous un amour immense puisqu'elle est infinie ; et qu'il nous aime lui-même, dans la mesure et l'étendue de sa grandeur. Or son amour est terrible, nous ravit véhémentement en la vie intérieure, et consume tout ce qu'il touche. Tandis que nous éprouvons (son attouchement) certes, c'est quelque chose au-dessus de la raison ; .et là, notre amour est sans mesure, car nous ne pouvons et ne savons répondre à son -amour, qui est si avide et si vorace, qu'il absorbe et consume en lui-même tout ce .qu'il approche. 

  C'est pourquoi, à cette charité, notre amour est contraint de céder. 


Eh! qui ne céderait à l'amour de Dieu même ? 

Homme, il te faut résoudre à trancher ce dilemme. 

Ou, sans cesse aimer Dieu qui le premier nous aime, 

Ou, subir de Satan l'éternel anathème. » 

  Car nous ne pouvons nous défendre, puisque cet amour qui est nôtre, est absolument simple (nu), paisible et exempt d'action (passif). Mais la charité de Dieu est un feu consumant qui nous dévore en dehors de nous mêmes (de notre action), et nous absorbe avec Dieu dans l'unité. 

  Là, nous sommes rassasiés et dans l'abondance ; et avec Dieu, au-dessus de nous-mêmes, nous sommes l'éternelle plénitude; mais néanmoins, nous demeurons toujours affamés, en nous mêmes, où nous sommes autre chose que Dieu, et nous aimons les préceptes des vertus. Toujours donc nous sommes, au-dessus de nous-mêmes, rassasiés avec Dieu dans l'unité ; mais, en nous mêmes, ou nous aimons et pratiquons la justice vivante, nous sommes affamés : Ainsi nous sommes rassasiés et nous avons faim ; nous agissons et nous jouissons ; nous menons une vie sincère et véritable. 

  En sixième lieu enfin, ce qui l'emporte sur toutes ces (merveilles), c'est la jouissance en elle-même. 

  Car la jouissance de Dieu et de nous tous qui avec lui sommes un dans l'amour, la jouissance suressentielle est une unité paisible, glorieuse et essentielle, au-dessus de la distinction des personnes, où Dieu ni ne se donne (émane) ni n'attire intérieurement (vie intérieure), mais les personnes sont oisives et un dans l'amour de jouissance, qui est la paisible et glorieuse union des personnes. Là le repos, la jouissance, l'allégresse sont sans bornes et sans fond ; et là, tous les esprits aimants, selon leur suressence, sont une et indistincte jouissance avec Dieu. 

  Mais la jouissance de Dieu, c'est l'unité des personnes, la paix simple (nue), la joie surabondante, la béatitude inépuisable et sans fin, l'éternelle couronne du parfait amour, et la récompense. 

  Or, quand nous sommes unis avec Dieu dans l'amour, par sa grâce et nos bonnes oeuvres, alors chacun reçoit une grâce et une gloire particulière, plus ou moins grande, selon sa dignité et ce qu'il a mérité dans l'état de grâce, aidé du secours divin. Là, dis-je, nous sommes tous distingués et partagés, et chacun spécialement reçoit la grâce, les mérites, la gloire, l'ordre et la récompense suivant l'équité, la justice et la très sainte disposition de Dieu, qui est notre suressence. Or, dès que sans milieu, au-dessus de toute diversité, nous sommes un avec Dieu, là est Dieu, sa jouissance et la nôtre, dans l'éternelle et inépuisable béatitude. 

  C'est pourquoi nous devons savoir que, quand même, dans notre vision, nous attribuons à Dieu beaucoup de noms, cependant sa nature n'est qu'une en trois personnes, qui sont le Père, le Fils et le Saint-Esprit, une nature féconde dans la Trinité des personnes. Certes, c'est ainsi que nous devons comprendre, sentir et vivre ; et c'est pour cela que le Dieu Tout Puissant a créé et appelé tout ce qui est sorti d'Adam. 

  Mais les Païens, les Juifs et tous les infidèles méprisent la vocation de Dieu, et c'est pourquoi ils sont maudits et voués à la damnation éternelle. 

  De même les Chrétiens mauvais et pervers, qui vivent dans le péché mortel, les ,hommes fourbes et hypocrites qui voulant paraître bons, persévèrent et meurent dans cet état, tous ceux-là sont réprouvés et condamnés par Dieu. Et bien que tous les Chrétiens, baptisés dans le sang précieux du Christ, soient appelés et invités ( à partager) les joies éternelles de Dieu : toutefois, si nous voulons être acceptés et élus pour cette allégresse sans fin, il est nécessaire que, revêtus de la vie de notre Seigneur Jésus-Christ, nous lui soyons intimement unis par sa grâce et nos bonnes oeuvres. 

  Car, de la sorte, lui-même vit en nous et nous en lui ; et cela, selon la mesure de sa grâce et de notre vie sainte. 

  Il est nécessaire aussi, qu' au-dessus de nous mêmes, nous soyons un avec Dieu, dans l'amour et la jouissance; et ainsi, nous sommes avec lui un amour, une jouissance, noyés dans l'éternelle béatitude. Et, entre cette similitude de Dieu qui est en nous et l'unité en Dieu, une vive étincelle apparaît qui est la lumière et le feu du Saint-Esprit. Et la lumière, en vérité, nous indique, nous montre que nous sommes un avec Dieu dans l'amour et la jouissance; et aussi, que nous lui ressemblons par sa grâce et nos vertus. 

  Mais, la flamme (du St-Esprit) brûle et consume en nous toute dissemblance, nous conserve dans une connaissance et un amour continuel et stable, est pour nous une consolation, un avant goût de la gloire de Dieu et une assurance de l'éternelle béatitude. 

  Ceux qui comprennent ces choses, les sentent, les vivent par l'expérience, portent singulièrement la marque de la justice et de l'élection. Que le Père, le Fils et le Saint-Esprit, un vrai Dieu dans la Trinité des personnes, notre couronne et notre éternelle récompense, nous fasse à tous cette grâce. Ainsi soit-il. 
 

« L'Esprit consume en nous tout ce qui vient du monde 

Pour faire de nos coeurs un temple à l' Eternel, 

Que rien ne peut souiller, que la lumière du monde 

Où l' âme pour toujours reçoit l'Emmanuel.

Homme, veux-tu goûter l'allégresse suprême 

Il te faut sans retour 

Aimer l'Amour, 

Comme lui-même 

Il t'aime. 

CHAPITRE XVII

QUELS SONT LES BONS CHRÉTIENS ;
QUELS SONT CEUX QUI SONT CONDAMNÉS.
BRÈVE DESCRIPTION DES TROIS GENRES DE VIE,
A SAVOIR: LA VIE ACTIVE, LA VIE CONTEMPLATIVE, LA VIE COMMUNE

  L' Eternelle sagesse de Dieu, notre Seigneur Jésus-Christ, Dieu et homme, nous enseignant dans l' Evangile selon St-Mathieu, parle ainsi : Quand deux ou trois person-nes sont rassemblées en mon nom, alors je suis au milieu d'elles : UN duo vel tres congregati sunt in nomine meo, ibi sum in medio eorum. Mais tous les bons chrétiens sont unis dans une même foi, une même loi Evangélique, les mêmes préceptes divins, une même volonté, un amour,. une grâce, les vertus, l'honneur de Dieu, 

et enfin la véritable vie divine de notre Seigneur Jésus-Christ. Or, tous les infidèles on incrédules, tous ceux qui doutent, ou suivent et défendent des opinions contraires à la foi de la sainte Eglise Catholique, sont condamnés, et avec eux également tous ceux qui vivent dans le péché mortel et n'obéissent pas, à leurs évêques ou à la Sainte Eglise, dans ses salutaires coutumes, ses exercices et ses institutions. Tous ceux-là, sont divisés et séparés par leurs multiples péchés, leur improbité et leur malice ; et ils sont réprouvés, dédaignés et méprisés, non seulement par Dieu, mais aussi par tous les saints. Et s'ils restent dans cette réprobation jusqu'à leur dernier jour, Satan est leur seigneur, et ils sont adjugés et précipités dans les flammes du Tartare. 

  Que le lecteur probe fasse en sorte de me bien comprendre, et d'examiner scrupuleusement et sérieusement ce que je vais dire, certain que ce lui est nécessaire, si vraiment-il veut vivre pour Dieu, en toute vérité et sans erreur spirituelle. 

  Tous les justes, qui sont illuminés de la divine grâce, trouvent en eux dans leur retour intérieur (vie intérieure), au-dessus de la raison, dans leur essence propre, le royaume de Dieu, et Dieu dans son royaume. 

  Et c'est la vie contemplative que l' Esprit du Seigneur nous demande et conseille. Mais, dans notre vie extérieure, nous exerçons nos sens (nos facultés sensibles), pour la pratique des vertus et des bonnes oeuvres, selon la modération et le discernement de la droite raison, et dans la charité sans feinte; Et c'est la vie appelée active, qui est de précepte, et nécessaire à tous ceux qui veulent être sauvés. 

  Or, l'action et la contemplation, quand elles sont bien réglées ensemble dans le même homme, voilà certes la vie sainte et bienheureuse. 

« Dieu même habite en nous quand nous vivons en lui.

C'est notre propre coeur qui devient son royaume.

Lorsque aux regards mortels sa lumière a relui, 

Dieu fait son paradis de demeurer dans l' homme . »