LETTRE CCXLI
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rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

LETTRE CCXLI.

 

Saint Augustin répond à la précédente lettre, sans rien perde de son calme et de sa dignité. Il se permet quelques traits pour remettre à sa place le personnage qui s'oublie, et puis il en vient à la question elle-même, parce que l'intérêt de la vérité demeure toujours présent à sa pensée.

 

AUGUSTIN A PASCENCE.

 

1. Votre lettre ne pourra ni m'entraîner à rendre injure pour injure, ni m'empêcher de vous répondre. Je me préoccuperais de ce que vous m'avez écrit, si cela partait de la vérité de Dieu et non de la puissance d'un homme. Vous comparez mon conseil à un arbre courbé et noueux qui n'a rien de droit en lui et trompe l'oeil le plus pénétrant. Q'auriez-vous dit de moi si j'avais manqué à ce qui a été convenu entre nous, et si, dans une chose très-aisée et qu'on avait bien fait d'accepter, j'avais laissé voir une tortueuse résistance et créé des noeuds de difficultés. Vous jugeriez que je ne m'étais point abreuvé dans une eau bourbeuse, mais, que l'ivresse m'avait fait manquer de foi, ce qui est pis, si, après dîner, je ne m'étais ras montré le même qu'auparavant. Ne venez-vous point de m'écrire ce que vous avez voulu, sans craindre aucune supercherie? Vous pourriez donc ainsi écrire tout le reste, afin que nous-mêmes et les autres, nous fussions en mesure d'examiner et de juger. Vous me dites que le Dieu en qui je crois a trois figures; Peut-être parleriez-vous autrement si vous aviez pris la peine de lire la lettre plus étendue que je vous ai adressée auparavant (1) et si vous vous étiez occupé d'y répondre. Mais enfin vous vous êtes décidé à déclarer que mon Dieu est un Dieu à trois figures, vous avez écrit cela, vous me l'avez envoyé, et vous n'avez redouté aucun piège : vous montrez combien j'ai raison de dire que si vous n'avez pas voulu laisser recueillir vos paroles pendant que nous étions ensemble, ce n'est pas que vous craignissiez la supercherie, mais c'est que vous n'aviez pas confiance dans la vérité de vos opinions. A présent il vous plaît de me demander si je crois en un Dieu à trois figures; je réponds que telle n'est pas ma foi ; la forure de mon Dieu est une parce que la divinité est une, et c'est pourquoi le Père, le Fils et le Saint-Esprit, ne font qu'un seul Dieu.

 

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2. Mais vous, je vous en prie, dites-moi en peu de mots comment vous entendez ces paroles de l'Apôtre : « Celui qui se joint à une prostituée, devient un même corps avec elle;  mais celui qui s'unit au Seigneur, devient un même esprit avec lui (1). » L'Apôtre dit que, par le rapprochement des deux sexes, les deux corps n'en font qu'un. L'esprit de l'homme ne peut pas dire : le Seigneur et moi nous sommes un, et cependant quand il s'unit au Seigneur, il devient un même esprit avec lui à plus forte raison celui qui, en toute vérité a pu dire: «Mon Père et moi nous sommes un (2), » parce qu'il est inséparablement uni au Père, Celui-là ne fait avec son Père qu'un seul et même Dieu. C'est à peine si nous osons employer le mot d'union quand il s'agit du Fils de Dieu avec son Père, car entre ces deux personnes divines, la séparation demeure éternellement impossible. Dites-moi, maintenant, si vous appelez un esprit à deux figures celui qui, s'unissant au Seigneur, deviendra un même esprit avec lui. Si vous me répondez que non, je vous répéterai que moi non plus je ne dis pas que le Père, le Fils et le Saint-Esprit, soient un Dieu à trois figures, mais un seul et même Dieu. Si vous voulez que nous conférions ensemble et de vive voix, j'en rends grâce à votre bonté et à votre bienveillance; mais comme vous avez déjà commencé à m'écrire ce que vous avez voulu, consentez à laisser écrire ce que nous dirons vous et moi, et, Dieu aidant, je ne manquerai pas à vos désirs. Si en écrivant chacun de notre côté, nous ne pouvons pas nous édifier, comment le pourrions-nous avec des paroles dont il ne restera que du bruit et rien de saisissable pour la lecture?

Moi Augustin, j'ai dicté ceci, et, après l'avoir relu, je l'ai signé. Laissons-là les injures, et ne perdons pas notre temps; appliquons-nous plutôt à ce qui est en,discussion entre nous.

 

1. I Cor. VI, 16, 17. — 2. Jean, X, 30.

 

 

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