VII

TOUT HOMME QUI SE TOURNE VERS LE SEIGNEUR ET FUIT LES MAUX COMME PÉCHÉS, S'IL FAIT AVEC SINCÉRITÉ, JUSTICE ET FIDÉLITÉ LE TRAVAIL QUI APPARTIENT A SON DEVOIR ET A SON EMPLOI, DEVIENT UNE FORME DE LA CHARITÉ.


  Ceci vient à la suite, comme conséquence de la loi précédente, que l'homme est né pour qu'il devienne la charité, et qu'il ne peut devenir la charité, s'il ne fait pas perpétuellement le bien de l'usage d'après l'affection et le plaisir : c'est pourquoi, lorsque l'homme fait avec sincérité, justice et fidélité le travail qui appartient à son devoir ou à son emploi, d'après l'affection et le plaisir de l'affection, il est continuellement dans le bien de l'usage, non-seulement à légard du commun ou du public, mais encore à l'égard des sociétés particulières et des individus ; mais il ne le peut s'il ne se tourne pas vers le Seigneur et ne fuit pas les maux comme péchés ; car, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la première chose de la charité est de se tourner vers le Seigneur et de fuire les maux comme péchés, voir Art. I et la seconde chose de la charité est de faire les biens ; alors les biens que l'homme fait sont les biens de l'usage qu'il fait chaque jour, et lorsqu'il n'en fait pas, il pense néanmoins à en faire ; il y a, en effet, l'affection intérieure qui persiste pendant ce temps, et qui désire le bien : de là vient qu'il est perpétuellement dans le bien de l'usage du matin au soir, d'année en année, du premier âge à la fin de la vie. Autrement, il ne peut devenir une forme de la charité, c'est-àdire, un réceptacle de la charité.

  Maintenant, il va être parlé de la charité chez le prêtre, chez les magistrats, chez les fonctionnaire subordonnés aux magistrats, chez le juge, chez le chef de l'armée, chez les officierssous ses ordres, chez le simple soldat, chez le négociant, chez l'ouvrier, chez le cultivateur, chez le capitaine de marine et le matelot chez les domestiques.

  La charité chez le prêtre
  S'il se tourne vers le Seigneur et fuit les maux comme péchés et qu'il fasse avec sincérité, justice et fidélité le travail du ministère qui lui est enjoint, il fait continuellement le bien de l'usage, et devient la charité dans une forme ; mais il fait le bien de l'usage ou le travail du ministère avec sincérité, justice et fidélité, alors que le salut des âmes l'affecte ; et selon que ce salut l'affecte les vrais l'affectent aussi, parce que c'est par les vrais qu'il conduira les âmes au ciel ; et il conduira par les vrais les âmes au ciel, s'il les conduit au Seigneur. Son amour alors est de les leur enseigner avec soin d'après la Parole, parce que, quand il enseigne ces vrais d'après la Parole, il les enseigne d'après le Seigneur ; car le Seigneur est non-seulement la Parole, comme il est dit dans Jean,- I. 1, 2, 14 ; - mais il est encore le Chemin, la Vérité et la vie, comme il le dit Lui-même,Xl. 6,-et il est aussi La porte. C'est pourquoi celui qui entre dans la bergerie par le Seigneur comme Porte est un bon pasteur ; mais celui qui n'entre pas dans la bergerie par le Seigneur comme Porte est un mauvais pasteur, qui est appelé voleur et larron, Jean, X. 1 à 9.

  La Charité chez les Magistrats.
  Par les Magistrats sont entendus ceux  qui remplissent les plus hautes fonctions dans les royaumes, les républiques, les provinces, les cités, les sociétés, sur lesquels ils ont juridiction dans les choses civiles ; si chacun d'eux dans sa place se tourne vers le Seigneur et fuit les maux comme péchés, et qu'il fasse avec sincérité, justice et fidélité le travail de sa fonction suréminente, il fait le bien de l'usage au commun et à chaque particulier dans le commun, et il devient continuellement la charité dans une forme ; et cela arrive lorsque le bien des sujets ou des citoyens l'affecte ; et quand ce bien l'affecte, ce qui l'affectera aussi, lui avec les hommes sages et craignant Dieu, c'est d'avoir sincèrement sous les yeux les lois de l'usage, afin qu'elles soient observées, et de vivre le premier d'après elles ; puis de préposer sous lui, dans les assemblées, des fonctionnaires intelligents et en même temps bienveillants, afin que par eux sous son auspice le jugement et la justice règnent, et que le bien commun soit sans cesse perfectionné. Il se considérera comme le suprême dans l'ordre de ceux qui servent les autres, et non comme la tête, puisque la tête conduit toutes les choses de son corps d'après l'amour et la sagesse en soi, et que l'Amour et la Sagesse en soi, c'est le Seigneur seul, par Qui il sera aussi lui-même conduit comme un serviteur.

  La Charité chez les fonclionnaires subordonnés aux Magistrats.
  Par les Fonctionnaires subordonnés aux Magistrats sont entendus ceux qui ont été préposés par eux dans les assemblées pour remplir diverses fonctions nécessaires et utiles. Si chacun d'eux se tourne vers le Seigneur et fuit les maux comme péchés, et qu'il fasse avec justice, sincérité et fidélité le travail de sa fonction, il devient la charité dans une forme, parce qu'il fait continuellement les biens de l'usage, lorsqu'il est dans sa fonction et dans son travail, et aussi lorsqu'il n'y est pas ; car alors l'affection de faire est dans son intention ; et l'affection de faire les biens de l'usage est la charité dans sa vie. Ces fonctionnaires sont affectés par l'usage, et non par l'honneur, si ce n'est pour l'usage ; il y a sous chaque fonctionnaire une sorte de bien commun moindre, selon l'extension de son emploi, bien qui a été subordonné à un commun plus grand et au bien commun le plus grand, qui est celui du royaume ou de la république. Le fonctionnaire, qui est la charité pourvoit au bien commun moindre qui est du ressort de sa fonction, et ainsi à un bien commun plus grand et au plus grand, lorsqu'il fait son travail avec sincérité, justice et fidélité. De plus, ce qui vient d'être dit du Magistrat s'applique pareillement au Fonctionnaire, avec la seule différence qui existe entre le plus et le moins, le large et le strict, l'étendu aux usages en général et l'étendu aux usages en particulier, outre que l'une des charges est sous la dépendance de l'autre comme une domesticité.

  la Charilé chez les Juges.
  S'ils se tournent vers le Seigneur et fuient les maux comme péchés, et qu'ils rendent des jugements de justice, ils deviennent des charités dans une forme, parce qu'ils font les biens de l'usage tant du commun qu'à chacun en particulier dans le commun, ainsi au prochain ; et ils les font continuellement quand ils jugent, et même quand ils ne jugent pas, parcequ'ils pensent d'après le juste, parlent d'après le juste et agissent d'après le juste en effet, le juste appartient à leur affection, et dans le sens spirituel il est le prochain ils jugent toutes choses d'après le juste et en même temps d'après l'équitable, parce que le juste et l'équitable ne peuvent pas être séparés ; et même alors ils jugent d'après la loi, parce que toute loi a pour fin le juste et l'équitable, et ainsi ils mettent de côté la lettre, quand l'astuce s'efforce de pervertir le sens de la loi. En jugeant ils considèrent comme un péché d'avoir en vue l'amitié, ou des présents, ou la parenté, ou l'autorité, ou tout autre avantage que celui de mettre en sûreté quiconque vit selon les lois ; ils regardent aussi comme un péché, s'ils jugent justement et que la justice soit au second rang et non - au
premier. Les jugements des Juges du juste appartiennent tous à la charité, lors même qu'ils infligent une amende ou une peine aux accusés méchants ; car ainsi ils les corrigent etprennent des précautions pourqu'ils ne fassent pas du mal aux inoffensifs, qui sont le prochain : alors, en effet, le juge est comme un père qui, lorsqu'il aime ses enfants, les corrige quand ils font du mal.
 

  La Charité chez le Chef de l'armée.
  Par le Chef de l'armée il est entendu son chef suprême, qu'il soit Roi ou Archiduc, ou que ce soit un Général placé par eux pour en avoir la souveraine direction. Si ce Chef se tourne vers le Seigneur et fuit les maux comme péchés, et qu'il agisse avec sincérité, justice et fidélité, dans les choses de son commandement et de son gouvernement, il fait les biens de l'usage qui sont les biens de la charité, et parce que perpétuellement il les fait, les médite, les étudie et les exerce, il devient la charité. S'il est Roi ou s'il est Archiduc, ce n'est pas la guerre qu'il aime, mais c'est la paix, et il l'aime continuellement pendant la guerre ; il n'entreprend une guerre que pour la défense de la patrie ; ainsi il n'est point agresseur, mais il se défend : toutefois, lorsqu'ensuite la guerre a été commencée , il devient aussi agresseur, quand l'agression est une défense. Dans le combat, à moins quil ne soit né autrement, il est brave et courageux ; après le combat, il est doux et compatissant ; dans les combats, il veut, s'il le peut, être un lion, mais après les combats il veut être une brebis. -Au dedans de lui-même il ne se glorifie pas du carnage des
ennemis, ni de l'honneur de la victoire, mais il est joyeux d'avoir délivré la patrie et les siens de l'invasion des ennemis, et par conséquent de la ruine ou de la destruction. Il agit prudemment, il veille fidèlement sur son armée comme un père de famille sur ses enfants et ses domestiques ; il les aime, selon que chacun d'eux remplit son devoir avec sincérité et avec bravoure ; outre plusieurs autres choses semblables. La ruse chez lui n'est point de la ruse, elle est de la prudence.

  La Charité chez les Officiers sous le Chef  de l'armée
  Chacun d'eux peut devenir la charité, c'està-dire, ange du ciel, s'il se tourne vers le Seigneur et fuit les maux comme péchés, et s'il remplit les devoirs de son grade avec sincérité, justice et fidélité ; en effet, ces officiers font aussi perpétuellement de cette manière les biens de l'usage, qui appartiennent à la charité ; car leurs mentals sont dans ces biens ; et quand le mental est perpétuellement dans les biens de l'usage, il devient lui-même une forme de la charité. La patrie, pour l'officier, est le prochain dans l'idée spirituelle ; il est pour la défendre contre l'invasion et le carnage, et pour lui donner la sécurité. il ne se vante pas d'un non-mérite en mentant, il ne se vante pas non plus d'un mérite, il pense que c'est une dette, qui lui rend l'esprit content et dont il ne doit pas se glorifier. Dans la guerre il aime les militaires qui sont sous ses ordres, selon leur bravoure, leur sincérité et leur obéissance ; il veille sur eux, il leur veut du bien comme à lui-même ; car ils sont les victimes de sa gloire de l'usage ; en effet, la gloire de l'usage et la gloire de l'honneur sont pour les Officiers : pour ceux-ci, qui sont des charités, il y a la gloire de l'usage et non la gloire de l'honneur. Les autres choses qui concernent l'officier sont semblables à celles qui ont été dites du Chef de l'armée, avec une différence selon l'importance du grade. J'ai vu dans le ciel supérieur des Officiers qui avaient été tels, et j'ai vu dans l'enfer des officiers qui n'avaient pas été tels.

  La Charité chez le simple Soldat.
  S'il se tourne vers le Seigneur et fuit les maux comme péchés, et qu'il fasse son devoir avec sincérité, justice et fidélité, il devient aussi la charité, et par cela même l'amour ; il n'y a pas de différence entre les personnes : en effet, ce soldat a de l'aversion pour les déprédations injustes, il a en horreur l'effusion injuste du sang ; il en est autrement dans les combats ; alors il ne l'a pas en horreur, parce qu'alors il n'y réfléchit pas, mais il pense à l'ennemi comme à un ennemi qui veut son sang. Sa fureur tombe aussitôt quand le son du tambour lui annonce qu'il faut cesser le carnage. Après la victoire il a les prisonniers pour prochain selon la qualité de leur bien. Avant le combat il élève son mental  ( animus )au Seigneur, et met sa vie entre ses mains, et après qu'il a fait cela, il abaisse soit mental de cette élévation dans le corps, et il devient courageux, sa pensée au Seigneur demeurant dans son mental au-dessus du courage, sans qu'il le sache ; et alors s'il meurt, il meurt au Seigneur ; s'il vit, il vit au Seigneur.

  La Charité chez le Négociant.
  S'il se tourne vers le Seigneur et fuit les maux comme péchés, et qu'il fasse son commerce avec sincérité, justice et fidélité, il devient la charité. Il agit d'après la prudence, comme si elle lui était propre, mais néanmoins il mettra sa confiance en la Divine Providence ; c'est pourquoi, il ne se laisse pas abattre dans les infortunes, et il ne s'enorgueillira pas dans les succès. Il pense au lendemain, et cependant il n'y pense pas ; il pense au lendemain pour savoir ce qu'il fera et comment il le fera, mais il ne pense pas au lendemain, parce qu'il attribue les événements futurs à la Divine Providence et non à la propre prudence ; il Lui attribuc aussi sa prudence. Il fait le commerce comme étant le principal de son devoir, et l'argent comme en étant l'instrumental, et il ne fait pas l'argent le principal et le commerce l'instrumental, comme font la plupart des Juifs. Ainsi il aime le travail qui en soi est le bien de l'usage, et non les moyens par-dessus ce travail ; il est vrai qu'il ne les distingue pas ainsi, mais toujours est-il qu'ils sont distingués ainsi, lorsqu'il se tourne vers le Seigneur et qu'il fuit les maux comme péchés ; car alors il fuit l'avarice, qui est un mal, et qui est la racine d'un grand nombre de maux ; il aime le bien commun, quand il aime son bien, parce que celui-là est caché dans celui-ci, et est comme la racine de l'arbre qui se cache sous terre, par laquelle cependant l'arbre croît et produit ensuite des fleurs et des fruits ; non pas qu'il lui donne du sien, excepté ce qu'il lui doit, mais parce que le bien public est aussi le bien de ses concitoyens quil aime d'après la charité dont il est la forme, car c'est par le bien des citoyens qu'existe le bien public.

Personne ne peut connaître chez soi les choses secrètes de la charité, parce qu'on ne les voit pas, mais le Seigneur les voit.

  La Charité chez les Ouviers.
  Par les Ouvriers sont entendus les artisans et les artistes de divers genres ; s'ils se tournent vers le Seigneur et fuient les maux comme péchés et qu'ils exécutent leurs travaux avec sincérité, justice et fidélité, ils deviennent des formes de la charité, chacun selon qu'il aime son travail et s'y applique ; en effet, leurs travaux sont les biens de l'usage, qui servent au prochain pour diverses nécessités et diverses utilités, par exemple, pour la nourriture, le vêtement, l'habitation, la défense, l'agrément, et pour plusieurs autres, et sont des avantages pour la république. Chacun d'eux, selon qu'il applique son mental à son ouvrage et à son travail par amour, est dans ce travail quant à l'affection et quant à la pensée ; et autant il y est, autant il est détourné de penser et d'aimer diverses choses, et est conduit par le Seigneur à penser et il aimer les biens, et aussi à penser et à aimer les moyens qui conduisent au bien, c'est-à-dire, les vrais : il en est autrement pour celui qui ne s'applique à aucun travail. Tout Ouvrier qui se tourne vers le Seigneur et fuit les maux comme péchés, fuit l'oisiveté, parce qu'elle est l'oreiller du diable ; il fuit la non-sincérité et la fraude, la luxure et l'intempérance ; et il est exact, sincère, content de son sort, et fait son ouvrage pour le prochain comme pour lui-même, parce quen faisant son ouvrage à degré égal il s'aime lui-même et il aime le prochain.

  La Charité chez les Cultivateurs.
  Siles cultivateurs, ou Laboureurs et Vignerons, se tournent vers le Seigneur et fuient les maux comme péchés, et qu'ils fassent leur ouvrage avec sincérité , justice et fidélité, ils deviennent des charités quand leurs esprits, et après la mort, quand ils deviennent esprits, ils sont dans une forme de la charité, et cette forme est la forme humaine, dans laquelle ils sont tous après la mort. De tels cultivateurs se lèvent matin, disposent l'ouvrage, font soigneusement leur travail, sont actifs à l'ouvrage et réjouis par l'ouvrage qu'ils font. Après le travail ils sont économes, sobres, vigilants ; à La maison avec les leurs ils agissent d'après le juste, au dehors avec les autres ils agissent d'après le sincère ; ils regardent les lois de la justice civile, telles que sont celles du Décalogue, comme Divines, et ils les observent ; ils aiment leurs champs et leurs vignes, parce qu'ils en tirent les récoltes, et les récoltes parce que ce sont des bénédictions, et ils en rendent gràces au Seigneur, et ainsi ils se tournent sans cesse vers le Seigneur.

 La Charié chez les Capitaines de marine.
  Les Capitaines de marine, auxquels des vaisseaux et des marchandises ont été confiés, ou qui en sont les propriétaires, deviennent aussi des charités, s'ils se tournent vers le Seigneur et fuient les maux comme péchés, etS'ils font leur travail avec sincérité, justice et fidélité. Leur travail est plus que beaucoup d'autres le bien de l'usage, parce que par lui il se fait une communication et une sorte de conjonction de tout le globe avec, ses parties, et des parties avec le tout ; et ce travail excellent devient le bien de l'usage qui est le bien de la charité en eux, lorsque d'après leur science ils agissent avec vigilance et retenue, s'emploient avec soin à ce que le voyage soit heureux, ne s' exposent point témérairement à des périls, ne se laissent point abattre quand ils sont dans des dangers non-prévus, rendent grâces au seigneur après le danger passé, agissentavec justice et sincérité envers les matelots, avec fidélité envers les possesseurs du navire, avec justice envers les étrangers sur les côtes desquels ils abordent ; ils n'ont aucun rapport avec les pirates, ils se contentent de leurs appointements et des autres profits qu'il leur est permis de faire. Ceux qui parcourent les mers et qui sont des charités parce qu'ils se tournent vers le seigneur et fuient les maux comme péchés, et font leur devoir avec justice, sincérité et fidélité, prient et chantent matin et soir avec plus de dévotion que ceux qui demeurent sur la terre ferme ; car ils se confient plus que ceux-ci à la Divine Providence. Je conseille à ceux qui parcourent les mers de s'adresser dorénavant au Seigneur, parce qu'il est Lui-Même le Dieu du ciel et de la terre et de la mer, et qu'il n'y a point d'autre Dieu que Lui ; - Matth. XXVIII. 18. Jean III. 35. Matth. XI. 27.

  La Charité chez les Matelots.
  Les Matelots aussi deviennent des charités, S'ils se tournent vers le Seigneur et fuient les maux comme péchés, quand ils font leur ouvrage avec sincérité, justice et fidélité. En effet, lorsqu'ils fuient les maux comme péchés, ils fuient le diable, lequel diable est le mal lui-même, et sont alors acceptés par le Seigneur, et les biens qu'ils font alors, ils les font par le Seigneur, et ils font continuellement les biens par cela seul qu'ils exécutent leur travail de marin qui leur est imposé. Ce travail est un bon travail, parce qu'il est le bien de l'usage, et que l'amour à l'égard du prochain, ou avoir la charité, n'est autre chose que faire le bien de l'usage. Et quand ils fuient le diable et sont acceptés par le Seigneur  alors ils ne font pas ces maux qui ont été énumérés dans le Décalogue, c'est-à-dire qu'ils ne tuent point, ne commettent point adultère, ne volent point, ne font point de faux témoignages ; car quiconque aime le prochain ne fait aucune de ces actions : en effet, il n'aime pas le prochain celui qui a pour lui une telle haine qu'il veut le tuer ; il n'aime pas le prochain celui qui veut commettre adultère avec l'épouse d'un autre ; il n'aime pas le prochain celui qui porte de faux témoignages contre lui ; et ainsi du reste. Ce sont là les maux qu'on doit principalement fuir : ceux qui se tournent vers le seigneur les fuient ; alors aussi ils ne craignent point la mort, parce que s'ils meurent, ils meurent dans le Seigneur et viennent dans le ciel et là l'un aime l'autre comme le frère son frère et le compagnon son compagnon, et tous font un travail mutuel. J'exhorte aussi les Matelots, comme je viens de le faire pour les capitaines de navire, à s'adresser au Seigneur et à le prier Lui seul, parce qu'il n'y a pas d'autre Dieu du ciel, ni de la terre et de la mer.

  La Charité chez les Domestiques.
  Comme les Maîtres, les Domestiques deviennent aussi des charités, c'est-à-dire, des anges, lorsqu'ils se tournent vers le Seigneur et fuient les maux comme péchés, et qu'ils remplissent avec sincérité, justice et fidélité les travaux de la domesticité. Leurs travaux qui sont les biens de la charité sont particulièrement et continuellement d'être attentifs pour leurs maîtres, de leur vouloir du bien, de ne pas dire du mal d'eux, d'agir en leur absence aussi sincèrement qu'en leur présence, de ne point dédaigner de servir, parce que tout homme, dans quelque degré de dignité qu'il soit, doit servir ; même le roi servira le Seigneur ; et selon que chacun sert fidèlement, il est aimé et conduit par le Seigneur ; et en tant que quelqu'un se tourne vers le Seigneur, et fuit les maux comme péchés, il sert librement et non forcément.