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CONTRE LES MONTANISTES.
A MARCELLA.
Un montaniste vous a fait des objections sur les passages de l'Evangile saint Jean où Notre Seigneur parle de son retour vers son Père, et promet à ses apôtres de leur envoyer le Saint-Esprit.
440 Les Actes des apôtres prouvent dans quel temps cette promesse a été faite, et dans quel moment elle a été remplie. Saint Luc rapporte que le Saint-Esprit descendit dix jours après l'ascension du Seigneur, c'est-à-dire cinquante jours après sa résurrection ; que les fidèles commencèrent alors à parler plusieurs langues, de manière que quelques-uns, dont la foi était encore faible, soutenaient qu'ils étaient ivres de vin nouveau. Mais saint Pierre se levant au milieu des apôtres et de toute l'assemblée, leur dit : « O Juifs, et vous tous qui demeurez dans Jérusalem, considérez ce que je vais vous dire et soyez attentifs à mes paroles; ces frères ne sont pas ivres comme vous le pensez, puisqu'il n'est encore que la troisième heure du jour; trais il arrive ici ce qui a été prédit par le prophète Joël : « Dans les derniers temps, dit le Seigneur, je répandrai mon Esprit sur toute chair; leurs fils et leurs filles prophétiseront; les jeunes gens auront des vision, et les vieillards auront des songes, et je répandrai mon Esprit sur mes serviteurs et sur mes servantes. » Or, l'apôtre saint Pierre, sur lequel Jésus-Christ a fondé son Eglise, dit que cette prophétie et la promesse du Seigneur ont été réalisées à cette époque. Comment pouvons-nous en placer la réalisation dans un autre temps? Que si les montanistes prétendent que les quatre filles de Philippe ont prophétisé: qu'Agabus était prophète; que dans l'énumération que fait saint Paul des dons du Saint-Esprit , il nomme des prophètes parmi les apôtres et les docteurs, que lui-même a prédit les hérésies futures et ce qui doit arriver à la fin des siècles; si, dis-je, les montanistes nous font ces objections, ils doivent savoir que nous ne rejetons pas les prophéties qui ont été scellées par la Passion du Sauveur, mais que nous ne voulons point avoir de communion avec ceux qui refusent de se rendre à l'autorité de l'Ancien et du Nouveau-Testament. D'abord nous ne sommes point d'accord avec eux sur les dogmes de la foi. Nous disons que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont des personnes distinctes l'une de l'autre, quoiqu'ils n'aient qu'une même substance. Or les montanistes, suivant la doctrine de Sabellius, n'admettent qu'une seule personne dans la Trinité. Nous n'autorisons pas les secondes noces, mais nous les permettons, selon le précepte de saint Paul, qui veut que les jeunes veuves se remarient. Les montanistes au contraire regardent les secondes noces comme une action si criminelle, qu'ils appellent adultères ceux qui se remarient. Nous ne faisons qu'un carême dans toute l'année, selon la tradition des apôtres, et nous choisissons pour cela le temps qui nous parait le plus convenable. Les montanistes en l'ont trois tous les ans, comme si trois Sauveurs avaient souffert la mort pour nous. Ce n'est pas qu'il ne soit permis de jeûner pendant toute l'année, excepté les cinquante jours d'après Pâques; mais autre chose est de faire une bonne oeuvre spontanément, et autre chose est de la faire par obligation. Les évêques tiennent parmi nous le rang des apôtres; parmi les montanistes ils n'ont que le troisième rang, car leurs patriarches de Pepuze en Phrygie tiennent le premier; ceux qu'on appelle Cenones tiennent le second, et les évêques le troisième, c'est-à-dire presque le dernier; compte si en mettant au dernier rang ceux qui parmi nous sont au premier, ils relevaient l'éclat de leur religion. Ils chassent de leur église ceux qui sont tombés dans les fautes les plus légères, et nous, nous lisons tous les jours : « J'aime mieux le repentir du pécheur que sa mort. » Et ailleurs: « Quand on est tombé, ne se relève-t-on pas?» Et encore : « Convertissez-vous , enfants rebelles, revenez à moi et je guérirai le mal que vous vous êtes fait en vous éloignant de moi.» S'ils usent d'une si grande sévérité envers les pécheurs, ce n'est pas qu'ils ne soient encore plus pécheurs que nous; mais la différence qu'il y a entre eux et nous, c'est que, se flattant d'être justes, ils ont honte d'avouer qu'ils sont pécheurs, au lieu que nous autres, en faisant pénitence de nos péchés, nous en obtenons plus facilement le pardon. Je ne dis rien de ces mystères abominables où figure, à ce qu'on dit, le sang d'un enfant à la mamelle, et qui est regardé comme un martyr. Je veux bien ne pas y croire et je regarde comme faux tout ce qui est sanguinaire. Ils enseignent ouvertement une doctrine pleine de blasphèmes, et c'est ici qu'il faut les confondre. Ils disent que, dans l'Ancien-Testament, Dieu avait voulu d'abord sauver le monde (441) par Moïse et par les prophètes; mais que n'ayant pu exécuter ce dessein, il s'était incarné dans le sein d'une vierge, et avait prêché en Jésus-Christ et souffert la mort sous sa figure; et que ce sacrifice n'ayant pas encore suffi pour le salut du monde, il était venu habiter par le Saint-Esprit en Montait, en Prisca et en Maxilla , et que cet efféminé, ce demi-homme avait reçu la plénitude du Saint-Esprit, que saint Paul même n'a pas reçue, puisqu'il dit: « Ce que nous avons maintenant de science et de prophétie est très imparfait. Nous ne vouons ici-bas que par un miroir dans des énigmes. » Mais ce ne sont là que des visions qui ne méritent pas d'être relevées. C'est confondre leurs erreurs que de les mettre au jour, et il n'est pas nécessaire que dans un traité aussi court que celui-ci, je m'arrête à réfuter toutes leurs extravagances, puisque vous n'en avez pas été embarrassée vous-même, et que, possédant à fond les saintes Ecritures, vous ne m'en avez écrit que pour avoir mon opinion sur toutes ces questions.
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