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DISCOURS CONTRE LES JUIFS.
(Voir t. I, chap. XI, p. 125.)
PREMIER DISCOURS.
ANALYSE.
Saint Jean Chrysostome interrompt la suite de ses discours contre les Anoméens pour combattre les Judaïsants. Les Chrétiens ne doivent pas participer aux jeûnes ni aux fêtes des Juifs : 1° Parce que les Juifs sont des misérables qui font tout à contretemps ; ils ne jeûnaient pas quand il fallait. jeûner, et ils jeûnent maintenant qu'il ne faudrait plus ; aussi ont-ils été rejetés et les chrétiens mis à leur place; 2° parce que leur synagogue n'est pas plus respectable qu'un théâtre, un lieu de débauche et une caverne de brigands ; elle est l'hôtellerie des démons, tandis que l'église est la maison de Dieu,
La possession des Livres saints ne rend pas la synagogue vénérable,et ne peut être une excuse pour ceux qui y courent: 1° parce que les Juifs outragent ces livres, en disant qu'ils ne parlent pas de Jésus-Christ; 2° parce qu'ils s'en servent pour tromper plus aisément les faibles ; 3° parce que, non-seulement la synagogue, mais l'âme même des Juifs est la demeure des démons; aussi Dieu a-t-il rejeté leurs sacrifices, leurs fêtes, et même le temple, en le livrant aux mains des Gentils.
L'espoir d'obtenir la guérison de quelque maladie n'est pas non plus une raison d'aller à la synagogue : 1° parce que les démons qui l'habitent ne peuvent guérir ; 2° parce que, quand même ils le pourraient, on ne doit pas perdre son âme pour guérir le corps. Il faut donc user de tous les moyens pour empêcher ses frères de judaïser, principalement parce que, en ne le taisant pas, l'on participe à leur crime, et l'on se rend passible de la même peine qu'eux.
1. Je me proposais de compléter aujourd'hui ce qui me. reste à dire sur le sujet dont je vous ai entretenus récemment, et de vous montrer avec plus d'évidence que Dieu est incompréhensible. C'est sur ce sujet, en effet, que, dimanche dernier, je vous ai parlé longuement et abondamment, en apportant le témoignage d'Isaïe, de David et de Paul. Qui racontera sa génération (Isaïe, LIII, 8) ? s'écriait le premier. Le second lui rendait grâces de ce qu'il est incompréhensible, en disant : Je vous louerai, parce que vous vous êtes montré admirable d'une manière effrayante : admirables sont vos uvres. (Ps. CXXXVIII, 14.) Et encore : Votre science est élevée d'une manière merveilleuse, au-dessus de moi : elle est si sublime que je ne pourrai y atteindre. (Ibid. 6.) Paul, lui, ne portait pas sa recherche sur l'essence même de Dieu, mais, seulement sur sa providence, et encore n'embrassant que ce seul petit point de la providence qu'il avait démontré dans la vocation des Gentils, et le voyant comme une mer vaste et immense, il s'écriait : O profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu! que ses jugements sont incompréhensibles et ses voies impénétrables! (Rom. XI, 33.) Ces preuves , en vérité, étaient suffisantes ; cependant, je ne me suis pas contenté des prophètes, je ne m'en suis pas tenu aux apôtres j'ai monté dans le ciel, et je vous ai montré le choeur des anges, qui disait : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre, bienveillance aux hommes! (Luc, XI, 14.) Vous avez entendu les séraphins crier encore dans la stupeur et l'effroi : Saint, saint, saint, (280) le Seigneur des armées, toute la terre est pleine de sa gloire ! (Is. VI, 3.) J'y ai joint les chérubins s'écriant: Bénie soit sa gloire du lieu où il réside. (Ezéch. III, 12.) Sur la terre, trois témoins, trois témoins au ciel vous ont donc démontré l'inaccessibilité de la gloire de Dieu. Aussi, la démonstration atteignit une éclatante évidence, et les applaudissements étaient nombreux; la scène s'échauffait, et l'assemblée était embrasée. Pour moi, je rendais grâces, non de ce qu'on me louait moi-même, mais de ce que mon Maître était glorifié. Car, ces applaudissements et ces éloges montraient l'amour de vus âmes pour Dieu. Des serviteurs sincèrement attachés à leur maître, ressentent aussi une vive affection pour celui qu'ils entendent faire l'éloge de ce maître; ainsi avez-vous fait alors l'ardeur de vos applaudissements a montré la grandeur de votre amour pour le divin Maître. Je me proposais donc de livrer aujourd'hui encore les mêmes combats. Car, si les ennemis de la vérité ne se rassasient pas de blasphémer contre le Bienfaiteur du genre humain, combien plus faut-il que nous soyons enflammés du désir insatiable de publier la louange du Dieu de l'univers. Mais que faire ? Une autre maladie, la plus grave qui se puisse imaginer, demande tous nos soins : il faut lui appliquer le remède de nos instructions; il s'agit d'une maladie qui affecte le corps même de l'Eglise. Il faut la guérir avant tout; les,malades du dehors viendront ensuite. Nos premiers soins doivent être pour ceux de la famille, les étrangers n'y ont droit qu'après. Mais quelle est cette maladie ? Les fêtes de ces malheureux Juifs vont arriver; fêtes continuelles, incessantes : les trompettes, les tabernacles, les jeûnes; et beaucoup de ceux qui font avec nous une même société, qui disent avoir les mêmes sentiments que nous, assistent à ces fêtes : les uns vont les voir, d'autres même y prennent part, et observent les jeûnes judaïques. C'est cette coutume, perverse dont je veux délivrer l'Eglise maintenant. Car les discours contre les Anoméens peuvent aussi bien se prononcer en un autre temps, sans que vous ayez aucunement à souffrir de ce retard; mais nos frères, qui sont atteints du mal judaïque, si on ne leur donnait des soins, maintenant que les fêtes des Juifs sont proches, et que nous touchons à l'époque où elles se célèbrent, il serait à craindre que quelques-uns, par suite d'une mauvaise habitude et d'une grande ignorance, ne participassent à leurs iniquités, et dès lors à quoi serviraient nos discours? En effet, s'ils ne sont pas prévenus aujourd'hui, ils jeûneront avec les Juifs, et quand le péché aura été commis, vainement viendrons-nous appliquer le remède. C'est pourquoi je me hâte d'aller au-devant. Les médecins agissent de la sorte ; les maladies les plus pressantes et les plus aiguës sont celles qu'ils attaquent d'abord. Il y a, du reste, une affinité parfaite entre les deux controverses que nous soutenons. Il y a du rapport entre l'impiété des Anoméens et celle des Juifs : il y en a par conséquent entre nos combats précédents et ceux d'aujourd'hui. Les Anoméens se heurtent aujourd'hui contre la même pierre d'achoppement où se sont brisés les Juifs. De quoi les Juifs accusaient-ils Jésus-Christ? De dire que Dieu est son propre Père, se faisant ainsi lui-même égal à Dieu. (Jean, V, 18.) C'est la même chose que lui reprochent aujourd'hui les Anoméens, ou plutôt ce n'èst pas un reproche qu'ils font, mais ils effacent les paroles et le sens des Ecritures, sinon de la main, du moins par la pensée et la volonté. 2. Et ne vous étonnez pas que j'aie appelé les Juifs malheureux. Ils sont, en effet, malheureux et bien à plaindre, eux qui ont repoussé tant de biens venus du ciel en leurs mains, et qui les ont rejetés avec la plus criminelle obstination. Le soleil matinal de justice s'est levé sur eux, mais ils en ont repoussé les rayons et ils sont assis dans les ténèbres; nous, au contraire, nourris dans les ténèbres, nous avons attiré la lumière à nous, et nous avons été délivrés de l'obscurité de l'erreur. Ils étaient les rameaux de la racine sainte, et ils ont été brisés (Rom. XI, 16, 17) ; mais nous qui ne tenions pas à la racine, nous avons porté des fruits de piété. Ils ont connu les prophètes dès le premier âge, et ils ont crucifié Celui qui était annoncé par les prophètes ; nous, qui n'avions pas entendu les divins oracles, nous avons adoré Celui que les prophètes annonçaient. Ils sont malheureux, parce que les biens qui leur étaient envoyés, ils les ont repoussés, tandis que d'autres les ravissaient et les attiraient à eux. Ces mêmes Juifs, qui étaient appelés à l'adoption des enfants, sont descendus dans la famille des chiens; mais nous qui étions des chiens, nous avons pu, par la grâce de Dieu, déposer notre irrationnabilité première, et nous (281) élever à la dignité des enfants. Je vais vous le prouver par l'Ecriture? Il n'est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens (Matth. XV, 26), disait le Christ à la Chananéenne. Ici ce sont les Juifs qui sont appelés enfants, et le nom de chiens est donné à ceux qui sortaient des nations. Mais, voyez comme cet ordre a été renversé, comme ils sont devenus des chiens, et nous des enfants. Gardez-vous des chiens, dit d'eux saint Paul (Philip. III, 2, 3) ; gardez-vous des mauvais ouvriers, gardez-vous des faux circoncis, car c'est nous qui sommes les vrais circoncis. (Philip. III, 2, 3.) Vous le voyez, saint Paul traite de chiens ceux qui, dans l'Evangile, sont appelés les enfants. Voulez-vous voir le nom d'enfants accordé aux Gentils flétris autrefois par l'épithète de chiens? Ecoutez : Tous ceux qui l'ont reçu, est-il dit (Jean, I, 12), il leur a donné la faculté de devenir enfants de Dieu. Rien de plus misérable que ces Juifs, courant en toute circonstance à leur perte. Quand il fallait observer la loi, ils l'ont foulée aux pieds, et maintenant que la loi a cessé, ils mettent un zèle excessif à l'observer. Rien de plus digne de pitié que ce peuple qui, non-seulement par la transgression, mais encore par l'observation de la loi, a toujours excité la colère de Dieu. C'est pourquoi, il est dit : Vous qui avez la tête dure et le coeur incirconcis, vous avez toujours résisté à l'Esprit-Saint (Act. VII, 51), non-seulement en violant les lois, mais encore en voulant les observer à contre-temps. Têtes dures ! rien de plus juste que cette qualification; car ils n'ont pas porté le joug de Jésus-Christ, encore qu'il soit suave, et qu'il n'ait rien d'onéreux ni de pénible. Apprenez de moi, dit-il en effet, que je suis doux et humble de coeur, et mettez mon joug sur vous, parce que mon joug est suave et mon fardeau léger. (Matth. XI, 29, 30.) Cependant, à cause de la dureté de leurs têtes ils ont refusé de le porter; et non-seulement ils ne l'ont pas porté, mais ils l'ont brisé et rompu. Car, dés le commencement, est-il dit, vous avez brisé mon joug, vous avez rompu mes liens. (Jérém. II, 20; V, 5; et Ps. II, 3.) Et ce n'est pas saint Paul qui parle ainsi, c'est le Prophète qui pousse ce cri de douleur ; par les termes de joug et de liens, il entend les symboles de l'autorité; or, les Juifs ont rejeté la royauté du Christ, quand ils disaient : Nous n'avons pas d'autre roi, que César. (Jean, XIX, 15.) Par cette parole, peuple Juif, tu as brisé le joug légitime, tu as rompu le lien de Dieu; tu t'es exclu toi-même du royaume des cieux, et tu t'es soumis aux puissances humaines. Considérez, mes frères, avec quelle précision le Prophète fait entendre qu'ils sont impatients de tout frein. Il ne dit pas, en effet : tu as rejeté le joug, mais : tu as brisé le joug, ce qui est le vice propre des animaux fougueux, emportés et rebelles à tout commandement. Mais, d'où leur est venue cette dureté? De la gourmandise et de l'ivresse. Qui a dit cela? Moïse lui-même. Israël a mangé, et il a été rempli et engraissé, et le bien-aimé a regimbé. (Deut. XXXII, 15.) Les animaux sans raison, qui se sont engraissés d'une nourriture abondante, deviennent plus rétifs et plus indociles : ils ne souffrent ni le joug, ni le frein, ni la main du conducteur; ainsi le peuple juif, ivre et trop gras, s'est précipité dans une malice extrême, il a rué, il n'a pas accepté le joug de Jésus-Christ, ni tiré docilement la charrue de la doctrine. C'est encore ce qu'un autre prophète a fait entendre, en disant: Israël s'est livré à des transports frénétiques comme une génisse furieuse. (Osée, IV, 16.) Un autre les appelle : Un jeune taureau indompté. (Jérém. XXXI, 18.) Mais si ces animaux sont impropres au travail, ils sont bons pour la boucherie. Semblable chose est arrivée aux Juifs; s'étant rendus impropres au travail, ils sont devenus bons pour la boucherie. C'est pourquoi Jésus-Christ lui-même a dit : Amenez ici mes ennemis, ceux qui ne veulent pas que je règne sur eux, et immolez-les. (Luc, XIX, 27.) C'était alors, ô Juif, qu'il fallait jeûner, c'était quand ton ivresse te poussait dans l'abîme de tous les maux, quand la gourmandise te conduisait à l'impiété et non maintenant; car maintenant ton jeûne est inopportun et abominable. Qui a prononcé cette sentence? Isaïe lui-même, criant d'une voix forte: Je n'ai pas approuvé ce jeûne, dit le Seigneur, pourquoi? Parce que vous jeûnez pour vous livrer aux procès et aux querelles, et vous frappez à coups de poing vos subordonnés. (Is. LVIII, .4, 5.) Si, quand tu frappais tes compagnons d'esclavage, ton jeûne était déjà abominable, après que tu as immolé le Maître, ton jeûne sera-t-il agréé? Est-ce possible et vraisemblable? Ceux qui jeûnent doivent être réservés, contrits, humbles, non pas ivres de colère; et toi tu frappes tes compagnons d'infortune? Autrefois, les Juifs jeûnaient pour se, livrer aux procès (282) et aux querelles; maintenant, c'est pour s'adonner au libertinage et à une extrême licence, en dansant nu-pieds sur les places publiques. Il est vrai, le prétexte, c'est que l'on jeûne, mais l'action est celle de gens ivres. Entendez de quelle manière le Prophète ordonne de jeûner : Sanctifiez le jeûne, dit-il. Il ne dit pas : Donnez le jeûne en spectacle ; faites publier le culte divin, rassemblez les anciens. (Joël, I, 14.) Mais eux, ils réunissent des troupes d'efféminés; ils ramassent des prostituées, ils introduisent dans la synagogue le théâtre tout entier avec les comédiens ; car entre la synagogue et le théâtre, il n'y a pas de différence. Je sais bien que quelques-uns m'accuseront d'être téméraire dans mes paroles, pour avoir dit que la synagogue ne diffère en rien du théâtre; mais j'accuserai moi-même de témérité ceux qui ne penseront pas comme moi à cet égard; si l'accusation vient de moi seul, que l'on me condamne, j'y consens; mais, si je ne fais que rapporter les paroles du Prophète, que l'on ajoute foi à ma déclaration. 3. Je sais que beaucoup respectent les Juifs, et pensent que leurs rites sont honnêtes, même aujourd'hui ; c'est pourquoi j'ai hâte de déraciner cette pernicieuse opinion. J'ai dit que la synagogue n'offre rien qui la rende préférable au théâtre, et j'en prends le Prophète à témoin : les Juifs ne sont pas plus dignes de foi que les prophètes. Que dit donc le Prophète? Ton front est devenu celui d'une prostituée; tu n'as plus rougi devant personne. (Jérém. III, 3.) Le lieu où reste une prostituée est un lieu de débauche; mais c'est peu que la synagogue soit un lieu de débauche et un théâtre ; elle est encore une caverne de brigands et un refuge de bêtes féroces. Car, est-il dit : Votre maison est devenue pour moi une caverne d'hyène (Jérém. VII, 11), non pas simplement d'animal féroce, mais d'animal impur. Et encore : J'ai délaissé ma maison , j'ai abandonné mon héritage. ( Idem , XII , 7. ) Or, quand Dieu délaisse, quel espoir de salut reste-t-il ? Quand Dieu délaisse un lieu, ce lieu-là devient la demeure des démons. A la vérité, ils affirment absolument qu'ils adorent, eux aussi, le vrai Dieu; mais, à Dieu ne plaise que nous le disions ! Aucun Juif n'adore Dieu. C'est le Fils de Dieu lui-même qui le déclare. Car, dit-il, si vous connaissiez mon Père , vous me connaîtriez,, mais vous ne connaissez ni moi ni mon Père. (Jean, VIII, 19.) Quel témoignage apporterai-je plus digne de foi que celui-là? Si donc, ils ne connaissent pas le Père, s'ils ont crucifié le Fils et rejeté l'assistance de l'Esprit, qui oserait nier que la synagogue ne soit l'hôtellerie des démons? Dieu n'est pas adoré en ce lieu, loin de là ! mais c'est désormais le temple de l'idolâtrie; quelques-uns cependant s'approchent de ces lieux comme d'un sanctuaire. Et je ne parle pas ainsi sur une simple conjecture, mais instruit par l'expérience même. Il y a trois jours (croyez-moi, je ne mens pas), j'ai vu un homme infâme et stupide, un soi-disant chrétien, car jamais un chrétien sincère ne ferait ce que je lui ai vu faire; je l'ai vu, dis-je , qui voulait contraindre une femme libre, honnête, distinguée, d'entrer dans la synagogue; il était engagé dans un procès, et il voulait obtenir de cette femme un serment favorable à sa cause. En approchant de l'endroit où on l'entraînait malgré elle , cette femme appelait au secours, et repoussait cette injuste violence avec indignation, parce qu'il ne lui était pas permis d'entrer dans un tel lieu , à elle qui avait participé aux divins mystères ; enflammé de zèle et plein d'ardeur, je volai à son secours, et je m'opposai à l'injuste violence qui lui était faite, et je l'arrachai des mains de cet insolent. Je demandai ensuite à l'auteur de cette agression s'il était chrétien, et il me l'avoua, alors, je le pressai fortement , lui reprochant sa folie et son extrême démence, et j'allai jusqu'à lui dire qu'il fallait qu'il n'eût pas plus d'esprit qu'un âne, puisque ; se disant adorateur de Jésus-Christ , il entraînait quelqu'un dans les antres des Juifs qui ont crucifié Jésus-Christ. Allant plus loin, je lui montrai d'abord , par les divins Evangiles (Matth. V, 34), qu'il n'est pas permis de jurer, ni de mettre personne dans la nécessité de faire des serments; que c'était un crime de pousser à cette extrémité, une fidèle et une initiée, et même quelqu'un qui n'est pas initié. Lorsque, à force de discours et de ,preuves, j'eus banni de son âme l'opinion détestable qui l'aveuglait, lorsqu'il fut convaincu qu'il ne fallait ni jurer ni pousser les autres à jurer, je lui demandai pour quelle raison il avait voulu pousser cette femme dans l'assemblée des Juifs et non pas dans l'église : Beaucoup, me répondit-il, m'ont (283) assuré que les serments faits en ce lieu sont plus redoutables que les autres. Une pareille réponse, après avoir excité en moi des sentiments de douleur et d'indignation, finit par me faire rire. En voyant l'astuce du diable, je gémis de ce qu'il avait le pouvoir de persuader de telles choses aux hommes; songeant ensuite à la sottise de ceux qui se laissent prendre à ces sortes de piéges, je fus enflammé de colère; puis, considérant ce qu'il y avait de burlesque et de fou dans une pareille opinion je me mis à rire. Les faits de cette nature ne font pas naître en vous le sentiment d'indignation ou de pitié qu'ils devraient vous inspirer pour ceux qui en sont les auteurs ou les victimes, et c'était pour avoir l'occasion devons faire ce reproche que je vous ai fait le récit que vous venez d'entendre. Quand vous voyez quelqu'un de vos frères tomber dans de semblables fautes, vous croyez que c'est là un malheur qui ne vous touche pas et dans lequel vous êtes complètement désintéressé, et vous pensez vous justifier des reproches que l'on vous fait, en disant: Que m'importe cela? qu'y a-t-il de commun entre cette personne et moi? Paroles qui respirent une haine mortelle des hommes et une cruauté diabolique. Que dites-vous? vous êtes homme, membre de la famille humaine, de ce grand corps qui a pour chef Jésus-Christ, et vous osez dire que vous n'avez rien de commun avec les autres membres de ce même corps ! Jésus-Christ n'est-il pas la tête de l'Eglise? et la tête n'unit-elle pas naturellement tous les membres? N'est-elle pas le centre commun où ils convergent tous? Si vous n'avez rien de commun avec celui qui est avec vous membre du même corps, rien de commun avec votre frère, vous n'avez pas Jésus-Christ pour chef. Les Juifs vous effrayent comme de petits enfants, et vous ne vous en apercevez pas. Vous connaissez ces masques, épouvantails ridicules, dont les valets bouffons se servent pour faire peur aux petits enfants; ils n'ont rien de terrible en réalité, et vous ne pouvez voir sans rire l'effet qu'ils produisent sur ces imaginations enfantines : eh bien ! les spectres qu'emploient les Juifs pour effrayer les chrétiens faibles n'ont rien de plus sérieux; et les terreurs qu'ils inspirent sont aussi vaines et aussi ridicules. Au lieu de vous inspirer de la crainte, il mérite bien plutôt de vous faire rire ou rougir, ce judaïsme, avec ses sectateurs odieux; hommes flétris et condamnés par les arrêts de la justice divine. 4. Il n'en est pas ainsi de nos Eglises; elles sont réellement terribles et pleines d'une sainte horreur. Le lieu où réside le Dieu qui commande à la vie et à la mort, est un lieu terrible. (Matth. X, 28.) C'est là que vous entendez ces instructions salutaires sur les châtiments éternels, sur les fleuves de feu, sur le ver à la morsure empoisonnée, sur les liens qu'on ne peut rompre , sur les ténèbres extérieures. (Ibid. XXII, 13.) Les Juifs ne savent rien de ces choses, la plus légère idée de cet avenir n'a pas même traversé leurs rêves; ils ne vivent que pour leur ventre, n'aspirent qu'après les choses présentes, n'ont rien qui les rendent supérieurs à des pourceaux et à des boucs, tant ils sont lascifs et gourmands. Ils ne savent qu'une chose : remplir leur ventre et s'enivrer, se battre pour des danseurs et se blesser pour des cochers. Sont-ce là des choses saintes et terribles ? Qui le soutiendra? Que voyez-vous là de terrible, à moins que l'on ne dise que des esclaves misérables, sans le moindre crédit auprès de Dieu, qui se sont enfuis de la maison de leur maître, sont terribles pour les hommes qui jouissent de l'estime publique et de la liberté de parler? Mais il n'en est pas ainsi; non, il n'en est pas ainsi. Une auberge, en effet, est moins digne de respect que les cours des rois, et la synagogue est encore moins honorable qu'une auberge quelconque. C'est une hôtellerie de brigands, de coquins, même de démons; j'en dirais autant des âmes des Juifs. C'est ce que je m'efforcerai de vous démontrer à la fin de ce discours. Je vous exhorte donc à vous souvenir surtout de cette partie de mon instruction. Car, ce n'est pas par ostentation ni pour les applaudissements que nous parlons maintenant, mais pour la guérison de vos âmes. Que vous restera-t-il encore à dire pour votre justification, quand, avec tant de médecins, quelques-uns d'entre vous sont encore malades? Les apôtres étaient au nombre de douze, et ils ont attiré le monde entier à l'Evangile ; la plus grande partie de la ville est chrétienne, et il y en a encore quelques-uns qui sont malades de judaïsme. Quelle excuse apporterons-nous nous-mêmes qui sommes sains? Sans doute, ceux qui sont atteints de cette peste sont très-coupables, mais nous-mêmes nous ne sommes pas exempts de blâme, en les abandonnant dans (284) leur maladie. Nos soins les guériraient nécessairement s'ils ne leur étaient pas épargnés. C'est pourquoi il faut que chacun de vous empêche son frère de fréquenter les Juifs : je vous y exhorte, faites-le quand même il faudrait le contraindre, user de violence, le quereller, le maltraiter; ne négligez rien pour l'arracher au filet du diable, et le délivrer de toute société avec les assassins de Jésus-Christ. Dites-moi, si sur la place publique, vous voyiez conduire au supplice un homme condamné par une juste sentence, et que vous fussiez le maître de l'arracher aux mains du bourreau, ne feriez-vous pas tout au monde pour le délivrer? Maintenant, vous voyez votre frère entraîné injustement, cruellement, non par le bourreau, mais par le diable, dans l'abîme de la perdition, et vous ne vous décidez pas à lui offrir votre concours pour le délivrer des liens de l'iniquité ? Quelle impardonnable négligence? Mais il est plus fort que moi, direz-vous. Montrez-le moi, et j'y laisserai la vie plutôt que de permettre à ce prévaricateur l'entrée du vestibule sacré, s'il résiste et s'opiniâtre dans les mêmes sentiments. Car qu'y a-t-il de commun entre vous, chrétiens judaïsants, et la libre, la céleste Jérusalem? Vous avez choisi la terrestre, soyez esclaves avec elle; car elle est esclave avec ses enfants, selon la parole de l'Apôtre. (Gal. IV, 25.) Vous jeûnez avec les Juifs: eh bien ! donc, ôtez aussi votre chaussure avec les Juifs, allez nu-pieds, sur la place publique, et prenez part à leurs actes indécents et à leur ridicule. Mais vous n'oseriez, vous auriez honte, vous rougiriez ! Eh quoi ! vous avez honte de leurs gestes, et vous n'avez pas honte de leur impiété ! N'espérez pas que Dieu vous pardonne de n'avoir été chrétiens qu'à demi. Croyez-moi, je ferai le sacrifice de ma vie, plutôt que de négliger quelqu'un qui souffre de cette maladie, si j'en vois; mais si je n'en connais pas, Dieu ne m'imputera pas d'avoir négligé ceux que je ne connais pas. Que chacun de vous aussi réfléchisse et qu'il ne croie pas que ce soit une chose de peu d'importance que cette responsabilité réciproque, que cette solidarité humaine. N'avez-vous pas fait attention aux paroles que le diacre prononce fréquemment et à haute voix dans les mystères : Faites connaissance les uns avec les autres; remarquez comme il vous charge d'examiner attentivement vos frères. Suivez ce conseil à l'égard die judaïsants. Quand vous connaissez quelqu'un qui judaïse, arrêtez-le, dénoncez-le, de peur que vous n'ayez part, vous aussi, au péril. Dans les camps, lorsque, parmi les soldats, on en surprend un qui favorise les Barbares, et qui partage les sentiments des Perses , ce n'est pas lui seulement qui est sous le coup d'une condamna. lion capitale, mais encore tous ceux qui ont eu connaissance du fait et qui ne l'ont pas dénoncé au général. Puisque vous êtes les soldats de Jésus-Christ, examinez donc avec soin et recherchez si quelque étranger ne s'est pas mêlé parmi vous, et dénoncez-le, non pour que nous lui donnions la mort, non pour que nous le punissions et lui infligions un supplice, mais pour que nous le délivrions de l'erreur et de l'impiété, et le rendions tout à fait nôtre. Si vous ne voulez pas, et que vous le cachiez sciemment, sachez bien que vous encourez la même peine que lui. Saint Paul aussi (Rom. I, 32), soumet à la peine et au supplice non-seulement ceux qui font le mal, mais encore ceux qui l'approuvent. Et le Prophète (Ps. XLIX, 18) assujettit au même châtiment les voleurs et leurs complices, et c'est à bon droit. Car, celui qui connaît un homme faisant le mal, et qui le cache et le couvre, donne un encouragement à sa malice, et le met en état de commettre le mal avec plus de sécurité. 5. Mais il faut revenir à nos malades. Songez donc avec qui vous voulez jeûner-: c'est avec ceux qui criaient : Crucifiez-le, crucifiez-le (Luc, XXIII, 21); avec ceux qui disaient : Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants. (Matth. XXVII, 23, 25.) Si quelqu'un avait été condamné pour crime de haute trahison, est-ce que vous oseriez l'approcher et converser avec lui ? Je ne le pense pas. N'est-il donc pas absurde de fuir avec tant de soin des hommes coupables envers un homme, et de faire alliance avec ceux qui ont outragé Dieu lui-même? Vous adorez le Crucifié, et vous allez pratiquer les fêtes de ceux qui l'ont attaché à la croix ! Ce n'est pas seulement de la folie, c'est de la folie au suprême degré. Mais, puisqu'il y en a qui pensent que la synagogue est un lieu saint, il est nécessaire de dire quelques mots pour les désabuser. Pourquoi, en effet, vénérez-vous ce lieu qui doit être méprisé, exécré, et dont il faut s'éloigner? La loi, disent-ils, y est déposée, ainsi que les livres prophétiques. Et qu'est-ce que cela fait? Quoi donc ! Suffit-il que les Livres saints soient (285) quelque part, pour que le lieu soit saint aussi? Nullement. Pour moi, j'en déteste d'autant plus la synagogue ; elle a les prophètes, et elle ne croit pas aux prophètes, elle connaît les Ecritures, et elle n'en accepte pas le témoignage : n'est-ce pas pousser l'injure jusqu'à la dernière limite? Dites-moi, si vous voyiez un homme vénérable, célèbre, illustre, conduit dans un cabaret ou dans un repaire de brigands, et que là, il fût injurié, frappé et eût à souffrir les derniers outrages, est-ce que vous admireriez l'auberge ou la taverne , par la raison que ce grand homme, cet homme distingué y est entré et y a été bafoué et insulté? Je ne le pense pas ; ce serait principalement pour cela que vous le haïriez et que vous l'auriez en aversion. Raisonnez de même pour la synagogue. Les Juifs y ont apporté avec eux les prophètes et Moïse, mais ce n'est pas pour les honorer, c'est au contraire pour les injurier et les déshonorer. Ils disent que ces saints personnages n'ont pas connu Jésus-Christ, et qu'ils n'ont pas parlé de son avènement, peuvent-ils leur faire une plus grande injure? Ils ont l'audace de vouloir faire de ces grands hommes les complices de leur impiété ! Il faut donc les haïr, et eux et leur synagogue, pour la raison surtout qu'ils ont outragé les saints prophètes. Mais, que parlé ;je des livres et des lieux ? en temps de persécutions, les bourreaux tiennent dans leurs mains les corps des martyrs, ils les déchirent, ils les flagellent; leurs mains sont-elles donc saintes pour avoir torturé les corps des saints? Loin de là ! Leurs mains qui ont touché les corps des saints restent souillées, par cette raison-là même qu'elles les ont touchés pour les maltraiter ; et ceux qui retiennent les écrits des saints pour les outrager, non moins que les bourreaux outragent les corps des martyrs, seront vénérables ! Quelle absurdité! Si les corps que l'on garde, pour les maltraiter, non-seulement ne sanctifient pas ceux qui les gardent, mais, au contraire, ajoutent à leurs souillures, les écrits, lus sans foi, pourront bien moins être utiles à ceux qui les lisent. Rien ne montre mieux l'impiété des Juifs, que de retenir comme ils font les Livres saints avec ce parti pris. Ils ne seraient pas aussi coupables qu'ils le sont, s'ils n'avaient pas les prophètes ; leur impiété serait moindre, s'ils n'avaient pas lu les Livres saints; maintenant, ils n'ont aucun pardon à espérer parce que, possédant les hérauts de la vérité, ils sont animés contre eux et contre la vérité de sentiments hostiles. S'ils ne gardent les prophètes que pour les traiter en ennemis, il est clair que cette circonstance aggrave leur culpabilité. Je vous exhorte donc à fuir leur réunion et à vous en tenir aussi éloignés que vous pourrez. En y allant vous êtes pour vos frères un sujet de grave scandale, en même temps que vous donnez lieu aux Juifs de se livrer à un orgueil insensé. Car, en vous voyant, vous, les adorateurs de Jésus-Christ que les Juifs ont crucifié, rechercher les cérémonies de ces mêmes Juifs et les respecter, comment les chrétiens faibles ne se persuaderaient-ils pas que ce qui se fait par les Juifs dans leurs réunions, est très-bien, tandis que nos mystères à nous n'ont aucune valeur, puisque vous qui les vénérez et les observez, vous courez vous mêler avec ceux qui en sont les plus irréconciliables ennemis? Si quelqu'un vous voit, est-il dit, vous qui avez la science, vous asseoir à table dans un lieu consacré aux idoles, est-ce que la conscience de celui qui est faible, ne sera pas excitée à manger ce qui est consacré aux idoles ? (I Cor. VIII, 10.) Et moi je vous dis : Si quelqu'un vous voit, vous qui avez la science, vous en aller dans la synagogue et regarder les trompettes,' est-ce que la conscience de celui qui est faible ne sera pas excitée à admirer les cérémonies judaïques? Celui qui tombe ne subit pas seulement le châtiment de sa propre chute, mais il est aussi puni pour avoir fait tomber les autres par son exemple. De même, celui qui demeure forme dans son devoir n'est pas seulement couronné pour sa vigueur personnelle; mais on le loue encore parce qu'il a de plus excité l'émulation des autres. Fuyez donc et les assemblées et les lieux de réunion des Juifs, et que personne n'ait de vénération pour la synagogue à cause des livres qu'elle garde c'est une raison de plus, au contraire, pour la haïr et s'en éloigner, parce que, si elle retient les écrits des saints prophètes, c'est pour les injurier, en ne croyant pas à leurs paroles; parce que ces mêmes écrits ne font que mettre dans tout son jour l'impiété de la,synagogue. 6. Et afin que vous sachiez que les Livres saints ne sanctifient pas les lieux où ils sont gardés, mais que l'intention de ceux qui s'y réunissent les profane et les souille, je vous raconterai un fait déjà ancien. Ptolémée (286) Philadelphe, ayant fait une collection des livres de tous les pays, apprit qu'il y avait aussi chez les Juifs des écrits traitant de Dieu, et contenant les meilleurs préceptes de morale et de politique, il fit donc venir des hommes de la Judée, et les chargea de traduire ces livres qu'il déposa dans le sanctuaire de Sérapis, car cet homme était un païen, et la traduction des livres des Prophètes y est restée jusqu'à présent (1). Quoi donc? Le temple de Sérapis est-il saint parce qu'il renferme les saints Livres ? Evidemment non ! Les Ecritures ont leur sainteté propre qu'elles ne communiquent pas au lieu où elles sont, à cause de la méchanceté de ceux qui s'y rassemblent. Il en est de même de la synagogue. S'il n'y a point là d'idoles, les démons eux-mêmes y habitent. Je le dis de la synagogue qui est ici, je le dis aussi de celle qui est à Daphné : c'est là que se trouve le plus affreux soupirail de l'enfer, qu'on appelle la Matrone. J'ai entendu dire que beaucoup de fidèles montent à ce lieu et dorment auprès. Mais à Dieu ne plaise que je leur donne jamais le nom de fidèles ! A mes yeux, le sanctuaire de la Matrone et celui d'Apollon sont également impurs. Et si quelqu'un me reproche ma témérité, à mon tour, je lui reprocherai son extrême folie. Un lieu où les démons habitent, n'est-ce pas un lieu d'impiété, quand même aucune statue n'y serait érigée? Un lieu où les assassins de Jésus-Christ se rassemblent, où la croix est renversée, où Dieu est blasphémé, où le Père est méconnu, où le Fils est outragé, où la grâce du Saint-Esprit est rejetée; plus encore. un lieu fréquenté par des hommes pires que des démons, un tel lieu n'est-il pas excessivement dangereux à visiter? Dans les temples des idoles, au moins l'impiété est à découvert et visible, et elle ne pourrait aisément attirer ni tromper un homme, pour peu qu'il soit doué d'intelligence, et qu'il soit sain d'esprit ; mais les Juifs, en disant qu'ils adorent Dieu et haïssent les idoles, qu'ils ont les prophètes et les honorent, les Juifs offrent à la crédulité une amorce plus décevante, et jettent dans leurs filets les simples et les sots qui n'y prennent pas garde. Leur impiété est égale à celle des païens, mais leurs artifices les rendent plus pernicieux. Chez eux aussi s'élève l'autel caché de la fraude , sur lequel ils immolent, non des brebis et des
1. Ce qu'affirme id le saint Docteur est tout à fait invraisemblable.
veaux, mais les âmes des hommes. Enfin, si vous avez un respect superstitieux pour leur culte, qu'y a-t-il de commun entre vous et nous? Car, si le judaïsme est vénérable et saint, le christianisme est faux ; si le christianisme est vrai, comme il l'est en effet, le judaïsme n'est qu'une indigne supercherie. Je ne dis pas les Ecritures, à Dieu ne plaise ! Car, ce sont elles qui me conduisent à Jésus-Christ comme par la main, mais je parle de l'impiété des Juifs et de leur folie présente. Au reste, l'heure est venue de vous prouver que les démons habitent dans la synagogue, non pas seulement dans la synagogue, mais dans les âmes mêmes des Juifs. Car, est-il dit, quand l'esprit immonde est sorti d'un homme, il erre par des lieux arides, cherchant du repos, et il n'en trouve pas, et il dit : Je retournerai dans ma maison, et revenant il la trouve vide, nettoyée et ornée; et il s'en va, et il prend avec lui sept autres esprits plus méchants que lui, et il rentre chez cet homme, dont le dernier état sera pire que le premier. Ainsi en sera-t-il de cette génération. (Matth. XII, 43-45; Luc, XI, 24-26.) Vous voyez que les démons habitent dans les âmes des Juifs, et que ceux d'aujourd'hui sont pires que les premiers; et il ne faut pas s'en étonner. Autrefois, en effet, ils ne commettaient leur impiété que contre les prophètes ; mais aujourd'hui , c'est contre le Maître même des prophètes qu'ils lancent leurs outrages. Et c'est avec ces démoniaques, dites-moi, avec ces hommes , possédés par tant d'esprits impurs, nourris dans les tueries et les massacres, que,vous vous réunissez, et vous n'en avez pas horreur? Est-il permis même d'échanger le salut et de converser simplement avec eux ? ou ne doit-on pas plutôt s'en détourner comme d'un peuple de lépreux, comme du fléau du genre humain? A quelle sorte de crimes ne se sont-ils pas livrés? Les accusations lancées contre eux ne remplissent-elles pas les écrits des prophètes? Quelle sanglante tragédie, quel genre d'iniquité n'ont-ils pas éclipsés parleurs homicides? Ils ont immolé leurs fils et leurs filles aux démons (Ps. CV, 37) ; ils ont méconnu la nature; ils ont oublié les douleurs de l'enfantement; ils ont foulé aux pieds les soins qu'on doit aux enfants; ils ont renversé jusque dans leurs fondements les lois de la parenté; ils sont devenus plus inhumains que tous les animaux; car, souvent les (287) animaux donnent jusqu'à leur vie, et méprisent leur propre conservation, pour défendre leurs petits. Mais les Juifs, sans aucune nécessité, immolent, de leurs propres mains, ceux à qui ils ont donné le jour, pour honorer les ennemis de notre vie, les démons malfaisants. De quoi s'étonnera-t-on le plus : de leur impiété ou de leur cruauté et de leur inhumanité; de ce qu'ils immolent leurs fils, ou de ce qu'ils les immolent aux démons? Mais, par leur libertinage, n'ont-ils pas dépassé jusqu'à la lubricité des brutes? Entendez ce que dit le Prophète de leur dérèglement : Ils sont devenus des chevaux qui courent et qui hennissent après les cavales; chacun a henni après la femme de son. prochain. (Jérém. V, 8.) Il ne dit pas: Chacun a convoité la femme de son prochain; mais il exprime très-énergiquement, par un cri de bête, la folie où le libertinage les a conduits. 7. Que dirai-je encore? parlerai-je de leurs rapines, de leur avarice, des pauvres qu'ils trompent, des vols qu'ils commettent , des cabarets et autres lieux infâmes qu'ils tiennent ? Mais le jour tout entier ne suffirait pas pour cette narration. Cependant, disent quelques-uns, leurs fêtes ont quelque chose de grave et de grand? Ecoutez donc les prophètes, ou plutôt écoutez avec quelle énergie Dieu lui-même les repousse J'ai haï, j'ai rejeté vos fêtes. (Amos, V, 21.) Dieu hait ces fêtes et vous y participez ? Et il ne dit pas : Telle ou telle fête, mais toutes également. Il hait aussi le culte qu'ils lui rendent avec des tambours, des harpes, des psaltérions et les autres instruments : en voulez-vous la preuve ? Eloignez de moi le bruit; de vos chants, dit-il (Ibid. V, 23), et je n'écouterai pas l'accord de vos instruments. Dieu dit Eloignez de moi, et vous, vous courez pour entendre les trompettes? Mais les sacrifices même et les offrandes ne sont-ils pas abominables ? Si vous m'apportez de la fleur de farine, c'est inutilement; l'odeur de votre encens m'est en abomination. (Is. I, 13.) L'odeur de l'encens est en abomination, et le lieu où il fume n'est pas abominable? Et quand, en abomination? En abomination avant qu'ils aient commis leur crime capital, avant qu'ils aient mis à mort leur Maître, avant la croix, avant le déicide ; ne l'est-il maintenant beaucoup plus? Qu'y a-t-il cependant de plus odorant que la fumée de l'encens ? Oui, mais ce n'est pas à la nature des dons, c'est à l'intention de ceux qui les présentent, que Dieu regarde, c'est par là qu'il juge des offrandes. Il regarda Abel, et, en même temps, ses dons avec complaisance ; il vit aussi Caïn, mais il rejeta ses sacrifices. Il ne regarda pas Caïn, est-il dit, ni ses sacrifices. (Gen. IV, 5.) Noé offrit en sacrifice à Dieu des brebis, des veaux et des oiseaux; et l'Ecriture dit : Que le Seigneur en respira l'odeur suave (Gen. VIII, 21), c'est-à-dire qu'il agréa ce qui lui était offert : car Dieu n'a pas de narines, la Divinité est incorporelle. Ce qui montait de là était une odeur et une fumée de corps brûlés, et il n'y a rien de plus infect; mais, afin que vous sachiez que Dieu agrée ou rejette les oblations. en ne tenant compte que de l'intention de ceux qui les offrent, l'Ecriture appelle odeur suave cette odeur et cette fumée de l'holocauste, et abomination la fumée de l'encens, parce que l'intention de ceux qui offraient cet encens était comme infecte et corrompue. Outre les sacrifices, les instruments, les fêtes et la fumée des aromates, il a encore le temple en horreur, à cause de ceux qui y entrent? Il l'a prouvé par les effets, en le livrant, un jour, aux mains des Barbares, et enfin, en le renversant de fond en comble. Même avant la destruction du temple, Dieu publiait par la bouche du Prophète : Ne vous laissez pas abuser par des paroles trompeuses, parce qu'elles ne vous serviront de rien, quand vous dites : le temple du Seigneur, le temple du Seigneur. (Jér. VII, 4.) Ce n'est donc pas le temple qui sanctifie ceux qui s'y rassemblent; mais ceux qui se rassemblent rendent le temple saint, s'ils sont saints. Que si le temple ne servait de rien, quand les chérubins, quand l'arche s'y trouvaient, beaucoup moins servira-t-il après que tous ces précieux symboles ont été détruits; quand l'aversion de Dieu est devenue extrême, quand une nouvelle et plus grande cause de haine s'est ajoutée à toutes les autres. Quelle démence est-ce donc et quelle folie, quand des hommes sont flétris, abandonnés de Dieu; quand ils ont irrité le maître,, d'en faire ses compagnons pour célébrer des fêtes ! Dites-moi, si quelqu'un avait mis à mort votre fils, est-ce que vous consentiriez à le voir, à l'entendre, à lui adresser la parole? Ne le fuiriez-vous pas comme un mauvais démon, comme le diable lui-même? Ils ont mis à mort le fils de votre Maître, et vous osez vous unir à eux? Jésus-Christ qu'ils (288) ont mis à mort vous a honorés jusqu'à vous faire ses frères et ses cohéritiers, et vous l'outragez jusqu'à honorer et servir ses meurtriers et ceux qui l'ont crucifié, en participant à leurs fêtes; jusqu'à courir à leurs infâmes réunions, à entrer dans leurs vestibules impurs et à participer à la table des démons, car leur déicide me porte à appeler ainsi le jeûne des Juifs. Comment, en effet, ne seraient-ils pas des démons ceux qui combattent contre Dieu? Vous demandez la santé aux démons? Mais lorsque Jésus-Christ leur eut permis d'entrer dans des pourceaux, ils les précipitèrent aussitôt dans la mer; et ils épargneront les corps des hommes ! (Matth. VIII, 31 et suiv.) Plût à Dieu seulement qu'ils ne fussent pas homicides ! Plût à Dieu qu'ils ne dressassent pas d'embûches ! Ils ont fait jeter hors du paradis notre premier père, ils ont exclu les hommes de l'héritage des cieux autant qu'ils ont pu, et ils guériront le corps ? Quelles ridicules fables ! Les démons savent dresser des embûches et nuire, mais non guérir. Dites-moi, ils n'épargnent pas l'âme et ils épargneront les corps? Ils font tous leurs efforts polir nous priver de la royauté céleste à laquelle Dieu nous appelle, et ils entreprendront de nous délivrer de nos maladies? Vous n'avez pas entendu le Prophète qui disait, ou plutôt Dieu par le Prophète, qu'ils ne peuvent faire ni bien ni mal. Et quand même ils pourraient et voudraient guérir (ce qui est impossible), encore ne faut-il pas, pour un intérêt de peu de valeur et périssable, s'attirer un supplice impérissable et éternel. Vous guérirez le corps pour perdre l'âme? Votre marché n'est pas bon : vous irritez Dieu qui a fait le corps, et vous implorez pour votre guérison celui qui vous dresse des embûches? Mais un homme superstitieux vous entraînera facilement, par cette même science médicale, à adorer les dieux des Gentils. Les païens ont souvent guéri beaucoup de maladies par leur art, et rendu à la santé des gens infirmes. Quoi donc? Faut-il pour cela participer à l'idolâtrie? A Dieu ne plaise ! Entendez ce que Moïse dit aux Juifs : S'il s'élève au milieu de vous un prophète, quelqu'un ayant un songe, et qu'il donne un signe ou un prodige, et que le signe ou le prodige annoncé arrive, et que cet homme prenne la parole pour vous dire : Allons et adorons des dieux étrangers que n'ont pas connus nos pères, vous n'écouterez pas la voix du prophète ou du songeur. (Deut. XIII, 1.) Cs qu'il veut dire, le voici : S'il s'élève un prophète, et qu'il fasse un miracle, ou ressuscite un mort, ou purifie un lépreux, ou guérisse un infirme, et qu'en faisant le miracle, il vous invite à l'impiété, ne vous laissez pas persuader par l'accomplissement du miracle. Pourquoi? Parce que le Seigneur votre Dieu vous tente pour savoir si vous l'aimez de tout votre coeur et de toute votre âme. (Ibid. V, 3.) Il est certain que les démons ne guérissent pas. Que si, quelquefois, avec la permission de Dieu, ils parviennent, comme les hommes eux-mêmes, à guérir quelqu'un, cette permission leur est donnée pour vous éprouver, non parce que Dieu ignore quoi que ce soit, mais pour que vous appreniez à repousser tous les démons, même ceux qui guérissent. Mais que parlé-je de la guérison du corps? Si quelqu'un vous menaçait de l'enfer pour vous porter à renier Jésus-Christ, vous ne devriez pas consentir à le faire. Si quelqu'un vous promettait la royauté, pour vous faire renoncer au Fils unique de Dieu, repoussez-le, haïssezle, soyez disciple de Paul, et montrez-vous fidèle à ces paroles, à ce cri poussé par cette bienheureuse et grande âme : Car, je suis persuadé, dit-il, que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les principautés, ni les puissances, ni les choses présentes, ni les choses futures, ni la hauteur ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de la charité de Dieu qui est en Jésus-Christ Notre-Seigneur (Rom. VIII, 38, 39). Ni les anges, ni les puissances, ni les choses présentes, ni les choses futures, ni une autre créature ne le sépare de la charité de Jésus-Christ, et vous, la guérison du corps vous porte à y renoncer? Quel pardon pouvez-vous donc espérer? Il faut, certes, que Jésus-Christ nous soit plus redoutable que l'enfer, et plus désirable que la royauté; et, quand nous serions malades, il, vaut mieux que nous demeurions dans notre infirmité que de tomber dans l'impiété, pour être délivrés de la maladie. Quand le démon nous aurait guéris, il nous serait plutôt nuisible qu'utile. A la vérité, il a été utile au corps, qui doit peu après mourir tout à fait et tomber en pourriture, mais il a nui à l'âme qui est immortelle. De même que souvent les marchands d'esclaves présentent aux petits enfants des friandises, des gâteaux, des osselets et autres objets semblables, pour les attirer par (289) cette amorce, et les priver de la liberté et même de la vie; ainsi les démons promettent la guérison d'un membre, pour perdre complètement et à jamais la santé de l'âme. Nous, mes bien-aimés, rejetons de telles promesses, et cherchons avant tout à nous préserver de l'impiété. Est-ce que Job n'aurait pas pu, cédant aux sollicitations de sa femme, blasphémer contre Dieu, et se délivrer de l'adversité qui l'opprimait? Car, lui disait-elle, Dis une parole contre Dieu, et finis-en. (Job, II, 9.) Mais il aima mieux souffrir, se consumer et endurer l'affreuse plaie qui couvrait tout son corps que de se délivrer par le blasphème des maux qui l'accablaient. Imitez-le ; vous êtes affligés, le démon vous offre son concours pour sortir de l'épreuve que vous subissez, ne vous laissez pas persuader, et, à l'exemple de cet homme juste que sa femme ne put persuader d'offenser Dieu, repoussez les suggestions flatteuses du démon ; supportez patiemment une maladie corporelle, plutôt que de perdre la foi et le salut de votre âme. Dieu ne vous abandonne pas, il veut épurer de plus en plus votre vertu au creuset de la souffrance. Supportez-la donc avec persévérance, afin que vous entendiez cette parole : Crois-tu que je t'aie rendu un oracle pour une autre cause, que pour te faire paraître juste. (Job, XI., 3.) 8. Je pourrais m'étendre encore sur ce sujet, mais pour ne pas surcharger votre mémoire, je le terminerai ici, en vous adressant ces paroles de Moïse : Je prends à témoin contre vous le ciel et la terre. (Deut. XXX, 19.) Que si quelqu'un de vous, présent ou absent, s'en va voir les trompettes des Juifs, ou se présente à la synagogue, ou monte au temple de la Matrone, ou participe au jeûne, ou prend part au sabbat, ou observe quelqu'autre rite judaïque, petit ou grand, qu'il sache que je suis innocent de sa perte , et que son sang ne retombera pas sur moi. Ces enseignements nous seront rappelés à vous et à moi au jour de Jésus-Christ Notre-Seigneur, et, si vous obéissez, ils seront pour vous un grand motif de confiance, en ce jour terrible , mais , si vous n'écoutez pas ou si vous cachez quelques-uns des coupables, ils se dresseront contre vous comme d'ardents accusateurs; car, je n'ai point évité de vous annoncer toute la volonté de Dieu (Act. XX, 27), mais j'ai versé l'argent aux banquiers. C'est à vous désormais d'augmenter ce qui a été déposé, et d'user, pour le salut de vos frères, du profit que vous avez fait en écoutant. Mais il est fâcheux et honteux de dénoncer ceux qui commettent ces sortes de fautes ? Il est certes fâcheux et honteux aussi de se taire. Car, ce silence cause la perte, et de vous qui le gardez et de ceux en faveur de qui il est gardé : il vous rend ennemi de Dieu. Combien est-il préférable de s'attirer la haine des hommes, nos compagnons d'esclavage, pour leur salut, que d'irriter Dieu, notre Maître, contre nous ! La colère de l'homme ne peut vous nuire; elle se changera même tôt ou tard en reconnaissance pour le service que vous aurez rendu ; tandis que, si vous vous taisez sur les désordres de votre frère, pour l'obliger à son détriment, Dieu vous fera subir le dernier châtiment. De sorte que votre silence vous attirera l'inimitié de Dieu, en même temps qu'il sera nuisible à votre frère, tandis qu'en le dénonçant et en le déclarant, vous vous rendrez Dieu propice, et vous gagnerez à la vérité cet homme dont vous vous ferez un ami qui comprendra votre bienfait avec le temps. Ne pensez donc pas que vous obligez vos frères, si, quand vous les voyez se livrer à quelque chose d'inconvenant, vous ne les réprimandez pas avec la plus grande véhémence. Si vous perdez votre manteau, ce n'est pas seulement celui qui l'a dérobé, mais aussi celui qui connaît le voleur et ne le dénonce pas, que vous tenez pour votre ennemi. Notre mère commune a perdu, non-seulement un manteau, mais un fils; le diable l'a enlevé et le retient maintenant dans le judaïsme ; vous connaissez le voleur, vous connaissez celui qui a été enlevé ; vous me voyez allumer comme un flambeau la parole de l'enseignement, et, tout éploré, chercher partout, et vous vous tenez silencieux ? Et vous ne dénoncez pas? Quel pardon pouvez-vous espérer? Comment l'Eglise ne vous comptera-t-elle pas parmi ses plus grands ennemis, et ne vous regardera-t-elle pas comme un adversaire et un fléau ? Mais, à'Dieu ne plaise qu'aucun de ceux qui entendent ce conseil commette jamais cette faute de trahir un frère pour lequel Jésus-Christ est mort! Jésus-Christ a versé son sang pour lui ; et vous, vous n'auriez pas le coeur de proférer pour lui une parole? Il n'en sera pas ainsi, non, je vous en conjure; mais aussitôt sortis d'ici, livrez-vous avec ardeur à cette chasse aux âmes, et que chacun (290) de vous m'amène un malade. Mais plutôt, à Dieu ne plaise qu'il y ait autant de malades que j'ai ici d'auditeurs. Mettez-vous à deux ou trois, à dix ou vingt pour m'en amener un, afin que ce jour-là, voyant dans le filet la pêche qui a été faite, je vous serve un repas plus abondant. Car, si je vois le conseil que je vous donne aujourd'hui mis en pratique, je me livrerai avec plus d'ardeur à la guérison de ces hommes, et il y aura un plus grand profit et pour vous et pour eux. Ne le négligez donc pas, ce conseil; mais, que les femmes poursuivent les femmes, et les hommes, les hommes, et les esclaves, les esclaves, et ceux qui sont libres, ceux qui sont libres, et les enfants, les enfants; que tous, en un mot, vous livrant, avec le plus grand soin, à la chasse de ceux qui ont ces maladies, vous vous présentiez à la prochaine réunion de telle sorte que nous vous accordions des louanges, et que, avant nos éloges,. vous obteniez de Dieu une récompense grande, ineffable, et surpassant de beaucoup les travaux de la vertu; plaise à Dieu que nous y arrivions tous par la grâce et l'amour pour les hommes de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui soit gloire au Père et tout ensemble au Saint-Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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