La religion de combat par l’abbé Joseph Lémann

Livre deuxième

Chapitre Troisième

Des apôtres chez nous

- I. La flamme apostolique peut embraser n’importe quel cœur.
– II. Principe de cette flamme : la considération de la beauté et du prix des âmes; le service de Jacob pour obtenir Rachel, surpassé sous la Loi d’amour. Ces deux abîmes de réflexion: une âme perdue, une âme sauvée.
– III. Divers cœurs apostoliques: celui du missionnaire; celui de la jeune enfant qui veut convertir son aïeul; celui de la soeur de charité; celui du Frère des écoles chrétiennes.
– IV. Un apostolat délaissé. On le signale aux cœurs apostoliques.

I

« Des apôtres! des apôtres! que tout catholique devienne un apôtre! » C’est le cri de la nécessité. Dans les temps qui ont précédé les nôtres, ce rôle de fatigues et d’honneur était réservé à un certain nombre d’enfants de lumière: aujourd’hui, tous doivent y participer. Devant la coalition de toutes les ténèbres et de toutes les haines pour la ruine de l’Église et la perte des âmes, n’est-il pas convenable, et urgent, que le zèle apostolique brûle les cœurs demeurés fidèles? Il ne suffit plus de croire, il faut convaincre il ne suffit plus de se sauver, il faut sauver.

Aussi bien, n’importe quel coeur peut brûler de la flamme apostolique. C’est une douce conséquence du plan de Jésus-Christ. En plaçant, en effet, les douze apôtres à la base de son Église, le Christ a fait d’eux des sources chargées d’alimenter tous les ordres qui reposent sur eux. Un évêque est un successeur des apôtres, mais un humble fidèle peut avoir un cœur apostolique, parce que les apôtres ont reçu la plénitude du zèle à communiquer: comme des bases qui supportent tout l’édifice, comme des sources qui alimentent tous les canaux, comme des foyers qui donnent naissance à toutes les étincelles. Conséquemment, si tout cœur ne peut pas être celui d’un prêtre, d’un évêque, d’une vierge, d’un martyr, néanmoins, chose admirable et délicieuse à penser! tout cœur peut être celui d’un apôtre, peut posséder le zèle apostolique, la flamme apostolique. Mais comment s’y prendre pour allumer en soi cette précieuse flamme?

II

Deux sublimes pensées l’allument dans un cœur. La première est la beauté et le prix des âmes. La beauté et le prix des âmes! C’est là une pensée qui fait partie de la Révélation chrétienne. Avant le christianisme, on s’arrêtait à l’extérieur de l’homme, on n’estimait que l’apparence. L’apparence humaine était tout: apparence de l’intelligence, du génie, de la fortune, apparence surtout de la beauté des traits. Quant à l’âme considérée en elle-même, on n’y pensait guère, ou du moins fort secondairement. Il n’y avait que la petite Judée où l’on sût la noble origine de l’âme. Ailleurs, mille fables circulaient sur son compte, et généralement on passait devant elle comme on passe devant une servante. Hélas! elle n’était que trop servante, elle qui, cependant, avait été créée reine! Dégradée, il est vrai, par le péché, enveloppée de misère et de honte, on l’ignorait. Reléguée en quelque sorte, au foyer de notre être, elle n’entendait dans sa solitude que le bruit des hommages que recevait la beauté du visage, sa protégée, devenue sa rivale. Mais, un jour, vint un céleste étranger, qui proposa aux hommes cette énigme: Lorsqu’on allume un flambeau, est-ce pour le placer sous le boisseau? N’est-ce pas plutôt pour l’exposer sur le chandelier? Ainsi parla Jésus. Et alors, il tira l’âme de son obscurité; sous ses haillons, il la reconnut et l’aima. Et étendant sur elle ses deux mains transpercées par amour, il fit, par les flots de son sang, disparaître les souillures et les vices qui la tenaient déshonorée. Alors transpira dans le monde le secret de la beauté et du prix des âmes. Il se forma autour de chacun de nous comme une limpide lumière, une inexprimable lueur, dans laquelle se révéla ce que vaut notre âme. Il faut bien que sa valeur soit infinie, puisque Jésus l’ayant aimée, il n’eût pas hésité à mourir pour elle seule, – pour une seule âme! C’est la décision de la théologie chrétienne, écho de l’éternité. Oui, une âme est d’un tel prix, que tous les mondes ne sauraient être mis en balance avec elle; il n’y a que le sang de l’Homme-Dieu qui fasse connaître et comprendre son estimation.

Eh bien, le prix et la beauté des âmes, voilà ce qui suscite un apôtre à la suite de Jésus-Christ, allumant en son cœur la flamme apostolique. Un poète est captivé par l’idéal, un mathématicien par les mathématiques, un astronome par le firmament: un apôtre est captivé par les âmes! Elles captivent mieux que les froides mathématiques, mieux que le radieux mais lointain firmament. Et cependant, par une aberration qui attriste, ne fait-on pas un reproche, un crime même aux apôtres d’être sous le charme des âmes? On ne reproche pas aux mathématiques leurs attraits, ni à la voûte céleste le scintillement de ses étoiles; et l’on trouve étrange, même au sein des familles chrétiennes, que les âmes si belles, rachetées par le sang de Jésus-Christ, captivent et fassent des apôtres. Ô siècle dont la foi baisse, ô siècle qui voudrais ramener et recacher sous le boisseau ce qui est divin, tu auras beau faire, les âmes posséderont et déploieront jusqu’à la consommation finale des séductions irrésistibles et irréprochables! On ne parviendra pas à empêcher des générations d’apôtres de se former pour aimer et servir les âmes. Qui se flatterait d’empêcher une éruption du Vésuve? On n’arrêtera pas davantage, dans un cœur que Dieu appelle, les soulèvements du zèle et les éruptions de la charité. Un charmant épisode de la Genèse fournit également un argument vainqueur: Jacob n’accepta t-il pas de servir sept années, et puis encore sept autres années, pour obtenir Rachel?… Cela se passait sous la Loi ancienne, et l’admiration de la postérité n’a point manqué à ce service de quatorze années pour un amour de la terre. Mais alors, sous la Loi nouvelle où un Dieu est venu mourir par amour, est-il juste, est-il chrétien de s’opposer à cette déclaration d’un cœur d’apôtre: laissez moi servir toute ma vie pour aimer et sauver les âmes!

Une autre pensée s’ajoute, dans un cœur d’apôtre, à celle de la beauté et du prix des âmes: celle de leur perte ou de leur salut. Une âme qui est perdue, une âme qui est sauvée: on ne réfléchira jamais assez au poids éternel de ces deux mots. Une âme sauvée, c’est-à-dire qui est au port, dans le sein de Dieu, heureuse pour l’éternité, et qui vous doit en partie son bonheur…; et une âme perdue, c’est-à-dire que Dieu ne retrouvera jamais et qui ne retrouvera jamais Dieu! … Quels deux abîmes de réflexions! Un saint disait: C’est si doux d’avoir un cœur, et, tout petit qu’il est, de pouvoir s’en servir pour aimer Dieu! Une âme perdue ne pourra plus aimer. En se perdant, elle aura perdu le pouvoir d’aimer qu’elle avait reçu en naissant, et dont elle n’a pas su user avec noblesse. Dans le lieu de la perdition, son cœur sera desséché comme la grappe quand elle a passé sous le pressoir. C’est fini, plus de bonheur pour cette âme, parce qu’en elle il n’y a plus d’amour. Ne plus pouvoir aimer, quel état épouvantable!

Le langage oriental a une figure pour l’exprimer: un puits qui meurt! En Orient où l’eau est une richesse, c’est une tristesse de voir mourir un puits: ainsi l’âme perdue sentira mourir son amour! Or, c’est également cette pensée de la perte des âmes qui remue des cœurs, les décide, les jette dans l’apostolat, et allume leur zèle comme un feu. Aussi, devient apôtre, n’importe qui, à n’importe quel endroit, et dans n’importe quelle position: il suffit qu’on ait le zèle et le génie du salut des âmes. Sainte Thérèse, du fond de sa cellule de contemplative, avait un coeur apostolique; le curé d’Ars, dans son petit village qu’il n’a jamais quitté, a été un grand apôtre. Le Père Hermann, de l’ordre des Carmes, nous disait un jour avec feu, et la reconnaissance nous fait transmettre sa parole comme une étincelle: «Pour sauver une âme, je n’hésiterais pas à me traîner sur les deux genoux jusqu’au bout du monde.»


Qu’est-ce donc, en définitive, qu’un cœur apostolique? C’est le voyage d’une âme vers d’autres âmes, pour les sauver; voyage public, avec les pieds du missionnaire; voyage secret, dans les soupirs et les pénitences de la vierge au fond de son cloître, dans les prières d’une humble villageoise qui, pour les âmes en péril, récite son chapelet. L’apostolat peut se définir: le zèle qui rassemble et recueille ce qui est en danger de se perdre. Saint Thomas d’Aquin a dit de l’amour qu’il est une force qui recueille et qui rassemble, Amor vis unitiva et concretiva. L’apostolat est cet amour en voyage… Infatigable voyageur, il recherche et rassemble les épis dans tous les champs du monde, pour en gonfler les greniers du Père de famille. Mon Dieu, écoutez ma prière: donnez-moi un coeur d’apôtre qui entraîne les âmes, qui les recueille, en recueille le plus possible; puis, permettez dans votre miséricorde que, pressant amoureusement ma conquête, je m’élance dans l’éternité, pour vous dire à jamais: Mon Dieu, voici des âmes, des reflets de votre ineffable Beauté qui ne sont pas perdus; ensemble, nous rentrons au foyer de votre infinie Charité!


III

Puisque tous les cœurs peuvent avoir le bonheur de brûler de la flamme apostolique, il s’ensuit que l’apostolat est susceptible d’une délicieuse variété. Nous l’avons défini d’une façon générale: le voyage d’une âme vers une autre âme ou vers d’autres âmes, pour les instruire de leur valeur, du sang qu’elles ont coûté, et de leurs immortelles espérances. Le voyage d’une âme vers d’autres âmes, quel itinéraire et quel but!

Énumérons ou plutôt saluons quelques-uns de ces voyages. Le premier, avant tous les autres, est celui du missionnaire au loin. Ne va-t-il pas chercher les âmes en affrontant pour elles mille dangers, comme l’avarice va chercher l’or et les diamants? Il s’exile, pour procurer à d’autres la patrie. Aussi, comme la mer, malgré ses abîmes, lui apparaît souriante! Aux flots qui 1’emportent, il dit avec enthousiasme, en quittant les côtes natales: «Quelle verdure des prairies, quel charme des jardins peut égaler votre azur, ô flots! Les jardins brillent émaillés de lis: la mer est semée de voiles blanches. Les lis ne portent qu’un parfum: les navires portent le salut des hommes!»

Voguez navires des braves missionnaires, votre traversée est sublime. La foi transporte les montagnes, mais la charité transporte mieux encore: elle transporte, bien loin de nous, nos enfants qui se sont arrachés à nos bras pour aller annoncer à des âmes inconnues qu’elles sont aimées de Jésus-Christ!

Après le missionnaire, il y a d’autres cœurs apostoliques. L’Église est tellement en souci d’éclairer et de sauver les âmes, qu’elle inspire mille nuances délicates d’apostolat, mille moyens divers de pérégrination pour parvenir jusqu’aux âmes. Par exemple, l’apostolat de la naïveté et de la candeur au sein d’une famille. Il y a là un bon vieillard qui depuis longtemps a cessé ses rapports avec Jésus-Christ. Il est devenu craintif à l’égard de Dieu, il n’ose plus s’approcher, comme dit suavement le langage catholique, de la Table sainte. Eh bien, l’Église lui ménagera un apôtre en rapport avec ses craintes et sa faiblesse qui en refont presque un enfant. Elle renouvellera, sous une forme on sous une autre, la charmante mission apostolique qui s’est donnée, au Ve siècle de l’ère chrétienne, dans la maison où sainte Paule n’était encore que toute jeune enfant. Son aïeul, Albinus, était demeuré païen. Læta, mère de la jeune Paula, en était désespérée. Saint Jérôme lui écrit: «Læta, ma très religieuse fille en Jésus-Christ, ne vous désespérez pas. Que votre jeune enfant, quand elle aperçoit son aïeul, se jette dans son sein, qu’elle se suspende à son cou, et lui chante l’Alleluia malgré lui.» Ainsi fit Paula, d’après le complot dirigé par saint Jérôme, et le vieillard en entendant cet Alleluia malgré lui, en embrassant sa céleste enfant, finit par embrasser aussi la foi chrétienne. Quelle scène ravissante que le siège de l’âme de ce vieillard pressé par les caresses de sa petite fille! Se peut-il voir une mission mieux conduite que celle de cette enfant qui voyage sur les genoux de son aïeul pour parvenir jusqu’à son âme? Quel angélique missionnaire! Ô parents chrétiens, qui lirez ces lignes, créez, s’il est nécessaire, pareil apostolat dans vos familles. Rappelez-vous encore les saints Innocents. Il est dit d’eux, dans les chants de la liturgie catholique: qu’au ciel, ils jouent sous l’autel avec des palmes et des couronnes. Si vous savez vous y prendre, votre enfant, lui aussi, petit missionnaire à votre foyer, jouera un jour au ciel avec la couronne de son aïeul ou de son père!

Voici un autre apostolat: celui de la sœur de charité au chevet des malades. Non moins que le missionnaire, elle a des audaces; mais, également, comme les anges, elle a toutes les délicatesses. Celui qu’elle soigne est un malheureux ouvrier, égaré comme il y en a tant dans ce siècle, victime des mensonges de la Révolution. Sceptique en même temps que couvert de plaies, il est devenu un objet d’horreur, et il est soigné par l’innocence: quel contraste! La religion ne se plaît-elle pas à réunir les extrêmes? Un jour, devant tant de soins, il s’écrie: «Ma soeur, vous m’aimez donc?…» L’amour virginal lui en donna sa parole; mais il lui donna aussi sa parole qu’il y avait une vérité, et que cette vérité, pleine d’amour, qui inspire tous les dévouements, se nommait Jésus! Le pauvre ouvrier alors rendit son âme; mais avant de la rendre à Dieu pour être jugée par la justice, il l’avait rendue à la sœur de charité pour être absoute par la miséricorde: «Ma sœur, amenez-moi un prêtre…»

Au frère des écoles chrétiennes, ne faut-il pas également un grand coeur apostolique, pour parvenir à sauver au milieu des obstacles de tous genres l’âme de l’enfant du peuple: de l’enfant du peuple de France! Déjà, cet apostolat exigeait beaucoup de magnanimité. Patient et laborieux le bon frère des écoles chrétiennes traversait lentement les ténèbres du pauvre enfant du peuple, en les éclairant. Il lui apprenait à lire et à écrire, pour mieux gagner sa vie; à connaître et à pratiquer l’Évangile, pour gagner le ciel. La foi et le dévouement faisaient véritablement que cet humble apôtre transportait bien souvent des montagnes hors l’âme du cher enfant: montagnes innées de défauts, de rudesse, de préjugés; elles cédaient, et disparaissaient. Mais voici des obstacles d’un nouveau genre:

Aujourd’hui, la haine se délecte à apporter dans ce cœur d’enfant des montagnes, autrement hautes et escarpées, contre Dieu, contre l’Évangile, contre le ciel. La haine a dit, dans ses espérances sauvages et ses hideux programmes: Il ne faut plus que l’enfant pense à Dieu et aperçoive le ciel… Alors, intrépide et humble, le frère des écoles chrétiennes ne s’est pas laissé décourager. À son tour, il a dit: «Je gravirai ces montagnes;» et l’enfant du peuple, comme porté sur ses robustes épaules et plus haut que les difficultés, aperçoit toujours de l’autre côté du temps: le ciel! Il aperçoit aussi, dans l’avenir des nations: la France! Naguère, dans la chère Alsace, de braves enfants, arrachés aux soins des bons frères, étudiaient auprès d’un maître d’école non sans croyances, peut-être, mais sans cœur. Un matin, une nouvelle carte de l’Europe est exposée sous leurs yeux. Cette carte, confectionnée en Allemagne, exprimait les prévisions de l’avenir. Avec l’avidité naturelle à cet âge, ils se pressent, regardent, examinent; certains empires y étaient représentés avec une augmentation de territoire; la France, au contraire, n’occupait plus sur la nouvelle carte qu’une place bien réduite. Le maître d’école considérait. les physionomies des enfants, avec une joie maligne. Il demande à l’un d’eux: «Où est la France?» À cette question, l’enfant pâlit et frémit. De grosses larmes, mais aussi un éclair, passent dans ses yeux:
«La France, monsieur? elle est là!» Il avait placé la main sur son coeur. Brave enfant!

IV

Parmi les apostolats les plus urgents, il en est un à l’égard duquel il importe de réveiller l’attention et le zèle. Très en honneur aux âges de foi, il entraîne moins les ouvriers évangéliques depuis le rationalisme et la liberté de conscience. Quel est cet apostolat? Le Sauveur avait dit à ses apôtres: Allez de préférence aux brebis qui périssent de la maison d’Israël. Tant qu’il vécut, le divin Fils de David circonscrivit la mission et le zèle des apôtres dans les limites de la Judée, parce qu’il aimait ardemment sa patrie. Mais après le déicide, ils furent libres d’aller aux nations. Les restes d’Israël, cependant, ne furent pas délaissés. Dans la grande moisson des âmes qui se poursuivait à travers les siècles et chez toutes les nations, il y avait un souvenir de pitié pour les juifs qu’on rencontrait: des regards de compassion étaient jetés sur leurs quartiers à part; des coups de filet heureux en amenaient un certain nombre à la foi; pontifes, conciles, missionnaires se préoccupaient de leur sort; et, malgré leur endurcissement et leur hostilité, des sentinelles d’amour veillaient et s’avançaient jusqu’aux abords de leur camp, pour signaler les lueurs d’espérance.

Hélas! depuis bientôt un siècle, les choses ont changé. L’Église a été graduellement repoussée hors de la société civile; les juifs, au contraire, après y avoir été introduits sans précautions, y sont devenus graduellement les maîtres; les principes modernes leur permettent d’aller et de venir en toute liberté, d’agir en toute assurance et de pénétrer partout: de sorte que, dans ces conditions, l’apostolat catholique s’est quelque peu détourné d’eux, soit par crainte, soit par entraves, et aussi par surcroît d’occupations ailleurs. Il ne se lève plus des Justin pour engager avec eux des dialogues pacifiques, ni des Vincent Ferrier pour briser les rochers de leurs cœurs et transformer leurs synagogues en églises. Ce délaissement est fort préjudiciable, à tous les points de vue. Les âmes des pauvres juifs se perdent, en même temps qu’eux-mêmes contribuent à faire perdre la foi aux populations chrétiennes. Si on s’occupait de leur salut alors qu’ils vivaient à l’écart dans leurs juiveries, n’est-il pas mille fois plus urgent de s’en occuper à présent qu’ils sont mêlés à la société, confondus avec les chrétiens, plus dangereux par cela même, mais aussi plus accessibles à l’apostolat? N’ont-ils pas des âmes? N’y a-t-il pas à leurs foyers des vertus naturelles et patriarcales, de beaux restes qui attendent l’heure de la miséricorde? Pitié donc pour les restes de ce peuple, ouvriers évangéliques; retournez travailler à l’antique champ de Jacob, vous souvenant de Ruth qui glanait!… «Les restes d’Israël seront sauvés,» a positivement annoncé saint Paul, reliquiæ salvæ fient. Sauvés: ô consolante parole! les restes du peuple qui donna naissance à Jésus et à Marie ne seront pas perdus, quel bonheur!

Dieu Tout-Puissant, Père des miséricordes, accordez à de nouveaux apôtres pleins de pitié pour les israélites, la grâce de travailler au salut de leurs âmes et au recueillement des restes. Qu’ils disent: Seigneur, nous vous demandons de nous envoyer recueillir les derniers enfants de Jacob: comme cette femme qui vous demandait un jour les miettes qui tombaient de votre table. Accordez-nous les restes, ô bon Maître! Les dernières miettes de ce peuple qui vous fut si cher, laissez-nous les recueillir, les ramasser et les sauver!

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