LETTRE CCXXVI
Précédente Accueil Remonter Suivante


rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

LETTRE CCXXVI. (Année 429.)

 

Voici la lettre d' Hilaire sur les semi-pélagiens des Gaules ; elle n'est pas d'une aussi bonne latinité que la lettre de saint Prosper, mais on sent un esprit pieux et vif, très-appliqué aux études religieuses, et auquel les matières de la grâce étaient familières Hilaire ramasse, autant qu'il le peut, les objections et les raisonnements des semi-pélagiens et s'attache à ne rien laisser ignorer au grand évêque dont il invoque les lumières. On comprendra, par sa lettre, qu'il avait vu saint Augustin à Nippone ; c'est lui qui avait engagé Prosper à écrire de son côté au grand docteur. Quinze ans auparavant, un laïque , du nom d'Hilaire, écrivait de Syracuse à saint Augustin, précisément sur la question pélagienne, et le saint évêque lui répondait; cet Hilaire de Syracuse, qui écrivait en 414, est-il le même que le laïque de ce nom écrivant de Marseille en 429 ? c'est possible mais nous ne l'affirmons pas Ce qui est indubitable, c'est que l'auteur de la lettre que nous allons traduire est différent de saint Hilaire, évêque d'Arles.

 

HILAIRE A SON BIENHEUREUX SEIGNEUR, A SON PÈRE AUGUSTIN, TRÈS-AIMABLE ET TRÈS-ADMIRABLE DANS LE CHRIST.

 

1. Si on aime à répondre aux questions proposées par des gens studieux, en dehors de toute controverse et sur des choses qu'on puisse ignorer sans danger, vous ferez bon accueil, je pense, au récit que je vais vous faire d'après les instances de quelques-uns. Il s'agit de certaines opinions contraires à la vérité, et ce n'est pas tant pour nous que nous implorons votre zèle que pour ceux qui sont troublés et pour ceux qui troublent, ô bienheureux seigneur, et père très-aimable et très-admirable dans le Christ.

2. Voici donc ce qui se répand à Marseille et en d'autres lieux de la Gaule. On regarde comme nouveau et comme nuisible de prêcher que quelques hommes doivent être élus selon le décret de Dieu, et qu'ils ne peuvent ni entrer ni persévérer dans la voie du bien, si Dieu ne leur donne la volonté de croire. On dit que la prédication perd toute sa force, s'il n'y a plus rien dans les hommes qu'elle puisse remuer. On est d'accord que tout homme a été perdu par la faute d'Adam, et que nul, par sa propre volonté, ne peut être délivré de cette mort; mais, en même temps, voici ce qu'on estime vrai et favorable à la prédication : quand les moyens de salut sont annoncés à des hommes tombés et qui ne peuvent se relever par leurs propres forces, s'ils veulent et croient pouvoir être guéris de leur maladie, ils méritent une augmentation de foi et l'entier rétablissement de la santé de leur âme. On convient, du reste, que personne ne peut se suffire à soi-même pour commencer une bonne oeuvre, encore moins pour l'achever : on ne compte pas comme moyen de guérison l'effroi du mal qui inspire vivement à chaque malade le désir de retrouver la santé. Les hommes dont j'expose les sentiments expliquent de cette manière les paroles de l'Ecriture : «Crois, et tu seras sauvé (1); » ils disent que Dieu exige l'un et offre l'autre, et que si on fait ce que Dieu exige, il fera ce qu'il promet. C'est donc la foi qu'ils demandent d'abord à l'homme, parce que cela a été accordé à sa nature par la volonté du Créateur; ils n'imaginent point que la nature soit jamais assez dépravée,, assez perdue, pour qu'elle ne doive ou ne puisse pas aspirer à la guérison : on est guéri si on le veut, on est châtié si on ne le vent pas. Ils disent que ce n'est pas nier la grâce que d'admettre tout d'abord une volonté qui cherche un si grand Médecin, ne pouvant rien par elle-même. Ces paroles de l'Ecriture : « Selon la mesure de foi accordée à chacun (2), » et d'autres paroles de ce genre, ils les entendent en ce sens que celui qui commence par vouloir est aidé de la grâce, et non pas en ce sens que ce vouloir même soit un don de Dieu et que ce don soit refusé à des hommes qui ne sont pas plus coupables que d'autres, et qui auraient pu également être délivrés, si la volonté de croire leur eût été donnée comme à ces autres, aussi indignes qu'eux. Nos contradicteurs prétendent qu'on rend facilement raison de l'élection ou de la réprobation, en supposant l'homme capable de mépriser ou d'obéir, et en faisant du mérite de la volonté humaine le fondement même des décrets de Dieu.

3. Quand on leur demande pourquoi la vérité est annoncée aux uns et pas aux autres, en tel pays et non pas ailleurs, et pourquoi elle ne l'a pas été à tant de nations du temps passé, et pourquoi aujourd'hui encore elle ne l'est pas à quelques-unes; ils répondent que la vérité a été ou est prêchée selon que Dieu, dans sa prescience éternelle, sait que tels hommes, à tels temps et en telles contrées, la recevront avec foi. Ils déclarent prouver cela, non-seulement d'après les témoignages de beaucoup de docteurs catholiques, mais même d'après d'anciens écrits de votre sainteté, où, du reste, la grâce se trouve enseignée aussi clairement qu'en d'autres de vos ouvrages. Ils citent votre réponse à Porphyre sur l'époque de l'avènement de la religion chrétienne, quand vous dites « que le Christ a voulu apparaître au milieu des hommes et leur prêcher sa doctrine, dans les temps et les lieux où il savait qu'on croirait en lui (3). » Ils citent ce passage de votre commentaire sur l'épître aux Romains : « Tu me dis : Pourquoi se plaindre encore? Quelqu'un résiste-t-il à la volonté de Dieu (4)?

« L'Apôtre, observez-vous, répond ici de manière à faire comprendre aux hommes spirituels et ne vivant pas selon l'homme terrestre, à qui sont imputables, les premiers actes de foi ou d'impiété, et comment Dieu, par sa prescience, sauve ceux qui doivent croire et damne les autres : il ne fait pas choix de ceux-là et ne rejette pas ceux-ci d'après leurs oeuvres; mais il accorde à la foi des uns de faire le bien et endurcit l'impiété des autres, en les abandonnant, afin qu'ils fassent le mal. Et plus haut, au

 

1. Act. XVI, 31. — 2. Rom. XII, 3. — 3. Lett. CII, n. 14. — 4. Rom. IX, 19.

 

60

 

même endroit : « Avant que les hommes aient mérité, ils sont tous égaux; il ne peut y avoir choix en des choses égales de toute manière. Or, le Saint-Esprit n'étant donné qu'à ceux qui  croient, Dieu n'a pas à choisir parmi des oeuvres qui sont de purs dons de sa miséricorde, puisqu'il donne le Saint-Esprit afin que nous opérions les bonnes oeuvres par la charité : mais il choisit d'après la foi, car, pour recevoir le don de Dieu, c'est-à-dire le Saint-Esprit, à l'aide duquel on peut opérer le bien par l'effusion de la charité, il faut croire et demeurer dans la volonté de le recevoir. Dieu donc, dans sa prescience, ne choisit pas d'après les oeuvres, puisqu'elles viennent de lui, mais il choisit dans sa prescience d'après la foi; sachant celui qui devait croire, il le choisit pour lui donner le Saint-Esprit, afin que, par de bonnes oeuvres, il obtienne la vie éternelle; car l'Apôtre dit que Dieu opère tout en tous (1), et jamais il n'a été dit que Dieu croit tout en tous : notre foi est à nous, mais nos oeuvres viennent de Dieu (2). » Ces endroits et d'autres du même ouvrage leur paraissent conformes à la vérité évangélique : ils font profession d'en suivre la doctrine.

4. Au reste, ils soutiennent que la prescience, la prédestination et le décret, tout cela signifie que Dieu a. connu, a prédestiné, a choisi ceux qui devaient croire, et qu'on ne peut pas dire de cette foi : « Qu'as-tu que tu n'aies reçu (3)? » Selon eux, la nature humaine, quoique corrompue, a gardé cette puissance de croire comme un reste de l'état parfait où elle a été créée. Ils se rangent au sentiment de votre sainteté, lorsque vous dites que personne ne persévère, si Dieu ne lui donne la force de persévérer, mais néanmoins, ils veulent que la bonne volonté, quoique inerte, précède ce don de Dieu : elle leur parait libre en ce sens seulement qu'elle peut vouloir ou ne pas vouloir accepter le remède qui lui est offert. Ils tiennent en abomination et condamnent ceux qui croient que l'homme garde le pouvoir d'avancer par lui même vers la guérison. Ils ne veulent pas qu'on entende la persévérance de façon qu'on ne puisse ni la mériter par des prières, ni la perdre par la résistance. Ils ne veulent pas qu'on les renvoie à l'incertitude où nous sommes des desseins de Dieu, quand le commencement de la volonté marque avec évidence si on obtient ou si on perd le secours divin. Ils passent sous silence ce que vous dites au sujet de ces paroles du Livre de la Sagesse : « Il a été enlevé, de peur que la malice ne changeât son coeur (4) ; » parce que le livre d'où ce passage est tiré n'est pas canonique. Ils entendent donc la prescience en ce sens que les élus sont élus en prévision de leur foi future, et n'admettent pas que la persévérance soit accordée à quelqu'un, de manière qu'il ne puisse prévariquer, mais de manière qu'il soit toujours en son pouvoir de défaillir.

5. Ils disent que la coutume d'exhorter devient

 

1. I Cor. XII, 6.

2. Exposition de quelques propositions tirées de l’Épître aux Rom. — 3. I Cor. IV, 7. — 4. Sag. IV, 11.

 

inutile, s'il ne reste plus rien dans l'homme que la correction puisse exciter; la disposition à se corriger leur paraît tellement tenir à la nature elle-même, que du moment que la vérité est annoncée à celui qui l'ignore, on le regarde comme ayant part au bienfait de la grâce présente. Car, ajoutent-ils, si les prédestinés le sont de manière que nul d'entre eux ne puisse passer d'un côté à l'autre, a quoi bon tant de discours pour que nous devenions meilleurs? Si l'homme ne produit pas la foi parfaite, il ressent au moins quelque douleur à la vue de sa misère, ou quelque horreur en présence du danger de la mort qu'on lui fait voir. Du moment qu'il ne peut éprouver un effroi salutaire que par une volonté qui ne vient point de lui, ce n'est pas sa faute s'il ne veut pas; la faute en est à celui qui a mérité la condamnation avec toute sa postérité, et se trouve réduit à ne chercher jamais le bien, mais toujours le mal. Et s'il y a une douleur quelconque qui s'éveille sous le coup du blâme, on reconnaît la raison pour laquelle l'un est rejeté, l'autre reçu; et il n'est plus besoin d'établir deux parts auxquelles on ne saurait rien ajouter, ni rien ôter.

6. Ils ne supportent pas la différence qu'on fait entre la grâce donnée au premier homme et la grâce donnée maintenant à tous : « Adam, avez-vous dit, ne reçut pas le don de la persévérance avec lequel il pouvait persévérer, mais le don sans lequel il n'aurait pas pu persévérer avec les seules forces du libre arbitre ; maintenant ce n'est pas un secours semblable que Dieu donne aux saints prédestinés à la gloire de son royaume par la grâce, mais un secours tel que réellement ils persévèrent. Ce n'est pas seulement un don sans lequel ils ne pourraient pas persévérer, mais un don par lequel ils ne peuvent que persévérer (1). »

Dans l'émotion où les jettent ces paroles de votre sainteté, ils disent qu'elles sont de nature à inspirer aux hommes une sorte de désespoir. Si, disent-ils, plus favorisés qu'Adam, qui était aidé de la grâce de manière à pouvoir rester dans la justice ou s'en écarter, les saints sont maintenant aidés de telle manière, qu'ayant reçu la volonté de persévérer, ils ne puissent pas vouloir autre chose; et s'il est des hommes ainsi abandonnés, qu'ils ne se rapprochent pas du bien, ou s'ils s'en rapprochent, ne tardent pas à s'en éloigner : où est désormais l'utilité des exhortations ou des menaces? On n'aurait pu les adresser qu'à cette volonté du premier homme qui avait le libre pouvoir de persister dans la voie du bien ou d'en sortir; on ne peut les faire entendre à ceux qu'une nécessité inévitable contraint à ne plus vouloir la justice. Il n'y a d'excepté ici que ceux que la grâce délivre de la masse de perdition dans laquelle les avait enveloppés la tache originelle.

Selon nos contradicteurs, toute la différence entre l'état du premier homme avant sa chute et notre état présent, c'est que la grâce, sans laquelle Adam ne pouvait pas persévérer, aidait sa volonté, dont les forces étaient alors entières, et

 

1. Livre de la Correction et de la Grâce, chap. XI, XII.

 

61

 

qu'aujourd'hui, après la perte de nos forces, la grâce, trouvant en nous la foi, non-seulement

nous relève quand nous tombons, mais soutient même notre marche. Ils prétendent que les prédestinés,quelque grâce que Dieu leur donne,peuvent la perdre ou la garder par le libre usage de leur volonté propre; ce qui serait faux, si quelques-uns avaient reçu le don de la persévérance, de façon à ne pouvoir faire autrement que de persévérer.

7. C'est pourquoi ils n'admettent pas non plus que lé nombre des élus et des réprouvés soit fixé, et ils n'acceptent pas votre explication du passage où l'Apôtre dit que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés; ils n'appliquent pas seulement au nombre des saints ces paroles de saint Paul, mais ils les appliquent à tous les hommes sans exception. Ils ne s'inquiètent pas de ce qu'on pourrait dire que quelques-uns se perdent malgré la volonté de Dieu; mais, disent-ils, de même que Dieu ne veut pas que personne pèche et abandonne la justice, et cependant chaque jour la justice est abandonnée contre sa volonté, et des péchés se commettent; ainsi Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, et pourtant tous les bommes ne le sont pas. Ils pensent que ce que vous avez cité de Saül et de David (1) n'a aucun rapport avec la question des exhortations; les autres témoignages de l'Écriture ne leur paraissent se rapporter qu'à la grâce qui vient en aide à chacun après le premier mouvement d'une bonne volonté, ou même à la vocation qui est offerte à des indignes; ils assurent qu'ils peuvent prouver tout cela par ces passages de vos ouvrages et d'autres qu'il serait trop long d'exposer ici.

8. Ils ne souffrent pas qu'on allègue ce qui regarde les enfants à l'appui de ce qui doit être pour les hommes en âge de raison; ils disent que votre sainteté touche à cette question des enfants de façon à laisser voir vos incertitudes sur les peines et à montrer que le doute vous paraîtrait préférable. Ce qui peut leur donner lieu de penser ainsi, c'est ce que vous vous souvenez d'avoir écrit dans le troisième livre du Libre arbitre (2). Ils invoquent de même en leur faveur d'autres ouvrages écrits par des hommes qui ont de l'autorité dans l'Église. Votre sainteté voit quel avantage nos contradicteurs peuvent en tirer, à moins que nous ne citions, à l'appui de notre doctrine, des témoignages plus grands ou au moins aussi concluants : Votre piété si éclairée n'ignore pas combien sont plus nombreux dans l'Église ceux qui suivent ou quittent une opinion d'après l'autorité des noms. Enfin, quand nous sommes tous las de discuter, il est une plainte qu'on entend et à laquelle s'associent ceux-là même qui n'osent condamner la doctrine de la prédestination; cette plainte, la voici : Qu'était-il besoin de troubler tant de chrétiens d'une foi simple par toutes ces questions incertaines? Ils disent que, quoique ces questions ne fussent pas résolues, beaucoup d'auteurs depuis longtemps et vous-même, vous n'aviez pas moins utilement défendu la foi catholique

 

1. Livre de la Corr. et de la Grâce, chap. XIII et XIV.

2. Chapitre XXIII.

 

contre les hérétiques, et surtout contre les pélagiens.

9. Voilà, mon père, des choses, sans en compter beaucoup d'autres, que j'aurais mieux aimé vous porter moi-même : je ne vous cache pas que c'était mon voeu le plus cher. Puisque ce bonheur m'est refusé, j'aurais voulu avoir plus de temps pour mettre sous vos yeux tout ce qui déplaît à nos contradicteurs , afin d'apprendre par vous ce qu'il faut repousser ou ce qu'il serait possible de tolérer. Mais, ne pouvant ni aller vous voir, ni vous tout rapporter, j'aime mieux vous adresser ceci comme je le puis, que de garder un complet silence sur une si grande opposition de quelques-uns. Il y a, de ce côté, des personnages auxquels les laïques, d'après la coutume de l'Église, doivent un grand respect. Dieu aidant, nous n'y avons pas manqué lorsqu'il nous a fallu, dans l'humble mesure de nos forces, exprimer et soutenir notre sentiment sur ces questions. Je viens de vous exposer sommairement les choses, autant que me l'a permis la grande hâte du porteur de cette lettre. C'est à votre sagesse qu'il appartient de décider ce qu'il y a à faire pour venir à bout de la résistance de tant de personnes considérables ou pour modérer la vivacité de leur opposition. Je crois, quant à moi, qu'il servira de peu que vous leur rendiez raison de votre doctrine, si vous n'y ajoutez le poids d'une autorité à laquelle ne puissent échapper des gens opiniâtres et querelleurs. Mais je ne dois pas oublier de vous dire qu'ils professent pour les actes et les paroles de votre sainteté une grande admiration, à (exception de cette question où se rencontré leur résistance : c'est à vous à voir jusqu'à quel point on peut la tolérer. Ne soyez pas étonné de trouver dans cette lettre autre chose que ce que je vous ai dit dans la précédente; tels sont aujourd'hui les sentiments de nos contradicteurs, saut ce que j'ai omis peut-être, par trop grande hâte ou par oubli.

10. Faites, je vous en prie, que nous ayons,après leur publication, les livres où vous passez en revue tout ce que vous avez écrit : s'il se trouvait dans vos ouvrages quelque chose que vous jugeassiez à propos de corriger, nous pourrions alors nous en écarter, sans être retenus par le respect profond que nous inspire l'autorité de votre nom. Nous n'avons pas non plus le livre de la Grâce et du Libre arbitre, il nous serait utile aujourd'hui,et nous désirons bien le recevoir. Je ne veux pas que votre sainteté croie que j'écris ceci, parce que j'aurais des doutes sur la manière dont vous traitez à présent ces questions. C'est bien assez pour moi d'être privé des délices de votre présence et de ne plus me nourrir de la salutaire fécondité de vos entretiens ; je ne souffre pas seulement de votre absence, je souffre aussi de l'opiniâtreté de ceux qui rejettent des vérités évidentes et critiquent ce qu'ils ne comprennent pas. Épargnez-moi des soupçons que je ne mérite pas ; telle est mon absolue déférence pour vos sentiments, que je supporte fort mal les contradicteurs, et que j'aurais à cette égard des reproches à me faire. Je laisse à votre sagesse , comme je l'ai déjà dit, le soin de pourvoir à cette (62) situation; ce que j'ai regardé comme un devoir imposé par ma charité envers vous et mon amour polir le Christ, c'est de ne pas vous laisser ignorer les points remis en discussion. Nous recevrons comme une décision de l'autorité la plus chère et la plus vénérable tout ce que vous voudrez et vous pourrez, pour cette grâce que les petits ainsi que les grands admirent en vous. Pressé par le porteur, et connaissant le peu dont je suis capable,j'ai craint de ne pas tout dire ou de mal dire; aussi j'ai engagé un homme, bien connu par sa piété, son éloquence et son zèle (1), à vous écrire de son côté tout ce qu'il pourrait recueillir; j'aurai soin de joindre sa lettre à la mienne : sans même cette occasion, il eût été digne d'être connu de votre sainteté. Le saint diacre Léonce, qui a pour vous tant de respect, vous salue beaucoup ainsi que mes parents. Que le Seigneur Jésus-Christ daigne vous conserver longtemps à son Eglise, et vous fasse souvenir de moi, seigneur mon père (2)!

Et plus bas : Votre sainteté saura que mon frère, qui avait été surtout la cause de notre éloignement d'ici, a fait vœu de continence d'un commun accord avec sa femme. C'est pourquoi nous demandons à votre sainteté de vouloir bien prier pour que le Seigneur daigne les affermir et les maintenir dans cette résolution.

   

1. On voit qu'il s'agit de saint Prosper dont on a déjà lu la lettre.

2. Après les lettres de saint Prosper et d'Hilaire, si on n'a pas sous la main les livres de la Prédestination des saints et du Don de la persévérance, on fera bien de lire ce que nous en avons dit dans l'Histoire de saint Augustin, chap. LII : on y trouvera l’abrégé et la fleur des pensées du grand évêque.

 

 

Précédente Accueil Remonter Suivante