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QUATRIÈME HOMÉLIE. CONTRE CEUX QUI DÉSERTENT LA RÉUNION DES FIDÈLES POUR ALLER DANS LES THÉATRES. QU'IL EST NON-SEULEMENT PLUS UTILE MAIS ENCORE PLUS AGRÉABLE D'OCCUPER SON TEMPS A L'ÉGLISE QUE DE LE PERDRE AU THÉATRE. SUR LA SECONDE PARTIE DE LA PRIÈRE D'ANNE : QU'IL FAUT PRIER SANS CESSE, ET EN TOUT LIEU, MÈNE SUR LA PLACE PUBLIQUE, MÊME EN ROUTE, MÈNE AU LIT.
ANALYSE
1. Réprimande à l'adresse des absents. Contraste entre l'empressement avec lequel on court aux jeux du cirque, et la tiédeur qu'on met à se rendre à l'Eg
2. Danger des spectacles : qu'ils ont en réalité peu de charmes. Comparaison entre les plaisirs du vice et ceux que procure la vertu.
3. Retour à l'histoire d'Anne. Sa gloire : combien supérieure à la gloire mondaine.
4. Commentaire sur l'expression : Mon Dieu. Rapprochements bibliques.
5. Nécessité des prières fréquentes.
6. Conditions essentielles de la prière dans la nouvelle Loi : qu'elles consistent uniquement dans les dispositions intérieures.
1. Je ne sais quel langage tenir aujourd'hui. En effet, quand je vois le délaissement de nos réunions, l'irrévérence, le dédain, le mépris, prodigués aux prophètes, aux apôtres, aux pères par des esclaves dont l'insolence va jusqu'à braver leur Maître, je voudrais censurer; mais, à la place de ceux à qui devraient s'adresser mes accusations, je ne vois ici que vous qui n'avez pas besoin de tels avertissements, ni de telles réprimandes. Néanmoins nous ne saurions nous taire. En effet, quelque chose de l'indignation que les coupables nous inspirent pourra transpirer au-dehors, si nous lui ouvrons une issue par nos paroles , pet nous les ferons rougir d'eux-mêmes et avoir honte , en déchaînant contre eux autant d'accusateurs que vous êtes de personnes réunies pour m'écouter. S'ils étaient présents, ils ne recevraient qu'une réprimande, la nôtre; mais, parce qu'ils ont voulu se dérober à nos reproches, tout ce que je vais dire trouvera en vous autant d'échos. Les amis n'agissent point autrement : lorsqu'on ne trouve point ceux auxquels on a des reproches à faire, on s'abouche avec leurs amis pour qu'ils aillent tout leur répéter. Dieu lui-même s'est ainsi comporté : au lieu d'avertir ceux qui avaient péché contre lui, il s'adresse à Jérémie qui était innocent, et lui dit : As-tu vu ce que m'a fait la fille insensée de Juda? (Jér. III, 6.) (509) Voilà pourquoi, nous aussi, c'est à vous que nous adressons nos censures contre ces hommes, afin qu'en sortant d'ici vous leur fassiez entendre raison. Eh ! qui pourrait tolérer une pareille indifférence? Une fois par semaine nous nous rassemblons en ce lieu, et ils ne se résignent pas même, durant cette journée, à laisser de côté les soucis mondains : qu'on leur en fasse un reproche, aussitôt ils allèguent leur pauvreté, le soin de leur subsistance, leurs occupations pressantes : excuses plus accablantes pour eux que toutes les accusations. En effet, n'est-ce pas porter contre soi la plus terrible des accusations, que de paraître considérer quelque chose comme plus nécessaire et plus urgent que les affaires de Dieu? Oui, quand tout cela serait parfaitement vrai, ce serait, comme je viens de le dire, une accusation, et non une apologie. Mais pour vous prouver que ce sont là de purs prétextes, des subterfuges destinés à déguiser l'indolence, il n'est que faire de mes paroles : la journée de demain suffira pour confondre ceux qui allèguent de pareilles raisons, alors que toute la ville aura émigré vers l'hippodrome, et que les maisons, les places auront été désertées pour ce spectacle interdit. Ici l'enceinte même de l'ég
2. Et ne viens pas me dire, mon cher auditeur, que le spectacle fait plaisir : ce que je voudrais savoir de toi, c'est s'il ne cause pas de dommage en même temps qu'il fait plaisir. Et pourquoi parler de dommage? Je soutiens qu'il n'y a pas même de plaisir, et vous allez en être convaincu. En revenant de cette course de chars, abordez ceux qui reviennent de l'ég
En conséquence, lorsque tu arrives sur la place, et que tu vois la foule courir au spectacle, hâte-toi de te réfugier dans lég
3. Je pourrais prolonger encore ce préambule de mon discours. Mais je n'ignore pas que votre empressement à remplir vos devoirs devance mes instructions, et que, par conséquent, vous saurez dire plus que je n'ai dit moi-même. C'est. pourquoi, afin de ne point vous importuner de mes censures à l'adresse de ces hommes, j'omets tout ce qu'il me resterait à dire, et j'arrive à la suite de nos instructions, en revenant à l'histoire d'Anne. Et n'allez point vous étonner de notre persistance à traiter ce sujet. Je ne puis ôter cette femme de ma pensée : tant j'admire la beauté de son âme et ses charmes intérieurs. J'aime ces yeux inondés de larmes pendant la prière et constamment occupés; ces lèvres, cette bouche, non point fardée par je ne sais quelles drogues, mais embellie par la gratitude à l'égard de Dieu telle était cette femme que j'admire parce qu'elle fut sage , mais que j'admire plus encore parce qu'elle était en même temps sage et femme, femme, ai-je dit, c'est-à-dire objet de bien des accusations. De la femme, est-il écrit, est sorti le péché, et c'est par elle que nous sommes tous sujets à la mort. (Eccl. XXV, 33.) Et ailleurs : Toute malice est petite, comparée à la malice de la femme. ( Ib. V, 26.) Paul dit pareillement : Adam ne fut pas trompé, mais la femme ayant été trompée, tomba en prévarication. (I Tim. II, 14). Si je l'admire autant, c'est principalement parce qu'elle échappa à tous ces griefs, qu'elle écarta loin d'elle cette accusation, que (511) faisant partie de ce sexe accusé et décrié , elle se lava de tous ces reproches, et montra par ses actes que les femmes elles-mêmes ne sont point telles par nature, mais bien par choix ou par nonchalance, et qu'il est possible à leur sexe d'atteindre au sommet de la vertu. L'amour-propre et la persévérance sont dans la nature de cet être : de sorte que si la femme se laisse aller au vice, elle fait beaucoup de mal : si au contraire elle s'applique à la vertu , elle sacrifiera sa vie , avant de renoncer à sa résolution. C'est qu'Anne elle-même triompha de la nature, vainquit ainsi la nécessité, et par l'assiduité de sa prière , fit germer un enfant dans son sein d'abord impuissant. Aussi recourt-elle de nouveau à la prière, même après avoir été exaucée : Mon coeur, dit-elle, s'est affermi dans le Seigneur, ma corne a été exaltée en mon Dieu. (I Rois, II, 1.) Vous savez que l'autre jour (1) j'ai dévoilé à votre charité le sens de ces mots : Mon coeur s'est affermi dans le Seigneur: il faut maintenant vous expliquer les paroles qui suivent : après qu'elle a dit : Mon coeur s'est affermi dans le Seigneur, elle ajoute : Ma corne a été exaltée en mon Dieu. Qu'est-ce à dire, ma corne? L'Ecriture fait un usage perpétuel de cette expression, par exemple ici, ma corne a été exaltée (Ps. LXXIV, 11), et ici encore : La corne de son Christ a été exaltée. (I Rois, 11,10.) De quelle corne veut-elle donc parler? Elle entend par ce mot la puissance, la gloire, l'illustration , en vertu d'une comparaison avec certains animaux. En effet pour gloire et pour arme , ceux-ci n'ont reçu de Dieu que la corne, et s'ils viennent à la perdre, ils perdent du même coup presque toute leur force : un taureau sans cornes est comme un soldat désarmé; on s'en rend maître facilement. Anne n'entend donc point autre chose par cette expression : Ma gloire a été exaltée. Et comment a-t-elle été exaltée ? En mon Dieu, dit-elle. Dès lors l'élévation n'est plus dangereuse , car elle a un fondement solide, une racine inébranlable. En effet, la gloire qui vient des hommes reproduit en soi la faiblesse de ceux qui la décernent : aussi est-elle facilement renversée. II n'en est pas ainsi de celle qui vient de Dieu : celle-là demeure à jamais inébranlable. C'est de là que le Prophète, voulant montrer à la fois la fragilité de
1 Dans un sermon qui était le quatrième sur Anne et que nous non plus.
l'une et la solidité de l'autre, a dit : Toute chair est du foin, et toute gloire humaine est comme la fleur du foin. Le foin se dessèche et la fleur tombe. (Is. XL, 6, 7.) La gloire qui vient de Dieu est autre : mais encore ? La parole de Dieu persiste durant l'éternité. (Is. XL, 8.) Et c'est ce que prouve aussi l'exemple d'Anne. En effet, on oublie les rois, les généraux, les monarques, malgré tous leurs efforts pour immorta
4. Anne réunit ces deux avantages : elle jouit de la sécurité et eut la gloire en partage. Il en fut de même des trois jeunes gens (Dan. 3) : sauvés du feu , ils échappèrent au péril, et se couvrirent de gloire en triomphant, d'une manière surnaturelle, du pouvoir de cet élément. Tels sont les bienfaits de Dieu : ils procurent à la vie en même temps éclat et sécurité : et c'est à ces deux choses qu'Anne faisait allusion en disant : Mon coeur a été affermi dans le Seigneur, ma corne a été exaltée dans mon Dieu. Elle ne dit pas simplement : en Dieu, mais: dans mon Dieu, s'appropriant en quelque sorte le Maître commun de l'univers : et cela, non pour rétrécir l'empire de ce, Maître, mais pour attester son propre amour, et par une expression de tendresse. C'est ainsi qu'en usent généralement ceux qui aiment : ils ne se résignent point à aimer en compagnie de beaucoup d'autres : ils veulent montrer une affection exceptionnelle et propre à eux seuls. C'est le cas de David, lorsqu'il dit : Dieu, mon Dieu, je m'éveille à vous le matin. (Ps. LXII, 1.) En effet, après avoir nommé Dieu comme le Maître universel,. il le désigne ensuite par un mot qui indique sa domination particulière sur les saints. Dieu, mon Dieu, dit-il encore, écoutez-moi, pourquoi m'avez-vous abandonné? (Ps. XXI,1.) Et : ailleurs. Je dirai à Dieu : Vous êtes mon protecteur. (Ps. XC, 2.) Ces paroles sont d'une âme fervente,, enflammée, consumée par l'amour. Anne n'agit pas autrement. Mais que les hommes se comportent ainsi, il n'y a rien là d'étonnant. C'est en voyant Dieu faire de même, que vous pourrez être surpris. De même que ceux que j'ai cités ne l'invoquent point en commun avec d'autres, et veulent qu'il soit spécialement leur Dieu : ainsi Dieu lui-même ne se donne point pour être leur Dieu comme celui des autres; mais il prétend être spécialement le leur. De là ces expressions : Je suis le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob (Exod. III, 6) : loin de resserrer par là les bornes de son empire, il les recule plutôt : car ce n'est pas tant le nombre de ses sujets que leur vertu qui manifeste son pouvoir : il ne se plait pas autant à s'entendre appeler Dieu du ciel, de la terre, de la mer, et de leurs habitants, qu'à s'entendre nommer Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Et ce qui ne se fait pas chez les hommes, se voit, quand il s'agit de Dieu. Entendez-moi bien : chez les hommes les esclaves sont désignés par le nom de leur maître, et l'usage universel est de dire un tel, procureur de telle personne, un tel, intendant de tel général, de tel gouverneur : tandis que personne ne dit un tel, général de ce procureur; au contraire, nous désignons toujours l'inférieur par le nom du supérieur. C'est le, contraire lorsqu'il est question de Dieu. En effet, on ne dit pas seulement Abraham, serviteur de Dieu, mais encore le Dieu d'Abraham, et ainsi le Maître est désigné par lé nom de son esclave. Voilà ce qui étonnait Paul et lui dictait ces mots : C'est pourquoi Dieu n'a pas honte d'être appelé leur Dieu. (Héb. XI, 16.) Le Maître, fait-il remarquer, n'a pas honte d'être désigné par le nom de ses serviteurs. Pourquoi n'en a-t-il pas honte? Dites-nous-en la raison, afin que nous nous réglions sur ce modèle. Ils étaient étrangers et venus d'un autre pays, dit l'Apôtre. (Ibid. V, 13.) Eh bien ! c'était un motif pour avoir honte : car les étrangers passent pour obtenir peu de considération en d'égards. Mais ces saints n'étaient point des étrangers, de la manière que nous supposons , mais d'une certaine autre manière, tout à fait inouïe. Nous appelons, quant à nous , étrangers les hommes qui ont quitté leur patrie, et qui sont venus sur une autre terre : mais ceux dont nous parlons ne l'étaient point de cette manière : dédaigneux de l'univers entier, jugeant que la terre était peu de chose, ils élevaient leurs regards vers la cité qui est dans les cieux , non par présomption, mats par magnanimité , non par un fol orgueil, mais par philosophie. Car, après avoir considéré toutes les choses d'ici-bas, et s'être aperçus que tout s'écoule et périt, que rien, en ce monde , ne reste ferme et immuable, ni la richesse, ni la puissance , ni la gloire, ni (513) la vie même, mais que chaque chose a sa fin et court au terme qui lui est assigné en propre, tandis que les choses célestes sont immortelles et impérissables , ils prirent le parti de se rendre étrangers aux choses qui s'écoulent et qui passent, afin de s'attacher à ces autres choses qui demeurent. Ils étaient donc étrangers, non qu'ils fussent sans patrie , mais parce qu'ils soupiraient après la patrie éternelle. Paul lui-même fait allusion à cela dans ces paroles : Ceux qui parlent ainsi montrent qu'ils cherchent une patrie. (Héb. XI , 14.) Quelle patrie? Dis-moi. Est-ce l'ancienne patrie qu'ils ont quittée? Non, répond-il. S'ils s'étaient souvenus de celle d'où ils sortirent , ils auraient eu certainement le temps d'y retourner. Mais maintenant ils en désirent une meilleure, c'est-à-dire la céleste , dont Dieu est l'architecte et le créateur. Aussi Dieu ne rougit point d'être appelé leur Dieu. (Ibid. V, 15-16.) 5. Suivons donc, nous aussi, je vous y convie, l'exemple de ces saints; dédaignons les choses présentes, soupirons après les choses futures, prenons Anne pour institutrice, recourons constamment à Dieu, demandons-lui toutes choses. Car rien ne vaut la prière; c'est elle qui rend possible l'impossible, aisé ce qui est difficile, uni ce qui est hérissé d'obstacles. Le bienheureux David aussi la pratiquait; voilà pourquoi il a dit : Sept fois le jour je vous ai loué au sujet des arrêts de votre justice. (Ps. CXVIII, 164.) Si un roi, un homme accablé de soucis, distrait de toutes parts, invoquait Dieu tant de fois dans la journée, quelle serait notre excuse, notre titre à la miséricorde, à nous qui avons tant de -loisirs, si nous ne prions pas sans cesse, et cela, quand nous devons retirer de là un si grand avantage? Car il est impossible, oui, impossible qu'un homme qui prie avec la ferveur convenable, et qui invoque Dieu sans cesse, tombe jamais dans le péché; comment, je vais le dire. Celui qui a échauffé son coeur, réveillé son âme, qui s'est transporté au ciel, et qui, dans ces dispositions, a invoqué son Maître, qui s'est souvenu de ses péchés, qui en a demandé à Dieu la rémission, qui l'a supplié de lui être favorable et propice, celui-là pour prix du temps passé dans un tel entretien, est délivré de tout souci mondain, il prend des ailes, il s'élève au-dessus des passions humaines; s'il voit son ennemi après avoir prié, il ne voit plus en lui un ennemi ; s'il voit une belle femme, cet objet n'amollira pas son coeur; le feu de la prière encore vivant dans son âme fera fuir loin dé lui toute pensée coupable. Mais comme il est naturel à l'homme de se laisser aller à la négligence, lorsqu'une heure, une seconde, une troisième se seront écoulées depuis ta prière, et que tu verras ta ferveur en voie de s'éteindre insensiblement, hâte-toi de courir de nouveau à la prière, et réchauffe ton coeur refroidi. Si tu te comportes ainsi durant toute la journée, si, parla fréquence de tes prières tu as soin d'en attiédir les intervalles, tu ne donneras pas de prise au démon, ni d'accès dans ta pensée. Quand nous sommes à table et que nous voulons boire, si nous voyons l'eau qui a été chauffée se refroidir, nous la remettons sur le foyer, afin de la réchauffer promptement. Faisons de môme ici, et appliquant notre bouche à la prière, comme sur un lit de charbons, rallumons la piété dans notre coeur. Faisons comme les maçons. Se préparent-ils à bâtir en briques, vu la fragilité de leurs matériaux, ils serrent leur construction entre de longues poutres, et cela, non à de grands intervalles, mais à de très-faibles distances, afin de rendre leur assemblage de briques plus solide, grâce au grand nombre de ces solives. Fais de même, entremêle tous les actes de ta vie mondaine de fréquentes prières, et fortifie ta vie de toutes parts au moyen de ces étais multipliés. Si tu suis mon conseil, c'est en vain désormais que les vents se déchaîneraient en foule, que tu te verrais assailli de tentations, d'angoisses, de pensées importunes, de quelques fléaux que ce soit; rien ne pourra renverser une maison protégée par une telle charpente de prières. Et comment, dira-t-on, un homme du siècle, cloué à un tribunal, pourrait-il prier de trois en trois heures, et s'échapper vers l'ég
6. Agis de la sorte ; gémis amèrement , rappelle-toi tes péchés , lève les yeux au ciel, dis en toi-même : Dieu, ayez pitié de moi, et voilà ta prière faite. Car celui qui a dit : Pitié, a fait une confession, a reconnu ses propres péchés; en effet, la pitié est faite pour les pécheurs. Celui qui a dit : pitié pour moi a reçu le pardon de ses fautes ; car celui qui a obtenu pitié n'est point puni. Celui qui a dit : Pitié pour moi, a gagné le royaume des cieux ; car Dieu ne se borne point à exempter du châtiment celui dont il a pitié , il lui accorde en même temps les biens de la vie future. Gardons-nous donc de prétexter que la maison de prière n'est point dans notre voisinage, car la grâce de l'Esprit a fait de nous-mêmes, tant que nous restons sages, des temples de Dieu; de sorte que, de toutes parts, une grande facilité s'offre à nous. En effet, le culte n'est pas chez nous ce qu'il était précédemment chez les Juifs, abondant en cérémonies visibles, exigeant beaucoup de préparatifs. En ce temps-là, pour prier, il fallait monter au temple, acheter une tourterelle, avoir du bois et du feu sous la main, prendre un couteau, se présenter à l'autel, accomplir beaucoup d'autres prescriptions; ici; rien de pareil; en quelque endroit que vous vous trouviez, vous portez avec vous autel, couteau, victime, étant a la fois vous-même et le prêtre, et la victime, et l'autel. En quelque lieu que vous soyez, vous pouvez donc dresser l'autel, pourvu que vous apportiez à cela une âme bien disposée; pour cela, ni le lieu n'est un obstacle, ni le temps n'est une difficulté; quand, bien même vous ne fléchiriez point les genoux, vous ne vous frapperiez pas la poitrine, vous n'élèveriez point les mains vers le ciel, il suffit que vous ayez montré un coeur fervent ; votre prière est parfaite. Rien n'empêche une femme, en tenant sa quenouille, ou en ourdissant sa toile, d'élever sa pensée vers le ciel, et d'invoquer Dieu avec ferveur; rien n'empêche un homme qui vient sur la place ou voyage seul, de prier attentivement; tel autre, assis dans sa boutique, tout en cousant ses peaux, est libre d'offrir son âme au Maître; l'esclave, au marché, dans ses allées et venues, à la cuisine, s'il ne peut aller à l'ég
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