LES MIRACLES DES PAINS



Le premier de ces miracles est dit par les quatre évangélistes : avec cinq pains et deux poissons Jésus nourrit cinq mille hommes, et il reste douze paniers. Le second est dit seulement par Marc et Matthieu : avec sept pains et quelques poissons Jésus nourrit quatre mille personnes, qui n'avaient rien pris depuis " trois " jours, et il reste sept corbeilles.

Considérons l'aspect matériel de ces prodiges.

Il n'est pas rare, en Orient, de voir cent ou deux cents personnes, suggestionnées par le vouloir d'un fakir ou par les esprits domestiques d'un magicien, être convaincues de tel ou tel phénomène thaumaturgique. Mais l'hypnotisme est défendu par la Loi divine, à cause de la mainmise qu'il nécessite sur le libre arbitre, et jamais Jésus ne l'employa.

Un autre procédé possible serait l'absorption d'aliments astraux. En effet, l'homme physique se nourrit de fluides magnéto-telluriques, inconsciemment; et, pendant le sommeil, l'homme astral ingère des substances astro-telluriques. Un adepte peut faire que ce dernier mode de nourriture ait lieu durant la veille, par une transposition momentanée, par une espèce d'extase de la conscience du sujet. Ce serait très difficile de réaliser ceci sur plusieurs milliers de personnes à la fois.

Voici une troisième méthode. Toute forme du plan physique n'est que l'enveloppe opaque du type essentiel de cette forme. Tout a son double. J'emploie ici le mot " double ", parce qu'il est connu, mais il n'est pas très juste. Les êtres matériels sont les duplicata et leurs types sont des primata, car l'existence du visible est subordonnée à celle de l'invisible.

Or, tous ces doubles ne se matérialisent pas en même temps; il y a des magasins où sont mis en réserve les minéraux, les plantes, les animaux, les objets, les membres dont l'heure d'incarnation n'est pas encore venue. Si donc un thaumaturge se rencontre qui puisse s'introduire dans ces greniers invisibles de la Mère-Nature, il n'a qu'à y prendre le bras, par exemple, qui manque à un manchot, le rouage qui parfera une machine, les aliments nécessaires à tels miséreux; en trois jours le double apporté sur le plan physique se sera revêtu de la matière utile.

Mais le Christ n'employa point ce procédé trop lent. On doit, en étudiant Son histoire, se rappeler qu'Il est le Maître; on ne s'en souvient jamais assez. Il Lui suffit donc de donner un ordre à l'esprit du pain et à celui du poisson. Tout est vivant, tout a son génie. Et le Ciel n'a besoin ni du Temps ni de l'Espace pour réaliser Ses décisions. Toutefois, ici, nous sommes dans le surnaturel, dans le vrai miracle; tandis que les trois méthodes indiquées d'abord ne sont que la mise en oeuvre, par la science et par la volonté, de lois naturelles inconnues.

Quels enseignements extraire de ces deux prodiges ?

L'opinion commune est que, lorsque nous avons travaillé, notre nourriture et tout le nécessaire nous sont dus. Ceci est une présomption cependant, car quel est le plus difficile, ou de manier l'outil, ou de mettre dans le grain de blé sa force de croissance; dans le sol, sa puissance nutritive; dans notre corps, sa capacité d'assimilation ? L'effort de l'individu se dédommage par un bien plus grand nombre d'efforts extérieurs; et, en employant nos muscles, nos sens et notre cerveau, nous ne faisons que notre devoir, nous ne méritons pas de récompense.

C'est pour cela que Jésus, avant de distribuer les morceaux de pains, remercie le Père. De plus, chacun de nos repas, s'il procure un avancement aux cellules des aliments, leur est une souffrance. Le végétal pâtit moins que la chair de l'animal et, parmi les animaux, c'est le poisson qui possède le moins de sensibilité; ainsi la chasse est plus cruelle que la pêche. Mais, en tout cas, il faudrait songer à éviter la douleur possible à ces créatures que nous sacrifions. C'est pour cela que les anciens sages, au lieu d'abattre tout simplement le bétail, comme nous, barbares que nous sommes, les faisaient participer à des sacrifices; et, sous l'enivrement des parfums, des prières et des incantations, l'esprit de la bête passait, sans s'en apercevoir, dans l'égrégore du dieu dont elle était le symbole.

C'est pour cela enfin que, débarrassés par Jésus du polythéisme, nous demandons à Dieu, directement, de bénir notre nourriture.

Si nous connaissions le vrai sens des nombres, d'autres mystères se dévoileraient dans le récit de ces deux oeuvres christiques. Mais nous avons déjà vu que, pour notre état actuel, il est vain de chercher à comprendre ces arcanes. On peut concevoir cependant que la foule nourrie par Jésus est un univers, à un certain degré de son évolution, représenté par le nombre 5.000. On lui distribue deux sortes de forces : la première est basique, générale; la seconde est spécifique. Ainsi tout le monde possède cinq sens par lesquels se nourrit le moi; quelques-uns seulement possèdent deux autres sens internes qui nous mettent en rapport, l'un avec la Nature invisible, l'autre avec Dieu; les poissons, symboles du Christ, les représentent.

A un autre degré, cet univers, représenté alors par le nombre 4.000, a déjà subi une sélection; aussi les rapports de ses habitants avec leur milieu sont-ils plus parfaits; ils ont sept sens physiques (les sept pains) et plusieurs sens spirituels (les poissons).

Dans ce deuxième degré, les êtres sont plus attentifs, plus consciencieux; ils ne laissent que sept corbeilles, au lieu de douze.

Et, pour revenir ici à un ordre d'idées moins imaginaire rappelons-nous que le Ciel ne donne jamais avec parcimonie Il nous envoie toujours plus que nous n'utilisons; de sorte que si, çà et là, des êtres cherchent en vain ce qui leur manque, ce n'est pas que Dieu le leur refuse, c'est qu'ils ont dilapidé la part qui leur revenait, ou qu'ils l'ont laissé perdre; de la sorte, leur esprit développe l'exactitude, la diligence et l'économie.

Le peuple obéit donc à une intuition vraie lorsqu'il apprend aux petits à respecter le pain, à ne pas le gâcher, à mettre à l'abri les morceaux tombés dans la rue. Et c'est de toute chose qu'il est juste de prendre soin de la sorte; rien n'est mis sous notre main sans raison; et le plus petit geste, si la volonté d'obéir au Père nous l'inspire, nous sera compté et rétribué.

Vous vous en souvenez sans doute, nous disions il y a quelque temps que, si les opérations des créatures sont finies, celles de l'Absolu sont universelles. Ceci est vrai biologiquement. Quand donc le Fils de Dieu a nourri Son propre corps, ainsi que des foules entières, avec des pains et des poissons, Il a doté du même coup les espèces du froment et cette sorte de chair de toutes les propriétés utiles à l'alimentation complète de l'organisme humain. Ceci peut paraître impossible si l'on ne regarde que les lois chimiques de la matière, et la foi défaille par quoi on pourrait concevoir l'omnipotence de la volonté sur le régime physiologique.

Cependant, je vous redis que notre attitude intérieure change la face du monde. Celui qui sert le Ciel de toutes ses forces entre dans la sphère toujours actuelle où le Christ vécut; il en reçoit immédiatement les radieux effluves, il s'en alimente, et les formes créées qui lui arrivent subissent, dans leur passage à travers ce plan central, les modifications déterminées, il y a deux mille ans, par tel geste, telle parole ou tel acte de Jésus, sur les analogues de ces formes qui existaient alors.

Cette omnipotence de notre volonté sur la matière n'est pas directe; notre désir habituel profond évoque et fait approcher notre idéal; c'est cet idéal qui, en se conjuguant avec la vie terrestre, la modifie.