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HOMÉLIE III. CAR NOTRE GLOIRE, C'EST CE TÉMOIGNAGE DE NOTRE CONSCIENCE: QUE NOUS AVONS VÉCU DANS CE MONDE DANS LA SIMPLICITË ET LA SINCÉRITÉ DE DIEU, ET NON PAS SELON LA SAGESSE DE LA CHAIR, MAIS SELON LA GRACE DE DIEU. (CHAP. I, 12, JUSQU'A 22.)
Analyse.
1-2. Quelle grande consolation naît d'une conscience pure. Les promesses de Dieu ne trompent point : sa gloire même est intéressée à les réaliser.
3-5. Dieu nous a donné l'Esprit-Saint comme gage de sa fidélité.
6. L'Esprit-Saint fait de nous des rois, des prêtres, des prophètes.
7. Exemple d'Abraham, développé avec une rare éloquence.
1. Voici que l'apôtre nous présente un autre motif de consolation , et ce nouveau motif est bien propre à relever une âme plongée dans le malheur. Comme il avait dit plus haut: « Dieu nous a délivrés», et qu'il avait attribué sa délivrance à la divine miséricorde. et aux prières des fidèles; il était à craindre que les Corinthiens ne se relâchassent de leur ardeur, en Se reposant sur la bonté de Dieu et les prières de leurs frères; c'est pourquoi il leur montre que Timothée et lui ne sont pas restés oisifs, mais qu'ils ont fait ce qui dépendait d'eux. C'est ce qu'il leur laissait entendre auparavant : « De même », disait-il, « que les souffrances du Christ abondent en nous, de même abonde aussi notre consolation ». Ici il parle encore d'une autre bonne action qui lui est propre. Quelle est-elle? Partout, dit-il, nous avons conservé notre conscience sans reproche, notre âme pure de toute tromperie; et c'est là pour nous un puissant motif de consolation et d'encouragement. Non-seulement nous y puisons des consolations, mais ce qui vaut mieux encore, une véritable gloire. Ainsi leur apprend-il que dans les tribulations ils ne doivent point se laisser abattre, mais plutôt se glorifier, lorsque leur conscience ne leur adresse aucun reproche. Indirectement aussi il attaque les faux apôtres. Il disait dans l'épître précédente : « Le Christ m'a envoyé pour annoncer l'Evangile, non par la sagesse des discours, pour que la croix du Christ ne soit pas rendue vaine » ; et encore : « Pour que votre foi ne vienne point de la sagesse des hommes, mais de la puissance de Dieu ». (I Cor. I, 1.7, et II, 5.) Ici c'est encore la même pensée : « Non pas selon la sagesse.», dit-il, « mais selon la grâce du Christ ». Ces mots : « non pas selon la. sagesse », signifient encore non pas selon lerreur; et c'est la sagesse profane qu'attaque l'apôtre. « Notre gloire », dit-il, « c'est le témoignage de notre conscience » : c'est-à-dire, notre . conscience. ne peut nous condamner : nulle mauvaise action ne la trouble. Tous les maux viennent fondre sur nous; de toutes parts on nous attaque, on nous dresse des embûches; mais la pureté de notre conscience suffit pour nous consoler; et non-seulement pour nous consoler, mais pour, nous glorifier. Elle nous rend témoignage, en effet, que cette affliction n'est point le. châtiment de nos crimes, que Dieu lui-même nous l'a ménagée pour accroître notre vertu ; notre sagesse, et procurer le salut d'un grand nombre d'âmes. Le premier motif de consolation venait de Dieu ; celui-ci venait d'eux-mêmes et de la sainteté de leur vie. Aussi l'appelle t-il une gloire, et à juste titre, puisqu'il est l'effet de leur courage. En quoi cette gloire consiste-t-elle donc, et quel est (19) le témoignage que nous rend notre conscience? Elle nous dit. « que nous avons vécu dans la simplicité et la sincérité ». C'est-à-dire, que nous n'avons point trompé, que nous n'avons point été hypocrites, ni dissimulés, ni flatteurs, que nous n'avons jamais dressé d'embûches, ni tendu de piéges, ni commis d'injustices en quoi que ce soit;. que nous allons toujours agi avec franchise et droiture, avec une intention pure et exempte de toute malice, de toute ruse, au grand jour et sans aucune dissimulation. « Non pas avec la sagesse de la chair » , c'est-à-dire, non pas avec méchanceté et perversité, non pas avec l'habileté du langage, et la subtilité des sophismes car c'est là ce qu'il appelle la sagesse de la chair. Les faux apôtres mettaient en cela toute leur gloire; saint Paul repousse et rejette bien loin tous ces artifices; et il s'applique à faire voir qu'on ne doit point s'en glorifier, puisque lui-même, loin de les rechercher, les écarte et les déclare honteux. « Mais nous avons vécu selon la grâce de Dieu ». Que veulent dire ces paroles : « selon la grâce de Dieu? » Cette sagesse et cette puissance qu'il nous a données, nous la manifestons par des miracles. Bien plus, nous qui sommes sans instruction, dénués de toute science profane, nous triomphons des savants, des orateurs, des philosophes, des rois et des peuples. Quel motif de consolation, quel sujet de gloire pour l'apôtre et son disciple de pouvoir se dire qu'ils n'ont pas eu recours à la puissance de l'homme, pour faire le bien, mais uniquement à la grâce du Seigneur! « Dans le monde », non pas seulement à Corinthe, mais dans tout l'univers. « Mais plus abondamment auprès de vous ». Qu'est-ce à dire: « plus abondamment auprès de vous? » Ces paroles se rattachent aux précédentes : « Nous avons vécu selon la grâce de Dieu ». Car chez vous nous avons fait des prodiges et des miracles, nous y avons déployé plus de zèle et mené une vie irréprochable. C'est là encore un effet de. la grâce de Dieu ; c'est à elle qu'il attribue ses bonnes oeuvres. A Corinthe, l'apôtre était allé plus loin que les préceptes : pour. épargner leur faiblesse, il leur avait annoncé l'Evangile, sans rien recevoir d'eux. « Nous ne vous écrivons rien autre chose que ce que. vous lisez ou connaissez déjà (13) ». L'apôtre vient de se rendre à lui-même un magnifique témoignage, et pour ne point scandaliser les Corinthiens, il en appelle à leurs propres souvenirs. Ce n'est pas un vain étalage de paroles, dit-il; tout ce que nous vous disons, vous le savez déjà; et vous pouvez mieux que tous les autres rendre témoignage de notre sincérité. En lisant notre lettre, vous reconnaissez que nous ne faisons que rappeler des choses bien connues de vous. Vous ne pouvez nous contredire; mais tout ce que vous savez est parfaitement, d'accord avec ce que vous lisez : « Car vous nous connaissez , en partie du moins (14) ». C'est par modestie qu'il écrit ces derniers mots. Ces restrictions lui sont en effet habituelles, quand il est obligé de faire son propre éloge : il ne les emploie pas en d'autres circonstances; et si alors il en fait usage, c'est pour écarter tout soupçon d'orgueil. « Or, j'espère que vous me connaîtrez jusqu'à la fin ». 2. Voyez-vous comment le. passé garantit l'avenir, non-seulement le passé , mais encore la puissance de Dieu? Il n'affirme rien d'une manière absolue, mais c'est en Dieu qu'il met toute son espérance. « Vous connaissez que nous sommes votre gloire, comme vous êtes la nôtre, au jour de Jésus-Christ Notre-Seigneur ». Si les précédentes paroles avaient soulevé quelque mécontentement, tout mécontentement doit disparaître , maintenant qu'il associe les Corinthiens à ses oeuvres et à sa gloire. Ces oeuvres, elles ne sont pas seulement notre partage, dit-il, mais elles vous appartiennent aussi, et nous nous en renvoyons mutuellement la gloire. Il venait de faire son propre éloge. Le passé, disait-il, est une garantie pour l'avenir : il ne veut ni les scandaliser, ni les mécontenter, ainsi que je l'ai dit; et c'est pourquoi maintenant il les fait entrer en participation de sa gloire et du mérite de ses bonnes oeuvres. Notre gloire, dit-il, est aussi la vôtre; et en retour, à la vue de vos triomphes , nous tressaillons d'allégresse et nous partageons vos trophées. N'y a-t-il pas dans ces paroles une nouvelle preuve de son humilité? Ce n'est pas un maître qui parle à ses disciples, mais un disciple qui s'entretient avec ses condisciples sur le ton d'une amicale familiarité. . Mais voyez maintenant comme il les élève haut, quelle philosophie sublime il leur enseigne, en les renvoyant à ce terrible jour des jugements de Dieu ! Ne me parlez point du présent, leur dit-il, ni des outrages, ni des injures, (20) ni des railleries que vous subissez, ni des éloges dont vous êtes les objets. Qu'est-ce que tout cela? Qu'y a-t-il d'avantageux dans ces louanges, qu'y a-t-il de funeste dans ces outrages? Songez à ce jour terrible, à ce jour affreux où tout sera révélé. Alors nous nous glorifierons en vous, et vous vous glorifierez en nous; vous vous glorifierez d'avoir des maîtres qui ne vous auront rien enseigné d'humain, dont la vie aura été sans reproche et sans tache.; nous aussi , nous. serons heureux d'avoir eu des disciples qui, se tenant loin des missions humaines, n'auront jamais chancelé, et se seront empressés de recevoir avec franchise nos enseignements. Dès maintenant, il est vrai, tout cela est clair pour qui veut être attentif ; mais alors tous devront en être convaincus. Si donc aujourd'hui , nous sommes dans l'affliction, nous trouvons un puissant motif de consolation, dans le témoignage de notre conscience , et dans cette pensée qu'un jour tout sera manifesté. Maintenant notre conscience nous dit que tout ce que nous Taisons, nous le faisons par la grâce du Seigneur; et vous ne l'ignorez pas vous-mêmes; et vous le saurez encore mieux plus tard. Mais au jour du jugement, tous les hommes connaîtront vos actions et les nôtres, et verront que nous sommes glorifiés les uns par les autres. L'apôtre ne se réserve donc pas à lui seul cet éclat dont ses vertus l'environnent; il l'étend aussi sur les Corinthiens; il les distrait ainsi de la tristesse qui les accable. Il leur disait, tout à l'heure: C'est à cause de vous que nous sommes consolés; maintenant il leur attribue sa propre gloire : « C'est à cause de vous que nous nous glorifions», continuant de la sorte à les associer à tout ce qui le concerne, à ses consolations, à ses souffrances, à son salut; car c'est à leur prière qu'il attribue sa délivrance. « Vous nous avez aidés de vos prières », leur dit-il, « et Dieu nous a délivrés ». De même en cet endroit il partage sa gloire avec eux. Comme il disait plus haut : « Sachant que vous vous unissez à nos consolations, comme à nos souffrances » ; il leur dit encore maintenant : « Nous sommes votre gloire, comme vous êtes la nôtre. Et c'est avec cette persuasion que je voulais aller a vous voir (15)». De quelle persuasion sagit-il ? C'est que j'ai toute confiance en vous, je me glorifie en vous, je suis votre gloire, je vous aime, ma conscience ne me reproche rien; en moi tout est selon l'Esprit, et j'ai en vous d'irrécusables témoins. « Je voulais donc venir vous voir; et. de Corinthe passer ensuite en Macédoine (16).» Dans la première épître il leur annonçait tout le contraire : « J'irai vous voir », disait-il, « quand j'aurai traversé la Macédoine; car je traverserai la Macédoine »: Pourquoi donc se contredire ensuite? Non, l'apôtre ne se contredit pas. Sans doute ce qu'il écrit maintenant est opposé à ce qu'il écrivait précédemment, mais non pas à ce qu'il voulait alors. Aussi ne dit-il pas : « Je vous ai écrit que j'irais en Macédoine » ; mais bien: «Je voulais ». Bien que je ne vous l'aie pas dit dans ma lettre, tel était cependant mon désir et. ma volonté. Et j'étais si éloigné de songer à différer l'accomplissement de ma promesse, que j'ai voulu le hâter. « Pour que vous ayez une seconde faveur ». Que veut-il dire par là? une seconde faveur: c'est-à-dire une double faveur : son épître d'abord , sa présence ensuite. Par faveur, il entend la joie qu'il leur causera. « Et de Corinthe je passerai en Macédoine, de Macédoine je reviendrai au milieu de vous, et je prendrai ensuite congé de vous pour aller en Judée. En vous faisant cette promesse, ai-je agi légèrement (17)? » 3. Ici il repousse tout reproche au sujet de son retard et de son absence. Voici la pensée de l'apôtre : Je voulais aller vous voir; pourquoi donc ne l'ai je pas fait? Est-ce par légèreté et par inconstance ? Non; certes. Pourquoi donc? « Parce que les pensées que je médite ne sont point des pensées charnelles »; qu'est-ce à dire : « ne sont point des pensées charnelles? » c'est-à-dire : « chez moi , oui c'est oui; et non, c'est non ». Mais ici encore il y a quelque obscurité. Que signifient donc ces paroles? L'homme charnel,'l'homme qui s'attache aux biens de ce monde, et qui s'en occupe sans cesse, qui jamais ne suit les mouvements de l'Esprit-Saint, peut bien errer dans sa marche ; mais le serviteur de lEsprit-Saint, l'homme qu'il inspire et qu'il dirige n'est point maître de ses résolutions : il dépend de cette puissance surnaturelle. Il ressemble à ce serviteur fidèle qui suit, en tout les ordres de son maître, qui va où il l'envoie, qui n'a plus de volonté propre, qui ne s'est pas même réservé la faculté de respirer librement ; s'il fait quelque promesse à d'autres serviteurs, et que le maître ensuite en ordonne autrement, il ne peut (21) plus tenir ce qu'il a promis. C'est donc parce que je ne prends point conseil de la chair et que je me laisse diriger par l'Esprit-Saint, que je ne suis point libre d'aller où je veux. Car je me soumets à l'empire et aux ordres du Paraclet, et j'accepte en tout ses décisions. Voilà pourquoi je n'ai pu aller vous voir : c'est .que tel n'était pas le bon vouloir de l'EspritSaint. On voit aussi dans le livre des Actes que souvent l'apôtre dut ne pas tenir sa promesse il se proposait de se rendre en quelque ville, et l'Esprit-Saint l'envoyait ailleurs. Il ny a donc ni légèreté, ni inconstance de ma part, si je ne suis pas allé à Corinthe, mais je devais obéir à l'Esprit, auquel je me soumets toujours. Ne reconnaissez-vous point le raisonnement habituel de l'apôtre? De ce qu'il n'avait pas tenu sa promesse, ses adversaires voulaient conclure qu'il suivait les conseils de la chair; et c'est en partant de cette apparente violation de sa promesse qu'il leur montre son obéissance aux mouvements du Saint-Esprit, et qu'il leur prouve que se conduire autrement t'eût été agir, selon la chair. Mais, direz-vous, n'est-ce pas l'Esprit-Saint qui lui avait inspiré cette promesse? Non. Paul ne savait point tout ce qui pouvait arriver, ni tout ce qui pouvait être avantageux. C'est. pourquoi, dans sa première épître, il disait aux Corinthiens : « Afin que vous me conduisiez, en quelque lieu que j'aille » (I Cor. XVI, 6), craignant sans doute qu'après avoir mentionné la Judée; il ne fût obligé d'aller ailleurs. Alors toutes ses espérances avaient été. déçues; mais il peut dire maintenant que son intention était de passer ensuite en. Judée. Dans la première épître il leur dit expressément ce que sa charité pour eux lui dicte en leur annonçant sa visite; mais qu'ensuite il se, rendit en Judée ou ailleurs, peu leur importait,-èt C'est pourquoi il ne détermine aucun pays. Maintenant qu'il sait clairement qu'il passera en Judée , il n'hésite plus à le leur dire. Ces hésitations tournaient à l'avantage de; Corinthiens; elles les empêchaient d'avoir de l'apôtre une opinion exagérée. Si en effet, malgré tout cela, on voulut parfois lui offrir des sacrifices, à quel excès d'impiété ne se fût-on point porté, si les apôtres n'eussent donné mille preuves de la faiblesse naturelle à l'homme? Ne vous étonnez point que, l'apôtre ait ignoré certains faits à venir; dans ses prières, n'ignore-t-il point ce qui lui est avantageux? « Nous ne savons pas, dit-il, ce qu'il nous est expédient de demander ». (Rom. VIII, 26.) Ce qu'il. dit, non-seulement pour donner une bonne opinion de sa modestie, mais encore pour montrer qu'il ignore ce qui est véritablement utile. Et en quelles circonstances l'a-t-il ignoré? Quand il demandait à Dieu d'être délivré de ses tentations. Voici ses paroles : « Et je sentis l'aiguillon de la chair, l'ange de Satan qui me souffletait. C'est pourquoi je priai trois fois le Seigneur, et il me dit : Ma grâce te suffit; car ma puissance se montre toute entière dans tes infirmités ». Vous le voyez donc, il ne savait pas demander ce qui était expédient. Aussi ne fut-il peint exaucé, malgré sa persévérance. « Dieu, qui est fidèle, m'est témoin qu'il n'y a point eu de oui et de non dans la parole que je vous ai annoncée (18) ». Il prévoit une objection qu'il se hâte de détruire. Les Corinthiens pouvaient dire en effet : Si après nous avoir promis de venir, vous avez cependant mis tant de retard, et qu'ainsi on ne puisse pas se fier à votre parole, si vous renversez ensuite ce que vous avez établi, comme vous l'avez fait en cotte occasion; malheur à nous! Peut-être en sera-t-il de même pour la prédication de l'Evangile? Pour prévenir cette pensée, et le trouble qu'elle eût produit, il leur dit donc « Dieu m'est témoin qu'il n'y a pas de oui et de non dans la parole que je vous ai annoncée ». Ce qui s'est passé relativement à ma promesse, n'a pas lieu dans la prédication de l'Evangile, mais seulement dans la direction de mes voyages. Tout ce que nous vous avons enseigné demeure ferme et immuable. Il s'agit ici de la prédication de l'Evangile. Et il donne une preuve certaine de la vérité .de ses,enseignements, en rapportant à Dieu cette prédication tout entière. Voici le sens de ses paroles. C'est de moi-même que je vous ai promis d'aller à Corinthe, et cette promesse était tolite spontanée. Mais ce n'est pas de moi-même que je vous ai prêché l'Evangile; cette prédication n'a rien d'humain, elle est toute divine. Or ce qui. vient de Dieu ne peut être sujet au mensonge. Aussi l'apôtre dit-il : « Or Dieu est fidèle », c'est-à-dire, véridique. C'est pourquoi vous ne pouvez vous défier, d'enseignements qui viennent de lui : car ces enseignements n'ont rien d'humain. Quelle parole il a en vue, il l'expose dans ce qui suit.
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4. Quelle est donc cette parole? « Le Fils de Dieu qui vous a été annoncé par nous, par Silvain, Timothée et moi, n'a pas été oui et non (19) ». Il met en avant, les prédicateurs eux-mêmes, pour donner plus de crédit à son témoignage, et pour l'appuyer sur les maîtres aussi bien que sur les disciples. Or, Timothée et Silvain étaient eux-mêmes disciples de l'apôtre; c'est par modestie qu'il les élève au rang des maîtres. Que signifient ces paroles : « Le Fils de Dieu n'a pas été oui et non? » Il veut dire : Je n'ai pas renversé ce qu'auparavant je vous avais annoncé dans mes prédications ; je ne vous ai pas dit tantôt une chose, tantôt une autre : ce n'eût plus été la foi de l'Evangile; mais la marque d'une âme qui s'aventure au hasard. « Mais le oui est en lui ». C'est-à-dire, ma parole n'a pas varié; elle demeure ferme et immuable. « Toutes les promesses de Dieu sont en lui OUI et en lui AMEN, pour la gloire de Dieu par notre organe (20) ». Qu'est-ce à dire : « Toutes les promesses de Dieu? » La prédication de l'Evangile faisait de nombreuses promesses; et c'étaient les apôtres qui annonçaient l'Evangile et faisaient ces promesses. Ils avaient parlé de la résurrection, de l'assomption des corps désormais incorruptibles, des récompenses éternelles et de ces biens mystérieux du ciel. Or, toutes ces promesses, l'apôtre les déclare fermes et immuables : le « oui » et le « non » ne s'y succèdent point; ce qui signifie : Ce que je vous ai dit n'est pas tantôt vrai, tantôt faux, comme la promesse que je vous faisais d'aller vous voir; mais ce que je vous ai prêché demeure toujours vrai. Il l'affirme d'abord des dogmes de la foi et de son. enseignement sur Jésus-Christ : Ma parole, dit-il, et me prédication n'ont pas été tour ù tour joui et non »; ensuite il l'affirme des promesses : « Toutes les promesses de Dieu », dit-il, « sont en lui OUI ». Si les promesses de Dieu sont sûres, s'il n'est pas douteux qu'il donne ce qu'il a promis, à plus -forte raison Dieu lui-même et la parole qui le concerne sont-ils immuables et sûrs; et l'on ne peut pas dire que tantôt il est d'une manière, tantôt. d'une autre : non, il est toujours, et toujours le même. Que veulent dire ces mots : « Sont en lui OUI et en lui AMEN ? » Ils expriment ce qui doit arriver nécessairement. C'est par Jésus-Christ, et non point par la puissance dé l'homme que doivent se réaliser ces promesses. N'ayez donc aucune crainte : s'il s'agissait d'un homme, vous pourriez hésiter; mais c'est Dieu lui-même qui a parlé, et il tiendra sa parole. « Pour la gloire de Dieu par nous ». Qu'est-ce à dire? C'est par nous qu'il les accomplit, c'est-à-dire, par les bienfaits qu'il nous accorde en vue dé sa gloire. Mais si Dieu a en vue sa propre gloire, nul doute qu'il ne tienne ses promesses. Quand même il dédaignerait de nous sauver, il ne,peut cependant mépriser sa gloire. Mais d'ailleurs n'est-il pas tout plein de, miséricorde envers nous? Notre salut n'est-il pas lié très-intimement à sa gloire, puisque notre salut le glorifie? Si donc la gloire de Dieu dépend de ses promesses, notre salut est infaillible. C'est la même pensée quil reproduit sans cesse dans son épître aux Ephésiens, quand il dit, par exemple : « Pour l'augmentation de sa propre gloire ». (Eph. I, 14.) Et cette pensée si souvent répétée a pour but de prouver l'infaillibilité des divines promesses. C'est encore ce que l'apôtre se propose en cet endroit : Les promesses de Dieu, non-seulement nous procurent le salut, mais encore elles servent à le glorifier. Ne vous dites doit plus : ces promesses nous viennent de l'apôtre, et c'est pourquoi nous devons nous en défier. Ce n'est pas nous qui les réaliserons, mais Dieu lui-même. Elles viennent de lui; ce n'est pas noirs qui avons promis, mais Dieu lui-même. « Or, celui qui nous confirme, avec vous dans le Christ, celui qui nous a oints, c'est Dieu; et il nous a marqués de son sceau, et il nous a donné un gage par l'Esprit-Saint qu'il a répandu dans nos coeurs (21,22) ». Le passé est encore ici garant de l'avenir. Si en effet c'est Dieu qui nous confirme dans le Christ, c'est-à-dire, s'il ne permet pas que notre foi soit ébranlée, s'il nous a oints lui-même, s'il a répandu son Esprit dans nos coeurs, comment ne nous donnera-t-il pas les biens à venir? Ces premières grâces, la foi en Dieu, la réception de l'Esprit-Saint, ne sont-elles pas comme la racine, le fondement, la source des autres? Comment donc ne nous. donnerait-il pas les biens qui en sont la conséquence? Si en effet les bienfaits qui précèdent ne nous sont accordés qu'en vue d'autres bienfaits qui doivent suivre, Dieu qui nous a accordé les premiers, nous. accordera aussi les seconds. Il nous a comblés de faveurs, quand nous étions ses ennemis ; maintenant que nous sommes (23) devenus ses amis, ne se montrera-t-il pas plus généreux encore? Aussi ne dit-il point simplement : le Saint-Esprit, mais : « le gage de l'Esa prit-Saint » ; afin que ce gage vous assure tout le reste. Non, s'il n'avait voulu voua donner tout le reste, il ne vous aurait point donné ce gage, et n'aurait pas en vain répandu et perdu, pour ainsi dire, son esprit dans vos coeurs. Et voyez la bonne foi de l'apôtre. A quoi bon dire, remarque-t-il, que la vérité des promesses de Dieu ne dépend point de nous ? Votre constance, votre inébranlable fermeté, est-ce à nous que obus la devez? non, mais à Dieu seul : « Car celui qui vous confirme, c'est Dieu ». Ce n'est donc pas nous qui 'vous affermissons; et nous-mêmes, n'avons-nous pas besoin de .son secours pour persévérer dans nôtre constance? Ainsi donc n'hésitez pas à croire nos enseignements; c'est Dieu qui s'est chargé de tout, c'est de lui que tout dépend. 5. Que signifient ces paroles: « Qui nous a oints et marqués de son océan? » C'est-à-dire, Dieu nous a donné son Esprit, et cet Esprit nous a oints et marqués de son sceau, nous faisant ainsi. prophètes, prêtres et rois; car prophètes, prêtres et rois recevaient autrefois l'onction sainte. Pour nous, ce n'est pas une seule de ces dignités, mais les trois ensemble qui nous sont conférées et dans un degré supérieur. Car nous sommes appelés à régner un jour, et en offrant nos corps comme victimes, nous devenons prêtres : « Offrez », nous dit l'apôtre; « offrez vos membres, comme des hosties vivantes et agréables à Dieu». (Rom. XII, 1.) De plus nous sommes établis prophètes : « Ce que l'oeil n'a point vu, ce que loreille n'a point entendu, voilà ce qui nous a été révélé ». (I Cor. II, 9.) Nous sommes rois encore, si nous voulons commander à nos mauvaises pensées. Oui, celui qui commande à ses pensées mauvaises, est vraiment roi, il règne plus véritablement que celui dont la tête est ceinte du diadème : je veux vous le prouver. Le roi a de nombreuses armées, il est vrai ; mais nos pensées sont encore plus nombreuses. Impossible en effet de compter les pensées qui sont dans notre esprit. Non-seulement il y a en nous une multitude de pensées; mais ces pensées ont leurs généraux, leurs tribuns, leurs. centurions, leurs archers, leurs frondeurs. A quel signe encore reconnaissez-vous un roi? A ses vêtements? Mais les vêtements de nos pensées ne sont-ils pas plus brillants et plus durables? Ni la teigne, ni la vétusté ne les rongent. Bien plus elles ont pour couronnes la gloire et les miséricordes du Seigneur. « Bénis le Seigneur, ô mon âme », s'écrie David, « parce qu'il te couronne de bonté et de miséricorde ». (Ps. CII, 2, 4.) « Vous l'avez couronnée », dit-il encore, « de gloire et d'honneur, et vous fui avez donné votre bonté pour bouclier et pour diadème ». (Ps. V,13.) Il forme autour d'elles comme une couronne de grâces : « Vous recevrez », dit l'Ecriture, « une couronne de grâces sur votre tête ». (Prov. I, 9.) Voyez-vous quelle variété de couronnes, quel gracieux diadème ! Mais entrons dans le détail, et examinons avec soin ce qui entoure les rois. Le roi domine sur tons ceux qui lui font cortége, et commande à tous ses sujets. Or je veux vous montrer ici un commandement bien plus étendu. Quant à la multitude des pensées elle est égale à celle des sujets, elle la surpasse même; comparons donc la soumission des unes et des autres. Ne produisons point ces rois déchus de leurs trônes, ou tués par leurs satellites. Non, n'en tenons pas compte, et ne mettons en parallèle que ces rois qui ont bien 4dministré leurs royaumes. Supposez tous ceux qu'il vous plaira; je me contenterai, moi, de mettre en regard le seul patriarche Abraham. Lorsqu'il reçut l'ordre d'immoler son fils, que de pensées, dites-moi, vinrent s'opposer à sa résolution ! Il les fit taire cependant, et elles tremblèrent devant lui plus que des satellites devant leur roi; d'un seul regard, il les comprima toutes, et pas une n'osa murmurer; toutes baissèrent la tête, comme si elles eussent cédé devant un roi, et cependant qu'elles étaient violentes et emportées ! Oui, moins horribles, moins redoutables sont les piques dont se hérisse toute une armée. N'inspirait-elle point plus d'horreur que des lances acérées, cette pitié que soulevait la nature; et ne pouvait-elle pas s'enfoncer dans l'âme plus avant que la pique la plus aiguë? Jamais on ne verra pointe plus acérée que les pointes de ces pensées qui jaillissent du fond du coeur et se dressant devant l'âme du juste, la transperçaient toute entière. Une lance, pour donner la mort, a besoin de temps, d'une résolution à prendre, d'un coup à frapper, d'une douleur à causer, et la mort ne vient qu'après; mais ici rien de tout cela n'était nécessaire, tant les (24) blessures étaient promptes et cuisantes. Et cependant, malgré tant de pensées armées contre lui, son âme était calme, et toutes ces pensées, rangées en bon ordre, l'honoraient, au lieu de le terrifier. Voyez-le donc brandir son épée; et comparez-lui qui vous voudrez, un Auguste, un César. Non, ils ne peuvent soutenir le parallèle, et leur attitude est moins sublime, moins digne des cieux. C'est de la plus violente tyrannie que ce juste a su triompher. Quoi de plus tyrannique que la nature? Rassemblez par la pensée tous ceux qui ont donné la mort à quelque tyran, vous n'en trouverez aucun qui lui puisse être comparé. Cette victoire était plutôt la victoire d'un ange que celle d'un homme. Voyez en effet ! Là nature est terrassée malgré ses armes, malgré ses légions; et lui se tient debout; le bras levé,.ayant, non pas une couronne, mais un glaive dont l'éclat surpasse celui des couronnes; la troupe des luges applaudissait, et du haut des cieux Dieu le proclamait vainqueur. Toute son âme se portait vers les cieux, et c'est de là aussi que lui vint son triomphe. Quel triomphe est plus glorieux; ou plutôt quel triomphe est comparable à celui-ci? Aux jeux Olympiques, si, au lieu d'un héraut, le roi lui-même se levant de son trône eût proclamé le 'vainqueur, l'athlète n'eût-il pas été plus fier de cet hommage que de toutes. ces couronnes, et n'eût-il pas attiré bien mieux sur lui tous les regards? Ici ce n'est pas un roi mortel, c'est Dieu, qui proclame bien haut, non pas sur un théâtre de peu détendue, mais en présence de l'univers, en présence, des anges et des archanges, la victoire que vient de remporter Abraham. A quelle hauteur, je vous le demande, ce juste ne s'est-il donc pas élevé? Ecoutons, si vous le voulez, la voix da Seigneur. Que disait-elle? « Abraham, Abraham, n'étends point ton bras sur Isaac, ne lui fais point de mal. Je sais maintenant que tu crains le Seigneur, puisque pour moi, tu n'as pas épargné ton fils unique ». (Gen. XXII, 12.) Que veut-il dire? Celui qui sait toutes choses avant qu'elles aient lieu, commençait-il seulement alors : à connaître la foi d'Abraham? Les hommes mêmes connaissaient sa piété : n'en avait-il pas donné une preuve éclatante, quand le Seigneur lui eut dit : « Sors de ton pays et de ta parenté» (Gen. XII, 1.); quand, en vue de la gloire de Dieu, il céda la place. qu'il occupait au fils de son frère; quand, sur l'ordre de Dieu, il se rendit en Egypte, où il se vit enlever son épouse, sans concevoir d'indignation, et dans tant d'autres circonstances?, Oui, les hommes eux-mêmes avaient appris par là à connaître la piété d'Abraham ; à plus forte raison Dieu ne l'ignorait pas, lui qui n'attend pas l'accomplissement des faits pour les savoir. Et comment l'eût-il déclaré juste, s'il n'eût. apprécié sa justice? « Abraham crut, dit l'Ecriture, et sa foi lui fut réputée à justice». (Rom. IV, 3.) Que signifient donc ces paroles : « Maintenant j'ai reconnu ? » Le texte syriaque porte : « Maintenant tu as fait connaître», sous-entendez : aux hommes, car moi je te connaissais, même avant de t'avoir intimé cet ordre. Pour quoi donc manifester sa foi aux yeux des hommes? ses précédentes actions ne suffisaient-elles pas pour prouver son dévouement au Seigneur? Sans doute elles suffisaient. Mais ce dernier acte d'obéissance est tellement supérieur aux autres qu'ils ne paraissent plus rien à côté de lui. Ce fut donc pour faire ressortir la grandeur de cette action et pour en montrer lincomparable sublimité, que Dieu prononça ces paroles. 6. N'est-ce pas ainsi que s'expriment les hommes, en présence de quelque action d'éclat et qui l'emporte sur les précédentes? Si, par exemple, on reçoit un présent d'une plus grande valeur que lés autres, ne dit-on pas : je n'en doute plus, il m'aime. Ses sentiments étaient bien connus par avance; mais on veut exprimer par là que le dernier présent l'emporte en richesse sur tous ceux qui ont précédé. Dieu emprunte ici le langage des hommes, quand,il dit : « Maintenant je sais ». Ce qu'il veut faire entendre, c'est la grandeur du combat, et non pas seulement la certitude qu'il a de la crainte d'Abraham ou de l'étendue de cette crainte. S'il dit : « Venez, descendons et voyons» (Gen. XI, 7); ce n'est pas qu'il ait besoin de descendre, lui qui remplit l'univers et à qui rien n'échappe; mais il veut nous apprendre à ne point nous prononcer témérairement. De même aussi quand l'Ecriture dit : « Dieu a regardé du haut du ciel» (Ps. XIII, 2), elle emprunte cette métaphore à notre manière de parler, et désigne. par ces mots, une connaissance approfondie. De même en cet endroit le Seigneur dit : « Je sais maintenant »; pour faire voir que cette marque de (25) soumission éclipse toutes les autres. Oui, elle éclipse toutes les autres, et la preuve se trouve dans les paroles qui suivent : « Parce que à a cause de moi tu n'as pas épargné ton fils bien-aimé » ; non pas seulement: «ton fils » ; mais « ton fils bien-aimé ». Ce n'est pas seulement la nature que combat Abraham, mais encore cette tendresse si vive que lui -inspiraient les moeurs et la rare vertu de cet enfant, Si les,parents ne peuvent se résoudre à repousser des fils dépravés, s'ils répandent des larmes sur eux; que dire de, cette admirable sagesse d'Abraham, quand nous le voyons sur le point d'immoler son fils, son fils unique, son fils bien-aimé, Isaac en un mot? Cette victoire n'est-elle pas mille fois plus glorieuse que tous les diadèmes, que toutes les couronnes? Celui qui porte une couronne; se la voit enlever parles mains de la mort, et avant de mourir, mille dangers l'environnent. Pour Abraham, qui pourra d'entre ses proches, ou d'entre les étrangers, lui enlever, même après la mort, le diadème qui orne son front? Mais contemplez le plus précieux des diamants qui le composent. Il s'y trouve placé en dernier lieu comme le plus riche de tous. Quel. est-il donc? Le voici : a à cause de moi ». Rien de bien admirable qu'il n'ait pas épargné son fils; ce qu'il y a de plus digne d'admiration, c'est quil l'ait fait à cause de moi. O heureuse main ; quelle épée on te donne ! O admirable épée, à quelles mains on le confie ! O heureuse épée, à quelle oeuvre on te destine ! quel ministère elle remplit, quelmystère elle figure ! Pourquoi est-elle teinte de sang, pourquoi n'est-elle pas teinte de sang? Je ne sais plus que dire, tant ce mystère était redoutable. Elle n'effleura pas même la peau de l'enfant, elle ne s'enf6nça point dans sa gorge, elle ne se. teignit point de son sang; ou plutôt elle frappa, elle s'enfonça, elle se couvrit de sang; elle fut plongée dans le sang et n'y fut point plongée. Il vous semble que je m'égare en me contredisant de la sorte. Ah ! sans doute, je suis hors de moi, quand je contemple ce merveilleux spectacle , et cependant je ne me contredis point. Car la main de l'homme juste a enfoncé le glaive dans la gorge de lenfant; mais ce glaive, Dieu ne permit pas qu'il fût souillé du sang d'Isaac. Abraham n'était pas seul à le tenir; Dieu le tenait en même temps qu'Abraham ; le patriarche l'enfonça par sa volonté; Dieu le retint par sa parole. La voix de Dieu arma la main d'Abraham et la retint ensuite. Dieu commandait en. maître; soumise à ses .ordres, elle les. exécutait. fidèlement, et se laissait diriger par sa voix. Voyez en effet: Dieu commande d'immoler; elle s'arme aussitôt. Il dit ensuite : ne frappe pas; aussitôt elle est désarmée : car alors l'épreuve était suffisante. Dieu devait désormais montrer à l'univers, à l'assemblée des anges, ce soldat, ce général victorieux, ce prêtre, ce roi, que son glaive couronne mieux que ne ferait un diadème, qui élève un brillant trophée, qui remporte une éclatante victoire, sans avoir eu d'ennemis à terrasser. Un général, qui a sous ses ordres une vaillante armée, par son habileté, par sa seule attitude, par le seul aspect, de sa force, frappe son ennemi de terreur; ainsi Dieu par la résolution, par les gestes, par l'attitude de l'homme juste, épouvante et met en fuite notre ennemi commun, le démon. Qui, à ce moment, le démon recula saisi d'effroi. Mais, dira-t-on, pourquoi Dieu ne permit-il pas que la main d'Abraham se teignît du sang de la victime, pourquoi rappelle-t-il Isaac à. la vie ? C'est que Dieu ne pouvait accepter ce sang répandu; un tel breuvage ne doit être servi que sur la table infâme des démons. A ce moment éclataient à la fois la bonté de Dieu et la vertu de son serviteur. Naguère il avait abandonné sa patrie; maintenant il sacrifie jusqu'aux sentiments de la nature. Aussi obtint-il sa récompense, le capital et les intérêts, si je puis m'exprimer de la sorte, et à juste titre; il aima mieux cesser d'être père que de manquer à ses devoirs de serviteur. C'est pourquoi non-seulement il demeura père, mais il devint prêtre; et comme il avait renoncé à ses propres avantages à cause de Dieu, Dieu se plut à l'enrichir de ses dons. Quand les ennemis dressent des embûches, il les laisse aller jusqu'au bout, et il fait un miracle. Mais quand c'est lui-même qui commande, il retire son ordre, dès que la bonne volonté s'est manifestée. 7. Eh bien ! je vous le demande, que manque-t-il à la générosité d'Abraham? Le saint patriarche pouvait-il prévoir ce qui arriverait Savait-il quels étaient les desseins dé la divine miséricorde? Il était prophète, je le veux bien; mais les prophètes ont une science limitée. L'immolation devenait donc inutile et indigne de Dieu. S'il lui fallait apprendre que Dieu est (26) assez puissant pour ressusciter les morts, la fécondité miraculeuse de son épouse ne le lui disait-elle pas assez ? Et même avant cette éclatante manifestation de la puissance divine, sa foi ne le lui apprenait elle pas? Ne vous contentez pas d'admirer la justice d'Abraham, imitez-la. Quand vous levoyez voguer sur -ces flots tumultueux, comme sur une mer paisible, saisissez aussi le gouvernail de l'obéissance et du courage. Ne me dites pas qu'il se contenta de dresser un autel et de préparer le bois; rappelez en votre mémoire les paroles d'Isaac, songez à cette légion de pensées qui envahit son âme et la glace d'épouvante à ces paroles de son fils : « Mon père, où est donc la victime? » (Gen. XXII, 7.) Que de pensées agitent alors son âme ! ce sont comme amant de javelots enflammés qui la percent et la déchirent. Si j'en vois qui sans être pères sont émus à ce récit, et qui eussent versé des larmes, s'ils n'avaient connu le dénouement, si j'en vois, qui malgré le dénouement fondent en larmes, quel tourment ne dut pas endurer celui qui l'avait engendré, qui l'avait élevé dans sa vieillesse, qui n'avait que lui, qui le voyait, qui l'entendait, qui était sur le point de lui donner la mort? Mais ensuite, quelle sagesse et quelle douceur dans sa réponse ! Qui donc inspirait Abraham ? était-ce le démon qui ravivait les ardeurs de la nature? Non, c'était Dieu qui voulait éprouver l'âme si riche de l'homme juste. Quand l'épouse de Job élevait la voix, c'était le démon qui l'inspirait : les conseils qu'elle donne le font bien voir. Mais Abraham ne prononce pas une seule parole impie; tout dans son langage respire la piété et la religion. Il y a même je ne sais quelle grâce et quel parfum; de cette âme calme et paisible le miel coule avec abondance; el il y a dans ses paroles de quoi toucher le coeur le plus dur. Et cependant le sien résiste; il n'est pas même ébranlé. Il ne dit pas : Pourquoi appeler du nom de père celui qui tout à l'heure ne sera plus ton père, qui déjà même a perdu ce doux honneur? Et pourquoi le fils a-t-il fait cette demande? Ce n'était pas simplement par curiosité; mais parce que tout ce qu'il voyait, était de nature à lui donner de l'inquiétude. Voici ce qu'il se disait : « Si mon père n'avait l'intention de me faire participer à son action, il n'aurait point laissé ses serviteurs au pied de la montagne pour m'emmener seul avec lui ». Et c'est pourquoi il l'interroge, alors qu'ils étaient seuls, et que personne ne pouvait les entendre. Telle était la prudence de cet enfant. Eh bien ! qui que vous soyez, hommes et femmes, ne sentez-vous point,vos âmes. tout embrasées? Ne serrez-vous point dans vos bras, ne couvrez-vous point dé vos baisers cet enfant dont la prudence est si admirable? n'êtes-vous point émus, à la vue de tant de douceur? On le lie, on l'étend sur le bûcher : il ne s'effraie point, il ne fart aucun mouvement, il ne reproche pas à son père sa cruauté. Oui, on l'enchaîne, on se saisit de lui, on le place sur le bûcher; et il souffre tout cela sans rien dire, comme un tendre agneau, ou plutôt, comme le Sauveur, nôtre maître commun, Car il imitait la douceur du Messie dont il était la figure. « Il a été conduit à la mort », dit le prophète, « et il s'est tu comme l'agneau « devant celui qui le tond ». (Isaïe, LIII, 7.) C'est-à-dire, il n'a montré ni arrogance ni dureté dans ses paroles, mais au contraire la plus grande douceur et la plus grande, mansuétude : son silence en eût moins manifesté. Le Christ ne disait-il pas : « Si j'ai mal parlé, témoignez du mal que j'ai dit; mais si. j'ai bien parlé, pourquoi me frappez-vous? » (Jean, XVIII, 23.) N'y a-t-il pas dans ces paroles plus de douceur que dans le silence même? Du haut de-la croix il parle comme Isaac de l'autel où son père l'a placé..« Mon père», dit-il, « pardonnez-leur : car ils ne savent ce qu'ils font»; (Luc, XIII, 31.) Et que dit le patriarche? « Dieu y pourvoira, mon fils, et trouvera bien une victime ». (Gen. XXII, 8.) Tous deux emploient les noms que suggère la nature : l'un, celui de père, l'autre, celui de fils. De part et d'autre je vois une guerre terrible, une affreuse tempête; mais le navire n'est point brisé: la . sagesse triomphe de tout. A peine Isaac a-t-il entendu le nom de Dieu, il se tait, et ne pose plus de questions. Voyez quelle était la prudence de cet enfant, quelle était sa sagesse dans un âge si tendre ! Vous avez vu maintenant toutes les armées dont le roi a su triompher, toutes les victoires qu'il a remportées. Ces peuples barbares qui ne cessaient d'assiéger la ville de Jérusalem, étaient moins terribles que ces pensées qui de toutes parts venaient fondre sur l'âme d'Abraham ; et cependant il les subjugua toutes. Voulez-vous maintenant que je vous montre le prêtre? je ne serai pas long. Il tient la flamme (27) et le glaive, il est debout devant l'autel; vous ne pouvez mettre en doute son sacerdoce. Est-ce la victime que vous cherchez? Voici une double victime. Il offrit son fils, il offrit une brebis, on plutôt, et surtout, il immola sa volonté propre; par le sang de la brebis, il sanctifia ses mains; par l'immolation de son fils, il sanctifia son âme. Ainsi fut-il fait prêtre par l'immolation de son fils unique, et par le sang de cette brebis. Les prêtres en effet étaient sanctifiés par le sang des victimes offertes au Seigneur. Voulez-vous voir le prophète dans Abraham? « Abraham votre père tressaillit du désir de voir mon avènement; il le vit, et fut rempli de joie».. (Jean, V, 35.) Vous aussi, le baptême vous fait rois, prêtres et prophètes; il vous,fait rois, quand vous terrassez vos mauvaises actions, et que vous donnez la mort à vos péchés; il vous fait prêtres, quand vous sacrifiez votre corps, vous immolant ainsi vous-mêmes. « Si en effet »; dit saint Paul, « nous mourons avec Jésus-Christ , nous vivrons avec lui » ( II Tim. II, 11); enfin il vous fait prophètes; quand vous apprenez à connaître l'avenir, quand vous recevez l'inspiration divine, et que vous êtes marqués. du sceau de Dieu. L'Esprit-Saint imprime aux fidèles un caractère analogue à cette marque qui fait reconnaître les soldats; et si vous quittez les rangs, vous êtes aussitôt découverts. Les Juifs avaient la circoncision, comme marque distinctive des Chrétiens, il est le gage de l'Esprit- Saint. Pénétrés de ces. pensées, persuadés de notre sublime dignité, conformons-y toujours notre vie, afin d'arriver au royaume des Cieux. Puissions-nous y parvenir tous, par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui soit au Père et au Saint-Esprit la gloire, lempire, l'honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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