PSAUME XVIII
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PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME XVIII.

LE VERBE DE DIEU.

  Sous le voile de l’allégorie, le Prophète célèbre la prédication de l’Evangile, qui est la parole du Verbe confiée aux Apôtres, et par les Apôtres répandue par toute la terre, où elle opère des oeuvres de conversion. Condition de cette conversion ou renoncement au péché. 

 

POUR LA FIN, PSAUME POUR DAVID (Ps. XVIII).

          1. Ce titre nous est connu : et ce n’est point Jésus-Christ Notre-Seigneur qui parle dans ce psaume, mais c’est de lui qu’il est question.

2. « Les cieux annoncent la gloire de Dieu (Id. 2 )». Les saints évangélistes, en qui Dieu habite comme dans les cieux, nous prêchent la gloire de Jésus-Christ, ou cette gloire que le Fils vivant ici-bas a rendue à son Père. « Et le firmament publie les oeuvres de ses mains (Ibid. )». Elle publie les oeuvres merveilleuses du Seigneur , cette force de l’Esprit-Saint qui est devenue un firmament et un ciel, après avoir été une terre faible, sous l’influence de la crainte.

3. «Le jour parle au jour (Id.3 ) ». L’esprit découvre à l’homme spirituel, et dans sa plénitude, cette immuable sagesse de Dieu, ce Verbe qui est Dieu, et qui est en Dieu dès le commencement (Jean, I, 1 ). « Et la nuit enseigne la nuit ». Et cette chair mortelle qui insinue la foi aux hommes charnels, comme s’ils étaient fort éloignés, leur annonce la science qui vient après la foi.

4. «Il n’est point d’idiome, point de langage, dans lequel on n’entende ces voix (Ps. VIII, 4 ). Qui n’a pas entendu ces voix des évangélistes, prêchant 1’Evangile en toute langue?

5. «Ce bruit s’est répandu par toute la terre, et leurs paroles ont retenti jusqu’aux extrémités du monde ( Id. 5 ).

6. « C’est dans le soleil qu’il a établi son pavillon (Id. 6 )». Le Seigneur, venant livrer bataille aux puissances temporelles de l’erreur, et apporter ici-bas le glaive et non la paix (Matt. X, 34 ), s’est fait connaître dans le temps, ou a manifesté le mystère de son incarnation, qui était pour lui comme une tente militaire. « Il a été comme un époux qui sort du lit nuptial». Il est sorti du sein de la vierge, où il a contracté avec la nature humaine de saintes épousailles. « Comme le géant, il s’est élancé dans sa carrière ». Il s’est élancé dans sa force, précédant les autres hommes dans son incomparable puissance, non pour demeurer dans sa voie, mais pour la parcourir. « Car il ne s’est point arrêté dans la voie des pécheurs (Ps. I, 1 ). »

7. « Il part du haut des cieux », ou plutôt il nous vient du Père, non point d’une manière temporelle, mais par une génération éternelle. « Et sa course aboutit au sommet des cieux (Ps. XVIII, 7 )». Et parce qu’il est pleinement Dieu, il arrive à l’égalité de son Père. « Et nul ne se dérobe à ses feux », car le Verbe divin s’étant fait chair, et s’étant revêtu de notre mortalité pour habiter parmi nous (Jean, I, 14 ) , n’a permis à aucun homme de prendre pour excuses les ombres de la mort, puisque la mort elle-même a ressenti la chaleur du Verbe.

8. « La loi du Seigneur est sans tache, elle convertit les âmes (Ps. XVIII, 8 )». La loi du Seigneur est donc celui-là même qui est venu perfectionner la loi et non la détruire(Matt. V, 7 ). Il est une loi pure, lui qui n’a point commis le péché, dont la bouche n’a point proféré le mensonge (I Pierre, II, 22 ) ; qui n’accable point les âmes sous le joug de la servitude, mais qui les amène librement à l’imiter. « Le témoignage du Seigneur est fidèle, il donne la sagesse aux petits (Ps. XVIII, 8 ) ». Ce témoignage est fidèle, parce que nul ne connaît le Père, si ce n’est le Fils, et ceux à qui le Fils a voulu le révéler (Matt. XI, 27 ). Ce qui est caché pour les sages, et révélé aux petits; (193) parce que Dieu résiste aux superbes et donne la grâce aux humbles (Jacob IV, 6 ).

9. « Les jugements du Seigneur sont droits, ils réjouissent les coeurs (Ps. XVIII, 9 )». Tous les jugements du Seigneur sont droits en celui qui n’a rien enseigné, qu’il ne l’ait fait lui-même afin que ceux qui devaient l’imiter, fussent dans la joie du coeur, et pussent agir, non plus avec une crainte servile, mais avec la liberté de l’amour. « Le précepte du Seigneur est lumineux, il éclaire les yeux ». Ce précepte lucide, que ne cache point le voile des cérémonies charnelles, éclaire les yeux de l’homme intérieur.

10. « La crainte du Seigneur est chaste, elle demeure dans le siècle des siècles (Id. 10 ) ». Cette crainte du Seigneur n’est plus celle qui était un châtiment sous la loi, et qui appréhende la perte de ces biens temporels dont l’amour est pour notre âme une fornication; mais c’est une crainte chaste, qui porte l’Eglise à éviter ce qui peut offenser son époux avec un soin qui égale son amour pour lui: or, l’amour parfait ne bannit point cette crainte (I Jean, IV, 18 ), qui demeure éternellement.

11. « Les jugements du Seigneur sont véritables; ils se justifient par eux-mêmes (I Ps. XVIII, 10  ) ». Les jugements de celui qui ne juge personne par lui-même, et qui a donné tout jugement au Fils (Jean, V, 22), sont véritablement d’une justice immuable. Car Dieu ne trompe ni dans ses menaces ni dans ses promesses; et nul ne peut soustraire l’impie aux supplices, ni le juste aux récompenses. « Ils sont plus désirables que l’or et que les pierres précieuses. — Beaucoup ( Ps. XVIII, 1) », soit que « beaucoup » désigne de l’or et des pierres précieuses en grande quantité, ou l’or qui est beaucoup précieux, ou beaucoup désirable; néanmoins les jugements de Dieu sont préférables aux pompes de ce monde, dont le désir fait qu’on ne désire plus, mais qu’on redoute, ou qu’on méprise, ou que l’on ne croit plus les jugements de Dieu. Si chaque fidèle, à son tour, est un or pur ou une pierre précieuse, inaltérable au feu et réservé pour les trésors du Seigneur, alors il aime les jugements de Dieu plus que lui-même, et préfère à sa propre volonté, celle de Dieu. « Ils sont plus doux que le miel dans son rayon ». Que l’âme fidèle soit ce miel exquis, et que déjà dégagée des biens de la vie, elle attende le jour du festin du Seigneur; ou qu’elle ne soit encore qu’un rayon de miel, enveloppée encore dans cette vie, comme dans les alvéoles qu’elle remplit sans s’y attacher, ayant besoin que la main de Dieu la presse, non pour l’accabler, mais pour l’exprimer comme un miel, et la faire passer du temps à l’éternité, alors les jugements de Dieu seront pour elle plus doux qu’elle ne l’est elle-même; car ils sont plus délicieux que le miel et que le rayon.

12. « Pour votre serviteur, il observe ces lois (Ps. XVIII, 12 ) », et 1e jour du Seigneur sera bien amer pour quiconque les méprise. « On trouve, à les pratiquer, une ample récompense (Ibid.) » ; et cette ample récompense n’est dans aucun autre avantage extérieur que dans la pratique même des préceptes du Seigneur; elle est grande, parce que cette pratique porte en elle-même sa joie.

13. « Qui peut connaître ses égarements (Id. 13 )?» Et dans ces égarements, quelle douceur peut. on trouver, puisqu’il n’y a point d’intelligence? Comment, en effet, comprendre ces égarements, quand ils obscurcissent l’oeil de cette âme qui fait ses délices de la vérité, qui trouve doux et dignes d’envie, les jugements de Dieu? Comme les ténèbres nous ferment les yeux, les péchés sont pour l’esprit un bandeau qui lui dérobe et la lumière et eux-mêmes.

14. « Purifiez-moi, Seigneur, de ce qui est caché en moi (Ibid. ) ». Seigneur, délivrez-moi de ces convoitises qui se cachent en mon coeur. « Préservez votre serviteur des péchés des autres », afin que les autres ne me séduisent point. Car l’homme purifié de ses fautes ne se laisse point prendre aux péchés des autres, Préservez donc des étrangères convoitises, non l’homme superbe qui cherche l’indépendance, mais moi, votre serviteur. « Si elles ne me tyrannisent plus, alors je serai sans tache (Id. 14 ) ». Assurément, je serai sans tache, si mes passions, ni celles des autres ne me tyrannisent. Car il n’y a pas une troisième source de péché, après cette suggestion intérieure qui fit tomber le diable, et cette suggestion extérieure qui séduisit l’homme et devint son péché par le consentement qu’il y donna. « Et je serai pur d’un grand péchés. De quel autre péché, sinon de l’orgueil? Il n’y a pas de plus grand crime que de se séparer (194) de Dieu, et tel est le commencement de l’orgueil chez l’homme (Eccli. X, 14 ). Il est vraiment sans tache celui qui n’a pas même ce péché, qui est pour nous le dernier quand nous revenons à Dieu, comme il a été le premier quand nous l’avons abandonné.

15. « Et alors les paroles de ma bouche vous seront agréables, et les pensées de mon coeur seront toujours en votre présence ( Ps. XVIII, 15 ) » . Mon coeur ne recherchera plus cette vaine gloire de plaire aux hommes, puisqu’il n’y a plus en moi nul orgueil ; mais je le tiendrai toujours en votre présence, car vous voyez les coeurs purs. « Seigneur, vous êtes mon soutien et mon rédempteur ». Vous êtes mon soutien quand je me dirige vers vous, et c’est pour que j’aille à vous que vous m’avez racheté. Quiconque ose attribuer à sa propre sagesse de s’être tourné vers vous, ou à ses forces d’arriver à vous, n’en sera que rejeté plus loin, puisque vous résistez aux superbes (Jacob, IV, 6 ) et il n’est point exempt de cette faute principale, ni agréable à vos yeux, Seigneur, qui nous rachetez afin que nous nous convertissions à vous, et qui nous aidez afin que nous parvenions auprès de vous.

 

DEUXIÈME DISCOURS SUR LE MÊME PSAUME.

 

Dans ce second discours saint Augustin tire les conséquences morales et pratiques de l’exposé précédent : 1° quant à la grâce de Dieu qui nous est acquise par les mérites de Jésus Christ; 2° quant à l’unité et à la visibilité de l’Eglise, contre les hérétiques; 3° quant aux dispositions qu’exige de nous la vraie conversion.

 

1. Après avoir supplié le Seigneur de nous purifier de nos fautes ignorées, de préserver

ses serviteurs des péchés des autres, il nous faut comprendre le sens de cette prière, afin de chanter en esprit les louanges du Seigneur, en hommes raisonnables, et non comme les oiseaux; car on voit chaque jour le merle et le perroquet, le corbeau et la pie, apprendre des hommes à former des sons qu’ils ne comprennent point. Mais Dieu a bien voulu faire à l’homme le don de comprendre ce qu’il chante; et c’est avec douleur que nous voyons tant d’impies et de libertins exhaler des chants dignes de leurs oreilles et de leurs coeurs d’autant plus coupables en cela qu’ils ne peuvent ignorer ce qu’ils chantent. Car ils savent que leurs chants sont criminels, et néanmoins ils les redisent avec une allégresse d’autant plus vive qu’elle est plus immonde, et ils se croient d’autant plus joyeux qu’ils sont plus lubriques. Pour nous, qui avons appris à chanter dans l’Eglise les cantiques divins, nous devons nous efforcer d’atteindre cette perfection ainsi formulée: « Bienheureux le peuple qui entend la louange (Ps. LXXXVIII, 16 ) ». Il faut donc, mes bien-aimés, étudier et comprendre avec le calme du coeur, ce que nous avons chanté à l’unisson des voix. Chacun de nous, dans ce cantique, a supplié le Seigneur, et a dit à Dieu : « Purifiez-moi, Seigneur, de mes fautes cachées, préservez votre serviteur des péchés des autres. Si je n’en ressens point la tyrannie, je serai sans tache, et pur d’un grand péché (Ps. XVIII, 13, 14 ) ». Pour bien comprendre le sens et la portée de ces paroles, voyons rapidement, et avec le secours de Dieu, le texte du psaume.

2. C’est une allégorie du Christ, et nous le voyons clairement dans ces paroles : « Il est sorti comme l’époux de son lit nuptial (Id. 16 ) ». Quel est cet époux, sinon celui à qui l’Apôtre a fiancé une vierge? et dans ses chastes sollicitudes, ce fidèle ami de l’époux craint que, comme Bye fut séduite par les artifices du serpent, les sens de cette virginale épouse du Christ ne se corrompent et ne dégénèrent de la chasteté qui est dans le Christ (II Cor. XI, 3 ). C’est donc (195) en ce même Jésus-Christ notre Seigneur et Sauveur que Dieu a mis ces trésors, cette plénitude de la grâce dont l’Apôtre saint Jean nous a dit: « Nous avons vu sa gloire, comme la gloire que reçoit de son Père le Fils unique, plein de grâce et de vérité (Jean, I, 14 ). C’est cette gloire que racontent les cieux ». Car les cieux, ce sont les saints, élevés au-dessus de la terre, et qui portent le Seigneur; et toutefois le ciel a raconté la gloire du Christ, à sa manière. Quand l’a-t-il racontée? Quand, à la naissance de ce même Sauveur, il fit paraître une étoile nouvelle, et jusqu’alors inconnue. Il est néanmoins d’autres cieux plus véritables et plus sublimes, dont il est dit dans un verset suivant : « Il n’est point d’idiome, point de langage, dans lequel on n’entende leurs voix. Ce bruit s’est fait entendre par toute la terre, et leurs paroles ont retenti jusqu’aux extrémités du monde (Ps. XVIII, 4 )». De qui ces paroles, sinon des cieux? et de quels cieux, sinon des Apôtres? Ce sont eux qui redisent à la louange de Dieu, cette grâce que Dieu a mise en Jésus-Christ pour la rémission des péchés. « Car tous ont péché et ont besoin de la gloire de Dieu; ils sont justifiés gratuitement par le sang de Jésus-Christ (Rom. III, 23 ) ». Comme c’est gratuitement, c’est donc une grâce, car il n’y a point de grâce qui ne soit gratuite. Nous n’avions fait aucune bonne oeuvre qui nous méritât ces dons de Dieu, et même ce n’eût pas été gratuitement qu’il nous eût infligé un supplice ; de là vient que ses bienfaits pour nous sont gratuits. Dans notre vie passée, nous n’avions mérité rien autre chose qu’un juste châtiment. Dieu donc, non plus à cause de notre justice, mais par un effet de sa miséricorde, nous a sauvés par le bain de la régénération (Tit. III, 5 ). C’est là, dis-je, la gloire de Dieu que racontent les cieux; car tu n’as rien fait de bon, et néanmoins tu as reçu ces biens immenses. Si donc tu as une part à cette grâce que les cieux ont chantée, tu dois dire au Seigneur ton Dieu: « Il est mon Dieu, puisqu’il me prévient par sa miséricorde (Tit. III, 5 ) ». C’est lui en effet qui t’a prévenu, et tellement prévenu, qu’il n’a rien trouvé de bon en toi. Tu avais prévenu ses châtiments par ton orgueil, et il a prévenu ton supplice en effaçant tes péchés. En toi donc, le pécheur est devenu juste, l’impie est sanctifié, le damné recouvre ses droits au ciel; aussi dois-tu dire à Dieu: « Ce n’est point à nous, Seigneur, non ce n’est  point à nous, mais à votre nom, qu’il faut en attribuer la gloire (Ps. CXIII, 9) ». Disons bien

« Non pas à nous », à qui la donnerait-il, s’il nous considérait? Encore une fois, disons: « Non pas à nous, Seigneur». S’il nous traitait selon nos mérites, il ne trouverait pour nous que des peines. « Que son nom donc soit glorifié, et non point nous, parce qu’il ne nous a point traités selon nos fautes (Id. CII, 10 ).» Ne nous la donnez donc point, Seigneur, ne nous la donnez point. Cette répétition fortifie la pensée. « Ce n’est point à nous, Seigneur, mais à votre nom, qu’il faut donner la gloire ». C’est ce que comprenaient ces cieux qui ont chanté la gloire de Dieu.

3. « Et le firmament publie l’ouvrage de ses mains (Ps. XVIII, 2 ) ». Cette expression: « La gloire de Dieu », est répétée dans cette autre: « L’ouvrage de ses mains ». Quels sont les ouvrages de ses mains? N’allons pas croire avec plusieurs, que Dieu a tout fait de sa parole, mais que l’homme, créature supérieure aux autres, est l’ouvrage de ses mains. Loin de nous cette pensée qui est basse et peu exacte, car Dieu a tout fait par son Verbe. Bien que l’Ecriture nous expose les oeuvres si diverses du Créateur, et nous dise qu’il fit l’homme à son image; tout néanmoins a été fait par son Verbe, et sans lui rien n’a été fait (Jean, I, 3 ). Quant aux mains de Dieu, il est dit encore: « Les cieux sont l’oeuvre de ses mains (Ps. CI, 16 ) », et pour que vous ne confondiez pas ces cieux avec les saints, le Prophète ajoute : « Pour eux, ils périront, mais vous, Seigneur, vous demeurez (Id. 27 ) ». Donc, non-seulement les hommes, mais aussi les cieux qui doivent périr, sont l’ouvrage des mains de Dieu, à qui il est dit : « Les cieux sont l’oeuvre de vos mains ». C’est encore ce qui est dit de la terre : « La mer est à lui puisqu’elle est son ouvrage, et ses mains ont fait une base à la terre (Id. XCIV, 5 ) ». Donc s’il a fait le ciel de ses mains, la terre de ses mains, l’homme n’est pas seul l’oeuvre de ses mains; mais s’il a fait le ciel par son Verbe, la terre par son Verbe, il a fait aussi l’homme par son Verbe. L’oeuvre du Verbe est l’oeuvre de sa main, comme l’oeuvre de sa main est celle de son Verbe. Dieu n’a point comme nous des membres qui (196) dessinent sa force, puisqu’il est tout entier en tout lieu, et n’a point de limite. L’oeuvre de son Verbe est l’oeuvre de sa sagesse, et l’oeuvre de sa main celle de sa puissance. « Or, le Christ est la puissance de Dieu, comme la sagesse de Dieu (I Cor. I, 24 ) ; et c’est par lui que tout a été fait, et rien n’a été fait sans lui (Jean, I, 3 ) ». Les cieux donc ont raconté la gloire de Dieu, la redisent encore et la rediront toujours. Oui, ils chanteront la gloire de Dieu, ces cieux, ou plutôt ces saints qui sont élevés au-dessus de la terre, qui portent le Seigneur, qui font retentir ses préceptes et briller sa sagesse; ils raconteront cette gloire du Seigneur qui nous a sauvés malgré notre indignité. Il reconnaît cette indignité, ou la gloire dont nous ne sommes pas dignes, ce fils le plus jeune, que presse l’indigence ; il reconnaît cette indignité, ce jeune homme qui s’éloigne de son père, pour adorer les démons et faire paître les pourceaux; il reconnaît la gloire de Dieu, mais quand l’indigence le presse. Et comme cette gloire nous a faits ce que nous n’étions pas dignes d’être, il dit à son père: «Je ne suis pas digne d’être appelé votre fils (Luc, XV, 21) ». Il est dans le malheur, et l’humilité lui obtient le bonheur; et il s’en montre digne parce qu’il s’en confesse indigne. Telle est «la gloire de Dieu, qu’annoncent les cieux, cet l’oeuvre de ses mains, que prêche le firmament ». Ce ciel firmament, c’est le cœur du juste dans sa force, étranger à la crainte. Ces oeuvres donc ont été prêchées parmi les impies, parmi les antagonistes de Dieu, parmi ces hommes épris du monde et persécuteurs des justes; oui, dans ce monde frémissant de rage, Mais que pouvait le monde avec sa rage, quand c’était le firmament qui les prêchait? « Le firmament prêche », et que prêche-t-il? « Les oeuvres de ses mains ». Quelles sont, les oeuvres de ses mains? Cette gloire de Dieu qui nous a sauvés, et qui nous a créés dans les bonnes oeuvres. « Car c’est par lui, et non par nous-mêmes (Ps. XCIX, 3 ), que nous sommes non-seulement hommes, mais justes », si tant est que nous soyons justes.

4. « Le jour parle au jour, et la nuit instruit la nuit (Ps. XVIII, 3 ) ». Qu’est-ce à dire? On comprend facilement peut-être : « Le jour parle au jour», aussi facilement et aussi clairement que le jour. Mais « que la nuit instruise la nuit », voilà qui est ténébreux comme la nuit. Ce jour qui parle au jour, c’est le saint qui parle aux saints, l’Apôtre aux fidèles, le Christ aux Apôtres, et qui leur dit : « Vous êtes la lumière du monde (Matt. V, 14 ) ». Voilà qui paraît clair et facile à comprendre. Mais comment « la nuit peut-elle instruire la nuit? ». Quelques-uns l’ont pris à la lettre, et c’est peut-être le vrai sens; selon eux, la science que les Apôtres ont recueillie de Jésus-Christ pendant son séjour sur la terre, ils l’ont transmise à leurs successeurs de siècle en siècle. Le jour parle donc au jour, et la nuit à la nuit; le premier jour au jour suivant, la première nuit à la nuit qui succède; parce que cette doctrine est annoncée jour et nuit. Celui-là peut se contenter de cette explication si simple qui la trouve suffisante. Mais l’obscurité de certains passages des saintes Ecritures a eu cet avantage de produire plusieurs interprétations. Si donc ces paroles étaient claires , vous n’y trouveriez qu’un sens unique; et parce qu’il est obscur, vous en entendrez plusieurs. On explique autrement: « Le jour parle au jour et la nuit à la nuit », c’est-à-dire l’esprit à l’esprit, et la chair à la chair. Puis encore : « Le jour qui parle au jour », figurerait l’homme spirituel parlant à ceux qui vivent selon l’esprit; et « la nuit à la nuit », l’homme charnel aux hommes charnels. Les uns et les autres entendent cette parole, mais ne la goûtent pas également, Pour les uns, c’est une parole prêchée; pour les autres, une science que l’on annonce. Car prêcher n’a lieu que pour ceux qui sont présents, annoncer pour ceux qui sont éloignés. On pourrait trouver aux cieux d’autres significations, mais le peu de temps qui nous reste, nous force d’en rester là; donnons toutefois une explication, que plusieurs ont donnée comme une conjecture. Selon eux, quand Notre-Seigneur Jésus-Christ parlait aux Apôtres, le jour parlait au jour; et quand Judas trahissait le Christ, la nuit donnait la science à la nuit.

5. « Il n’est point d’idiome, point de langage, dans lequel cette voix ne se fasse entendre (Ps. XVIII, 4 )». De qui cette voix, sinon des cieux qui racontent la gloire de Dieu? « li n’est « point d’idiome, point de langage, dans lequel cette voix ne se fasse entendre». Lisez, dans les actes des Apôtres, comment ils furent (197) tous remplis de l’Esprit-Saint qui descendait sur eux : et comme ils parlaient en toutes les langues, selon que l’Esprit-Saint les faisait parler (Act. II, 4 ). Voilà comment. « il n’est point d’idiome, point de langage, dans lequel leur voix ne se fasse entendre ». Et non-seulement leur voix a retenti dans l’endroit où ils avaient reçu l’Esprit-Saint , mais « elle a parcouru toute la terre, et leurs prédications ne s’arrêtent qu’aux extrémités du monde ». De là vient que nous prêchons ici. Car cette voix qui a parcouru toute la terre est venue jusqu’à nous , et la parole de l’hérésie n’entre point dans l’Eglise. Cette voix donc a parcouru toute la terre, afin de vous faire entrer dans le ciel. O esprit de pestilence, de contention, de méchanceté, et qui te plais dans l’erreur! écoute, ô fils orgueilleux, le testament de ton père. Le voici, quoi de plus clair et de plus net? «Le bruit de leur voix a parcouru toute la terre, et leurs paroles ont retenti jusqu’aux confins du monde ». Est-il besoin d’aucun éclaircissement? Pourquoi tourner tes efforts contre toi-même? Tu veux contester pour retenir une partie, quand la paix te mettrait en possession du tout.

6. « Il a établi son tabernacle dans le soleil (Ps. XVIII, 5 ) »; en mettant son Eglise en évidence et en grand jour, non dans l’obscurité, non dans le mystère et sous un voile, de peur qu’elle ne se dérobât comme les assemblées des hérétiques (Cant. I, 6, selon les LXX. )». Il est dit à un coupable dans 1’Ecriture sainte : « Parce que tu as péché  dans le secret, tu seras châtié au grand jour (II Rois, XII, 12 ) » : c’est-à-dire que sous les yeux de tous tu subiras le châtiment de ta faute commise dans le secret. « Il a donc établi son tabernacle dans le soleil ». Pourquoi dès lors, enfant de l’hérésie, t’enfuir dans les ténèbres? Es-tu chrétien ? écoute Jésus-Christ. Es-tu serviteur? écoute le maître. Es-tu fils? écoute un père : corrige-toi, reviens à la vie. Que nous puissions dire de toi : Il était mort et il est ressuscité, il était perdu et il est retrouvé. Garde-toi de me dire : Pourquoi me chercher, si je suis perdu? car c’est précisément parce que tu es perdu que je te cherche. Ne me cherchez point, dira-t-il. Tel est le voeu de l’iniquité qui nous divise, mais non de la charité qui nous fait frères. Je ne serais point criminel si je cherchais un serviteur, et l’on me fait un crime de chercher mon frère ! Que telle soit la sagesse de celui qui n’a point la charité fraternelle, pour moi, je recherche mon frère. Qu’il s’irrite, il n’en faut pas moins le chercher, il s’apaisera si nous le retrouvons. Je cherche donc mon frère, et j’en appelle au Seigneur mon Dieu, non contre lui, mais en sa faveur. Et ma prière ne sera point : Dites, Seigneur, à mon frère qu’il divise l’héritage avec moi, mais bien: Dites à mon frère qu’il jouisse avec moi de tout l’héritage (Luc, XII, 13 ). Pourquoi donc errer de la sorte, ô mon frère? Pourquoi fuir dans les lieux écartés? Pourquoi ces efforts pour vous cacher? « Dieu a placé son tabernacle dans le soleil. Il est comme le jeune époux qui sort du lit nuptial (Ps. XVIII, 6) ». Sans doute qu’il ne vous est pas inconnu « cet époux qui sort du lit nuptial, qui s’élance comme un géant pour parcourir sa carrière », c’est lui « qui a placé dans le soleil son tabernacle » ; c’est-à-dire que le Verbe s’étant fait chair (Jean, I, 15 ) a trouvé, comme le jeune époux, un lit nuptial dans le sein d’une vierge; et alors uni à la nature humaine, il est sorti comme d’un lit très-chaste, plus humble que tous dans sa miséricorde, plus fort que tous dans sa majesté: de là vient « qu’il a bondi comme un géant dans sa carrière » ; naître, grandir, enseigner, souffrir, ressusciter, monter aux cieux, c’est là courir et non s’arrêter dans la voie. Le même époux qui a fait tout cela, a donc placé dans le soleil, ou dans l’évidence, son tabernacle, qui est son Eglise.

7. Voulez-vous connaître cette voie qu’il a parcourue avec tant de vitesse? « Il part du  haut des cieux, pour retourner jusqu’à leur sommet (Ps. XVIII, 7 ) ». Mais après qu’il en est descendu, et qu’il y est retourné dans sa course rapide, il a envoyé son Esprit. On vit, sur chacun de ceux qui le reçurent, comme des langues de feu qui se divisaient  (Act. II, 3 ) ». L’Esprit-Saint est donc venu comme un feu, qui doit consumer la chair comme une paille desséchée, et purifier l’or dans le creuset. Il est donc venu comme un feu; aussi est-il dit que « nul ne se dérobe à son embrasement ».

8. « La loi du Seigneur est pure, elle convertit les âmes ». C’est là l’Esprit-Saint. « Le témoignage du Seigneur est fidèle, il donne la sagesse aux petits (Ps. XVIII, 8 ) » ; non pas aux superbes. Tel est encore l’Esprit-Saint.

9. « Les jugements du Seigneur sont droits»; ils portent « dans les coeurs la joie n et non la crainte. C’est l’oeuvre de l’Esprit-Saint. « Le précepte du Seigneur est lumineux, il éclaire  les yeux (Id. 7 ) » sans les éblouir; non les yeux de la chair, mais les yeux du cœur ; non ceux de l’homme extérieur, mais de l’homme spirituel. Tel est encore l’effet de l’Esprit-Saint.

10. « La crainte du Seigneur n n’est pas servile, mais chaste » ; elle aime gratuitement ce qu’elle appréhende; ce n’est point le châtiment de celui qu’elle redoute, mais la séparation de celui qu’elle aime. Telle est la crainte chaste qui ne disparaît pas devant la charité parfaite (Jean, IV, 18 ), mais « qui demeure dans le siècle des siècles ». C’est là l’Esprit-Saint, ou plutôt, c’est lui qui la donne, qui la répand dans nos âmes, qui la greffe en nous. « Les jugements du Seigneur sont vrais, et se justifient par eux-mêmes (Ps. XVIII, 10 ) », sans porter aux querelles, mais à nous unir dans la paix; c’est ce que signifie « en eux-mêmes ». Tel est encore l’effet du Saint-Esprit. Aussi, ceux qui le reçurent à sa première descente, reçurent-ils aussi le don des langues, pour nous montrer par là qu’il ramènerait à l’unité toutes les langues de la terre. L’unité de l’Eglise parle en toutes les langues, et continue aujourd’hui cette merveille d’un seul homme qui s’exprimait alors dans la langue de tous (Act. II, 4 ), après avoir reçu l’Esprit-Saint. Aujourd’hui c’est encore un seul homme qui parle à toutes les nations et dans toutes les langues, un seul homme, c’est-à-dire la tête et le corps, un seul homme, qui est le Christ et l’Eglise, l’homme parfait, l’époux et l’épouse. « Ils seront deux dans une même chair (Gen. II, 24 ) », a dit l’Ecriture. «Les jugements de Dieu sont véritables, ils se justifient par eux-mêmes », à cause de l’unité.

11. « Ils sont plus désirables que l’or et que les pierres précieuses. Beaucoup (Ps. XVIII, 11 ) ». Ce «beaucoup » signifie beaucoup d’or, ou beaucoup précieuses, ou beaucoup désirables; mais beaucoup, c’est peu pour l’hérétique. Ils n’aiment pas avec nous id ipsum ou l’unité, et avec nous ils confessent le Christ. Mais ce Christ que tu confesses avec moi, aime-le donc avec moi. Et celui qui ne veut point l’unité, qui refuse, qui regimbe, qui méprise, celui-là ne la croit point préférable à l’or et aux pierres précieuses. Ecoutez encore : « Ils sont »; dit le Prophète, « plus doux que le miel et que le rayon ». Mais ceci condamne celui qui s’égare. Le miel est amer pour une bouche fiévreuse, quelque douceur qu’il ait pour une bouche en santé, parce qu’il est précieux pour l’homme qui se porte bien. « Ils sont donc plus désirables que l’or et que les pierres les plus précieuses, plus doux que le miel et que le rayon de miel ».

12. « Aussi votre serviteur les observe-t-il», et en éprouve-t-il ainsi la douceur, non plus en paroles, mais en pratique. Votre serviteur les garde parce qu’ils sont doux en cette vie et utiles pour l’autre vie. « Il trouve à les garder une ample récompensez». Mais dominé par son obstination, l’hérétique ne peut voir cette lumière, ni goûter cette douceur.

13. « Qui peut connaître ses péchés? — Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce  qu’ils font (Luc, XVIII, 34 ) ». Celui-là donc, dit le Prophète, est votre serviteur, qui peut goûter une semblable douceur, qui a cette tendresse de charité, cet amour de l’unité. Et moi qui la goûte, poursuit le Prophète, je vous en supplie, qui peut en effet connaître ses fautes? Que jamais en moi, nulle faiblesse ne se glisse chez l’homme, et que cet homme ne se laisse point séduire. « Purifiez-moi, Seigneur, des fautes qui m’échappent ». Nous l’avons chanté, nous y arrivons dans nos explications. Disons donc avec intelligence: Chantons et comprenons, prions en chantant, afin que notre prière soit exaucée; disons: « Purifiez-nous, Seigneur, des fautes qui nous échappent ». Qui peut connaître ses péchés? On ne peut les comprendre qu’en voyant ses ténèbres, et nous ne sommes enfin dans la lumière que quand nous nous repentons de nos fautes. Un homme qui se roule encore dans le péché, ne peut voir ce péché, tant ses yeux sont obscurcis et fermés; que l’on vous mette, en effet, un bandeau sur les yeux du corps, vous ne voyez plus rien, pas même le bandeau. Adressons-nous donc à Dieu, qui sait voir en nous ce qu’il doit purifier, et pénétrer ce qu’il doit guérir, et disons-lui

« Purifiez-moi, Seigneur, de mes fautes cachées, épargnez à votre serviteur les péchés des autres n. Mes péchés, dit-il, me souillent, et ceux des autres me contristent; épargnez-moi les uns et purifiez-moi des autres. Enlevez de mon coeur toute pensée mauvaise, éloignez de moi ce qui inspire le mal. Voilà ce que signifie: « Purifiez-moi de mes fautes cachées, épargnez à votre serviteur les péchés des autres (Ps. XVIII, 14 ) ». Telles sont en effet les deux sortes de péchés qui ont paru d’abord, au commencement du monde, les nôtres et ceux des autres. Le diable est tombé par son propre péché (Isa. XIV, 12 ), Adam par celui d’un autre (Gen. III ). De là vient que le serviteur de Dieu, qui observe les jugements de Dieu et y trouve une ample récompense, prie ainsi dans un autre psaume: « Que l’orgueil n’entre point en moi; que la main du pécheur ne m’ébranle point (Ps. XXXV, 12 ) ». « Que l’orgueil donc n’entre point en moi », c’est-à-dire, purifiez-moi de mes fautes cachées; et que la main du pécheur ne m’ébranle point », c’est-à-dire, épargnez à votre serviteur les péchés des autres.

14. « Si» mes fautes cachées et les péchés des autres « ne me dominent plus(Ps. XVIII, 14 ), alors je serai sans tache ». Il n’ose point l’espérer de ses propres forces, mais il supplie le Seigneur de l’accomplir, et lui dit dans un autre psaume: « Dirigez mes pas selon votre parole, et ne permettez pas que l’iniquité domine jamais en moi (Id. CXVIII, 133) ». Tu es chrétien, et dès lors garde-toi de craindre la domination extérieure d’un homme; crains toujours le Seigneur ton Dieu. Crains le mal qui est en toi, ou les passions; non point ce que le Seigneur a tait en toi, mais ce que toi-même y as fait. Le Seigneur t’avait créé bon serviteur, et toi, tu t’es créé dans ton coeur un maître méchant. C’est justement que tu es soumis à l’iniquité, soumis au maître que tu t’es imposé toi-même, puisque tu n’as pas voulu servir celui qui t’a créé.

15. « Si donc je ne suis plus esclave de leur tyrannie , alors je serai sans tache et pur d’un grand crime (Ps. XVIII, 14 ) ». De quel crime, pensez-vous? Quel est ce grand péché? Il peut n’être pas ce que je vais dire, et toutefois je ne déguiserai point mon opinion; ce grand crime, à mon avis, c’est l’orgueil. C’est là peut-être ce qu’il exprime en d’autres termes, en disant : « Et je serai pur d’un grand crime ». Me demanderez-vous combien est  grand le crime qui a fait tomber l’ange, qui a changé cet ange en démon, et lui a fermé pour toujours le royaume des cieux? C’est là le grand crime, la source, l’origine de tous les crimes. Car il est écrit : « Le commencement de tout péché, c’est l’orgueil (Eccli. X, 15 ) ». Et de peur qu’on ne le regarde comme une faute légère, l’Ecriture ajoute : « Le commencement de l’orgueil chez l’homme est de lui faire apostasier Dieu (Id. 14 ) ». Non, mes frères, ce vice n’est point une faute légère; c’est à ce vice que répugne l’humilité chrétienne, chez les grands personnages que vous voyez. C’est ce vice qui leur fait dédaigner de courber la tête sous le joug du Christ, eux qui sont asservis au joug du péché. Car ils ne peuvent échapper à la servitude; ils se veulent affranchir de la servitude, quand il leur est avantageux de servir. Ce qu’ils gagnent en cherchant l’indépendance, c’est de refuser de servir un bon maître, mais non de s’affranchir complètement; car on devient nécessairement esclave du péché, quand on ne veut point l’être de la charité. Ce vice, que l’on peut appeler la source de tous les autres, puisque les autres lui doivent leur origine, nous a fait apostasier Dieu; et l’âme, par un déplorable usage de sa liberté, se plonge dans les ténèbres, chargée qu’elle es-t de toute sorte de péchés. Voilà qu’il vit dans la prodigalité, il dissipe ses richesses avec les femmes sans pudeur, il devient le pâtre des pourceaux (Luc, XV, 13 ), celui qui était le compagnon des anges. C’est à cause de ce vice, de cette grande iniquité de l’orgueil que Dieu s’est humilié parmi les hommes. Tel est le motif, telle est la plaie profonde, la grande maladie des âmes, qui a fait descendre du ciel le Médecin tout-puissant, qui l’a humilié sous la forme de l’esclave, qui l’a outragé, suspendu au gibet, afin qu’une semblable tumeur trouvât sa guérison dans un si grand remède. Que l’homme donc rougisse de son orgueil, quand un Dieu s’est fait humble pour lui. Alors, dit le Prophète, « je serai pur d’un grand péché », devant le « Dieu qui résiste aux orgueilleux et qui donne la grâce aux humbles (Ps. XVIII, 15 ) ».

16. « Ainsi vous deviendront agréables les paroles de ma bouche, et les pensées de mon coeur seront toujours en votre présence (Ps. XVIII, 15 ) ». Car si je ne suis point purifié de (200) ce grand vice, mes paroles pourront être agréables devant les hommes, et non devant vous; puisque l’âme superbe demande aux hommes ses applaudissements, mais l’âme vraiment humble veut plaire dans ce secret que pénètre-Dieu seul; et si elle vient à plaire aux hommes par quelques bonnes oeuvres, elle s’en réjouit pour-ceux qui se complaisent dans ses oeuvres, et non pour elle-même; il doit lui suffire d’avoir fait le bien. « Notre gloire », dit l’Apôtre, « c’est le témoignage de notre conscience (II Cor. I, 12 ) ». Chantons donc aussi à Dieu le verset suivant : « Seigneur, vous êtes mon aide, mon rédempteur ». Vous m’aidez dans le bien et me délivrez du mal. Vous êtes mon aide, afin que je demeure dans la charité; mon rédempteur, en me rachetant de mon iniquité.  

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