LE SPIRITISME


Il est difficile d'aimer son prochain purement. Dès que l'ange de la compassion est parvenu à se trouver une place dans notre esprit, les volontés de la chair et du sang s'efforcent de prendre à leur bénéfice la lumière que cet ange émane. De sorte que, après avoir aidé un de nos frères, spontanément, simplement, il arrive que nous commençons, sans nous en apercevoir, à l'aimer à cause de quelque plaisir ou de quelque avantage que son commerce nous apporte. Et, par déformations imperceptibles, le pur sentiment qui nous animait tout d'abord à son endroit devient une passion qui dégénère parfois jusqu'aux égarements charnels.


C'est pour prévenir de telles erreurs que le Christ choisit le type le plus pur des affections terrestres, l'amour filial, et qu'Il fait au disciple qui Lui demande la permission d'aller ensevelir son père cette impassible réponse : " Laisse les morts ensevelir leurs morts; quant à toi, suis-moi ". Cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas rendre les derniers devoirs aux défunts; il ne s'agit point, ici, de convenances et d'usages sociaux.

La machine du monde est mieux organisée que nous ne le croyons. Les créatures ne changent de lieu qu'à bon escient; la mort n'est jamais un accident imprévu; c'est un incident dans la vie totale de l'individu, une conclusion logique d'un des cycles du long voyage qu'il accomplit à travers cette création.

Nos deuils, si l'on avait quelque confiance en Dieu, ne devraient donc pas être des lamentations; personne ne quitte cette terre avant son heure; personne ne réside en un point quelconque sans avoir à y travailler. Si nos parents, si nos amis s'en vont, c'est qu'ils ont à faire ailleurs; nos regrets immodérés ne peuvent que les retenir ici-bas, d'une façon anormale; et le préjudice est encore plus grave, si nous les rappelons à la mode des spirites.

Ce n'est pas que tout soit faux dans le spiritisme. Son fondement philosophique, la réincarnation, conçue comme conséquence de la justice divine, est exact. Mais tenter des incursions au pays des morts est téméraire; nous ne connaissons rien de ce royaume, de ses frontières, de la route qui y mène, non plus que de ses habitants. On s'expose à des dangers imprévus, à des rencontres hasardeuses, à des erreurs et à des tromperies.

La pratique du spiritisme est une atteinte à l'ordre établi, quelque bonne que soit l'intention du pratiquant. Toutes les fois que l'on veut mettre le pied dans un appartement où nous ne sommes pas destinés à entrer, il faut payer le gardien. C'est pour cela que le spiritisme et l'usage des arts occultes apportent en général la déveine matérielle.

Si, au contraire, on fait du fond du coeur la volonté du Ciel, on amène l'harmonie autour de soi; les barrières établies pour prévenir nos incartades tombent, et il se peut dans ce cas que nos morts se manifestent spontanément au foyer familial.

Mais si cette preuve nous est donnée, il ne faut ni s'en enorgueillir, ni en faire de la propagande; tout vient à son heure.