LETTRE CCXXXIX
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rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

LETTRE CCXXXIX.

 

Saint Augustin, apprenant que Pascence répétait toujours les mêmes faussetés, lui écrit une seconde fois. Il lui demande de s'expliquer et l'engage à lire sa lettre à laquelle cet orgueilleux personnage avait fait un dédaigneux accueil.

 

AUGUSTIN A PASCENCE.

 

1. Si, comme je l'entends dire, vous prétendez que vous m'avez exposé votre foi et que je n'ai pas voulu vous exposer la mienne, rappelez-vous, je vous en prie, combien l'un et l'autre est faux. Car vous n'avez pas voulu me dire votre foi, et moi je n'ai pas refusé de vous dire la mienne; mais j'entendais le faire de manière que nul ne pût rien ajouter ni rien ôter à mes paroles. Vous m'auriez fait connaître votre foi, si vous m'aviez dit en quoi elle diffère de la mienne, si vous aviez dit : « Je crois, en Dieu le Père, dont le Fils est une créature qui a précédé toutes les autres, et je crois au Fils lui-même qui n'est ni égal, ni semblable au Père, ni un Dieu véritable, et au Saint-Esprit, créé par le Fils depuis le Fils; » car c'est là, assure-t-on, votre profession de foi. S'il n'est pas vrai que vous disiez cela, je voudrais bien le savoir par vous; si c'est vrai, je veux savoir comment vous l'appuyez du témoignage des saintes Ecritures. Mais maintenant vous dites que vous croyez « en Dieu le Père, tout-puissant, invisible, immortel, non engendré, et d'où procèdent toutes choses; et en Jésus-Christ, son Fils, qui est Dieu et né avant les siècles, par qui tout a été fait, et au Saint-Esprit. » Ce n'est pas là votre foi, c'est celle de nous deux; comme elle le serait encore si vous ajoutiez que la Vierge Marie a enfanté ce même Jésus-Christ, Fils de Dieu, et les autres choses qui appartiennent à notre commune foi. Si donc vous aviez voulu dire la vôtre, nous n'auriez pas dit celle qui nous est commune, mais plutôt celle par laquelle nous différons.

2. Vous entendriez encore cela de ma bouche, si, conformément à nos conventions, nos paroles étaient recueillies. Mais vous vous y êtes refusé, sous prétexte que vous craigniez de notre part de la supercherie, et, après le dîner, vous repoussâtes les conventions du matin : pourquoi donc me serais-je résigné à ce qu'il vous aurait plu de me faire dire, et pourquoi me serais-je privé du moyen de prouver ce que j'aurais dit? Cessez donc de répéter que vous avez exposé votre foi et que je ne vous ai pas exposé la mienne : il y a des gens qui penseront que je me défiais moins de ma croyance que vous de la vôtre, puisque je voulais que l'expression en fût mise par écrit, et que vous redoutez cela comme une supercherie. Vous vous teniez donc prêt à nier ce que je vous aurais reproché d'avoir dit contre ma foi. Voyez ce que vous dormez à penser de vous. Si les dénégations n'entraient pas dans votre dessein, pourquoi n'avez-vous pas voulu qu'on écrivît? Il est d'autant plus permis de s'étonner de ce refus, que vous aviez invité des hommes en dignité à assister à notre entretien. Pourquoi donc, dans votre préoccupation d'éviter des supercheries, craigniez-vous l'écriture des greffiers, et ne craigniez-vous pas le témoignage d'hommes illustres?      .

3. Si vous voulez que je vous dise ma foi, comme vous prétendez m'avoir dit la vôtre, la voici en peu de mots : Je crois au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Mais si vous voulez que je marque ce en quoi vous différez de moi, je (91) dirai : Je crois au Père, au Fils et au Saint-Esprit, sans croire que le Fils soit le Père, ni le Père le Fils, ni due le Saint-Esprit de l'un et de l'autre soit le Père ni le Fils; cependant, le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu; ces trois personnes forment un seul Dieu éternel et immortel par leur propre substance, comme Dieu seul est éternel et immortel par cette divinité qui est avant les siècles. Si cela vous déplaît et que vous demandiez que, je l'appuie du témoignage des saintes Ecritures, lisez la lettre étendue que j'ai adressée à votre bénignité. Si vous n'en avez pas le temps, je n'ai pas le temps, moi non plus, de parler pour rien. Je puis cependant, avec le secours de Dieu, soit en dictant, soit en écrivant, répondre à ce que vous aurez dicté ou écrit pour me questionner.

Moi Augustin, après avoir dicté et relu cette lettre, je l'ai signée.

 

 

 

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