QU'IL EUT LA PRESCIENCE DE SA MORT. - SA MORT.
Lorsqu'il eut atteint la quatre-vingt-huitième année de son âge, accablé par une si grande vieillesse, il commença graduellement à perdre ses forces. Et, parce qu'il avait été averti longtemps auparavant par sa mère, dans une vision, du jour et du moment de sa mort, il se prépara à ce passage tant désiré, avec une extrême dévotion. Car, les saints désirent la mort et supportent la vie. Ils savent, en effet, qu'ils n'ont pas ici une cité permanente, mais qu'ils sont venus chercher la cité future ; ils savent qu'ils sont en exil, et qu'ils ont un Père dans les cieux. Et, bien qu'il fût très près de la mort, il fit montre d'une telle sérénité, d'une telle allégresse d'âme, à cause de la paix de son esprit et de la pureté de sa conscience, que nul ne put le taxer d'une crainte exagérée ou d'une douleur anxieuse ; mais tous furent témoins, qu'il désirait que son âme se séparât de son corps pour aller avec le Christ. (1)
Car, en des soupirs qui émanaient des profondeurs de son âme altérée (d'amour divin), il répétait parfois ces paroles ou de semblables : Mon âme a soif de Dieu, source d'eau vive : quand donc irai-je contempler la face de mon Dieu ? Et de même : Comme le cerf (altéré) soupire après les eaux torrentueuses, ainsi mon âme te désire, ô mon Dieu !
(2) Car il avait été le serviteur du Christ pendant tant d'années, il avait si souvent expérimenté l'abondante effusion de sa grâce et sa familiarité, dans cette vie, qu'il ne pouvait s'empêcher de mettre toute son espérance dans le Christ et de désirer ardemment le voir, pour jouir de sa possession parfaite.
Assuré de sa mort prochaine, de la chambre du Préfet, où il avait reposé quelque temps, il demanda humblement d'être transporté dans l'infirmerie commune des Frères. Et là, en proie à une fièvre ardente et tourmenté de la dysenterie, après environ quinze jours de lit, ses frères assistant en prière à ses derniers moments, il les recommanda dévotement et pieusement à Dieu ; et sain d'esprit et la face resplendissante, sans les marques communes de la mort, il exhala suavement et avec une immense allégresse son âme digne du ciel, en l'année de la naissance du Christ, mille trois cent quatre-vingt-unième, le second jour de Décembre, dans la quatre vingt-huitième année de son âge, presque la soixante-quatrième de son sacerdoce.
Les Frères l'ensevelirent avec la dévotion convenable ; et, bien qu'ils fissent pour lui ce qu'ils avaient coutume de faire pour les défunts, c'est-à-dire, qu'ils rendissent les honneurs dus à sa dépouille mortelle, ils espéraient toutefois, qu'il les aiderait bien davantage par ses prières auprès de Dieu.
(1) Cupio dissolvi et esse cura Christo (Phil. 1)
(2) Sitivit anima mea ad Deum fontem vivum : quando veniam et apparebo ante faciern Dei mei ?
Quemadmodum desiderat cervus ad fontes aquarum ; ita desiderat anima mea ad te Deus. Psal. 41 V. 2 et 3.