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HOMÉLIE XXVII. A CELUI QUI EST TOUT-PUISSANT, POUR VOUS AFFERMIR DANS LA FOI DE L'ÉVANGILE ET DE LA DOCTRINE DE JÉSUS-CHRIST, QUE JE PRÉCHE SUIVANT LA RÉVÉLATION DU MYSTÈRE QUI, ÉTANT DEMEURÉ CACHÉ DANS TOUS LES SIÈCLES PASSÉS, A ÉTÉ DÉCOUVERT MAINTENANT PAR LES ORACLES DES PROPHÈTES, SELON L'ORDRE DE DIEU ÉTERNEL, POUR OPÉRER L'OBÉISSANCE A LA FOI, ET EST VENU A LA CONNAISSANCE DE TOUTES LES NATIONS; A DIEU QUI EST LE SEUL SAGE, GLOIRE, PAR JÉSUS-CHRIST, DANS LES SIÈCLES DES SIÈCLES. AINSI SOIT-IL. (XIV, 24, 25, 26, POUR SAINT JEAN CHRYSOSTOME, ET 25, 26, 27, DU CHAP. XVI DE LA VULGATE.)
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Analyse.
1 et 2. De la puissance et de la sagesse de Dieu, dans la manifestation de l'Evangile. Supporter les faiblesses, rechercher la satisfaction et l'édification du prochain. Jésus-Christ, divin modèle d'abnégation et de parfait détachement.
3 et 4. Fruit précieux de la concorde. Il faut aimer ses ennemis mêmes. Rien de plus honteux que la haine implacable. Chaleureuse exhortation à la concorde et à la paix.
1. C'est l'habitude de Paul de toujours terminer ses exhortations par des prières et des paroles à la gloire de Dieu. L'apôtre comprenait bien toute l'efficacité de cette pratique que son amour pour Dieu, que la piété lui avait rendue familière. En effet, il convient à celui qui aime ses enfants, au maître, au docteur qui aime Dieu, de ne pas réduire son enseignement à de simples discours, mais d'attirer aussi, par des prières sur ses disciples, le secours qui vient de Dieu. C'est ce que Paul fait en ce moment. Voici la suite des pensées : A celui qui est tout puissant pour vous affermir, gloire, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. L'apôtre, ici encore, s'attache aux faibles, c'est à eux que son discours s'adresse. Quand il réprimandait, sa réprimande était pour tout le monde; mais maintenant qu'il prie, c'est pour les faibles qu'il supplie le Seigneur. Il dit : « Pour vous affermir », non sans ajouter, en quoi : « Dans la foi de l'Evangile ». Ce qui montre qu'ils n'étaient pas encore bien assurés; ils étaient debout, mais chancelants. Ensuite, pour donner de l'autorité à son discours, il ajoute : « Et de la doctrine de Jésus-Christ », ce qui veut dire que Jésus-Christ a prêché lui-même. Or, si c'est lui qui l'a prêchée, cette doctrine n'est pas la nôtre, nous vous donnons les lois de Dieu. Il considère ensuite cette doctrine, il montre que c'est un grand bienfait, que c'est le présent d'un Dieu qui nous comble d'honneur. Ce qui résulte d'abord de la personne même qui nous a annoncé cette doctrine, ensuite des vérités annoncées, des vérités de l'Evangile. Ajoutez à cela ce fait, que personne ne les a connues avant nous. C'est là ce que l'apôtre a insinué par ces paroles : « Suivant la révélation du mystère » : Assurément c'est une preuve d'amitié singulière de nous avoir communiqué des mystères que personne n'a connus avant nous. « Qui étant demeuré caché dans tous les siècles passés, a été découvert maintenant ». Autrefois, ce mystère a été déterminé d'avance, mais c'est maintenant qu'il a éclaté. Comment a-t-il éclaté? « Par les oracles des prophètes ». Ici encore, il rassure l'infirme. Que craignez-vous? De manquer à la loi? Mais la loi ne veut pas autre chose; mais c'est ce que la loi dès les anciens temps a prédit. Que si vous recherchez, de plus, pourquoi le mystère s'est révélé maintenant, vous êtes un imprudent de poursuivre de vos (400) investigations curieuses les mystères de Dieu, et de lui demander des comptes. Ce n'est pas une vaine curiosité qui convient ici, mais l'affection, l'amour. Voilà pourquoi l'apôtre ferme la bouche aux curieux et dit : « Selon l'ordre du Dieu éternel, pour opérer l'obéissance à la foi ». La foi réclame l'obéissance, et non une activité inquiète; quand Dieu commande, il faut obéir, et non se livrer à une vaine curiosité. Ensuite l'apôtre trouve encore d'autres raisons pour raffermir la confiance des fidèles « Le mystère est venu à la connaissance de toutes les nations ». Vous n'êtes pas le seul qui ayez cette croyance, c'est la foi de la terre tout entière; ce n'est pas un homme, c'est Dieu qui l'a enseignée. De là ces paroles : « Par Jésus-Christ ». Et non-seulement le mystère a été découvert, mais la connaissance en a été affermie, et tout cela est l'ouvrage de Jésus-Christ. De sorte que toute cette suite doit se lire ainsi : « A celui qui est tout puissant pour vous affermir par Jésus-Christ ». Car, comme je l'ai dit, c'est à Jésus-Christ que l'apôtre attribue et la révélation et la connaissance bien établie du mystère; ou plutôt, non-seulement ces deux bienfaits, mais aussi la glorification du Père. De là ces paroles : « A lui, gloire, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il ». Il le glorifie encore à cause de ce qu'il y a d'incompréhensible dans ces mystères , et cet incompréhensible le jette dans la stupeur. Même aujourd'hui, après la révélation, la pensée ne saurait les comprendre ; il faut la foi; les saisir autrement, c'est impossible. L'apôtre a bien raison de dire, en parlant de Dieu : « Qui est le seul sage ». Considérez les nations amenées à la religion ; les mélanges des infidèles avec les hommes qui furent les anciens justes; le salut de ceux qui étaient désespérés; les pécheurs, indignes de la terre, introduits dans le ciel, ceux qui étaient déchus de la vie présente, appelés à l'ineffable immortalité; les victimes, foulées aux pieds par les démons, devenues des anges, ayant tous les droits des anges, le paradis ouvert, tous les anciens malheurs effacés, et cela eu un temps si court, et par des moyens si faciles et si rapides, vous comprendrez alors la sagesse divine ; ce que ne connaissaient ni les anges, ni les archanges, les gentils l'ont appris en un instant par le moyeu de Jésus. Ainsi quand il faudrait admirer sa sagesse, le glorifier, vous vous attardez dans des réflexions sans portée, vous restez encore assis dans l'ombre, ce qui certes n'est pas glorifier le Christ. Celui qui n'a pas en lui de confiance, et que la foi n'a pas touché, celui-là ne rend pas témoignage à la grandeur de ses oeuvres. Mais Paul, à leur place, glorifie, le Seigneur, et les incite à montrez le même zèle que lui. Donc quand vous l'entendez dire : à Dieu, « qui est le seul sage », n'allez pas croire qu'il y ait là rien qui rabaisse le Fils. Si tous les faits qui manifestent la. sagesse de Dieu se sont accomplis par le Christ; si, sans lui, rien n'a été accompli, évidemment leur sagesse est égale. Pourquoi donc l'apôtre a-t-il dit : « Le seul? » C'est par opposition avec toute la nature créée. Donc, après avoir rendu gloire à Dieu, il reprend son discours, et, s'adressant aux plus forts, il dit : « Nous devons donc, nous qui sommes plus forts » (XV, 1); nous devons, ce n'est pas une faveur que nous faisons; eh bien, que devons-nous ? « Supporter les faiblesses des infirmes ». 2. Voyez-vous comme il les élève par ces paroles flatteuses, où non-seulement il les appelle des forts, mais en outre il les met au même rang que lui? Et il fait plus encore, il les prend par l'idée de l'utilité, sans rien leur dire de pénible. Vous êtes forts, leur dit-il, et si vous usez de condescendance vous ne vous faites aucun tort; mais l'infirme court les plus grands dangers s'il n'est soutenu. Maintenant, il ne dit pas les infirmes, mais « les faiblesses des infirmes », afin d'exciter la compassion des fidèles. C'est ainsi qu'ailleurs il dit : « Vous qui êtes spirituels , fortifiez celui qui... » (Gal. VI, 1.) Vous êtes devenus forts? Payez de retour le Dieu qui vous a rendus tels; or, vous vous acquitterez envers lui, si vous aidez le malade à se relever. Nous aussi, nous étions faibles, mais la grâce nous a rendus forts. Et maintenant, cette conduite, il ne faut pas la tenir seulement quand il s'agit des faiblesses de la foi, mais encore quand il s'agit de toute autre faiblesse. Par exemple, un homme est sujet à la colère, ou il est porté à proférer des paroles violentes, il a quelque autre défaut, supportez-le. Mais comment? écoutez la suite. Après avoir dit : « Nous devons supporter », il ajoute : « Et non pas chercher notre propre satisfaction. Que chacun de vous tâche de satisfaire son prochain dans ce qui est bon, et qui peut l'édifier (401) (2) ». C'est-à-dire : Vous êtes fort? Faites sentir votre force à l'infirme; faites qu'il sache par expérience quelle est votre vigueur, pensez à le satisfaire. Et il ne dit pas seulement à le satisfaire, mais :« Dans ce qui est bon »; et il ne se borne pas à dire : Dans ce qui est bon ; le parfait aurait pu répondre : Voyez, je l'attire vers ce qui est bon ; mais l'apôtre ajoute : « Et qui peut l'édifier ». Si donc vous avez en partage la richesse, en partage la force, ce n'est pas pour votre satisfaction à vous, mais pour satisfaire le pauvre et celui qui est dans le besoin; c'est ainsi que vous jouirez de la véritable gloire, et que vous serez d'une très-grande utilité. La gloire terrestre est prompte à s'envoler; la gloire spirituelle subsiste, si vous ne vous proposez que l'édification. Voilà pourquoi l'apôtre réclame de tous ce zèle pour le prochain : il ne dit pas seulement, que tel ou tel, mais : « Que chacun de vous ». Ensuite, comme il a donné un précepte d'une grande portée, comme il a prescrit de se relâcher de sa perfection propre afin de corriger les faiblesses du prochain, il fait encore intervenir le Christ. « Puisque Jésus-Christ n'a pas cherché à se satisfaire lui-même (3) ». C'est ce que l'apôtre ne manque jamais de faire. Quand il parle de l'aumône, il montre le Christ, en disant : « Vous connaissez la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui, étant riche, s'est rendu pauvre pour nous » (II Cor. VIII, 9); pour persuader la charité, c'est encore du Christ qu'il s'appuie, disant : « Comme le Christ nous a aimés » (Ephés. V, 25); et quand il conseille de supporter la honte et d'affronter les dangers, il a encore recours au Christ, disant : « Qui, au lieu de la vie heureuse, dont il pouvait jouir, a souffert la croix et méprisé la honte». (Hébr. XII, 2.) De même ici , l'apôtre propose Jésus-Christ pour modèle en le priant de supporter les faiblesses des autres, et il cite un oracle es prophètes : « Selon qu'il a été écrit : Les injures qu'on vous a faites sont retombées sur moi ». Mais maintenant, que signifient ces paroles : « N'a pas cherché à se satisfaire lui-même? » Il pouvait ne pas supporter les opprobres, il pouvait ne pas souffrir ce qu'il a enduré, s'il n'eût voulu considérer que son intérêt. Mais il ne l'a pas voulu ; ne considérant que nous, il n'a plus pensé à lui-même. Et pourquoi l'apôtre n'a-t-il pas dit : Il s'est renoncé lui-même ? C'est qu'il ne voulait pas montrer uniquement le Dieu fait homme, mais rappeler qu'il a été outragé, couvert d'infamie aux yeux de la foule, qu'il a passé pour un être plein de faiblesses. On lui disait : « Si tu es le Fils de a Dieu, descends de la croix »; et encore : « Il a sauvé les autres, et il ne peut se sauver lui-même ». (Matth. XXVII, 40 et 42.) L'apôtre rappelle donc ici une preuve qui est considérable dans le sujet qu'il traite, et il prouve beaucoup plus qu'il n'a promis. Car ce n'est pas seulement le Christ qu'il montre couvert d'opprobres, mais le Père en outre; car il dit : « Les injures qu'on vous a faites, sont retombées sur moi »; c'est-à-dire, il n'y a rien là de nouveau, rien d'étrange. Ceux qui, sous l'ancienne loi, outrageaient Dieu, ont aussi dans leur fureur outragé son Fils. Or, toutes ces choses ont été écrites afin que nous sachions ce que nous devons imiter. L'apôtre fortifie ensuite les fidèles contre les tentations qu'ils auront à souffrir, il dit: « Car « tout ce qui est écrit, a été écrit pour notre « instruction, afin que nous ayons espérance « par la patience et par la consolation que les « Ecritures nous donnent (4) », c'est-à-dire, afin que nous ne fassions pas de chute. En effet, les combats sont de mille espèces, au dedans, au dehors, et l'apôtre veut que, fortifiés, consolés par les Ecritures, nous montrions notre patience; que la persévérance dans la patience soit pour nous la persévérance dans la foi. Elles s'engendrent l'une l'autre, l'espérance produit la patience, la patience produit l'espérance, et toutes deux naissent des Ecritures. L'apôtre convertit encore ici ses exhortations en prières : « Que le Dieu de patience et de consolation vous fasse la grâce d'être toujours unis de sentiment les uns avec les autres, selon l'esprit de Jésus-Christ (5) ». Après avoir dit ses pensées à lui, l'apôtre a tenu à les appuyer des exemples de Jésus-Christ, et du témoignage des Ecritures, pour montrer que c'est d'après les Ecritures qu'il recommande la patience. « Que le Dieu de patience et de consolation vous fasse la grâce d'être toujours unis de sentiment les uns avec les autres, selon l'esprit de Jésus-Christ ». Car c'est le propre de la charité d'avoir pour les autres les mêmes sentiments que pour soi-même. 3. Ensuite, pour montrer que ce n'est pas un amour quelconque qu'il recommande , il (402) ajoute : « Selon l'esprit de Jésus-Christ ». C'est l'habitude constante de Paul; il y a en effet un autre amour que celui-là. Et quel est le fruit de la concorde? « Afin que vous puissiez, d'un même coeur et d'une même bouche, glorifier Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ (6) ». Il ne dit pas seulement: « D'une même bouche », c'est la communion des âmes qu'il prescrit. Voyez-vous comme il cimente encore l'union du corps entier de l'Eglise, et comme il conclut encore en glorifiant Dieu? C'est la raison qu'il emploie de préférence pour exciter à la concorde et à l'harmonie. Il reprend ensuite la même exhortation, en disant « C'est pourquoi unissez-vous les uns aux autres, pour vous soutenir mutuellement, comme Jésus-Christ vous a unis avec lui pour la gloire de Dieu (7) ». Encore le modèle d'en-haut, et l'avantage ineffable; car il n'est rien qui glorifie Dieu autant que cette communion de sentiments qui fait notre force. Aussi quel que soit le ressentiment personnel que vous éprouviez contre votre frère, considérez que, si vous apaisez votre colère, vous glorifiez le Seigneur; faites-le; et, si ce n'est pas pour votre frère, du moins. pour Dieu, réconciliez-vous; ou plutôt que ce soit pour Dieu principalement que vous pardonniez. Car le Christ ne fait que répéter sans cesse ce commandement, et il disait à son Père: «Ce qui fera connaître à tous que c'est vous qui m'avez envoyé, c'est qu'ils soient un. ». (Jean, XVII, 21.) Rendons-nous donc à ce désir de Je Christ, unissons-nous étroitement les uns aux autres. Car ici l'apôtre ne s'adresse pas seulement aux faibles, il exhorte tous les hommes. Si l'on veut se séparer de vous, ne vous séparez pas, ne faites pas entendre cette, froide parole : qui m'aime, je l'aime; si mon oeil droit ne m'aimait pas, je l'arracherais : ce sont là des paroles de Satan, dignes des publicains, et qui respirent les haines des païens. Vous êtes appelés à une vie plus haute, vous êtes inscrits au ciel, vous êtes soumis à des lois plus nobles. Ne tenez donc pas de pareils discours. Celui qui ne veut, pas vous aimer, entourez-le d'une affection plus vive, pour l'attirer à vous; c'est un de vos membres; quand un de nos membres vient à être séparé du reste de notre corps, nous faisons tout pour l'y réunir, nous l'entourons alors de plus de soins et d'attention. Plus grande sera votre récompense si vous attirez à vous celui qui ne veut pas vous aimer. Si le Seigneur nous prescrit d'inviter à notre table ceux qui né peuvent pas nous rendre la pareille, et cela, afin que notre récompense soit augmentée, à bien plus forte raison faut-il se conduire de même en amitié. Car celui que vous aimez, et qui vous aime,.vous a payé ce qui vous est dû, tandis que celui que vous aimez et qui ne vous aime pas, a substitué en sa place Dieu pour débiteur auprès de vous; et en outre, celui qui vous aime, n'a pas besoin de toute votre sollicitude; au contraire, celui qui ne vous aime pas, c'est celui-là qui a besoin de votre secours. Que ce qui doit vous rendre plus vigilants, ne vous rende pas plus négligents, ne dites pas . voilà un malade, donc je ne m'en occupe pas; car c'est la froideur de sa charité qui le rend malade : au contraire, attachez-vous à réchauffer cette charité refroidie. Mais, m'objecterez-vous, si je ne parviens pas à la réchauffer? Persévérez, faites toujours ce qui dépend de vous. Mais s'il ne fait que se détourner de moi davantage? Il vous assure alors une plus grande récompense, il sert d'autant plus à montrer que vous êtes un imitateur du Christ. Si l'affection mutuelle est la marque distinctive des disciples : « C'est en cela que tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres » (Jean, XIII, 35), jugez de l'affection portée à celui qui vous hait. Votre Seigneur répondait à,ceux qui le haïssaient, en les aimant, en leur adressant ses exhortations; plus ils étaient faibles, plus il prenait soin d'eux; il disait d'une voix retentissante : « Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin du médecin, mais ceux qui sont malades » (Matth. IX , 12); et ceux qu'il admettait à sa table, c'étaient des publicains et des pécheurs; et plus les Juifs avaient d'outrages pour lui, et plus il avait d'égards pour eux, plus il leur prodiguait ses soins; on ne peut dire jusqu'à quel point son zèle pour eux croissait de plus en plus. Faites comme le Seigneur. Cette vertu n'est pas de peu d'importance, sans elle, un martyr même ne peut être agréable à Dieu, comme le dit Paul. (I Cor. XIII, 3.) Gardez-vous donc, de dire : On me liait, voilà pourquoi je n'aime pas; voilà pourquoi, au contraire, vous devez surtout montrer de l'amour. D'ailleurs il est impossible que celui qui aime devienne si facilement un objet de haine; une bête sauvage (403) répond à l'affection qu'on lui porte par de l'affection; c'est ce que font, dit le Seigneur, les païens et les publicains. (Matth V, 46, 47.) S'il est naturel d'aimer ceux par qui l'on est aimé, le moyen de ne pas aimer ceux qui répondent à la haine par de l'amour? Pratiquez donc cette charité; ne vous lassez pas de redire: Plus vous me haïrez; plus je vous aimerai; voilà une parole qui apaise toutes les querelles, qui attendrit tous les coeurs. Cette maladie de la haine c'est ou une inflammation, ou un refroidissement; dans les deux cas la douce chaleur de la charité opère la guérison. Ne voyez-vous pas comme ces honteux amants supportent les soufflets, les mépris, les outrages, tout ce que leur font endurer ces misérables courtisanes? Qui pourrait éteindre cet amour? les affronts? Nullement, ils ne font que le raviver : qu'importe que ces malheureuses, outre que ce sont des prostituées, appartiennent à une race obscure et vile; qu'importe que leurs victimes puissent souvent citer de glorieux ancêtres, et soient illustres à d'autres titres, rien n'y fait, l'indignité même du traitement qu'ils subissent ne les rebute pas, ne les éloigne pas de la femme qu'ils aiment. 4. Ne rougirons-nous pas quand Satan, quand les démons inspirent des amours d'une telle force, de ne pouvoir montrer la même énergie dans un amour, selon le coeur de Dieu? ne comprenez-vous pas que c'est là, pour frapper le démon, Parme la plus redoutable? ne voyez-vous pas quelle est l'insistance de ce démon pervers pour attirer à lui l'objet de votre haine, et que c'est un de vos membres dont il veut s'enrichir? et vous, vous n'y faites pas attention, et vous abandonnez le prix du combat? Le prix du combat, c'est votre frère, placé au milieu du champ de bataille; soyez vainqueur; à vous la couronne; cédez à votre négligence, et la couronne est perdue, et vous vous retirez honteusement. Cessez donc de faire entendre ce cri satanique : Si mon frère me hait, je ne veux même plus le voir. Rien de plus honteux; laissez dire la foule qui trouve là une marque de grandeur d'âme; rien de plus bas, de plus insensé, de plus cruel. Et ce qui m'afflige plus que tout, c'est la confusion que fait le grand nombre, prenant le mal pour de la vertu; l'humeur dédaigneuse et méprisante pour de la générosité, de (honnêteté. Voilà par où le démon nous prend surtout dans ses filets: nous faisons une bonne renommée à la perversité, ce qui la rend si difficile à détruire. Je n'entends que des gens qui se glorifient de n'avoir. aucun commerce avec leurs ennemis : eh bien, votre Seigneur met sa gloire précisément dans le contraire. Que de fois les hommes l'ont conspué ! que de fois ils se sont détournés de lui ! Mais lui ne se lasse pas de courir à eux. Ne dites donc plus : Je ne peux avoir aucun commerce avec ceux qui me détestent; dites au contraire : Je ne puis rejeter ceux qui me rejettent. Voilà le langage d'un disciple du Christ; l'autre langage est celui du démon; l'un donne une gloire éclatante; l'autre, la honte et le ridicule. Voilà pourquoi nous admirons Moïse; quand le Seigneur lui dit : « Laissez-moi faire, dans ma colère je les exterminerai » ; Moïse ne put se résoudre à détester ceux qui s'étaient si souvent détournés de lui, et il répondit à Dieu: «Je vous conjure de leur pardonner leurs péchés; si vous ne le faites pas, effacez-moi de votre livre que vous avez écrit ». (Exode, XXXII, 10, 31, 32.) C'est que Moïse était l'ami et l'imitateur de Dieu. Ne nous glorifions donc pas de ce dont nous avons lieu de rougir; ne répétons pas avec complaisance ces banalités grossières: je sais rendre haine pour haine; si nous entendons ce langage, tournons celui qui le tient, en ridicule, et fermons-lui la bouche parce qu'il se glorifie dé ce qui doit exciter la honte. Que dites-vous; répondez-moi? Vous détestez un fidèle que le Christ n'a pas détesté quand il était encore infidèle? Et que dis-je, que le Christ n'a pas détesté? Le Christ l'a aimé, cet homme, cet ennemi, ce misérable, il l'a aimé jusqu'à mourir pour lui. Cet homme, entendez-vous, cet homme ainsi fait, le Christ l'a aimé de cet amour; et vous, aujourd'hui, dites-moi, quand cet homme a recouvré sa beauté, vous le détestez, un membre du Christ, une partie du corps du Seigneur? Ne comprenez-vous pas ce que vous dites? ne sentez-vous pas jusqu'où va votre audace? Cet homme a pour tête le Christ, le Christ est sa table, son vêtement, sa vie, sa lumière, son fiancé; il est tout pour lui, et vous osez dire . Je le déteste ! et non-seulement lui, mais une infinité d'autres avec lui? Arrête, ô homme ! apaise ton délire, reconnais ton frère, reconnais la démence de tes paroles, paroles d'un insensé en fureur; habitue-toi à dire tout le contraire; dût-il mille fois me rejeter, me repousser, je (404) ne le quitte pas. C'est ainsi que vous saurez conquérir votre frère, que vous vivrez pour la gloire de Dieu, que vous aurez votre part des biens de la vie à venir; et puissiez-vous tous les obtenir, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soit, avec le Père et l'Esprit-Saint, la gloire, l'honneur et l'empire, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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