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DISCOURS SUR LE PSAUME LX

SERMON AU PEUPLE

ESPÉRANCE DE L’ÉGLISE.

 

Ce psaume est une prière où se peignent parfaitement les destinées de l’Eglise. Exposée comme son chef à des épreuves de tous les genres et de tous les instants, mais appuyée sur les plus solides motifs d’espérance, l’exemple de Jésus-Christ souffrant et triomphant, sa propre perpétuité, la bonté, les promesses et la justice de Dieu, elle se promet de chanter toujours les louanges de l’Eternel.

 

1. Nous entreprenons d’étudier ce psaume conjointement avec votre charité. Il est court; notre discours durera donc peu de temps, mais, avec l’aide de Dieu, il suffira à vous instruire. Moyennant la grâce de Celui qui m’ordonne de vous parler, je satisferai au désir des personnes avides de m’entendre, sans être une cause d’ennui pour les autres; par là, ceux qui ont peu de temps à leur disposition, ou qui aiment la brièveté, ne me trouveront pas trop long. Nous n’avons pas à nous arrêter au titre de ce psaume, car le voici: « Pour la fin, dans les hymnes, à David » . « Dans les hymnes », c’est-à-dire, dans les louanges. «Pour la fin », c’est-à-dire, pour le Christ, « parce que le Christ est la fin de la loi, pour justifier ceux qui croient en lui 1 ». « A David ». Par là, nous entendons évidemment désigner celui qui est sorti de la race de David, qui est devenu homme parmi les hommes, afin de les rendre semblables aux anges. Il nous en avertit lui-même, et nous ne devons point craindre de le supposer: les paroles contenues dans ce psaume sont les nôtres, si nous faisons partie du corps de Jésus-Christ; si nous sommes du nombre de ses membres; oui, nous devons y reconnaître nos propres expressions, et non celles d’un étranger. Je dis que ce langage est le

 

1. Rom. X. 4.

 

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nôtre; voici en quel sens: C’est qu’il appartient non-seulement à ceux qui sont ici présents, mais encore à tous nos frères qui se trouvent répandus dans l’univers depuis l’Orient jusqu’à l’Occident. Comprenez bien ma pensée; et, pour cela, remarquez-le: le Prophète s’exprime comme s’il était seul; pourtant, il ne l’était pas, mais ses paroles sont le langage de plusieurs réunis ensemble et ne formant plus qu’un seul tout. Effectivement, nous ne sommes tous qu’un seul homme en Jésus-Christ. La tête en est déjà dans le ciel, tandis que ses membres souffrent encore sur la terre; et parce que ses membres sont encore souffrants, voici ce que dit cet homme

2. « O Dieu, écoutez ma demande; rendez-vous attentif à ma prière 1 ». Qui est-ce qui s’exprime ainsi? Il semblerait que c’est un homme seul. Vois s’il est seul. « J’ai crié vers vous des extrémités de la terre, lorsque j’avais le coeur pressé de douleur 2 ». Il n’est donc pas seul; mais ce sont plusieurs qui parlent comme s’ils n’étaient qu’un, parce qu’en réalité il n’y a qu’un Christ, dont nous sommes tous les membres. Un homme, tout seul, pourrait-il élever  vers Dieu les cris de sa prière sur tous les points du monde à la fois? Si donc, des extrémités de la terre, des supplications se dirigent vers le trône de l’Eternel, ce ne peuvent être que les supplications de cet héritage dont le Père a parlé àson Fils, quand il lui a dit: « Demande-moi, et je te donnerai toutes les nations pour héritage, et les extrémités de la terre pour empire 3 ». Voilà la propriété, l’héritage, le corps, l’Eglise une du Christ, voilà le tout immense, que nous formons, et dont la prière se fait entendre d’un bout de l’univers à l’autre. Quelle est cette prière?je l’ai prononcée tout à l’heure : « O Dieu, écoutez ma demande; soyez attentif à ma prière; j’ai crié vers vous des extrémités de la terre ». Voilà ma prière, je vous l’ai adressée des extrémités du monde, de tous les points de l’univers.

3. Mais pourquoi ai-je ainsi crié vers vous? « Lorsque j’avais le coeur pressé de douleur ». Ainsi, l’Eglise montre-t-elle que si sa diffusion au milieu de tous les peuples du monde est pour elle le sujet d’une grande gloire, elle y trouve aussi la source de grandes épreuves. L’épreuve est, en effet, La condition obligée de notre pèlerinage sur la terre; car notre

 

1. Ps. LX, 2. — 2. Id. 3. — 3. Id. II, 8.

 

avancement dans la voie du bien en est le résultat. Aucun d’entre nous ne peut ni se connaître sans être éprouvé, ni recevoir la couronne sans avoir remporté la victoire, ni vaincre sans combat, ni combattre sans avoir à supporter un ennemi ou des tentations. C’est pourquoi le Christ est accablé d’angoisses sur tous les points de l’univers; mais il n’est pas, pour cela, délaissé. Nous sommes son corps mystique, et il nous a préfigurés dans ce corps matériel dont il s’est revêtu, avec lequel il est mort, ressuscité et monté au ciel; et, par là, il a voulu nous donner l’espérance d’aller un jour nous réunir à notre chef, puisque nous sommes ses membres. Il nous a donc figurés en sa personne, quand il s’est laissé tenter par le démon 1. Nous lisions tout à l’heure dans l’Evangile que Notre-Seigneur Jésus-Christ a été tenté par Satan dans le désert; iln’y a aucun doute à élever sur la réalité de cette tentation du Sauveur par le démon, et tu étais toi-même tenté en Jésus-Christ, car il t’avait emprunté la chair de ton corps, et il devenait pour toi le principe du salut; il avait puisé la mort en toi, et il te communiquait la vie, à cause de toi, il a subi toutes sortes d’outrages; à cause de lui, tu es arrivé à la gloire; de ta part lui venait donc la tentation, et de la sienne venait la victoire. Si nous avons subi, en sa personne, l’épreuve de la tentation, nous y avons aussi vaincu Satan. Tu remarques que le Christ a été tenté; ne vois-tu pas qu’il est sorti victorieux du combat? Par conséquent, si tu es, avec lui, soumis à l’épreuve, souviens-toi aussi qu’avec lui tu en triompheras. Il aurait pu empêcher l’esprit malin de s’approcher de lui; mais s’il n’avait pas été tenté, il n’aurait pu t’apprendre à le suivre dans le chemin de la victoire, Il n’est donc pas étonnant de l’entendre élever la voix dans les pays du monde, puisqu’il s’y voit exposé à une multitude d’épreuves. Mais d’où vient qu’il n’y succombe pas? Ah! c’est que « vous m’avez élevé sur la pierre ferme». Il nous est maintenant facile de reconnaître celui qui élève la voix des extrémités de la terre. Rappelons-nous les paroles de l’Evangile : « Sur cette pierre, je bâtirai mon  Eglise 2». C’est donc cette Eglise, qu’il a voulu bâtir sur la pierre, c’est cette Eglise qui crie vers Dieu de tous les pays du monde. Qui est-ce qui est devenu cette pierre sur

 

1. Matt. IV, 1. — 2. Id. XVI, 18.

 

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laquelle l’Eglise devait être bâtie? Ecoute saint Paul, il va te l’apprendre : « La pierre, c’était le Christ 1 ». C’est donc sur Jésus-Christ que nous avons été élevés. Voilà pourquoi cette pierre sur laquelle nous avons été édifiés, a été la première frappée des vents, des flots et de la pluie 2, au moment où le démon tentait le Sauveur dans le désert. Telle est la base inébranlable sur la quelle il a voulu te placer: aussi notre prière, loin d’être inutile, est-elle exaucée, puisque nous avons, dans la place où il nous a mis, le plus puissant motif d’espérer. « Vous m’avez élevé sur la pierre ferme ».

« Vous m’avez conduit, parce que vous êtes devenu mon espérance». Si le Christ n’était pas devenu le principe de notre espérance, il ne nous conduirait pas. Chef, il nous guide; voie, il nous fait marcher en lui; patrie, il nous dirige vers lui-même. Il nous mène donc, et pourquoi? Parce qu’il est notre espérance. Pourquoi est-il notre espérance? Parce qu’il a été tenté, qu’il a souffert et qu’il est ressuscité; je vous l’ai dit tout à l’heure. Lorsque l’Ecriture nous parle de ses tentations, de ses souffrances et de sa résurrection, que nous disons-nous à nous-mêmes? Il est impossible que Dieu nous condamne, après nous avoir envoyé son Fils pour lui faire subir la tentation, le crucifiement et la mort, et le faire sortir vivant du tombeau; il est impossible que Dieu ne tienne de nous aucun cas, puisqu’à cause de nous il n’a pas épargné son propre Fils, et qu’il l’a livré pour nous tous 3. C’est ainsi que le Christ est devenu notre espérance. En lui, tu vois les peines que tu as à supporter, et la récompense que tu obtiendras; sa passion est l’image des unes; sa résurrection, l’image de l’autre. Ainsi, encore une fois, est-il devenu le sujet de notre espérance. Il y a, pour nous, deux sortes de vie: l’une, qui est maintenant notre partage; l’autre, qui n’est encore que l’objet de nos espérances; nous connaissons celle-ci, puisque nous en jouissons; l’autre nous est inconnue, puisque nous ne la possédons pas encore. Supporte les épreuves de la vie présente, et tu acquerras la vie future. Et comment supporter les épreuves de la vie présente? De manière à ne point succomber à la tentation. Par ses épreuves, ses tentations, ses souffrances et sa mort, le Christ t’a fait connaître le caractère de notre vie terrestre; il

 

1. I Cor.X, 4. — 2. Matt. VII, 24, 25. — 3. Rom. VIII, 32.

 

t’a appris aussi, par sa résurrection, quelle sera la vie éternelle. Nous savions, en effet, que l’homme naît et meurt; mais nous ne savions que cela, car nous ignorions qu’il dût ressusciter pour vivre toujours: le Christ a pris la vie que tu connaissais ; et il t’a fait connaître celle dont tu n’avais pas l’idée. Il est donc devenu notre espérance au milieu des tribulations et des épreuves de notre pèlerinage terrestre. « Nous nous glorifions dans les souffrances », dit l’apôtre saint Paul, « sachant que l’affliction produit la patience, que la patience produit la pureté, et que la pureté produit l’espérance. Or, l’espérance ne confond point, parce que la charité est répandue dans nos coeurs par le Saint-Esprit, qui nous a été donné 1 ». Celui qui nous a donné le Saint-Esprit est donc devenu le principe de notre espérance, et dans ce pèlerinage terrestre, nous nous dirigeons vers ce qui en fait l’objet, ce qui n’aurait pas lieu, si elle ne remplissait nos âmes. En effet, l’Apôtre ne dit-il pas : « Il n’y a personne pour espérer ce qu’il a sous les yeux; si, maintenant, nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous en espérons,avec patience, l’entrée en possession ? » et encore : « Nous avons été sauvés par l’espérance 2? »

5. « Vous m’avez conduit, parce que vous « êtes devenu mon espérance. Vous êtes, pour moi, en face de l’ennemi, une forte tour ». Des extrémités de la terre, l’ensemble des fidèles fait entendre ces cris: Mon coeur est accablé d’angoisses, et mon existence se passe à lutter, sans cesse, contre les tentations et les scandales ; les païens me portent envie, parce que j’ai triomphé d’eux; afin de me tendre plus facilement des piéges, les hérétiques se servent du nom chrétien comme d’un manteau pour mieux tromper sur leurs intentions; le froment est cruellement tourmenté par la paille, dans le sein même de l’Eglise; le coeur torturé d’angoisses au milieu de tant d’épreuves, j’élèverai, vers le trône de l’Eternel, les accents de ma prière; je les lui ferai entendre sur tous les points du monde. Celui qui m’a placé sur la pierre ferme, pour me conduire jusqu’à lui, ne me délaissera pas; je lutte sans cesse, le démon me tend des embûches partout, toujours, en toute occasion, mais le Seigneur n’est-il pas pour moi une tour inexpugnable?

 

1. Rom. V, 3-5. — 2. Id. VIII, 24.

 

 

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Lorsque j’y aurai cherché un refuge, je n’aurai plus à craindre les traits de l’ennemi, et même je pourrai, en toute sécurité, lancer contre lui autant de flèches qu’il me. plaira. C’est le Christ en personne qui me tient lieu de tour; et cette tour, où nous pouvons nous garantir des attaques de nos ennemis, c’est la pierre même sur laquelle a été bâtie l’Eglise. Tu crains de te voir frappé à mort par le démon? Va te mettre à l’abri des murs de cette tour, et les traits de cet ennemi infernal ne pourront jamais t’y atteindre, car tu y seras protégé et soutenu. Mais comment parvenir jusque-là ? Qu’au moment de l’épreuve, personne d’entre vous ne croie devoir chercher une tour matérielle pour s’y réfugier, de peur qu’après d’infructueuses recherches, il ne se fatigue et ne succombe ! La tour dont je parle se trouve devant toi : souviens-toi du Christ, et tu pénétreras dans la tour. Mais comment se rappeler le souvenir du Christ, de manière à pouvoir s’introduire dans la tour ? Le voici : toutes les fois que tu auras quelque peine à subir, pense qu’il a souffert le premier, et qu’il a souffert, pour mourir d’abord, et ressusciter ensuite: n’oublie pas que la souffrance te conduira au même but que lui; espère-le: cette pensée t’empêchera d’acquiescer aux suggestions de l’ennemi, et ainsi auras-tu pénétré dans la tour. Si tu donnais ton consentement aux tentations du démon, il est sûr que, par là même, tu serais atteint des traits qu’il dirige contre toi. Ne vaut-il pas mieux lui lancer toi-même des flèches qui le blessent, et te permettent d’en triompher ? Quelles sont ces flèches? C’est la parole de Dieu, c’est ta foi, c’est ton espérance, ce sont tes bonnes oeuvres. Je ne te dis pas de te mettre à l’abri des murs de cette tour, pour t’y reposer : il ne doit pas te suffire de voir les traits de l’ennemi tomber loin de toi, hors de portée ; il faut t’y remuer : que tes mains ne restent pas inactives ; tes bonnes oeuvres, voilà l’arme qui servira à donner la mort à ton ennemi.

6. « J’habiterai, comme un étranger, dans votre tente pendant tous les siècles 1». Il vous est facile de reconnaître que celui qui crie vers Dieu est bien celui que je vous al désigné. Lequel d’entre nous pourrait être étranger pendant tous les siècles? Les jours dont notre vie se compose, sont en petit nombre : nous ne faisons que passer ici-bas: nous

 

1. Ps. LX, 5.

 

sommes maintenant des étrangers : plus tard, nous habiterons dans la céleste patrie. Tu es ici un étranger, puisque le Seigneur t’adressera ce commandement : Sors d’ici. Pour cette demeure permanente, qui t’est réservée dans le ciel, jamais personne ne t’ordonnera d’en sortir. Tu n’es donc qu’un étranger en ce monde; voilà pourquoi nous lisons, dans un autre psaume, ces paroles: « Je suis auprès de vous un étranger et un pèlerin, comme l’ont été tous mes pères 1 ». Sur la terre, nous sommes des étrangers : le Seigneur nous donnera une habitation éternelle dans les cieux. «Il y a », dit le Sauveur, « plusieurs demeures dans la maison de mon Père 2». Ces demeures, il ne les donnera pas comme à des étrangers, mais comme à des citoyens destinés à y rester toujours. Cependant, comme l’Eglise n’est pas établie sur la terre pour quelques années seulement, mais qu’elle doit y rester jusqu’à la consommation des siècles, c’est avec raison que l’ensemble de ses enfants s’exprime ainsi : « Je « serai étranger dans votre tente pendant « tous les siècles». Que l’ennemi emploie sa malice et ses forces à me persécuter, qu’il m’attaque en face, qu’il me tende des piéges, qu’il multiplie les scandales, qu’il remplisse mon coeur d’angoisses, peu importe : « Je serai un étranger dans votre tente pendant « tous les siècles ». L’Eglise ne succombera pas : elle ne sera pas ébranlée; les plus violentes épreuves la trouveront invincible enfin viendra la consommation des siècles alors nous sortirons de notre demeure du temps, pour entrer dans celle de notre éternité, où nous conduira celui qui est devenu notre espérance. « Je serai étranger dans votre tente jusqu’à la fin des siècles». Nous pouvons donc lui dire : Si tu es longtemps étranger, tu lutteras sur la terre contre une multitude d’épreuves, car si la durée de l’Eglise ici-bas devait être courte, bientôt finiraient les méchancetés insidieuses du tentateur. Je comprends. Tu voudrais que les jours de l’épreuve fussent en petit nombre; mais si l’Eglise ne devait rester que peu de temps au milieu du monde, si son existence ne devait se prolonger jusqu’à la fin, commemit parviendrait-elle à réunir, dans son sein, tous ses enfants? Ne porte pas envie à tous ceux qui doivent venir après toi dans la suite des

 

1. Ps. XXXVIII, 13. — 2. Jean, XIV, 2.

 

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ans; et, parce que tu as franchi le torrent, veuille ne point couper le pont que la miséricorde divine a établi pour le passage de ceux qui te suivront : laisse-le subsister jusqu’à la fin des temps. Que dire maintenant des tentations qui deviendront nécessairement de plus en plus nombreuses, à mesure que se multiplieront les scandales? Le Sauveur a dit : « Parce que l’iniquité se répandra avec abondance, la charité de plusieurs se refroidira ». Mais 1’Eglise, qui fait entendre ses cris d’une extrémité de la terre à l’autre, se compose de ceux dont il est dit ensuite « Celui qui persévérera jusqu’à la fin, sera sauvé 1». Toutefois, comment pourras-tu persévérer? Où puiseras-tu des forces pour résister à un si grand nombre de scandales, de tentations et d’attaques? Où prendras-tu la force nécessaire pour triompher d’un ennemi invisible? Est-ce en toi-même? Puisque le corps des fidèles sera étranger ici-bas pendant tous les siècles, d’où lui viendra l’espérance de subsister toujours, et de ne pas succomber? « Je me mettrai à couvert sous vos ailes ». Voilà le motif de notre sécurité au milieu des épreuves, en attendant que les siècles se consomment, et que l’éternité nous reçoive : nous sommes à couvert sous les ailes de Dieu. Le monde est consumé par une chaleur brûlante; mais on trouve une ombre bienfaisante sous les ailes de Dieu. « Je me mettrai à couvert sous vos ailes »

7. « Parce que, ô mon Dieu, vous avez exaucé ma prière 2 » : quelle prière? celle par laquelle il a commencé. «O Dieu, écoutez ma demande ; soyez attentif à ma prière : je crie vers vous des extrémités du monde». D’une extrémité de la terre à l’autre, mes cris se sont élevés vers vous : « Je me mettrai à couvert sous vos ailes, parce que vous avez entendu ma prière». Mes frères, le Seigneur nous a recommandé la persévérance incessante dans la prière pour tout le temps de l’épreuve. « Vous avez donné un héritage à ceux qui craignent votre nom ». Continuons donc à craindre le nom du Seigneur : le Père éternel ne peut ni ne veut nous tromper. Des enfants s’imposent les plus grands sacrifices pour entrer en possession de l’héritage auquel ils ont droit à la mort de leurs parents; et nous, nous ne travaillerons pas à acquérir l’héritage de notre Père céleste, que nous

 

1. Matt. XXIV, 12, 13. — 2. Ps. LX, 6.

 

posséderons éternellement, non pas après lui, mais avec lui, parce qu’il ne meurt point! « Vous avez donné un héritage à ceux qui craignent votre nom ».

8. « Vous ajouterez jours sur jours à la vie du roi ». Le roi dont il est ici question, c’est celui dont nous sommes les membres, c’est le Christ lui-même, notre chef, notre roi. Vous lui avez ajouté jours sur jours: vous lui avez donné, non-seulement cette vie passagère, qui a nécessairement un terme, mais encore l’autre vie, la vie sans fin de l’éternité; aussi a-t-il dit: « Je demeurerai dans la maison du Seigneur pendant toute la suite des jours 2 », Pourquoi dit-il : « Pendant la suite des jours », si ce n’est par opposition avec la brièveté de la vie présente? Tout ce qui finit est de courte durée; mais les jours de l’existence de ce roi s’ajoutent à d’autres jours, de telle sorte que leur durée n’est pas éphémère, que le règne du Christ dans 1’E-glise ne se borne pas à quelques années, mais qu’il se perpétue dans les siècles des siècles avec le règne des élus. Au ciel, il y a quantité de jours, et tous ces jours n’en font qu’un. Il y a quantité de jours, car j’ai dit : « Pendant la suite des jours». Ils n’en font qu’un, et c’est pourquoi il a été dit : « Vous êtes mon Fils; je vous ai engendré aujourd’hui 3 ». Aujourd’hui indique un seul jour; mais ce jour n’a ni veille ni lendemain : de même qu’il ne commence pas là où finirait la veille, de même ne se termine-t-il pas au moment où commencerait le lendemain. L’Ecriture parle, dans le même sens, des années de Dieu : « Pour vous, Seigneur, vous êtes toujours le même, et vos années ne passeront pas 4 ». Ces années sont comme des jours, comme un seul jour. Tu peux dire de l’éternité tout ce qui te plaira : dis d’elle tout ce que tu voudras, car quelle que soit ta manière de parler, tu n’en diras jamais assez: mais il faut nécessairement que tu en dises quelque chose, afin de pouvoir te former une idée de ce que tu ne saurais exprimer. « Vous ajouterez jours sur jours à la vie du Roi, et vous étendrez ses années de génération en génération », c’est-à-dire de la génération présente à la génération future; de la génération présente que l’on compare à la lune, parce que toutes les générations du temps lui ressemblent; puisque, comme cet astre,

 

1. Ps. LX, 7. — 2. Id. XXII, 6 3. Id. II, 7 4. Id. CX, 28.

 

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elles naissent, croissent, arrivent à leur apogée, décroissent et finissent par disparaître : à la génération future dont nous ferons partie à la suite de notre résurrection; alors, nous demeurerons avec Dieu dans notre habitation permanente, et nous y brillerons, non pas de l’éclat de la lune, mais de celui du soleil, suivant cette parole du Sauveur : « Alors les justes seront éclatants comme le soleil, dans le royaume de leur Père 1». Dans les saints Livres, la lune est le symbole de l’inconstance de notre condition mortelle. Celui qui tomba entre les mains des voleurs, descendait de Jérusalem à Jéricho ; or, Jéricho est un mot hébreu qui signifie Lune: cet homme quittait donc le séjour de l’immortalité pour descendre à celui de la mort; voilà pourquoi il a été blessé en son chemin par les voleurs et laissé à moitié mort 2. Cet homme n’était autre qu’Adam, le père commun de tous les hommes. Donc, « vous ajouterez jours sur jours à la vie du Roi, de génération en génération ». La première de ces générations désigne celle qui est sujette à la mort: c’est évident; mais la seconde, dont tu as fait mention, que désigne-t-elle? Le voici ; écoute-moi.

9. « Il demeurera éternellement en la présence de Dieu 3 ». En quel sens et pourquoi? « Qui est-ce qui s’appliquera à connaître sa miséricorde et sa vérité pour lui? » Il est encore dit ailleurs: « Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité pour ceux qui recherchent son alliance et ses préceptes 4». II y aurait pour nous un grand discours à vous adresser au sujet de la vérité et de la miséricorde divines : mais nous avons promis de ne pas vous parler longtemps. Je vais donc vous dire, en deux mots, ce que c’est que la vérité et la miséricorde. David dit beaucoup en disant que « toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité ». La miséricorde de Dieu consiste à considérer, non pas nos mérites, mais son infinie bonté; par là il nous pardonne toutes nos fautes, et nous promet la vie éternelle : sa vérité consiste à nous donner ce qu’il nous a promis. Reconnaissons-le donc, et conduisons-nous en conséquence. Dieu nous a manifesté sa miséricorde et sa vérité; sa miséricorde, en nous pardonnant toutes nos fautes; sa vérité, en accomplissant toutes ses promesses à notre égard. Agissons de même, et montrons-nous

 

1. Matt. XIII, 13 2. Luc, X, 30. — 3. Ps. LX, 8. — 4.  Id. XXIV, 10

 

miséricordieux et dévoués à la vérité; miséricordieux envers les infirmes, les pauvres, et même nos ennemis; dévoués à la vérité, en ne commettant pas le péché, en n’accumulant pas fautes sur fautes. Celui, en effet, qui se promet et attend beaucoup de la miséricorde de Dieu, se fait illusion à lui-même en ce sens qu’il fait de Dieu un partisan de l’injustice ; car il s’imagine qu’en persévérant dans l’iniquité, et en ne s’écartant pas de la voie mauvaise, il peut attendre en toute sécurité le jour du Seigneur, et se verra placé au paradis à côté des serviteurs fidèles du Très-Haut. De bonne foi, si tu persévères dans le mal, Dieu serait-il juste en te plaçant à côté de ceux qui se sont soigneusement éloignés du péché ? Veux-tu donc devenir injuste au point de rendre le Seigneur complice de ton injustice ? Veux-tu le forcer à plier selon ton bon plaisir? Accommode plutôt ta volonté à la sienne. Celui qui conforme ses désirs aux ordres de Dieu, n’est-il pas de ce petit nombre d’hommes dont le Sauveur a dit : « Celui qui persévérera jusqu’à la fin, sera sauvé ? » C’est donc avec raison que le Prophète s’èst exprimé ainsi: « Qui est-ce qui s’appliquera à connaître sa miséricorde et sa vérité pour lui ? » « Pour lui » : quel est le sens de ce mot ? Ne suffirait-il pas de dire : « Qui est-ce qui s’appliquera ? » Dans quel but ajouter: « Pour lui?» C’est que beaucoup cherchent dans les livres la connaissance de sa miséricorde et de sa vérité; et quand ils l’ont acquise, ils vivent encore pour eux, et non pour lui; ils cherchent leurs propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ 2. Ils prêchent la miséricorde et la vérité, et dans leur conduite, on n’aperçoit ni vérité ni miséricorde. Ils les connaissent toutes les deux, puisqu’ils en font le sujet de leurs prédications; ils ne seraient nullement capables d’en parler, s’ils n’en avaient acquis la connaissance. Mais quand on aime Dieu et Jésus-Christ, et qu’on prêche leur miséricorde et leur vérité, on les prêche et on les recherche pour eux, et non pour soi-même ; ou; pour m’exprimer plus clairement, au lieu de les annoncer dans l’intention d’en tirer quelque avantage temporel; on les prêche pour le bénéfice spirituel des membres du Sauveur, c’est-à-dire de ses fidèles serviteurs : on communique en toute simplicité aux autres ce

 

1. Matt. XXIV, 13. — 2. Philipp. II, 21.

 

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qu’on a appris, afin que celui qui vit, ne vive plus désormais pour lui-même, mais pour le Dieu qui est mort en faveur de tous 1. « Qui est-ce qui s’appliquera à connaître sa miséricorde et sa vérité pour lui ? »

10. « Ainsi, je chanterai éternellement des hymnes à la gloire de votre nom, afin de vous offrir mes voeux de jour en jour 2 ». Si tu chantes des hymnes à la gloire du nom de Dieu, ne le fais pas pour un temps. Veux-tu

 

1. II Cor. X, 15. — 2. Ps. LX, 9.

 

le faire pendant les siècles des siècles, pendant l’éternité ? Offre à Dieu les voeux de jour en jour. Qu’ai-je voulu dire en m’exprimant de la sorte? Offre à Dieu tes voeux, depuis le jour du temps présent jusqu’au jour de l’éternité. Pendant le cours de ton existence ici-bas, continue à lui offrir tes voeux, jusqu’au moment où tu verras luire le soleil de la vie éternelle ; c’est-à-dire : « Celui qui persévérera jusqu’à la fin, sera sauvé.

 

 

Ces dix derniers psaumes, ainsi que le psaume XXXIV,  ont été traduits par M. l’abbé AUBERT; tous les autres compris dans ce volume l’ont été par M. l’abbé MORISOT.

 

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