|
|
AVERTISSEMENT SUR L'OPUSCULE ONZIÈME.
II. Le Saint-Esprit n'est pas de la même substance que le Père.
IV. Le Christ n'a pas pris notre chair pour nous délivrer du joug du démon.
V. Ni Dieu et l'homme, ni l'homme qui est le Christ, n'est une des trois personnes de la trinité.
VII. Dieu ne doit point empêcher le mal.
VIII. Nous n'avons contracté du péché d'Adam que la coulpe, non la peine.
IX. Le corps du Seigneur ne tombe point à terre.
X. Les uvres ne font point que l'homme soit pire ou meilleur.
XII. Du pouvoir de lier et de délier.
XIII. La suggestion, la délectation et le consentement.
XIV. La Toute-Puissance appartient proprement et spécialement au Père.
SUR LE ONZIÈME OPUSCULE OU TRAITÉ DES ERREURS D'ABÉLARD.
AVERTISSEMENT SUR L'OPUSCULE ONZIÈME.
I. Horstius a rangé parmi les traités, la lettre suivante qui est la cent quatre-vingt-dixième de saint Bernard, à cause de son étendue et de son importance. Elle fut écrite à l'occasion de la condamnation des erreurs d'Abélard par le concile de Sens, en 1140, en présence d'un grand concours d'évêques de France et du roi Louis le Jeune, comme nous l'avons dit dans nos notes à la lettre cent quatre-vingt-septième. Dans la lettre synodale, qui est la cent quatre-vingt-onzième de saint Bernard, et dans une autre encore qui est la trois cent trente-septième, les Pères de ce concile annoncent au pape Innocent qu'ils ont condamné les erreurs d'Abélard, tout en ménageant sa personne par respect pour l'appel qu'il avait interjeté au Saint Siège, et et ajoutent que « les principaux chefs de ses erreurs se trouvent exposés plus complètement dans la lettre de monseigneur l'évêque de Sens. Or, nous ne croyons que la lettre dont il est parlé là soit autre que celle que nous donnons ici : on y trouve en effet les principaux chefs d'erreurs d'Abélard avec leur réfutation sommaire. Ce sont d'ailleurs les mêmes que ceux que Guillaume, devenu simple religieux d'Igny, après avoir été abbé de Saint-Thierry, avait signalés à Geoffroy, évêque de Chartres, et à saint Bernard dans une lettre qui se trouve parmi celles de saint Bernard. II. Pour ce qui est des différentes erreurs imputées à Abélard, il y en a plusieurs qu'il repousse comme lui étant attribuées à tort. Il y en a d'autres, au contraire, qu'il reconnaît comme étant de lui, et il les a corrigées dans son Apologie où il présente saint Bernard comme son unique adversaire, son dénonciateur malveillant et inconsidéré. Deux anciens partisans d'Abélard, après avoir renoncé à ses erreurs, entreprirent de justifier saint Bernard contre les attaques de leur ancien maître, ce sont Geoffroy, qui devint plus tard secrétaire de notre Saint, et un certain abbé « de moines noirs, » dont le nom est demeuré inconnu. Duchesne avait parlé de ces deux écrivains dans ses notes à Abélard, mais leurs oeuvres ne furent livrées à l'impression qu'il y a peu de temps et se trouvent dans le tome IV, de la Bibliothèque de Cluny, où le savant éditeur Bertrand Tissier a pu remarquer que cet abbé inconnu est différent de Guillaume de Saint-Thierry. En effet, il était abbé d'un monastère situé en France, c'est-à-dire dans la métropole de Sens ou de Reims, selon Geoffroy, comme nous le verrons plus loin : il dédia ses trois livres contre Abélard, à l'archevêque de Rouen nommé Hugues, :qu'il appelle « son Seigneur, » au commencement dé son second livre, et «la lampe éclatante des Rouennais qui a sur Dieu, les sentiments d'un fervent catholique; qui en parle d'une bouche catholique et qui écrit d'une plume catholique, mieux que qui que ce soit sur un pareil sujet. » III. Il y a plusieurs chefs d'erreurs, parmi ceux qu'on a reprochés à Abélard, qu'on ne retrouve point dans ses ouvrages imprimés; ce qui a donné à quelques écrivains l'occasion d'attaquer saint Bernard, comme s'il avait attribué à Abélard des erreurs supposées et ne s'était battu que contre des ombres et des fantômes. Mais il est certain que plusieurs de ses erreurs se retrouvent dans ses ouvrages, ainsi due nous le montrerons en son lieu. Quant à celles qu'on n'y voit plus, Guillaume de Saint-Thierry, Geoffroy et cet abbé inconnu, qui avait été autrefois disciple d'Abélard, dont il possédait parfaitement la doctrine, et dont il cite les propres paroles, de même que Guillaume, en les empruntant soit à son Apologie soit à sa Théologie où on ne les retrouve plus dans les éditions qui nous en restent, les avaient lues dans Abélard même. D'ailleurs on voit dans le livre second du Commentaire d'Abélard, sur l'Èpître aux Romains, page 554, qu'il s'est réservé de traiter certains points dans sa Théologie, où on n'en trouve plus aucune trace, mais où on lit ces mots: « le reste manque, » qui montrent assez que sa Théologie a été tronquée avant d'être publiée. IV. C'est donc bien mal servir la religion, pour ne rien dire de ce qu'un tel procédé a d'injurieux pour saint Bernard, que de prétendre, pour justifier Abélard, que notre saint Docteur n'a agi dans toute cette affaire que sous l'impulsion d'un zèle aveugle. On devrait bien au moins reconnaître avec Abélard lui-même et avec Bérenger son défenseur qu'il a effectivement erré. En effet on voit plusieurs fois Abélard avouer dans son Apologie, peut-être à contre coeur, mais pourtant avouer qu'il s'était effectivement égaré: « Il se peut, dit-il, que je sois tombé dans quelque erreur que j'aurais dû éviter, mais je prends à témoin sur mon âme, mon Dieu, qui sera mon juge, que je n'ai cédé dans ce qu'on me reproche ni à la malice ni à l'orgueil. » Je veux bien qu'on soutienne qu'il n'est point tombé dans la malice ou dans l'hérésie, mais du moins on ne peut nier qu'il soit tombé dans certaines erreurs, qu'il ait affecté de se servir de mots nouveaux et qu'il ait fait preuve de légèreté, peut-être même d'orgueil et d'un amour excessif de la discutions Quoi qu'il en soit, le pape Innocent manda aux évêques, par un rescrit, de le faire enfermer et condamna ses livres à être brûlés: lui-même, assure Geoffroy, les fit jeter dans les flammes à Rome. Mais Pierre Abélard finit par revenir à de meilleurs sentiments; il se désista de son appel sur les instances et par les conseils de Pierre le Vénérable qui nous a retracé une belle peinture des derniers temps de sa vie dans une lettre qu'il écrivit à Héloïse. V. Saint Bernard n'attaqua pas impunément Abélard dans ses discours et dans ses écrits. Car non-seulement Abélard, qui ne pouvait supporter la censure, mais encore Bérenger son disciple et son défenseur osèrent accuser saint Bernard d'avoir aussi répandu quelques erreurs dans ses livres: « Oui, tu es tombé dans l'erreur, disait Bérenger à notre Saint, quand tu as prétendu que l'âme humaine tirait son origine du ciel (page 310 et 315). Et ailleurs il lui dit encore: « Je me rappelle encore la fable que tu as débitée sur l'origine de l'âme que tu fais descendre du ciel. Voici en quels termes tu t'exprimais (Sermon XXVII, sur le Cantique des cantiques): C'est avec raison que l'Apôtre a dit que notre vie est dans les Cieux.» Arrière, homme insensé et impudent! L'abbé inconnu rapporte une autre calomnie d'Abélard contre notre saint Docteur, à la fin de son livre second, voici en quels termes « Je suis bien étonné que, depuis si longtemps, aucun de ces fameux docteurs dont la gloire rejaillit sur l'Eglise entière, comme l'éclat du soleil se réfléchit sur la lune, n'ait trouvé un mot à répondre à notre cher Abélard, quand il reproche à l'abbé de Clairvaux, de dire que Dieu et l'homme qu'il s'est uni dans l'incarnation, forment une seule et même personne dans la Trinité; en effet, l'homme est un être corporel pourvu de membres et par conséquent corruptible, tandis que Dieu n'est point corporel, n'a point de membres et ne peut se dissoudre ; on ne saurait donc dire que Dieu est homme, ni qu'un homme est Dieu, etc. » Voilà comment Abélard tombait dans le Nestorianisme en voulant étourdiment convaincre saint Bernard d'erreur. C'est avec raison que, à propos de ce passage, Guillaume de Saint-Thierry répondit à Abélard , dans son chapitre huitième: « Ainsi nous disons de même que le Christ, Fils de lHomme par sa nature divine par laquelle il est uni à Dieu, forme une troisième personne dans la sainte Trinité, attendu que de même que Dieu en s'incarnant est devenu Fils de l'homme à cause de la nature humaine qu'il s'est unie, ainsi, l'homme uni au Fils de Dieu, est devenu Dieu à cause de la nature divine qui se l'est uni.» VI. Outre les chefs d'erreurs que saint Bernard a réfutés dans ce traité, il en réunit plusieurs qu'il passe en revue dans le n. 10, se contentant de les exposer; ils ont été réfutés par d'autres auteurs, entre autres par Guillaume et par un abbé demeuré inconnu. Quant aux espèces ou accidents eucharistiques qui, selon Abélard, ne subsistent plus que dans l'air après la consécration, voici quel était le sentiment de Guillaume. « Il nous semble, dit-il, qu'on peut dire, si vous le pensez comme nous, il s'adressait à Geoffroy, évêque de Chartres et à saint Bernard, que ces accidents, c'est-à-dire la forme de la première substance qui, je crois, n'est autre chose qu'un simple concours vocal des accidents en un, s'ils existent encore, subsistent dans le corps de Notre-Seigneur, pour le rendre, dans sa manière d'être mystérieuse et sacramentelle, tangible; sensible, et susceptible de goût dans une forme étrangère puisqu'il ne pouvait l'être dans la sienne propre. » Il dit encore dans son livre à Rupert, Sur le corps et le sang du Sauveur, chapitre III : « Mais contre tout ce que peut concevoir et expliquer la philosophie mondaine, la substance du pain a été changée en une autre substance, et a transporté certains accidents au mystère eucharistique, auquel ils étaient attachés auparavant, mais sans les altérer, en sorte pourtant que le corps du Seigneur ne soit ni blanc ni rond, malgré la blancheur et la forme ronde qui adhèrent à lui. Il a tellement conservé tous ces accidents que, bien qu'ils soient effectivement avec sa nature humaine et corporelle, cependant ils ne se trouvent point en elle, ne l'affectent et ne la touchent en rien, etc. » VII. Ce n'est pas seulement sur l'incarnation de Notre-Seigneur, qu'Abélard pensait ou du moins s'exprimait d'une manière erronée ; il était également dans l'erreur, au sujet de la grâce de Jésus-Christ, qu'il réduisait uniquement soit à la raison accordée à l'homme par Dieu, soit aux avis contenus dans lEcriture sainte, soit enfin dans les bons exemples, en sorte qu'elle était commune à tous les hommes sans exception. En effet, il enseignait que «puisque l'homme, par la raison qu'il a reçue de Dieu peut adhérer à la grâce qui lui est offerte, Dieu ne fait pas plus pour celui qui se sauve, avant qu'il ait reçu la grâce, que pour celui qui ne se. sauve pas. Mais de môme que le joaillier qui nous expose des pierres précieuses en vente pour exciter les acheteurs; ainsi Dieu expose sa grâce devant nous, nous exhorte par les Ecritures et nous rappelle par les exemples, en sorte que les hommes, en vertu de cette liberté de libre arbitre qu'ils possèdent, se décident à adhérer à la grâce. » Un peu plus loin, il continue ainsi « Cette vivification est attribuée à la grâce , parce que la raison, en vertu de laquelle l'homme discerne le bien du mal, et comprend qu'il doit faire l'un et s'abstenir de l'autre, lui vient de Dieu. Et on dit qu'il agit sous l'inspiration de Dieu parce que c'est Dieu qui lui fait connaître le mal, par le moyen de la raison qu'il lui a donnée. » Telles sont les erreurs que Guillaume a extraites, parmi plusieurs autres, des écrits d'Abélard et certainement de sa théologie que, dans la suite, il mutila probablement à cause de cela et de plusieurs autres choses encore. On ne peut révoquer en doute la bonne foi de Guillaume, qui d'ailleurs est un écrivain aussi instruit que pieux, d'autant moins qu'Abélard lui-même, dans son livre IV sur l'Epître aux Romains, enseigne exactement la môme doctrine, page 653 et suivantes. Voici ce qu'on y lit, en propres termes. « Pour exciter en nous le désir de posséder Dieu et d'arriver au royaume du Ciel, qu'avons-nous besoin d'une autre grâce que de voir sous nos yeux cette béatitude, à laquelle Dieu nous convie et la voie qui y mène? Or, il accorde cette grâce aux méchants aussi bien qu'aux bons, en les instruisant également les uns et les autres sur ces choses. Et, après avoir reçu la môme grâce, l'un s'adonne au bien et l'autre au mal, par une négligence et une tiédeur inexcusable. » Un peu plus loin il ajoute encore: « Il n'est pas nécessaire pour chacune des oeuvres que nous avons à faire que Dieu nous fasse une autre grâce que la foi, par laquelle nous croyons que c'est seulement en agissant ainsi que nous obtiendrons la récompense. » Nous rapportons toutes ces expressions d'Abélard, afin qu'on soit bien convaincu qu'il a pensé ou du moins très-certainement écrit, avec la même impiété, sur la grâce que sur l'incarnation de Jésus-Christ, et que saint Bernard a eu bien raison de dire dans sa lettre cent quatre-vingt-douzième : « Il parle de la Trinité comme Arius, de la grâce comme Pélage et de la personne du Christ comme Nestorius. » On peut se convaincre de la vérité des paroles de saint Bernard pour les deux derniers reproches qu'il lui adresse, en lisant la lettre que nous donnons ici; et, quant à la troisième accusation, il suffit, pour s'assurer que notre Saint n'a rien exagéré, de lire la fin du troisième livre de la Théologie d'Abélard : on verra comment il dit lui-même « que ceux qui ont horreur de notre langage sur la foi, parce qu'ils nous entendent dire de Dieu le Père, et de Dieu le Fils, sont d'accord avec nous, quant au sens des mots. » Comment cela ? « Demandez-leur, dit-il s'ils croient à la sagesse de Dieu dont il est écrit: Vous avez tout fait avec sagesse, Seigneur; et il vous répondront sans hésiter qu'ils y croient. » Or, c'est là ce qu'il appelle croire au Fils; de même qu'il dit que croire au Saint-Esprit, ce n'est pas autre chose que de croire à la bonté de Dieu. Evidemment ces expressions prises à la lettre sentent non-seulement l'Arianisme, mais le Sabellianisme même. Il est vrai, je dois le reconnaître, qu'Abélard rejette formellement cette erreur dans un autre endroit du même ouvrage, à la page 1069. Mais c'est surtout en matière de foi qu'il importe non-seulement de penser comme il faut, mais de parler et d'écrire exactement. Aussi, est-ce avec raison que Guillaume de Saint-Thierry dit, en citant les propres paroles d'Abélard, à propos du bronze et du cachet, de la puissance et d'une certaine puissance: «Quant aux personnes divines, il les détruit comme Sabellius, et lorsqu'il parle de leur différence et de leur imparilité, il va droit à l'Arianisme, » Je le répète, je ne cite tous ces passages que pour faire rougir ceux qui, détestant ces erreurs; n'en embrassent pas moins la défense d'Abélard contre saint Bernard qu'ils ne craignent point d'accuser de précipitation et d'excès de zèle contre Abélard. Guillaume de Conches s'exprime à peu près comme Abélard touchant le mystère de la sainte Trinité; aussi l'abbé Guillaume de Saint-Thierry réfute-t-il ses erreurs, comme il avait réfuté celles dAbélard, dans sa lettre à saint Bernard. D'ailleurs, il ne peut rien arriver de pire à la religion, que de voir les philosophes entreprendre d'expliquer les mystères de la foi par les seules forces de la raison. VIII. Geoffroy, secrétaire de saint Bernard, rend compte de toute l'affaire d'Abélard, dans sa lettre à Henri, cardinal évêque d'Albano : Voici en quels termes il s'exprime. « J'ai su aussi que Votre Diligence désire connaître à fond ce qui concerne la condamnation de Pierre Abélard, dont le seigneur Innocent II, pape de pieuse mémoire, a condamné les écrits à être brûlés solennellement à Rome, dans l'Église de Saint-Pierre, et déclaré, de son autorité apostolique, la personne hérétique. Quelques années auparavant, un vénérable cardinal, légat de l'Église Romaine, appelé Conon, qui avait été chanoine régulier de Saint-Nicolas d'Arouaise, avait déjà condamné sa théologie au feu, au concile de Soissons qu'il présidait, et avait convaincu d'hérésie Abélard, qui était lui-même présent à ce concile. Si vous le désirez, il sera répondu à ses attaques par le livre de la vie de saint Bernard, et par les lettres qu'il écrivit à ce sujet à Rome. J'ai toutefois trouvé à Clairvaux un petit écrit d'un certain abbé de moines noirs, où sont notées les erreurs d'Abélard, et il me souvient de l'avoir lu; les quatre premières feuilles de ce petit livre n'ont pas encore pu être retrouvées, quoiqu'on les recherche depuis plusieurs années, à ce que m'ont assuré les gardiens de la bibliothèque. Aussi, ai-je l'intention d'envoyer quelqu'un en France, à l'abbaye de l'auteur de' ce petit livre, afin de le faire copier, si je puis me le procurer, et de vous l'envoyer ensuite. Je crois que votre curiosité sera complètement satisfaite, en apprenant en quoi, comment et pourquoi il a mérité sa condamnation.» C'est ainsi que s'exprime Geoffroy, au dire de Duchesne dans ses notes à Abélard. Je passe sous silence la vision de Henri, chanoine de Tournai, rapportée aux Pères du synode de Sens et à saint Bernard, et relatée dans le Spicilége, tome XII, pages 478 et suivantes. IX. J'avais écrit ce qui précède, quand. notre Jean Durand, qui se trouvait alors à Rome, copia, pour me les envoyer, sur un manuscrit fautif du Vatican, inscrit sous le n° 663, LES CHEFS D'HÉRÉSIES DE PIERRE ABÉLARD, qui se trouvent placés en tête de cette lettre; ce sont vraisemblablement les mêmes que ceux due saint Bernard dit, à la fin de sa lettre, avoir recueillis et adressés au souverain pontife. Il nous a paru bien de les placer ici en tête de la lettre de notre Saint, pour en rendre le sens plus facile à comprendre.
HERESIES DE PIERRE ABELARD.
I. Horrible analogie tirée d'un cachet d'airain, de l'espèce et du genre, appliquée à la Sainte-Trinité.
« La sagesse de Dieu étant une certaine puissance, de même qu'un cachet d'airain est un certain airain, il s'ensuit évidemment que la sagesse de Dieu tire son être de la puissance de Dieu, de même qu'un cachet d'airain tire son nom de l'airain qui est sa matière, et que l'espèce tire le sien de son genre qui est, en quelque sorte, la matière de l'espèce, comme l'animal est celle de l'homme. En effet, de même que pour qu'il y ait cachet d'airain, il faut qu'il y ait airain, et que pour que l'homme soit, il faut que l'animal soit aussi, mais non réciproquement; ainsi pour qu'il y ait sagesse divine, qui n'est autre chose que la puissance de discerner, il faut qu'il y ait puissance divine, sans toutefois que la réciproque s'en suive. » Puis un peu plus loin on lit encore : « La bénignité, nom sous lequel on désigne le Saint-Esprit, n'est pas en Dieu puissance ou sagesse. »
II. Le Saint-Esprit n'est pas de la même substance que le Père.
« Le Fils et le Saint-Esprit viennent du Père, l'un par voie de génération, l'autre par voie de procession. La génération diffère, de la procession en ce que celui qui est engendré est de la substance du Père, puisqu'il est, comme nous l'avons dit, la sagesse même: or l'essence de la sagesse est précisément d'être une certaine puissance.» Plus loin, il ajoute : «Quant au Saint-Esprit, quoiqu'il soit de la même substance que le Père et le Fils, ce qui a fait donner à la Trinité le nom de consubstantielle, c'est-à-dire, qui a la même substance, cependant il n'est point de la substance du Père et du Fils, comme il le serait s'il était engendré du Père et du Fils ; mais il a d'eux le procéder, qui n'est autre chose, en Dieu, que s'étendre par la charité à un être autre que lui. Ainsi, par l'amour, chacun procède de soi à un autre, puisque, comme nous l'avons dit plus haut, on ne saurait dire proprement que personne a de la charité pour soi; quiconque est bon l'est par rapport à un autre, non par rapport à soi. Mais cela est particulièrement vrai de Dieu, qui, n'ayant besoin de rien, ne peut être touché d'un sentiment de charité pour lui, en sorte qu'il se procure quelque bien de sa propre bienveillance, il ne saurait l'être qu'envers les créatures. »
III. Dieu ne peut faire ou empêcher ce qu'il fait ou ce qu'il empêche, que de la manière et dans le temps où il le fait, non point autrement.
« Par la raison que Dieu le Père a engendré un Fils aussi bon qu'il a pu, autrement il aurait cédé à l'envie, il s'ensuit que tout ce qu'il fait, il le fait aussi bien que possible, et qu'il ne saurait lui refuser un seul bien qu'il peut lui donner. » Un peu plus loin il ajoute: « Dans tout ce que Dieu fait, il se propose tellement le bien, qu'on peut dire qu'il est porté à faire tout ce qu'il fait plutôt par le prix même du bien que parle bon plaisir de sa volonté.» Et ailleurs, il s'exprime en ces termes: « Il est prouvé tant par la raison que par les Ecritures, que Dieu ne peut faire que ce qu'il fait.» Puis, un peu plus loin, il continue « S'il pouvait empêcher le mal qui se fait, il le ferait certainement en temps opportun, puisqu'il ne peut rien faire autrement; par conséquent, je ne vois pas comment il ne serait point consentant au péché ; en effet, comment ne pas dire que celui qui pourrait empêcher le mal en temps opportun n'est pas consentant à celui qui se fait? » Et encore: «Les raisons que j'ai données plus haut et les réponses que j'ai faites aux objections, me semblent de nature à convaincre tout le monde que Dieu ne peut faire ou empêcher ce qu'il fait ou ce qu'il empêche, que de la manière et dans le temps où il le fait, non point autrement. »
IV. Le Christ n'a pas pris notre chair pour nous délivrer du joug du démon.
« Il faut savoir que tous nos docteurs qui ont existé depuis les apôtres, sont d'accord en ce point, que le diable avait, sur l'homme, domaine et puissance et qu'il le possédait justement.» Un peu plus loin on lit : « Il me semble que le diable n'a jamais eu sur l'homme aucun pouvoir (a), si ce n'est par la permission de Dieu, comme un geôlier, et que le Fils de Dieu ne s'est point incarné pour le délivrer. Plus loin, il continue: « Comment l'Apôtre dit-il que nous sommes justifiés et réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, quand, au contraire, Dieu a dû être
Saint Bernard ne rapporte point cette proposition tout à fait dans les mêmes termes. Voir plus loin, n. 11.
d'autant plus irrité contre l'homme que celui-ci a commis, en mettant son Fils à mort, une faute bien plus grande qu'en transgressant son premier précepte, lorsqu'il mangea du fruit défendu? Combien, en effet, sa colère eût été plus juste alors? Mais si tel fut le péché d'Adam qu'il ne put être expié que par la mort du Christ, qu'est-ce qui sera capable d'expier la mort même du Christ et tous les sacrilèges attentats dont il a été l'objet (V. Infra. II, 21) ? Est-ce que la mort de son Fils innocent, plut à Dieu au point de le réconcilier avec nous qui l'avons causée par nos péchés; car ce n'est que pour eux qu'il est mort, et ne put-il nous pardonner une faute moins grande que si nous en commettions une si énorme ? Enfin fallait-il tant de péchés pour qu'il fit le bien si grand de nous délivrer de nos péchés et de nous rendre, par la mort de son fils, plus justes que nous n'étions auparavant ? » Et ailleurs encore. « A qui ne semblera-t-il point inique et cruel d'exiger le sang innocent, ou une récompense quelconque et de se complaire à quelque titre que ce soit dans la mort du juste? il s'en faut donc bien que Dieu ait eu la mort de son Fils tellement pour agréable qu'il se soit, par elle, réconcilié avec le monde. » Toutes ces réflexions et d'autres semblables ne soulèvent point de médiocres questions, non-seulement sur le mystère de la Rédemption, mais encore sur celui de notre justification par la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il ne nous en semble pas moins vrai pourtant que nous sommes justifiés dans le sang de Jésus-Christ et réconciliés avec Dieu, par la grâce singulière qu'il nous a faite, lorsque son Fils a pris notre nature et qu'en elle, il nous a instruit de la voix et de l'exemple jusqu'à la mort. Il nous a si intimement unis à lui par son amour pour nous, que notre charité enflammée par un si grand bienfait de la grâce divine, ne saurait désormais redouter de souffrir, quoi que ce soit pour lui. Nous ne doutons point que ce bienfait n'ait enflammé de l'amour le plus grand pour Dieu, les hommes justes de l'ancienne loi qui l'attendaient par la foi, de même qu'il enflamme ceux de la loi nouvelle. » Et plus bas il dit encore: « Je pense donc que la, cause et le dessein dg l'incarnation fut de la part de Dieu, d'éclairer le monde de la lumière de la sagesse et de l'enflammer d'amour pour lui. »
V. Ni Dieu et l'homme, ni l'homme qui est le Christ, n'est une des trois personnes de la trinité.
« Quand je dis que le Christ est une troisième personne dans la Trinité, je ne prétends pas dire autre chose que ceci: c'est que le Verbe qui, de toute éternité, est une des trois personnes de la Trinité, est une troisième personne de la Trinité. Ainsi, pour moi, cette expression est figurative; car si nous disons qu'elle est propre, comme le nom de Christ ne désigne autre chose que le Dieu fait homme elle aurait ce sens que le Dieu fait homme est une des trois personnes de la Trinité, ce qui est manifestement faux. » Plus loin, il continue : « On doit savoir que, lorsque nous accordons que le Christ est une des trois personnes de la Trinité, nous ne voulons point dire que la personne du Christ soit une des trois personnes de la Trinité. »
VI. Dieu ne fait pas plus pour celui qui se sauve, tant qu'il n'a point encore adhéré à la grâce, que pour celui qui ne se sauve point.
« On a coutume encore de demander s'il est vrai, comme plusieurs le prétendent, que tous les hommes ont tellement besoin pour se sauver de la miséricorde de Dieu, que personne ne puisse avoir la volonté de bien faire, s'il n'est prévenu d'abord par la grâce de Dieu qui excite son coeur, lui inspire la volonté de bien faire, la multiplie après la lui avoir inspirée, et la conserve après l'avoir multipliée. S'il est vrai que l'homme ne puisse faire aucun bien par lui-même, et qu'il soit incapable de s'élever d'une façon ou d'une autre assez pour recevoir la grâce de Dieu, par son libre arbitre, sans le secours de la grâce, comme on l'a dit, on ne voit pas pourquoi, s'il pèche, il serait puni. En effet, s'il ne peut de lui-même faire aucun bien et si, par sa nature, il est plus en clin au mal qu'au bien, n'est-il pas exempt de faute, s'il pèche, et Dieu mérite-t-il des louanges pour l'avoir créé tel, et lui avoir donné une nature si faible et si fragile? Ne semble-t-il pas qu'il mériterait au contraire qu'on lui reprochât son oeuvre ? » Plus loin il continue : « S'il était vrai que l'homme, sans le secours d'une première grâce, ne pût s'élever à la grâce, on ne voit pas qu'il soit possible de l'accuser; et s'il n'a pas la grâce, c'est bien plutôt à son Créateur qu'à lui qu'on devrait s'en prendre. Mais il n'en est pas ainsi, on doit même dire qu'il en est tout autrement, comme effectivement cela est vrai. On doit donc dire que l'homme, par le moyen de la raison qu'il a reçue de Dieu, peut adhérer à la grâce qui lui est offerte, et que Dieu ne fait pas plus pour celui qui se sauve, tant qu'il n'a point encore adhéré à la grâce, que pour celui qui ne se sauve point. En effet, Dieu se conduit par rapport aux hommes de la même manière qu'un joailler qui a des pierres précieuses à vendre, il les expose aux regards des passants, les leur présente à tous indistinctement, et excite en eux, en les leur montrant, le désir de les acheter. Celui qui est prudent et qui sait qu'il en a besoin travaille pour se les procurer; il acquiert de l'argent, et les achète : au contraire, l'indolent et le paresseux ne travaille point quoiqu'il soit plus robuste que l'autre et il ne les achète point; s'il ne se les procure pas, la faute en est donc à lui. De même en est-il de Dieu. Il expose devant tous les hommes ses grâces, et il les engage par les saintes Ecritures, et par ses plus éminents docteurs à se servir de leur libre arbitre, pour s'attacher à la grâce, s'ils sont sages et prudents, en se mettant en mesure de le faire dans la suite, grâce à son libre arbitre. Mais le paresseux au contraire, embarrassé par les désirs de la chair, tout en désirant d'être heureux, ne veut pourtant jamais rien faire pour s'éloigner du mal ; bien au contraire, il néglige de faire ce qu'il devrait pour cela, quoiqu'il lui fût possible, s'il le voulait, d'adhérer, à la grâce, par le libre arbitre : voilà comment il se trouve négligé par le Tout-Puissant. »
VII. Dieu ne doit point empêcher le mal.
« Voyons d'abord ce qu'on entend par consentir et ne pas consentir au mal. On dit que quelqu'un consent au mal, quand, pouvant et devant l'empêcher, il ne l'empêche point; ou si, le devant, il ne le peut. Au contraire, il n'est pas censé y consentir s'il peut seulement l'empêcher et qu'il ne le doive point: à plus forte raison, n'en répond-il point s'il ne peut ni ne doit l'empêcher. De là je conclus que Dieu est tout à fait étranger au mal par sa volonté, puisqu'il ne doit ni ne peut l'empêcher. Il ne le doit point, car, la chose arrivant en, vertu de sa bonté, de la meilleure manière possible il ne doit en aucune façon vouloir l'empêcher; mais de plus il ne peut pas l'empêcher attendu que sa bonté après avoir choisi un moindre bien ne peut préparer un obstacle à un bien plus grand. »
VIII. Nous n'avons contracté du péché d'Adam que la coulpe, non la peine.
« Il faut savoir que, lorsqu'on dit que le péché originel se trouve dans les enfants, cela s'entend de la peine temporelle et éternelle qu'ils doivent subir par suite de la faute de notre premier père. » Un peu plus loin il ajoute : «De même on dit, en parlant de notre premier père c'est en lui que tous ont péché, en ce sens que nous étions tous en germe en lui quand il a péché. Mais il ne s'en suit pas que tous les hommes aient péché puisqu'ils n'existaient pas encore; car, quiconque n'est point, ne saurait pécher. »
IX. Le corps du Seigneur ne tombe point à terre.
« Au sujet des espèces du pain et du vin, on demande si elles subsistent actuellement dans le corps de Jésus-Christ, de même qu'elles subsistaient avant la consécration dans la substance du pain et dans celle du vin qui ont été changées au corps de Jésus-Christ, ou bien si elles sont seulement dans l'air. Il est vraisemblable qu'elles subsistent dans l'air, puisque le corps du Christ a ses traits et son espèce comme tous les autres corps humains. Quant aux espèces eucharistiques du pain et du vin, elles ne servent qu'à cacher et à couvrir le corps de Jésus-Christ. » Un peu plus loin il dit : « On demande encore au sujet de ce qu'il semble être multiple... d'où il est prescrit de le conserver d'un samedi à l'autre, comme nous lisons qu'on conservait jadis les pains de proposition. Il semble aussi être rongé par les souris et tomber à terre de la main du diacre ou du prêtre : c'est ce qui fait demander pourquoi Dieu permet que ces choses arrivent dans son corps, ou bien dans l'hypothèse où ces choses ne se passent point dans le corps de Notre-Seigneur, si elles ne se passent ainsi qu'en apparence. Nous répondons à cela qu'elles ne se passent effectivement point dans le corps, mais que Dieu fait qu'elles se passent dans les espèces elles-mêmes pour réprimer la négligence de ses ministres. Quant à son corps, il le place et le conserve selon qu'il lui plaît. »
X. Les uvres ne font point que l'homme soit pire ou meilleur.
« On demande ordinairement qu'est-ce que Dieu récompense si ce sont ni les uvres, ni les intentions, ni les unes et les autres en même temps. L'autorité semble vouloir que ce soient les uvres que Dieu récompense éternellement, attendu que l'Apôtre a dit : Dieu rendra à chacun selon ses oeuvres, et que saint Athanase a dit : « On rendra compte de ses oeuvres. » lin peu plus loin il dit : « Ceux qui ont fait le bien iront à la vie éternelle, ceux au contraire qui ont fait le mal, au feu éternel. Pour nous, nous disons qu'ils sont éternellement récompensés soit pour le bien soit pour le mal, et nous ne croyons pas que les uvres rendent l'homme pire ou meilleur; à moins que, pendant l'action sa volonté ne se porte avec plus de force encore à ce qu'il fait. Nous ne disons rien là de contraire à ce que disent l'Apôtre et les autres auteurs; car, quand l'Apôtre dit que Dieu rendra à chacun selon ses oeuvres, il met l'effet pour la cause, l'oeuvre pour la volonté ou l'intention. »
XI. Ceux qui ont crucifié le Christ sans le connaître n'ont pas péché. Il n'y a pas de péché d'ignorance.
« On nous oppose le fait des Juifs, qui ont crucifié le Christ, celui des hommes qui, en persécutant les martyrs pensaient rendre gloire à Dieu, et enfin celui d'Eve qui n'agit point contre sa conscience puisqu'elle fut séduite, et on nous fait remarquer que tous ont péché. A cela je réponds qu'en effet ces Juifs, dans leur simplicité, n'agissant point contre leur conscience, ne persécutant Jésus-Christ que par zèle pour leur loi et ne pensant point mal faire n'ont réellement pas commis de péché, et que s'ils sont damnés ce n'est pas à cause de cela mais en punition d'autres péchés précédents qui les ont fait tomber dans leur aveuglement. Parmi eux il s'en trouvait même d'élus; ce sont ceux pour qui Jésus-Christ a prié en disant : Mon Père, pardonnez-leur; car ils ne savent ce qu'ils font. Il ne demanda point dans sa prière que ce péché leur fut remis puisque à proprement parler ce n'était point un péché; mais plutôt que leurs péchés précédents leur fussent pardonnés. »
XII. Du pouvoir de lier et de délier.
« Pour ce qui est dit dans saint Mathieu, tout ce que vous lierez sur la terre, etc; voici comment il faut l'entendre. Tout ce que vous lierez sur la terre, c'est-à-dire dans l'Eglise présente. » Un peu plus loin il dit: « L'Evangile semble nous contredire, lorsque nous disons que Dieu seul peut remettre les péchés; car Jésus-Christ a dit à ses disciples: Recevez le Saint-Esprit, les péchés seront remis à ceux qui vous les remettrez. Mais nous disons que ces paroles ne s'adressaient qu'aux Apôtres, non point à leurs successeurs. » Puis il ajoute : « Si pourtant quelqu'un prétend quelles étaient dites aussi pour les successeurs des Apôtres, il faut, en ce cas, entendre ce passage de la même manière que nous avons expliqué le précédent. »
XIII. La suggestion, la délectation et le consentement.
« Il faut bien savoir que la suggestion n'est pas un péché, pour celui à qui elle s'adresse, non plus que la délectation qui suit la suggestion, laquelle ne se produit dans l'âme qu'à taise de notre faiblesse et par le souvenir du plaisir qui se trouve dans l'accomplissement de la chose que le tentateur suggère à notre esprit; il n'y a que dans le consentement, qui n'est autre que le mépris de Dieu, que consiste le péché. » Puis un peu plus loin il dit encore : « Nous ne disons pas que ce soit la volonté de faire ceci ou cela, ni même l'action qu'on fait qui soit un péché, mais plutôt, comme nous l'avons dit plus haut, que c'est dans le mépris de Dieu procédant d'un certain acte de la volonté qu'est le péché. »
XIV. La Toute-Puissance appartient proprement et spécialement au Père.
« Si nous devons rapporter la puissance autant à la notion de l'être qu'à l'efficacité de l'opération, nous retrouvons que la toute-puissance appartient en propre et spécialement à la personne du Père, en ce que non-seulement il peut tout également avec les deux autres personnes, mais encore en ce qu'il tient seul l'être de lui-même, non point d'un autre. Or, s'il subsiste par lui-même, il est également tout-puissant par lui-même. » Tels sont les principaux chapitres de la théologie ou plutôt de la stultologie de Pierre Abélard.
NOTES DE HORSTIUS ET MABILLONSUR LE ONZIÈME OPUSCULE OU TRAITÉ DES ERREURS D'ABÉLARD.
270. Il est juste de porter à votre Apostolat..... où la foi ne peut défaillir, etc. Remarquez, Sectaires, et vous tous qui vous attaquez à l'Église romaine, quelles sont les prérogatives du siège Apostolique romain et quel est le juge légitime des controverses de la foi. N'allez pas croire au moins qu'en cette circonstance saint Bernard veut flatter le souverain Pontife, et ne rejetez point son autorité sous prétexte qu'il vivait dans un siècle déjà éloigné des siècles apostoliques et dans un temps où l'antique pureté de la foi des apôtres était déjà corrompue, soit par les inventions des hommes, car c'est le reproche que vous aimez à lui taire, soit par les empiétements toujours croissants de la puissance des souverains Pontifes, car nous trouvons la preuve du contraire à l'époque bien antérieure des saints Pères. En effet, lisez les lettres XC, XCI, XCII, XCXV et CVI, et vous saurez que toutes les controverses de la foi ont été constamment déférées au saint Siège, vous trouverez aussi en plusieurs endroits qu'ils ont fait de ce siège le même éloge que saint Bernard. Voyez encore saint Jérôme, lettre VII à Damase. Ou pourrait citer encore une foule de passages des lettres de saint Cyprien au pape saint Corneille et de ses autres écrits. Pour ce qui concerne les erreurs d'Abélard on peut revoir la lettre cent quatre-vingt-septième de saint Bernard. (Note Horstius.)
|