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HOMÉLIE II. PAUL, ET SILVAIN, ET TIMOTHÉE, A L'ÉGLISE DE THESSALONIQUE, EN DIEU NOTRE PÈRE, ET EN JÉSUS-CHRIST, NOTRE SEIGNEUR. QUE DIEU NOTRE PÈRE ET LE SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST, VOUS DONNENT LA GRACE ET LA PAIX. (I, 1-8.)
Analyse,
1. La grâce divine, bien inestimable. Joseph et la femme de Putiphar ; Joseph comblé de la faveur de Dieu. La foi défie les tempêtes, les déluges ne l'engloutissent pas. Grande ressource, être bien uni, ne former qu'un corps.
2. De la charité. De l'imperfection de l'amour qui n'est pas l'amour divin. De la patience dans les persécutions. Nécessité des afflictions pour entrer dans le royaume de Dieu. La rémunération future bien supérieure aux épreuves endurées.
3. Réjouissons-nous des récompenses à venir, mais non de la punition certaine des méchants. Sans perdre de vue, d'une part les châtiments, d'autre part, les récompenses, tout en méditant des vérités qui doivent servir à nous fortifier, excitons-nous à la vertu, par le seul amour de Jésus-Christ. La crainte des châtiments, combien utile et salutaire.
4. Utilité des entretiens sévères; évitons les frivolités, les discours inutiles, la curiosité indiscrète, les médisances. Mollesse des âmes qui ne peuvent supporter les discours sur l'enfer. Paul les méprisait. Pourquoi ? Les richesses ne sont pas des biens, la pauvreté n'est pas un mal, la pensée de l'avenir est tout.
1. La plupart des hommes ont recours à tous les moyens, font jouer toutes les machines, pour se mettre un peu en crédit auprès des magistrats, des personnes un peu haut placées; on attache beaucoup de prix à leur faveur, on la convoite, c'est un bonheur de l'obtenir. Si la faveur dès hommes est d'un si grand prix, de quel prix sera la faveur de Dieu? Voilà pourquoi, dans ses lettres, l'apôtre début, toujours par le souhait de la grâce de Dieu. Paul sait bien qu'avec cette grâce on n'a plus rien à craindre, que c'en est fait de tous les chagrins, de toutes les contrariétés. Voici qui vous fera comprendre cette vérité : Joseph était un (240) esclave, un jeune homme sans expérience, très-simple, et tout à coup le voilà chargé d'administrer une maison, et c'était à un égyptien qu'il devait ses comptes. Vous savez tous combien les gens de cette race sont portés à la colère, et surtout sont vindicatifs. Ajoutez à ces dispositions naturelles, une charge qui donne du pouvoir; la colère est plus redoutable, parce qu'elle s'augmente avec le pouvoir. L'égyptien l'a bien montré. La maîtresse porte l'accusation; le maître l'accueille, et cependant, s'il y avait eu violence, ce n'était pas sur ceux qui avaient le manteau entre les mains, mais sur celui qui avait été dépouillé. L'égyptien aurait dû dire : Vous n'aviez qu'à élever la voix, il aurait pris la fuite; s'il se sentait coupable, il n'aurait pas attendu la présence de son maître. Toutefois de pareilles pensées étaient trop fortes pour cet homme; il s'abandonna tout entier, aveuglément, à la colère, et jeta Joseph en prison ; tel était l'excès de sa démence. Et cependant les témoignages ne lui manquaient pas pour lui apprendre quelle était la sagesse, l'intelligence de Joseph; mais cet égyptien était tout à fait dépourvu de raison, aussi ne fit-il aucun raisonnement. Eh bien, Joseph, avec un maître d'un caractère si misérable, Joseph chargé de tout le soin d'administrer la maison, lui, qui était un étranger, sans soutien, sans expérience, reçut à grands flots la grâce divine, et toutes ces épreuves furent comme non avenues; il surmonta tout cela, et les calomnies de sa maîtresse, et les dangers qui menaçaient sa vie, et la prison; enfin il arriva jusqu'au trône. Eh bien donc, notre bienheureux Paul sait combien est grande la grâce de Dieu, et,voilà pourquoi il la souhaite à ceux qui recevront sa lettre. Il a aussi en tête une autre pensée : il veut qu'on fasse bon accueil à ce qu'il écrit; il veut que, s'il réprimande, s'il gronde, on ne regimbe pas. Voilà pourquoi il leur parle, avant tout, de la grâce de Dieu; il adoucit leur cur; il veut que, dans les afflictions, ils se souviennent de la grâce qui les a sauvés au `milieu d'épreuves plus difficiles, de telle sorte que, dans de moindres épreuves, ils ne désespèrent pas, qu'au contraire ils soient consolés. C'est ainsi que, dans un autre endroit, il leur disait : « Si, lorsque nous étions ennemis de Dieu , nous avons été réconciliés avec lui par la mort de son Fils, à plus forte raison, maintenant que nous sommes réconciliés, serons-nous sauvés par la vie de ce même Fils ». (Rom. V, 10.) « Que Dieu Notre Père », dit-il, « et le Seigneur Jésus-Christ, vous donnent la grâce et la paix. Nous devons , mes frères, rendre pour vous à Dieu de continuelles actions de grâces, comme il est juste ». Voyez quel excès d'humilité ! En disant : «Nous devons rendre des actions de grâces », voici la pensée, la réflexion qu'il leur suggère: Si ce n'est pas vous que les autres commencent par admirer pour vos bonnes oeuvres, si c'est Dieu d'abord qu'ils admirent, à plus forte raison doit-il en être ainsi de nous. L'apôtre en outre élève leurs pensées; ce qui arrive aux Thessaloniciens n'est pas fait pour provoquer, ni les larmes, ni les lamentations, loin de là, mais les actions de grâces adressées à Dieu. Si Paul bénit le Seigneur pour les biens décernés aux autres, quel sera le sort de ceux qui, loin de bénir le Seigneur, se laissent ronger par l'envie? « Puisque votre foi s'augmente de plus en plus, et que la charité, que vous avez les uns pour les autres, s'accroît». Et comment, me dira-t-on, la foi peut-elle s'augmenter? Comment? par les traitements rigoureux que nous endurons pour elle. Il est beau d'être solide, fixe dans ses pensées; mais lorsque les vents soufflent avec violence, lorsque la tempête se précipite, lorsque les flots s'amoncellent de toutes parts, si alors nous ne chancelons pas, c'est l'infaillible marque de l'abondance, de la surabondance, du sublime essort de notre foi. De même qu'aux jours du déluge, de l'inondation, tout ce qui est pierre et tenant à la terre est submergé vite, tandis que ce qui s'élève vers le ciel, échappe au naufrage, de même la foi qui s'élève n'est pas engloutie. Voilà pourquoi l'apôtre ne dit pas simplement, « s'augmente», mais, «puisque votre foi s'augmente de plus en plus, et que la charité que vous avez les uns pour les autres, s'accroît ». Voyez quelle ressource, dans les afflictions, de former une masse compacte; de se tenir serrés les uns contre les autres; de là, en outre, une grande consolation. La charité molle et la foi sans énergie se troublent devant les afflictions; au contraire, une foi et une charité énergiques se fortifient encore dans les épreuves. L'âme tourmentée par les douleurs n'en retire, si elle est faible, aucun profit; l'âme forte y gagne un surcroît de force. Voyez la charité des (250) premiers chrétiens; ils n'avaient pas, pour un tel, un amour sans bornes; pour tel autre, aucune affection; leur affection était égale pour tous. C'est ce que l'apôtre fait entendre par ces paroles : «Et que la charité que vous avez les uns pour les autres». C'est l'équilibre; les chrétiens ne forment tous qu'un corps; aujourd'hui même, nous voyons bien que beaucoup de personnes éprouvent la charité, ressentent l'affection, mais cette affection est une cause de dissentiment. Qu'arrive-t-il, dans le cas de deux ou trois amis ensemble? Ces deux ou trois, ou quatre, étroitement unis, se séparent des autres, les abandonnant pour ceux qui font leur force, en qui seuls ils ont une confiance exclusive; c'est le déchirement de la charité, ce n'est plus de la charité. Supposez que l'oeil, qui doit veiller pour tout le corps, ne s'exerçât plus que dans l'intérêt de la main, se séparât de toutes les autres parties du corps, pour ne s'occuper que de la main, ne serait-ce pas la perte du corps entier? Assurément. Il en est de même pour nous; notre charité doit s'étendre à toute l'Église de Dieu. Si nous la concentrons sur un seul ou sur deux, nous nous perdons nous-mêmes, et nos amis, et tous les autres. Ce n'est pas là de la charité; il n'y a là que division , séparation, déchirement, tiraillement. Une partie arrachée au corps humain aura beau posséder toute l'unité, toute la cohésion possible, cependant il n'y en a pas moins fracture, déchirement, vu que cette partie n'est pas unie au reste du corps. 2. Qu'importe que celui-ci, que, celui-là soit l'objet de votre amour passionné. L'amour est un sentiment humain; si votre sentiment est plus qu'humain, si c'est en vue de Dieu que vous aimez, aimez tous les hommes, car Dieu nous commande d'aimer jusqu'à nos ennemis. S'il nous a commandé d'aimer jusqu'à nos ennemis, à combien plus forte raison ceux qui ne nous ont fait aucun mal. Mais je suis plein d'amour, me répond-on; non, vous ne ressentez pas l'amour divin, ou plutôt vous ne ressentez aucun amour; vous accusez, vous enviez, vous dressez des piéges. Où est votre amour? Mais, je ne fais rien de pareil, me répond-on. Cependant, quand vous entendez médire, vous ne fermez pas la bouche du médisant, vous ne refusez pas d'ajouter foi à ses paroles, vous ne l'arrêtez pas ; quelle marque d'amour ! « Puisque la charité », dit l'apôtre, « que vous avez les uns pour les autres, prend tous les jours un nouvel accroissement, de sorte que nous nous glorifions en vous, dans les églises de Dieu (3, 4) ». Dans la première épître, il dit que toutes les églises de la Macédoine et de l'Achaïe ont retenti du bruit de leur foi : « De telle sorte », dit-il, « qu'il n'est point nécessaire que nous en parlions, puisqu'ils racontent eux-mêmes de nous, quel a été le succès de notre arrivée parmi vous ». (I Thess. I, 8, 9.) Ici maintenant il dit : « De sorte que nous nous glorifions ». Qu'est-ce que cela veut dire? Dans la première épître, il dit : Ils n'ont pas besoin de nos leçons; dans celle-ci, il ne dit pas Nous leur apportons l'enseignement, mais: « Nous nous glorifions ». Cela veut dire : Si, à cause de vous, nous rendons grâces à Dieu, si nous nous glorifions auprès des hommes, à bien plus forte raison vous convient-il de le faire pour les biens qui nous arrivent. Si, en effet, vos bonnes oeuvres méritent que d'autres se glorifient, comment seront-elles, pour nous, un sujet de lamentations? On ne peut pas le dire : « De sorte que nous nous glorifions en vous dans les églises de Dieu, à cause de la patience et de la foi que vous montrez». Il prouve ici que beaucoup de temps s'est passé, car la patience suppose beaucoup de temps, plus qu'une simple durée de deux ou trois jours. Et maintenant il ne dit pas seulement, la patience ; il faut certes beaucoup de patience pour attendre, sans en jouir, des biens qui sont promis. Mais l'apôtre indique ici une plus grande patience. Quelle est-elle? La patience au sein des persécutions. Ce qui prouve que c'est là la patience qu'il indique, c'est ce qui suit : « Dans toutes les persécutions et les afflictions que vous supportez ». En effet, ils étaient entourés d'ennemis, qui, de tous côtés, cherchaient à leur nuire, et la patience des fidèles, leur solidité était inébranlable. Honte à ceux qui, pour s'assurer des protecteurs parmi les hommes, changent de croyances ; aux premiers jours de la prédication, des pauvres, obligés, de travailler tous les jours pour gagner leur vie, bravèrent les inimitiés de ceux qui gouvernaient l'État, des plus hauts dignitaires, des plus grands potentats; on ne rencontrait pas un chrétien parmi les princes et les magistrats, et cependant ces premiers chrétiens supportaient une guerre implacable, et ne renonçaient pas à leur foi.
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« Qui sont les marques du juste jugement de Dieu (5) » . Voyez la consolation que l'apôtre leur ménage. Il a dit :Nous rendons grâces à Dieu; il a dit : Nous nous glorifions auprès des hommes. Voilà de bonnes paroles; mais ce que recherche avant tout l'affligé, c'est d'être délivré de ses maux, c'est de voir punir ceux qui l'affligent. Voilà ce que l'âme faibli; désire avant tout. Quant au sage, il n'en est pas de même. Que dit donc l'apôtre? « Qui sont les marques du juste jugement de Dieu ». Il y a là deux idées indiquées, à savoir : la punition des méchants et la récompense des bons. C'est comme s'il disait Afin qu'en vous couronnant, afin qu'en les punissant, la justice de Dieu se manifeste. C'est en même temps une consolation qu'il leur adresse; il leur montre que les sueurs et les fatigues qu'ils souffrent, demandent, et qu'il est conforme à la justice, qu'ils soient couronnés. L'apôtre leur parle d'abord de ce qui les concerne. En effet, quelque désireux qu'on soit de vengeance, ce sont d'abord les récompenses qu'on désire, voilà pourquoi il ajoute : « Et qui servent à vous rendre dignes du royaume de Dieu, pour lequel aussi vous souffrez ». Ces persécutions ne sont donc pas un effet de la puissance supérieure des persécuteurs, mais de la nécessité d'entrer par cette voie dans le royaume de Dieu. « Car, c'est par beaucoup d'afflictions », dit l'Ecriture, « que nous devons entrer dans le royaume de Dieu ». (Act. XIV, 22.) « Si vraiment il est juste devant Dieu, qu'il afflige à leur tour ceux qui vous affligent maintenant, et qu'il vous console avec nous, vous qui êtes dans l'affliction. Lorsque le Seigneur Jésus descendra du ciel avec les anges, qui sont les ministres de sa puissance (6, 7) ». Ce « si vraiment », tient lieu ici, de parce que, expression que nous employons quand il s'agit d'une vérité incontestable qu'il est impossible de contredire ; c'est donc pour, il est tout à fait juste. S'il est juste, dit-il, devant Dieu qu'il les punisse, n'en doutons pas, il les punira ; c'est comme s'il disait : Si Dieu prend souci de ces choses, si Dieu s'en préoccupe. Ce a si vraiment n a la même valeur que si la chose était incontestable, comme s'il disait : Si Dieu déteste les méchants, pour forcer les auditeurs à dire que Dieu les déteste (ce sont là en effet des pensées sur lesquelles il n'y a pas le moindre doute) ; et de même ici, tout le monde est d'accord qu'il. y a justice, car si cela est juste devant les hommes, à bien plus forte raison est-ce juste devant Dieu. « Qu'il afflige », dit-il, « ceux qui vous affligent., et qu'il vous console, vous qui êtes dans l'affliction ». 3. Eh quoi donc? Est-ce que la rétribution est égale? Nullement. Mais voyez comme il montre, par les paroles qui suivent, combien la rétribution est plus forte, combien la consolation dépasse les épreuves. Voyez, de plus, cette autre consolation : Partagez la rétribution, dit-il, avec ceux qui ont partagé l'affliction. C'est là en effet ce que signifie cet « avec nous ». Il associe, au partage des couronnes, ceux qui ont fait peu de chose, et ceux dont les oeuvres sont innombrables, incomparables. Ce n'est pas tout, il marque le temps, et il le décrit de manière à exalter les âmes; sa parole ouvre, pour ainsi dire, le ciel, et l'étale sous les yeux; montre l'armée des anges, et présente un admirable tableau plein de consolations pour les affligés. « Et qu'il vous console, avec nous, vous qui êtes dans l'affliction, lorsque le Seigneur Jésus descendra du ciel et paraîtra avec les anges, qui sont les ministres de sa puissance. Lorsqu'il viendra a au milieu des flammes se venger de ceux qui ne connaissent point Dieu et qui n'obéissent point à l'Evangile de Notre-Seigneur Jésus-Christ (8) ». Si l'on est puni pour ne pas obéir à l'Evangile, quel sera le sort de ceux qui, non-seulement n'obéissent pas à l'Evangile, mais vous affligent ? A quels tourments ne sont-ils pas réservés ? Mais maintenant, remarquez la prudence de l'apôtre ; il ne dit pas Ceux qui vous affligent, mais « ceux qui a n'obéissent pas » ; d'où il suit que, si ce n'est pas pour vous, c'est pour l'Evangile qu'il est nécessaire de les punir. Cette parole, c'est pour prouver; avec plus de certitude, qu'il faut absolument les punir. Ce qui précède, c'est pour montrer qu'il faut que les fidèles soient honorés. La certitude du supplice qu'il annonce, les porte donc à la foi, et ce qui doit réjouir les fidèles, c'est que ces supplices sont la punition des maux qu'on leur a faits. Ces paroles s'adressaient à ceux de Thessalonique, mais elles nous conviennent à nous aussi. Donc, à l'heure des afflictions, méditons-les. Ne nous réjouissons pas du supplice des autres parce qu'il nous venge, réjouissons-nous d'être nous-mêmes affranchis de la (252) punition et du châtiment. Quel profit pour nous, lorsque les autres sont châtiés? Ne souffrons pas, je vous en prie, dans nos âmes, de tels sentiments, mais que la royauté du ciel nous excite à la vertu. Sans doute, l'homme vraiment vertueux ne se décide ni par crainte, ni par amour de la royauté, mais par le seul amour du Christ; ainsi faisait Paul. Mais nous, méditons sur les biens du royaume céleste, sur les douleurs de l'enfer, et sachons, par ce moyen-là au moins, nous former, nous instruire, nous porter à notre devoir. En présence de ce qui semble bon, de ce qui semble grand dans la vie présente, pensez à la royauté du ciel, et vous ne verrez plus qu'un néant ici-bas. En présence d'un objet terrible, pensez à l'enfer, et vous rirez; quand un désir charnel pénétrera en vous, pensez au feu éternel, méditez en même temps sur le plaisir même du péché, plaisir qui n'a rien de réel, plaisir qui n'est pas même un plaisir. Si les lois de ce monde sont assez terribles pour nous détourner des actions coupables, à bien plus forte raison faut-il le dire de la pensée des choses à venir, du châtiment immortel, de la peine éternelle. Si la crainte qu'inspire un roi de la terre nous écarte de tant d'actions mauvaises, à combien plus forte raison la crainte du Roi éternel. Eh bien ! comment pourrons-nous l'entretenir toujours en nous, cette crainte? Ecoutons souvent l'Ecriture. Si l'aspect seul d'un mort fait que notre coeur se serre, à bien plus forte raison la géhenne et le feu inextinguible, à bien plus forte raison le ver qui ne meurt pas. Pensons toujours à la géhenne, nous ne serons pas près d'y tomber. Voilà pourquoi Dieu nous menace de ce supplice. Si la pensée de ce supplice n'était pas pour nous d'une grande utilité, Dieu ne nous en aurait pas menacés; mais cette pensée fait faire de grandes choses, et, comme un remède salutaire, la menace de Dieu l'applique à nos âmes. Ne méprisons pas l'utilité si grande qui en ressort pour nous; pensons-y sans cesse, dans les dîners, dans les soupers. La conversation sur des sujets agréables n'est d'aucun profit pour l'âme, et ne fait que la rendre plus lâche; mais la conversation sur des sujets sévères et dont l'idée importune, retranche le luxe inutile des pensées superflues, prévient le relâchement de l'âme et en ramasse les forces. Les entretiens sur les théâtres et les acteurs ne servent de rien à l'âme, et ne font qu'ajouter à l'irréflexion, à la pétulance de la pensée. La curiosité qui recherche, qui fouille les actions d'autrui, jette souvent l'âme dans les périls; mais parler de la géhenne, c'est s'affranchir de tout péril, et rendre l'âme plus sage. Mais vomis redoutez les paroles de mauvais augure? Est-ce que votre silence éteindra la géhenne? Est-ce que votre parole l'allumera? Que vous parliez ou non, le feu s'embrasera. Ne cessons donc pas d'en parler, afin que vous. n'y tombiez jamais. Il est impossible qu'une âme, inquiétée par la pensée de la géhenne, soit prompte à pécher. « Rappelez-vous votre dernière heure; et vous ne pécherez pas pour l'éternité ». (Eccl. XXVIII, 6.) Il est impossible qu'une âme, qui redoute les comptes à rendre un jour, n'ait pas de répugnance pour les prévarications. La crainte, maîtrisant la pensée, n'y laisse rien entrer de mondain. Si les paroles qui rappellent l'enfer, abattent et répriment 1a pensée mauvaise , la raison qui a fait sa résidence dans les âmes, ne les purifie-t-elle pas plus encore que toutes les flammes? Ne pensons pas à la royauté du ciel autant qu'à la géhenne, car la crainte a plus de force que la promesse; et j'en sais un trop grand nombre qui dédaigneraient les biens incomparables, s'ils pouvaient s'affranchir de la punition. N'est-il pas vrai qu'il me suffit à moi-même de n'être pas puni, de n'être pas châtié? Aucun de ceux qui ont la géhenne devant les yeux, ne tombera dans la géhenne ; aucun de ceux qui méprisent la géhenne, n'échappera à la géhenne. De même que chez nous ceux qui redoutent les tribunaux, ne sont pas conduits devant les tribunaux, tandis que ceux qui les méprisent sont surtout ceux que l'on y traîne; de même pour la géhenne. Si les habitants de Ninive n'avaient pas redouté leur destruction, ils auraient été détruits; mais pour l'avoir redoutée, ils n'ont pas été détruits. Si les contemporains de Noé avaient redouté le déluge, ils n'auraient pas été engloutis. Si les Sodomites avaient redouté la flamme, ils n'auraient pas été dévorés parla flamme. C'est un grand malheur de mépriser les menaces; qui méprise les menaces, en éprouvera bien vite les effets. Rien n'est aussi utile que de s'entretenir de la géhenne; voilà qui purifie les âmes, qui les rend plus blanches que l'argent le plus pur. Ecoutez les paroles du Prophète : « Vos jugements sont toujours devant moi » . (Psal. XVII , 23.) Le Christ aussi (253) en parle sans cesse; discours qui affligent lauditeur, mais qui l'affligent pour sa plus grande utilité. 4. Car il en est ainsi dg tout ce qui noms est utile. Ne vous en étonnez pas, les médicaments , les aliments répugnent d'abord au malade, et ils lui sont utiles. Si nous ne supportons pas la rigueur des paroles, il est évident que nous ne supporterons pas l'affliction. réelle; si l'on ne supporte pas les discours sur la géhenne, évidemment quand la persécution viendra, l'on ne saura pas résister au feu et au glaive. Sachons donc habituer notre oreille à ces discours, préservons- nous, de la mollesse. Après. les paroles, viendra pour nous la réalité. Habituons-nous à entendre des choses terribles pour nous habituer à supporter des choses Terribles. Si notre relâchement va jusqu'à ne pas pouvoir endurer des paroles, comment pourrons-nous tenir contre les rigueurs de la réalité? Voyez quel mépris pour tous les mauvais traitements , pour les dangers survenant coup sur coup, manifeste le bienheureux Paul. C'est que ses méditations l'avaient porté jusqu'au mépris de l'enfer, pour se rendre agréable à Dieu. La réalité même de l'enfer lui paraissait peu de chose, pour l'amour du Christ; et nous, en considération de nos intérêts, nous ne supportons même pas les paroles qui le rappellent. A peine avez-vous entendu quelques mots sur ce sujet, vite vous vous retirez. Je vous en prie, s'il y a en vous. quelque charité, ne vous lassez pas, de semblables entretiens. Ces méditations ne sauraient en rien vous nuire, supposé qu'elles ne vous servent pas ; au contraire, je suis sûr qu'elles vous serviront, car l'âme se façonne selon les discours qu'elle entend. « Les mauvais entretiens gâtent les bonnes moeurs », dit l'apôtre, (I Cor. XV, 33.) D'où il suit que les bons entretiens les. améliorent : Les entretiens sur des sujets terribles inspirent, la sagesse. L'âme est comme une cire : exposez-la au froid de certains discours , vous la pétrifiez , vous l'endurcissez. Au contraire , les discours fervents l'amollissent ; et quand elle est amollie, vous lui donnez la forme que vous voulez, et, vous y gravez la royale image. Donc, bouchons nos oreilles aux discours inconsidérés, redoutons ce mal, d'où proviennent tous les maux. Si l'attention de notre âge s'exerçait. uniquement à entendre les divines paroles, elle ne ferait pas attention aux autres discours, et n'y faisant pas attention, elle ne se porterait pas aux actions mauvaises. Car la route qui conduit aux actions, c'est la parole; d'abord nous pensons, ensuite nous parlons , puis nous agissons. Grand nombre d'hommes, pleins de sagesse et de modération, ont commencé par les paroles honteuses pour arriver aux actions honteuses. Notre âme, en effet, n'est de sa nature ni bonne ni mauvaise; c'est le libre arbitre qui la met tantôt dans tel état, tantôt dans tel autre. De même que la voile porte le navire partout où souffle le vent, ou plutôt, de même que le gouvernail transporte le navire , si le vent est favorable; de même la pensée, si les bonnes paroles sont portées par un vent favorable, naviguera sans péril. Dans le. sas contraire; la pensée fera souvent naufrage ; car, ce que sont les vents pour les navires, les paroles le sont pour les âmes; partout où vous voulez, vous transportez et tournez votre pensée; de là ce conseil de 1'Ecriture : « Que toutes vos paroles soient conformes à la loi du,Très-Haut ». (Eccl. IX, 20.) Aussi, je vous en, prie, quand les nourrices vous rendent vus enfants , ne les habituez pas à des contes de vieille femme; mais, dès l'âge le plus tendre, qu'ils apprennent ce que c'est que le jugement; gravons-leur dans l'âme ce que c'est que le supplice. Cette crainte, enracinée dans les coeurs, produit de grands biens. L'âme qui, dès les premières années de l'enfance, s'est pliée à cette attente, ne, secouera pas facilement ce guide dont. elle a peur; comme un cheval, docile au freins l'âme qui, sent peser sur elle la pensée de la géhenne, marche d'un pas bien réglé, et toutes ces paroles seront conformes à son utilité, et ni jeunesse, ni richesse, ni perte ou abandon, ou quoi que ce soit, ne pourra lui nuire, si elle a cette raison solide assez forte pour résister à tout., Ces entretiens doivent être notre règle et notre frein, pour nous , pour nos femmes,, nos esclaves, nos enfants, nos amis, et , s'il est possible, pour nos ennemis. Nous pouvons, avec ces entretiens, retrancher le grand nombre de nos péchés, et vivre, au milieu des afflictions, plus heureux qu'au sein de la prospérité, et je vais vous le prouver. Répondez-moi : Vous entrez dans une maison où se célèbre un mariage, et, pendant une heure, ce spectacle vous amuse, mais bientôt vous vous retirez, et le chagrin vous dessèche parce que vous, n'êtes (254) pas aussi riche; vous entrez, au contraire, dans une maison en deuil, et quelque riches qu'en soient les habitants, en vous retirant, vous vous sentez le coeur en repos , parce que ce que vous avez vu , ne vous a pas inspiré l'envie, mais vous a consolés de votre pauvreté. Vous le voyez, la réalité vous montre que la richesse n'est pas un bien, que la pauvreté n'est pas un mal; que ce sont choses indifférentes. Maintenant, parlez, je suppose, des plaisirs recherchés de la vie, vous heurtez l'homme qui n'a pas assez de ressources pour se les procurer; parlez, au contraire, contre les délices, et, si vous le voulez, de la géhenne, la conversation est de nature à vous intéresser vivement , car cette pensée que les plaisirs délicats n'auront servi absolument à rien pour préserver du feu à venir, vous empêchera de les rechercher. Ce n'est pas tout, la pensée que ces plaisirs ne servent d'ordinaire qu'à irriter ce feu, non-seulement vous empêchera de les rechercher, mais vous portera encore à les haïr, à les repousser loin de vous. Donc n'évitons pas les discours sur la géhenne, si nous voulons éviter la géhenne ; n'évitons pas la pensée du châtiment, si nous voulons n'être pas châtiés. Si ce riche, bien connu, avait pensé au feu de l'enfer, il n'aurait pas péché. C'est pour n'y avoir jamais pensé, qu'il y est tombé d'une chute si terrible. Réponds-moi, ô homme, il te faudra comparaître devant le tribunal du Christ. Quel sujet d'entretien peux-tu préférer à celui-là? Si tu as un procès auprès d'un juge, tu en parles, non-seulement pendant la nuit, non-seulement pendant le jour, non pas quelques instants seulement, non pas une heure seulement, mais toujours, mais sans cesse; fui ne parles que de ce procès; et quand il te faudra rendre compte de ta vie tout entière, et subir un jugement; tu ne peux pas même supporter ceux qui te rappellent ce jugement? Eh bien, voilà pourquoi tout meurt, pourquoi tout est perdu, c'est que, pour avoir à nous présenter devant un tribunal humain pour des affaires de la vie présente, nous mettons tout en mouvement , nous adressons des prières à tout le monde, nous ne cessons pas un instant de nous inquiéter, de tout faire, en vue de ce procès; et nous, les mêmes hommes, nous qu'attend le tribunal du Christ, au bout d'un temps bien court, nous ne faisons rien, ni par nous, ni par les autres; nous n'adressons pas nos prières au juge, quoiqu'il nous donne assez de temps pour cela, quoiqu'il ne nous enlève pas du beau milieu de nos péchés, quoiqu'il nous permette, au contraire, de nous en dépouiller; quoiqu'il fasse, par lui-même, tout ce que lui inspirent et sa bonté et sa clémence. Inutile sollicitude : et voilà pourquoi plus rigoureux est le châtiment. Mais loin de nous de le sentir par expérience. Aussi, je vous en conjure , revenons, maintenant du moins, à la sagesse; ayons toujours la géhenne devant les yeux; réfléchissons sur ces comptes à rendre de toute nécessité ; et puissent ces pensées nous faire fuir le vice, nous porter à la vertu, nous mériter les biens promis à ceux qui l'aiment, par la grâce et par la bonté, etc.
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