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HOMÉLIE XI. SI, EN EFFET, NOUS AVONS ÉTÉ ENTÉS EN LA RESSEMBLANCE DE SA MORT, NOUS LE SERONS AUSSI EN CELLE DE SA RÉSURRECTION. (VI, 5, JUSQU'A 18.)
Analyse.
1. Quoique par Jésus-Christ la grâce ait pris un empire d'autant plus grand que le péché était plus puissant, il ne s'ensuit pas que celui qui a été justifié par la vraie foi, doive continuer de pécher; loin de là, la justification par la foi implique une vie sainte.
2. C'est ce que signifie le baptisme, qui est une figure de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ, et qui ainsi nous engage à nous défaire du péché, et à commencer une vie nouvelle et sainte. Jésus-Christ est venu redresser la volonté et non changer la nature.
3. Le corps est comme une arme dans la main de la volonté qui peut en faire un usage bon on mauvais.
4. Et cette vie de sainteté doit être durable, parce que Jésus-Christ vit désormais d'une vie immortelle, et elle peut l'être, parce que le péché ne domine plus sur nous, attendu que nous ne sommes plus sous la loi pure, mais que nous sommes devenus participants aux trésors de grâces de Jésus-Christ.
5. Qu'il y a divers genres, de mort.
6. Le pécheur ne comprend pas sa misère. Contre la superfluité des ameublements.
1. Je l'ai déjà dit plus haut et je le répète encore aujourd'hui : l'apôtre fait souvent des digressions dans la morale , non cependant comme dans ses autres épîtres; qu'il divise en deux parties : l'une destinée aux dogmes ; et l'autre à la direction des moeurs. Ici il ne procède point de même; mais il passe alternativement de l'un à l'autre genre, afin de faire accepter facilement ses paroles. Il déclare donc qu'il y a deux espèces de mort : lune opérée par le Christ dans le baptême, et l'autre qui doit être le résultat de nos propres efforts. En effet, que nos anciens péchés aient été ensevelis, c'est là le don de Dieu ; mais qu'après le baptême nous restions morts au péché, ce doit être l'uvre , de notre zèle, quoique nous y voyions encore en très-grande partie le secours divin, non-seulement le baptême a la vertu d'effacer les péchés passés, mais il nous prémunit encore contre les péchés à venir. Comme donc vous avez apporté la foi pour effacer les premiers, ainsi montrez dans la suite un changement de volonté, afin de ne pas vous souiller de nouveau. Ce sont ces conseils et. d'autres semblables que l'apôtre donne, en disant : « Si, en effet, nous avons été entés en la ressemblance de sa mort, nous le serons aussi en celle de sa résurrection ». Voyez-vous comme il relève son auditeur, en l'amenant tout d'abord à son maître et en s'efforçant de faire voir entre eux, beaucoup de traits de ressemblance? C'est pour cela qu'il ne dit point : En sa mort, de peur qu'on ne le contredise : « Mais en la ressemblance de sa mort » ; car,notre substance n'est pas morte, mais bien l'homme né du péché, c'est-à-dire le vice. Il ne dit point non plus: Si nous avons participé à la ressemblance de sa mort; que dit-il donc? « Si en effet nous avons été entés », indiquant par ce mot « Entés », les fruits que cette mort a produits en nous. Car comme le corps du Christ enseveli en terre a produit pour fruit le salut du monde, ainsi le notre enseveli dans le baptême a produit pour fruit la justice , la sanctification, l'adoption, des biens sans nombre, et produira en dernier lieu le don de la résurrection. Mais comme nous avons été ensevelis dans l'eau et lui dans. la terre, nous par rapport au péché, et lui par rapport à son corps, l'apôtre ne dit pas : Entés en sa mort; mais « Entés en la ressemblance de sa mort » : car (264) il y a mort ici et là, mais non dans le même sens. Si donc, nous dit-il, nous avons été entés en sa mort, nous le serons aussi en sa résurrection; il parle ici de sa résurrection future. Plus haut, quand il parlait de la mort et qu'il disait : « Ignorez-vous, mes frères, que nous tous qui avons été baptisés dans le Christ, nous avons été baptisés en sa mort? » il ne s'est point expliqué clairement sur la résurrection, mais seulement sur le genre de conduite à tenir après le baptême, prescrivant de marcher dans une vie nouvelle ; c'est pourquoi reprenant ici le même sujet, il nous annonce enfin la résurrection future. Et pour vous convaincre que c'est bien de cette résurrection qu'il s'agit, et non de celle par le baptême, après avoir dit: « Si en effet nous avons été entés en la ressemblance de sa mort », il n'ajoute point: Nous le serons en la ressemblance de sa résurrection, mais bien : « En sa résurrection » ; de peur que vous ne disiez « Comment ressusciterons-nous comme lui, si nous ne sommes pas morts comme lui ? Quand il a parlé de la mort, il n'a pas dit: Entés en sa mort, mais : « En la ressemblance de sa mort» ; puis quand il parle de la résurrection, il ne dit pas : En la ressemblance. de sa résurrection : mais, nous le serons en sa résurrection même. Il ne dit pas non plus : Nous avons été, mais : « Nous serons », indiquant encore une fois par cette expression qu'il s'agit de la résurrection future, de celle qui n'a pas encore eu lieu. Et voulant rendre sa parole digne de foi; il parle ici de la résurrection qui précède la dernière, afin de vous faire croire à celle-ci par celle-là. Car après avoir dit que nous serons . entés en sa résurrection, il ajoute : « Sachant bien que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché soit, détruit», indiquant en même temps la résurrection future et sa cause, il ne dit pas : A été crucifié, mais : « A été crucifié avec lui », rapprochant ainsi le baptême de la croix. Aussi disait-il plus haut : « Nous avons été entés en la ressemblance de sa mort, afin que le corps du péché soit détruit », appliquant cette expression, non à notre corps, mais à toute espèce de vice. En effet comme il donne le nom de vieil homme à toute espèce de vice (Cor. III, 9), ainsi appelle-t-il corps du vieil homme cet ensemble de malice formé des diverses formes du péché. Et pour que vous ne preniez point ceci pour une conjecture , écoutez Paul s'expliquant lui-même dans ce qui suit. Car après avoir dit « Afin que le corps du péché soit détruit », il ajoute : « Et que désormais nous ne soyons plus esclaves du péché ». Je veux que l'homme soit mort au péché, non en ce sens qu'il cesse de vivre et meure réellement, mais en ce sens qu'il ne pèche plus, Et allant plus loin, il dit encore plus clairement : « Attendu que celui qui est mort, est justifié du péché (6; 7) ». Et il dit de tout homme : Que comme celui qui est mort, cesse enfin de pécher puisqu'il est étendu sans vie, ainsi en doit-il être de celui qui sort du baptême, parce que, étant mort là une fois; il doit rester mort au péché boute sa vie. 2. Si donc vous êtes mort dans le baptême, restez mort : car quiconque est mort, ne peut plus pécher; et si vous péchez encore, vous gâtez le don de Dieu. Après avoir exigé de nous une si; grande sagesse, il nous montre aussitôt la couronne; en, disant : « Si donc nous sommes morts avec le Christ ». Avant le dernier couronnement, c'est déjà une très-belle couronné d-'étre en communauté avec le maître. Et pourtant, nous dit-il, je vous propose une autre récompense, laquelle? La vie éternelle : « Nous croyons que nous vivrons aussi avec lui ». Et quelle en est la preuve? « Sachant bien que le Christ, ressuscité des morts, ne meurt plus» . Voyez encore la ténacité de Paul et comme il prouve ceci par les contraires ! Comme il était probable que ces doctrines de croix et de mort jetteraient le trouble chez quelques-uns, il démontre que c'est là même ,qu'il faut puiser des motifs de confiance. N'allez pas vous imaginer, leur dit-il, que parce qu'il est mort une fois, le Christ soit mortel; c'est pour cela même qu'il reste immortel ; car sa mort est devenue la mort de la mort : c'est parce qu'il est mort qu'il ne .meurt plus; puisque, par cette mort: « Il est mort pour le péché (8-10) ». Qu'est-ce que cela veut dire : « Pour le péché? » Cela veut dire que, n'ayant pas commis le péché, il est mort pour les nôtres. Il est mort pour détruire le péché, pour briser ses nerfs et toute sa puissance. Voyez vous comme il les épouvante? Car si le Christ e meurt pas une seconde fuis, il n'y pas de second baptême; et s'il n'y a pas de second baptême, ne vous laissez plus aller au péché. Il dit tout cela pour combattre cette (265) erreur. « Faisons le mal pour qu'il en arrive du bien » ; et encore : « Nous persévérerons dans le péché pour que la grâce abonde ». Son but ici est donc de détruire radicalement cette opinion. « S'il vit », dit-il, « il vit pour Dieu » : c'est-à-dire, il est indissolublement uni à la vie, en sorte que la mort ne peut plus exercer sur lui son empire. Car si, quoique innocent, il est mort une première fois pour les péchés d'autrui, à bien plus forte raison ne mourra-t-il plus, puisqu'il a détruit le péché. C'est ce que dit encore l'apôtre dans son épître aux Hébreux : « Car il a paru une seule fois à. la consommation des siècles, pour détruire le péché , en se faisant lui-même victime. Et comme il est décrété que tous les hommes doivent mourir une fois, le Christ offert une fois pour effacer les péchés d'un grand nombre , apparaîtra une seconde fois, sans avoir plus rien du péché, aux yeux de ceux qui l'attendent pour leur salut ». (Héb. IX, 26-28.) Il montre tout à la fois la valeur d'une vie selon Dieu, et, la puissance du péché : la valeur d'une vie selon Dieu, en ce qu'elle n'est plus sujette à la mort; la puissance du péché, puisque, s'il a pu faire mourir celui qui était innocent, comment ne perdrait-il pas les coupables? Ensuite, comme. il a parlé de la vie du Christ, de peur qu'on ne dise ; Que nous importe ce qu'on dit la? Il ajoute : « Ainsi pour vous, estimez que vous êtes morts au péché, mais vivants à Dieu dans le Christ Jésus Notre-Seigneur». Il a raison de dire : «Estimez», parce qu'il n'est pas encore possible de rendre ce qu'il vient de dire, visible aux yeux. Et qu'estimerons-nous, demande-t-il? Que « Nous sommes morts au péché, mais vivants à Dieu dans le Christ Jésus Notre-Seigneur». En effet celui qui vit de la sorte, possédera toutes les vertus; ayant Jésus pour auxiliaire dans le combat : c'est le sens de ces mots « dans le Christ ». Si en effet le Christ nous a ressuscités quand nous étions morts, à plus forte raison pourra-t-il nous conserver en vie. « Que le péché donc ne règne point dans a votre corps mortel, en. sorte que vous obéissiez à ses convoitises (11, 12) ». Il ne dit pas : Que la chair ne vive pas, qu'elle n'agisse pas; mais : «Que le péché ne règne pas »; car le Christ n'est pas venu détruire la nature, mais régler la volonté. Ensuite pour montrer que ce n'est point nécessairement ni par force , mais volontairement, que nous sommes esclaves du péché, il ne dit pas : Que le péché ne vous tyrannise point, ce qui emporterait l'idée de la violence, ruais « qu'il ne règne « point ». En effet il est absurde d'avoir le péché pour roi , quand on est destiné au royaume du ciel , de préférer l'esclavage du péché, quand on est appelé à régner avec le Christ; c'est comme si un roi, jetant bas son diadème, se faisait l'esclave d'une femme furieuse , mendiante et couverte de haillons. Ensuite comme il est difficile de vaincre le péché, voyez comme il s'efforce de faire disparaître cette difficulté et d'adoucir la peine , en disant : « Dans votre corps mortel ». Ce mot indique en effet que les combats sont passagers et auront bientôt leur fin ; et en même temps, il nous rappelle les maux passés, et la racine de la mort : car c'est par le péché que le corps est devenu mortel dès le commencement. Mais il est possible de ne point pécher, même quand on a un corps mortel. Voyez-vous comme la grâce du Christ est puissante? Adam , avec un corps qui n'était pas encore mortel, a failli ; et vous qui avez reçu un corps mortel, vous pouvez, être couronné. Mais comment, direz-vous, le péché règne-t-il? Ce n'est point par sa propre vertu, mais par l'effet de votre lâcheté. Aussi, après avoir dit: « Qu'il ne règne point », Paul nous fait-il voir en quoi consiste cette royauté, quand il ajoute «En sorte que vous obéissiez à ses convoitises». Car ce n'est point un honneur de tout céder au corps librement; c'est au contraire le dernier degré de l'esclavage et du déshonneur. En effet, quand il fait ce qu'il veut, il perd toute liberté; lorsqu'on le contient, il conserve sa dignité propre : « N'abandonnez point vos membres au péché, comme des instruments d'iniquité , mais comme des instruments de justice (13) ». 3. Le corps est donc mitoyen entre le vice et la vertu, comme les armes elles-mêmes; il peut faire les oeuvres de l'un ou de l'autre, au gré de celui qui l'emploie. C'est ainsi que le soldat qui combat pour la patrie et le voleur qui attaque les habitants d'une maison, usent des mêmes armes : ce n'est pas la faute des armes elles-mêmes, mais de ceux qui en font un mauvais usage. C'est ce qu'on voit aussi dans la chair, qui devient ceci ou cela, selon la volonté de l'âme, et non par sa propre nature. Si vous considérez avec trop de curiosité (266) une beauté étrangère, votre oeil devient un instrument d'iniquité, non par une opération qui lui soit propre (car l'oeil est fait pour voir, et non pour voir diane manière criminelle) , mais par la malice de la pensée qui lui commande; si vous le retenez au contraire, il devient un instrument de justice. Ainsi en est-il de la langue, ainsi des mains et de tous les autres organes. C'est avec raison que l'apôtre appelle le péché, injustice ; car celui qui pèche est injuste envers lui-même ou envers le prochain , et. plus encore envers lui-même qu'envers le prochain. Puis nous ramenant du vice à la vertu, il nous dit : « Mais offrez-vous à Dieu , comme devenus vivants, de morts que vous étiez ». Voyez comme il emploie les termes simples pour exhorter, nommant là, le péché, ici Dieu. Après avoir montré la distance qui sépare ces deux souverains, il déclare indigne de tout pardon le soldat qui abandonne Dieu et désire être assujetti à l'empire du péché. Non content de cette preuve, il en donne encore une autre dans les paroles suivantes : « Comme devenus vivants, de morts que vous étiez ». Par là il fait voir le. tort causé par le péché et la grandeur du don de Dieu. Songez, leur dit-il, à ce que vous étiez et à ce que volts êtes devenus. Qu'étiez-vous? Morts, irrémédiablement perdus : car personne ne pouvait vous venir en aide. Et de morts que vous étiez, qu'êtes-vous devenus? Vivants d'une vie immortelle. Et par qui? Par Dieu qui peut tout. Il est donc juste que vous vous mettiez à ses ordres avec toute l'ardeur qu'on peut attendre de morts redevenus vivants. « Et vos membres à Dieu comme des instruments de justice ». Le corps n'est donc pas mauvais, puisqu'il peut devenir un instrument de justice. Il emploie le mot d'instrument (d'arme) pour indiquer qu'il s'agit d'une guerre terrible. Aussi avons-nous besoin d'une forte armure, d'une volonté généreuse parfaitement au courant de ce genre de combat, et surtout d'un chef. Or le chef est là , toujours prêt à nous seconder, à l'abri lui-même de toute atteinte ; et il nous a préparé des armes puissantes; mais il est besoin d'une volonté qui sache les manier convenablement, obéir au chef et combattre pour la patrie. Après nous avoir exhorté à de si grandes choses, nous avoir parlé d'armes, de combat et de guerre, voyez comme il encourage encore le soldat et excite son ardeur, en disant : « Car le péché ne vous dominera plus, parce « que vous n'êtes. plus sous la loi, mais sous la grâce (14) ». Or, si le péché ne doit plus nous dominer, pourquoi donc nous faire tant de recommandation et nous dire : « Que le péché ne règne plus dans votre corps mortel»; et encore : « N'abandonnez point vos membres au péché comme des instruments d'iniquité? » Que signifie ce qu'il vient de dire? Ici il. répand pour ainsi dire sa parole comme une semence; il l'expliquera plus tard et l'appuiera de preuves nombreuses. Que dit-il donc? Avant la venue du Christ, notre corps tombait facilement sous le joug du péché. A la suite de la mort, un essaim de passions s'y était introduit; en sorte qu'il était peu apte à entrer dans la carrière de la vertu. L'Esprit n'était point encore là pour lui prêter secours, ni le baptême pour le mortifier; mais comme un cheval impatient du frein, il courait et s'égarait souvent; bien que la loi indiquât ce qu'il fallait faire et ce qu'il fallait éviter, elle n'aidait guère qu'en paroles ceux qui soutenaient la lutte. Mais depuis que le Christ a paru , le combat est devenu plus facile? Toutefois le secours étant plus abondant, les luttes proposées sont plus importantes. Aussi le Christ nous dit-il : « Si votre justice n'est plus abondante que celle des Scribes et des Pharisiens, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux ». (Matth. V, 20.) Mais l'apôtre s'explique là-dessus plus clairement dans la suite; en attendant il y fait ici allusion en peu de mots, en montrant que le péché ne saurait nous vaincre , à moins que nous ne nous abandonnions entièrement nous-mêmes. Car nous ne sommes plus seulement sous l'empire de la loi, mais sous celui de la grâce , laquelle .remet le passé et fortifie pour l'avenir. La loi ne promettait la couronne qu'après le travail; la grâce couronne d'abord, puis mène au combat: Ici l'apôtre ne me semble pas faire allusion à la vie entière du fidèle, mais seulement établir la différence entre le baptême et la loi; ce qu'il exprime ailleurs en ces termes : « Or la lettre tue , tandis que l'Esprit vivifie ». (II Cor. III , 6.) Car la loi prouve la prévarication, mais la grâce l'efface. La loi donne lieu au péché en le condamnant, la grâce en le pardonnant, le détruit; en sorte que vous êtes doublement dégagé de ce joug tyrannique, en ce que vous n'êtes plus assujetti à la loi et que vous jouissez de la grâce.
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4. Après avoir ainsi fait respirer son auditeur, Paul le fortifie encore, en tirant un avertissement, d'une objection, dans les termes suivants : « Quoi donc? Pécherons-nous parce que nous ne sommes pas sous la loi, mais sous la grâce? A Dieu ne plaise ! » Il commencé par une négation, à raison de l'absurdité de la chose ; puis il en vient à une exhortation et montre que le combat est très-facile, en disant : « Ne savez-vous pas que , lorsque vous vous rendez esclaves de quelqu'un pour lui obéir, vous êtes esclaves de celui à qui vous obéissez , soit du péché pour la mort , soit de l'obéissance pour la justice (15,16)? » Je ne parle pas encore de l'enfer, leur dit-il , ni de ses affreux supplices; mais de la honte qui vous couvre quand vous êtes esclaves, et esclaves volontaires, et esclaves. du péché, et sans espoir d'une autre récompense que de mourir une seconde fois. Car si avant. le baptême, le péché avait produit la mort corporelle; si la blessure a exigé un tel .remède que le Maître de toutes choses a dû descendre pour mourir, et guérir ainsi le mal : quels effets le péché ne produira-t-il pas en vous , si, après un tel bienfait, après que vous avez recouvré la liberté, vous vous abandonnez de nouveau et volontairement à sa domination? Ne vous précipitez donc pas dans un tel abîme, ne vous livrez pas vous-mêmes. Dans les combats, souvent les soldats sont livrés malgré eux; mais ici personne ne vous vaincra, si vous ne passez vous-mêmes à l'ennemi. Après les. avoir fait rougir par un sentiment de décence, il les épouvante par les résultats du combat, qu'if met en face l'un de l'autre, la justice et la mort; non pas ,la mort ordinaire, mais une autre mort bien plus terrible. Car si le Christ ne meurt plus, qui rachètera de cette mort? Personne. Il faudra donc de toute nécessité subir le supplice ; et ce ne sera, plus, comme. ici, la mort sensible, qui sépare l'âme du corps et donne à celui-ci le repos : « Or le dernier ennemi détruit sera la mort ». (I Cor. XV, 26.) D'où il suit que le châtiment sera immortel, mais non pour ceux qui auront écouté la voix de Dieu : car pour eux la récompense sera la justice et tous les biens qui en dérivent. « Mais grâces. soient rendues à Dieu de ce qu'ayant été esclaves du péché , vous avez obéi du fond du coeur à ce modèle de doctrine sur lequel vous avez été formés (17) ». Après les avoir fait rougir de leur ancien esclavage, puis effrayés et exhortés par l'aspect des récompenses, il les relève de nouveau par le souvenir des bienfaits qu'ils ont reçus. Par là il leur .fait voir qu'ils ont été délivrés de grands maux, mais non par leurs propres efforts , et que désormais ils rencontreront moins de difficultés. Comme un homme qui , ayant arraché un captif aux mains d'un cruel tyran, l'exhorterait à n'y plus retomber, et lui rappellerait son horrible esclavage ; ainsi Paul, tout en rendant grâces à Dieu , leur dépeint avec énergie les maux passés. Il n'était, leur dit-il, au pouvoir d'aucun être humain de nous délivrer de tous ces maux; mais grâces soient rendues au Dieu qui l'a voulu et qui l'a pu ! Il a raison de dire : « Votes avez obéi du fond du coeur »; car vous n'y étiez pas forcés , on ne vous a point fait violence , mais vous, avez rompu avec le mal librement, de bonne volonté. Il y a ici tout à la fois un éloge et un avertissement. En effet, puisque vous êtes venus spontanément, sans avoir subi aucune contrainte, quelle serait votre excuse , si vous retourniez à votre ancien état? Et pour vous faire comprendre que le résultat n'est point seulement dû à leurs bonnes dispositions, mais qu'il est entièrement l'oeuvre de la grâce, après avoir dit: « Vous avez obéi du fond du coeur », il ajoute : « A ce modèle de doctrine sur lequel vous avez été formés ». L'obéissance du fond du coeur indique le libre arbitre; mais ce mot « être formés n insinue l'idée du secours de Dieu. Quelle est la marque de la doctrine ? Une vie réglée et parfaite. « Ainsi affranchis du péché, vous êtes devenus esclaves de la justice (18) ». Il indique ici doux bienfaits de Dieu : il nous a délivrés du péché et soumis à la, justice; ce qui est préférable à toute espèce- de liberté. Dieu a fait ce que ferait celui qui, adoptant un enfant orphelin, emmené par des barbares sur la terre étrangère, non-seulement le délivrerait de la captivité, mais se constituerait son père et son tuteur et l'élèverait au faîte des honneurs. Voilà ce qui nous est arrivé. Car non-seulement Dieu nous a affranchis des maux passés; mais il nous a initiés à la vie des anges; il nous a tracé une excellente règle de conduite, en nous confiant à la garde assurée de la justice, en faisant disparaître les maux d'autrefois, en faisant mourir le vieil homme, en nous menant comme par la main à une vie (268) immortelle. Continuons donc à vivre die cette vie; car beaucoup semblent respirer et se mouvoir, qui sont dans un état plus misérable que les morts. 5. Il y a en effet différentes espèces île morts l'une est la mort du corps, selon laquelle Abraham était mort, et ne l'était point.: car il est écrit: « Dieu n'est point le Dieu des morts, mais des vivants » (Matth. XXII, 32); l'autre est la mort de l'âme, à. laquelle le Christ fait allusion quand il dit : « Laissez les morts ensevelir leurs morts». (id. VIII, 22.) Il y en a une troisième qu'il faut louer, et qui est le fruit de la sagesse; celle dont Paul a dit : « Faites mourir vos membres qui sont sur la terre ». (Coloss. III, 5.) Une autre encore, principe de celle-ci, s'opère dans le baptême : « Notre vieil homme », dit l'apôtre, « à été crucifié ».(Rom. VI, 6.) Instruits de tout cela, fuyons donc l'espèce de mort par laquelle on meurt, quoique en vie; et ne craignons point celle qui est commune à tout le inonde. Mais choisissons et embrassons les deux autres, dont l'une, donnée par Dieu, est le comble, du bonheur, et dont l'autre, produit de notre volonté et de la grâce de Dieu, est digne de tout éloge. L'une d'elles a été déclarée heureuse par David en ces termes : « Heureux ceux dont les iniquités sont effacées » (Ps. XXXI, 11); l'autre est l'objet de l'admiration de Paul, qui écrit aux Galates : « Ceux qui sont au Christ ont crucifié leur chair ». (Gal. V, 24.) Quant aux deux autres, l'une d'elles a été proclamée méprisable par le Christ, qui a dit : « Ne craignez point ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer l'âme » (Matth. X, 28); et l'autre effrayante : « Mais craignez celui qui peut précipiter l'âme et le corps dans l'enfer ». (Ibid.) Evitons donc celle-ci, et choisissons celle qui est déclarée heureuse et admirable, pour éviter encore et craindre chacune des deux autres. Il n'y a aucun profit pour nous à voir le soleil, à manger et à boire, si-nous n'avons pas la vie des bonnes uvres. De grâce, de quoi sert à un roi d'être revêtu de la pourpre, de parier des armes, s'il n'a point de sujets, et si le premier venu peut impunément l'insulter et l'injurier? De même il n'y a aucun avantage pour le chrétien à avoir reçu la foi et le bienfait du baptême, s'il est soumis à toutes les passions; au contraire l'injure deviendra plus. sensible et la honte plus grande. Comme ce roi orné du diadème et de la. pourpre, non-seulement ne retire aucune gloire personnelle de l'éclat de son manteau, mais fait rejaillir sur lui son propre déshonneur; ainsi le fidèle qui mène une vie déréglée, ne retire aucun honneur de sa foi, mais n'en devient que plus méprisable. « Car », dit l'apôtre, « tous ceux a qui ont péché sans la loi, périront sans la loi; et tous ceux qui ont péché sous la loi, seront jugés par la loi ». (Rom. II, 12.) Il disait encore, en écrivant aux Hébreux : « Celui qui a violé la loi de Moïse meurt sans aucune miséricorde sur la déposition de deux ou trois. témoins. Combien donc pensez-vous que mérite de plus affreux supplices celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu? » (Hébr. X, 28, 29.) Et c'est très-juste : car, nous dit le Christ, par le baptême je t'avais soumis toutes les passions. Qu'est-il donc arrivé, pour que tu aies profané un si grand don, et sois devenu tout autre que tu ne devais être? J'ai détruit, j'ai enseveli, comme des vers, tes premières prévarications : pourquoi en as-tu engendré d'autres? Et encore les péchés sont pires que les vers : car ceux-ci ne nuisent qu'au corps, et ceux-là nuisent à l'âme, en exhalent une odeur plus fétide. Mais nous ne la sentons pas : voilà pourquoi nous ne-nous empressons pas de la faire disparaître. L'homme ivre ne connaît pas non plus la puanteur du vin corrompu : mais celui qui n'est pas ivre la connaît parfaitement. Ainsi en est-il des péchés : Lhomme sage couinait très-bien cette boue; cette tache; mais celui qui s'est livré au vice, assoupi par une sorte d'ivresse, ne sait pas même qu'il, est malade. Et c'est là ce qu'il y a de plus terrible dans le vice, c'est qu'il ne permet pas à ceux qui y sont tombés de voir la profondeur de leur mal; ils sont couchés dans la boue, et croient . respirer l'odeur des parfums; aussi ne peuvent-ils point sortir de leur état, et pendant qu'ils fourmillent de vers, ils en sont fiers comme s'ils étaient ornés de pierres précieuses. Voilà pourquoi ils ne veulent point les tuer, mais ils les nourrissent; ils en augmentent le nombre, jusqu'à ce que ceux-ci les fassent passer aux vers du siècle à venir. Car les uns ne sont que les courtiers des autres, non-seulement les courtiers, mais les pères des vers gui ne doivent pas mourir. Car il est écrit : « Leur ver ne meurt pas ». (Marc, IX, 24.) Ce sont eux qui allument la géhenne qui ne doit (269) plus s'éteindre: Pour que cela n'arrive pas, détruisons la source du mal, éteignons la fournaise, et extirpons entièrement la racine de l'iniquité. Si vous coupez un mauvais arbre par le sommet, vous n'avez rien gagné, puisque la racine reste en terre, et qu'elle peut repousser des rejets. Quelle est donc la racine des maux? Apprenez-le du bon agriculteur, de celui qui est si expert dans ces matières, qui cultive la vigne spirituelle, qui est le laboureur du monde entier. Quelle est donc, selon lui, la racine de tous les maux? L'ambition des richesses. « La racine de tous les maux », nous dit-il, « est la cupidité ». ( I Tim. VI, 10.) De là les combats, les inimitiés et les guerres; de là les contestations, les injures, les soupçons, les outrages; de là les meurtres, les larcins, les vols sacrilèges; par là, non-seulement les villes et les contrées, mais, les routes, les lieux habités ou inhabités, les montagnes, les vallées, les collines, en nu mot toute la terre regorge de sang et de carnage. La mer même n'échappe point à ce fléau; sur elle aussi, il exerce en plein sa fureur, les pirates l'assiégeant, pour ainsi dire, de toutes parts et s'étudiant à trouver toujours de nouveaux modes de brigandage. Par elle, les lois, de la nature sont renversées, les relations de parenté ébranlées, les droits de ta chair même violés. 6. En effet ce n'est pas seulement contre les vivants, mais aussi contre les morts, que cette passion tyrannique arme des mains criminelles; la mort elle-même n'est point respectée on brisé les tombeaux; d'odieux scélérats s'en prennent aux cadavres, et le sépulcre n'est point un abri. contre leurs embûches. Tous les maux que vous rencontrerez dans les maisons, sur les places publiques, dans les tribunaux, dans les, assemblées délibérantes, dans les palais, en quelque lieu que ce soit, vous vous apercevrez qu'ils ont pris là leur origine. C'est ce vine, c'est lui, qui a tout rempli de sang et de meurtres, c'est lui qui a allumé les flammes de l'enfer, c'est lui qui a rendu la situation des villes aussi triste, pire peut-être que celle des déserts. Il. est en effet plus facile de se garantir des voleurs de grands chemins, parce qu'ils n'attaquent pas toujours mais leurs imitateurs du milieu des villes sont d'autant plus à craindre qu'il est plus difficile de se tenir en garde contre eux et qu'ils osent faire ouvertement ce que les autres ne font qu'en secret. Se faisant un point d'appui des lois mêmes qui sont portées contre eux, ils ont rempli les villes de meurtres et de crimes. N'est-ce pas un meurtre, dites-moi, et quelque chose de pire qu'un meurtre, de livrer un pauvre aux horreurs de la faire, de le jeter en prison, et de lui infliger, outre la faim, mille tortures et mille mauvais traitements? Et bien que vous ne fassiez pas cela vous-même, dès que vous êtes cause que cela se fait, vous en êtes plutôt l'auteur que ceux qui vous servent d'instruments. En effet l'homicide enfonce le glaive, il est vrai, mais ne cause qu'une douleur passagère et ne pousse pas plus loin sa cruauté; et vous, en changeant pour vos victimes la lumière en ténèbres par vos calomnies, par vos injures, par vos embûches, en les mettant dans le cas de se souhaiter mille fois la mort, songez combien de morts vous leur faites souffrir au lieu d'une ! Et ce qu'il y a de plus grave en tout cela c'est que vous volez, vous dépouillez, sans y être poussé par la pauvreté, ni forcé par la faim, mais pour couvrir d'or le frein de votre cheval, le toit de votre maison, les chapitaux de vos colonnes. Plonger dans un abîme de malheur un frère, un homme qui participe avec nous aux saints mystères, et est honoré jusqu'à ce point par votre Maître, et cela pour orner des pierres, un pavé, le corps d'animaux stupides qui ne sentent pas même l'honneur qu'on leur fait : quel enfer ne mérite pas un tel crime? On entoure un chien de soins et d'égards; et pour ce chien, ou pour-ce que nous venons de dire, on réduit un homme, que dis-je? le Christ lui-même, aux extrémités de la faim ! Qu'y a-t-il de pire qu'un tel renversement? Qu'y a-t-il de plus affreux qu'une telle iniquité? Quels torrents de feu suffiront à punir une telle âme? Un homme fait à l'image de Dieu, est devenu méconnaissable par votre inhumanité; mais la tête des mules qui portent votre femme est chargée d'or, aussi bien que les cuirs et les bois qui forment la charpente de votre toit; s'il s'agit d'orner un siège, un escabeau, on y emploie l'or et l'argent; mais le membre du Christ, celui pour qui il est descendu du ciel et a versé son précieux sang, est privé de la nourriture nécessaire par le fait de votre ambition. Vos lits resplendissent partout de l'éclat de l'argent, et les corps des saints n'ont pas les vêtements nécessaires; le Christ est pour vous le plus méprisable des êtres, au-dessous de vos serviteurs, de vos (270) mulets, d'un lit, d'un siège, d'un escabeau. Je passe sous silence des meubles plus vils encore, et vous les laisse à penser. Mais si cela vous fait frissonner, abstenez-vous de le faire, et mes paroles ne tomberont point sur vous; abstenez-vous, renoncez à cette folie : car il y a, dans cette passion, une folie évidente. La rejetant donc, élevons, quoique tard, nos yeux vers le ciel, rappelons-nous le jour, qui approche : songeons au terrible tribunal, au compte sévère, au jugement impartial ; pensons que Dieu, qui voit tout cela, ne lance point sa foudre, quoique cette conduite mérite encore un plus grand châtiment. Il ne le fait cependant pas, il ne jette point contre nous les flots de la mer, il n'entr'ouvre pas la terre parle milieu, il. n'éteint pas le soleil, il ne précipite point en bas le ciel avec ses astres, en un mot il ne fait pas tout disparaître; mais il laisse chaque chose en son ordre, et permet que toute la création soit à notre service. En pensant à cela, redoutons l'étendue même de cette bonté; revenons à notre noblesse propre car, maintenant, nous ne valons pas mieux que les brutes, nous sommes même bien au-dessous d'elles : en effet elles aiment les animaux de leur espèce, et la communauté de nature suffit à créer en elles un attachement réciproque. Et vous, qui outre la communauté de nature, avez mille raisons de vous unir étroitement à vos propres membres : l'honneur d'être doué de raison, le lien d'une même religion, la participation à des biens sans nombre, vous êtes plus cruels que les bêtes sauvages, quand vous mettez le plus grand soin à des choses inutiles , dédaignez les temples de Dieu en proie à la faim et à la nudité, et souvent même les précipitez dans un abîme, de maux. Si vous agissez par amour de la gloire, encore devriez-vous bien plutôt soigner un frère qu'un cheval. Plus celui à qui vos bienfaits s'adressent est grand, plus sera brillante la couronne que ces bienfaits mêmes vous tresseront; tandis qu'en tenant une conduite toute contraire, vous vous attirez, sans vous en apercevoir, des milliers d'accusateurs. Qui ne dira pas de mal de vous? Qui ne vous accusera pas d'extrême barbarie et d'inhumanité, en vous voyant mépriser l'espèce humaine, préférer à des hommes des animaux, puis une maison, puis des meubles? N'avez-vous pas entendu les apôtres dire que ceux qui reçurent la parole les premiers vendaient leurs maisons et leurs champs, pour nourrir leurs frères? Et vous, vous volez des maisons et des champs, pour orner un cheval, du bois, des peaux, des murs, un pavé ! Et ce qu'il y a de plus grave , c'est que ce ne sont pas seulement des hommes, mais,des femmes , qui sont en proie à cette folie , qui poussent les hommes à ces futilités, et les forcent à dépenser pour tout plutôt que pour les choses nécessaires ; et si on leur en fait un reproche , elles s'excusent d'une manière tout à fait blâmable. On fait l'un et l'autre, dit-on. Quoi ! vous n'avez pas honte. de dire cela? de mettre le Christ, mourant de faim, au, des chevaux, des mulets, des lits, des escabeaux? et pas même à ce niveau, puisque vous faites à ces objets la plus grande part, tandis que vous lui en réservez à peine une petite? Ne savez-vous pas que tout. est à lui, et vous , et ce qui vous appartient? Ne savez-vous pas qu'il a formé votre corps, qu'il vous a donné une âme, et arrangé pour vous le monde entier? Et vous ne le payez pas du moindre retour ! Si-vous avez lotie une petite maison , vous exigez sévèrement le prix convenu; et quand vous jouissez. de. la création entière; quand vous habitez un si vaste univers, vous refusez de payer à Dieu le moindre prix, vous vous livrez, vous et tout ce qui vous appartient, à la vaine gloire : car la vaine gloire est la source d'où tout cela dérive. Un cheval n'en est ni meilleur ni plus vigoureux pour être paré de ces ornements; on en peut dire autant de celui qui le monte, quelque fois même il en est moins honoré. Car beaucoup de gens perdent de vue le cavalier pour fixer leurs yeux sur les harnais du cheval, sur les domestiques qui vont en avant et en arrière et écartent la foule ; quant au maître, ils le prennent en aversion et s'en détournent comme d'un ennemi commun. Il n'en est pas ainsi quand vous prenez soin d'orner votre âme ; alors les hommes, les anges, le Maître même des anges, vous, tressent tous ensemble une couronne. Donc, si vous aimez la gloire, cessez de faire ce que vous faites; embellissez votre âme, et non votre maison, afin de devenir illustre et glorieux; car il n'y a rien de plus misérable que vous, si, ayant l'âme nue et désolée, vous vous glorifiez de la beauté de votre maison. Que si mes paroles vous déplaisent, écoutez-ce qu'a (271) fait certain païen, et que là sagesse profane vous couvre de honte. On raconte qu'un de ces philosophes entrant dans une magnifique demeure, où l'or brillait de tout côté, toute resplendissante de l'éclat des marbres et de la beauté des colonnes, et voyant le parquet couvert partout de somptueux tapis, cracha sur le visage du maître de la maison, et répondit, au reproche qu'on lui en faisait, que n'ayant pas trouvé à le. faire ailleurs, il s'était vu dans la nécessité de jeter cet affront à la face du propriétaire (1). Voyez-vous combien est ridicule celui qui ne s'attache qu'à orner l'extérieur, et comme il est méprisable aux yeux des hommes de sens ? Et ce n'est que juste. Si quelqu'un, laissant votre femme couverte de haillons, habillait magnifiquement vos servantes, vous ne le supporteriez pas patiemment, vous en seriez outré de colère et regarderiez cela comme le plus grand des affronts. Faites à votre âme l'application de ce raisonnement. Quand vous embellissez des murs, des pavés, des meubles ou d'autres objets de ce genre, et que vous ne faites point d'abondantes aumônes, que vous né pratiquez point la vraie sagesse, vous ne faites pas autre
1. Il s'agit d'Aristippe. Voyez Diogène Laërce, via d'Aristippe.
chose que ce que nous venons de dire, vous faites même bien pis. Car entre une maîtresse et une servante, il n'y a pas de différence ; mais, entre l'âme et la chair, il y en a une très-grande, et une bien plus grande encore entre l'âme et. une maison, entre l'âme ét tin lit ou un escabeau. Comment donc seriez-vous excusable Ae revêtir d'argent tous es objets, et de laisser votre âme couverte de haillons, malpropre, mourant de faim, percée de blessures, déchirée par des chiens sans nom, bre, puis 4e vous croire après cela, fort honoré de ces embellissements extérieurs? C'est certainement là le comble de la folie, d'être un objet de dérision, d'injure et d'opprobre, d'encourir les derniers châtiments, et de se complaire encore dans ces futilités. C'est pourquoi,. je vous en prie, réfléchissons à tout cela, redevenons sages quoique bien tard, rentrons en nous-mêmes , et reportons sur notre âme ces ornements extérieurs. Par là ils ne pourront plus se flétrir, ils nous rendront semblables aux anges et nous procureront les biens immuables. Puissions-nous tous avoir ce bonheur, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui la gloire appartient dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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