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DISCOURS CONTRE LES JUIFS.
CINQUIÈME DISCOURS.
ANALYSE.
Le temple des Juifs ne sera jamais rétabli; saint Jean Chrysostome le démontre : 1° par la prédiction de Jésus-Christ, prédiction qui aura certainement son effet, puisque d'autres prédictions du même Fils de Dieu ont eu leur accomplissement; 2° par les prophètes : les mêmes prophètes qui ont annoncé le commencement et la fin des trois premières captivités, loin d'avoir marqué la fin de la quatrième, de la captivité actuelle, ont prédit qu'elle ne finirait pas ; 3° par les efforts qu'ont faits les Juifs pour rétablir leur temple; efforts toujours impuissants et inutiles; 4° par les prophéties qui annoncent un nouveau culte qui sera répandu sur toute la terre.
L'orateur finit par exhorter les Chrétiens, qui sont éloignés des superstitions judaïques, à en éloigner ceux de leurs frères qui sont assez faibles pour y tenir encore.
1. D'où vient donc qu'aujourd'hui je vois un plus nombreux auditoire? Sans doute, vous êtes tous accourus en foule pour demander que j'acquitte ma promesse, pour recevoir de moi cet argent purifié par le feu que je me suis engagé de vous payer. Les paroles du Seigneur, dit le Prophète, sont des paroles pures et chastes; c'est un argent raffiné, et purifié par le feu. (Ps. II, 7.) Béni soit Dieu, qui vous inspire une si grande ardeur pour entendre les discours spirituels ! Des hommes livrés au plaisir s'inquiètent tous les jours où ils trouveront une table somptueuse, qui offre une grande abondance de mets et de vins exquis, et où retentissent les éclats d'une joie profane. Vous, au contraire, à peine êtes-vous levés, que vous vous informez avec inquiétude où il y aura des instructions chrétiennes, où l'on entendra des discours qui célèbrent la gloire du Fils de Dieu. Plus nous vous voyons ardents à entendre nos paroles , plus nous le sommes aussi nous-même à nous acquitter de notre promesse. Le combat que nous avons engagé contre les Juifs, a eu toute l'issue heureuse que nous pouvions espérer. Nous avons obtenu la couronne, nous avons remporté le prix dans l'assemblée précédente. Nous avions à coeur de prouver que les observances actuelles des Juifs ne sont que des prévarications, des attentats contre la Loi, une guerre faite par l'homme à Dieu même; et avec la grâce du Seigneur nous avons porté la preuve au dernier degré d'évidence. Quand les Juifs devraient recouvrer leur ville, reprendre leur ancien état, et voir relever leur temple (ce qui ne sera jamais), ce ne serait pas une raison pour autoriser leur conduite. Les trois enfants de Babylone, Daniel, et tous les autres Juifs qui gémissaient dans la captivité, s'attendaient à recouvrer leur ville après soixante-dix ans, à revoir le sol de leur patrie, et à vivre suivant leurs anciennes lois : ils en avaient la promesse, et une promesse bien précise; cependant, avant qu'elle fût accomplie et qu'ils fussent de retour, ils n'osaient pas suivre leurs anciens usages, comme font aujourd'hui les Juifs. Vous pourriez donc fermer la bouche à ceux - ci en leur faisant cette question : Pourquoi (318) pratiquez-vous les jeûnes qui anciennement précédaient vos fêtes, lorsque vous n'avez pas même de ville? S'ils répondent qu'ils s'attendent à recouvrer leur ville, répliquez-leur : Abstenez-vous donc jusqu'à ce que vous l'ayez recouvrée, puisque les saints, dont nous parlions tout à l'heure, n'osaient rien faire de ce que vous faites maintenant jusqu'à ce, qu'ils fussent revenus dans leur patrie. D'où il est clair que vous êtes infracteurs de la Loi; et que, quand vous devriez recouvrer votre ville, comme vous dites, vous violez votre alliance avec Dieu, vous outragez l'état même dont vous êtes déchus. Je vous ai parlé suffisamment, mes frères, dans la précédente assemblée, pour confondre l'opiniâtreté des Juifs, et leur montrer qu'ils enfreignent la Loi; mais puisque nous n'avons pas cherché seulement à leur fermer la bouche, mais à confirmer les fidèles dans les dogmes dont ils sont persuadés, nous allons prouver aux Juifs par surcroît que leur temple ne sera plus rétabli, et qu'ils ne reprendront jamais leur ancien état. Par là, vous serez plus assurés des croyances que vous avez reçues des Apôtres, et les Juifs seront plus convaincus d'impiété. Nous produirons pour témoin de ce que nous avançons, non un ange, non un archange, mais le Souverain même du monde, Jésus-Christ Notre-Seigneur. Lorsqu'il entra dans Jérusalem et qu'il vit le temple, il s'écria que Jérusalem serait foulée aux pieds par les Gentils, jusqu'à ce que le temps de beaucoup de peuples fût accompli (Luc, XXI, 24), c'est-à-dire jusqu'à la consommation des siècles. Et ensuite faisant des menaces contre le temple, il dit à ses disciples : Il ne restera pas dans ce lieu pierre sur pierre qui ne soit démolie (Matth. XXIV, 2), annonçant par là une destruction entière et une désolation immense. Mais les Juifs rejettent ce témoignage , ils n'admettent point cette preuve. C'est notre ennemi, disent-ils, qui fait cette menace, nous l'avons crucifié, comment recevrions-nous son témoignage? Mais ce qu'il y a d'étonnant, ô Juifs ! c'est que celui même que vous avez crucifié, après son crucifiement ait ruiné votre ville, détruit votre peuple, dispersé votre nation par toute la terre, apprenant, par cet acte de puissance, qu'il est ressuscité, qu'il vit, qu'il est maintenant deus les cieux. Vous n'avez pu voulu reconnaître sa divinité par des bienfaits, il vous prouve sa force invincible par des peines et des châtiments. Mais vous ne croyez pas encore en son nom, vous ne le regardez pas comme un Dieu, comme le Maître du monde, vous ne voyez en lui qu'un homme comme un autre. Eh bien ! raisonnons de lui comme si c'était un simple homme. Et comment raisonne-t-on par rapport aux hommes? Lorsqu'on en voit qui disent la vérité en tout, qui ne mentent en rien, quand on serait leur ennemi, si l'on a du bon sens, on croit à leurs paroles; au contraire, si on les surprend à mentir, on est disposé à rejeter tout ce qu'ils disent, quand même ils diraient la vérité dans quelques points. Examinons donc quelle est la véracité de Jésus-Christ dans toutes ses paroles ; car il ne s'est pas contenté de prédire la ruine de Jérusalem et du temple, il a fait encore beaucoup d'autres prédictions, qui devaient se vérifier dans la suite des temps. Nous allons donc produire ses autres prophéties : si vous le trouvez menteur dans une seule, ne recevez pas celle que nous défendons, et ne croyez pas qu'on doive ajouter foi à ses paroles; mais si vous le trouvez véridique dans toutes, si vous voyez que celle de la ruine de Jérusalem et du temple a eu son effet jusqu'à présent, et qu'un espace de plusieurs siècles en atteste et en confirme de plus en plus la vérité, ne vous opiniâtrez pas davantage, ne disputez plus contre des faits plus clairs que les rayons du soleil. Voici une de ses prédictions. Une femme, dit l'Evangile, approcha de Jésus avec un vase d'albâtre plein d'une huile de parfum de grand prix, qu'elle lui répandit sur la tête. (Matth. XXVI, 7.) Ses disciples en murmurèrent, et se dirent entre eux : Pourquoi n'a-t-on pas vendu ce parfum trente deniers, et donné l'argent aux pauvres? Jésus-Christ réprimanda ses disciples, et leur dit : Pourquoi tourmentez-vous cette femme? ce qu'elle vient de faire est une bonne oeuvre. Je vous assure que partout où sera prêché cet Evangile, c'est-à-dire dans tout le monde, on racontera à la louange de cette femme ce qu'elle a fait à mon égard. Jésus-Christ a-t-il dit la vérité, ou a-t-il menti? sa prédiction a-t-elle eu son effet ou ne l'a-t-elle pas eu? Interrogez les Juifs; ils auront beau s'armer d'impudence, ils ne pourront contredire ouvertement cette prophétie. On parle dans toutes les églises de la femme de notre Evangile. Il y a dans toutes les villes des magistrats principaux, des commandants de (319) troupes, des femmes et des hommes distingués; dans quelques parties de la terre que vous alliez, vous verrez qu'on écoute en silence l'action de cette même femme : elle n'est ignorée dans aucune contrée du inonde. Que de princes ont comblé des peuples de bienfaits, ont terminé des guerres importantes, remporté de grandes victoires, relevé des villes, sauvé des nations, grossi considérablement leur trésor ! leurs actions cependant sont oubliées, on n'en parle plus. Plusieurs princesses , femmes célèbres, ont fait de grands biens à leurs sujets, et elles ne sont pas même connues de nom ; tandis qu'une femme obscure, qui n'a fait que répandre une huile de parfum , est célébrée par toute la terre, sans que la longueur du temps ait pu ou puisse jamais obscurcir sa mémoire. Cependant son action n'était pas éclatante : encore une fois, elle n'avait fait que répandre une huile de parfum; sa personne n'était pas illustre : c'était une femme ignorée et méprisée; elle n'avait pas agi devant plusieurs témoins : il ne se trouvait là que quelques disciples ; le lieu n'était pas remarquable elle n'avait point paru sur un théâtre public, mais dans une maison particulière, où il y avait très-peu de monde. Toutefois, ni le petit nombre de témoins, ni l'obscurité de la personne, ni le secret du lieu, rien en un mot n'a pu ensevelir dans l'oubli ni le nom ni l'action d'une femme, qui est maintenant plus célèbre que tous les princes et toutes les princesses. Quelle est la cause de ce prodige? qui en a été l'auteur? N'est-ce pas le Dieu lui-même sur qui elle a répandu son parfum, et qui a fait retentir par toute la terre le bruit de son action? Est-ce donc l'effet d'une puissance humaine, je vous le demande, d'avoir prédit l'éclat d'une action aussi simple? un homme de bon sens pourrait-il le prétendre ? Prédire ce qu'on fera soi-même est une chose admirable et peu commune ; mais prédire ce que feront les autres, et le prédire de manière à convaincre tous les hommes et à les frapper par l'évidence, est bien plus extraordinaire encore et bien plus merveilleux. Jésus-Christ a fait au chef de ses apôtres une autre prédiction : Je bâtirai, lui dit-il, mon Eglise sur cette pierre, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. (Matth. XVI, 18.) Dites-moi, Juifs, pouvez-vous attaquer ces paroles? pouvez-vous montrer la fausseté de cette prophétie? Quoi que vous puissiez dire, vous serez confondus par le témoignage des faits. Que de guerres ont été excitées contre l'Eglise ! que de troupes ont été préparées ! que d'armes ont été aiguisées contre elle ! exil, confiscation, mort, précipices, mers, lacs, chaudières bouillantes, fournaises, chevalets, dents de bête féroce, tous les genres et tous les instruments de peine et de supplice, tous les tourments les plus horribles et les plus insupportables ont été imaginés contre l'Eglise, de la part des étrangers, je dis même de la part des plus proches; car une guerre civile, plus cruelle qu'aucune autre guerre de cette nature, était allumée partout. Non-seulement les citoyens étaient soulevés contre les citoyens, mais les amis contre les amis, les parents contre les parents, les proches contre les proches. Aucune de ces attaques néanmoins n'a pu ébranler, n'a pu affaiblir l'Eglise ; et ce qu'il y a d'étonnant et d'incroyable, c'est qu'elle ait été en butte à tous ces assauts dès sa naissance. Si tous les orages eussent attendu pour fondre sur elle que la religion fût bien fondée , bien établie par toute la terre, il ne serait pas aussi surprenant qu'elle n'eût pas été renversée; mais que dès l'origine de la prédication, lorsque la foi venait d'être répandue, que les esprits des fidèles étaient chancelants et faibles, tant de guerres aient été excitées contre nous, et que, loin de perdre de nos forces, nous nous soyons fortifiés de plus en plus, c'est là ce qui est au-dessus de tous les prodiges; car, afin qu'on ne dise pas que l'Eglise est maintenant affermie par la paix que lui ont accordée les empereurs, Dieu a permis qu'elle. ait été attaquée, lorsqu'elle ne faisait que de naître, dans sa plus grande faiblesse, afin que l'on sache que son affermissement actuel est l'ouvrage de la puissance de Dieu et non de la paix dont les empereurs l'ont gratifiée. Pour confirmer ce que nous disons, songez combien de philosophes, tels que Zénon, Platon, Socrate, Diagore, Pythagore, et une infinité d'autres, ont voulu introduire chez les Grecs de nouveaux dogmes et une nouvelle morale; mais loin d'avoir triomphé des obstacles inhérents à une pareille entreprise , ils ne sont pas même connus de nom par la multitude. Pour Jésus-Christ , non-seulement il a révélé , il a encore établi par toute la terre une morale nouvelle. Que de choses extraordinaires, dit-on, n'a pas faites (320) Apollonius de Tyanes ! mais ce qui prouve qu'il n'y avait rien de vrai dans toutes ses oeuvres, qu'elles n'étaient que mensonge, imposture, illusion, c'est qu'on les a oubliées, c'est qu'elles n'ont eu aucune suite. Et qu'on ne croie pas que ce soit faire injure à Jésus-Christ que de le comparer à Pythagore, à Pluton, à Zénon, à Apollonius de Tyanes. Ce n'est pas d'après notre propre sentiment que nous le faisons, mais pour condescendre à la faiblesse des Juifs, qui croient que Jésus-Christ était simplement un homme; c'est ce qu'a fait saint Paul avant nous. Lorsque cet apôtre entra dans Athènes, il ne parla pas au peuple d'après les prophètes, ni d'après les évangiles, mais d'après l'autel qu'il avait rencontré. Non qu'il crût que cet autel était plus digne de foi que les évangiles, ni que l'inscription qu'il portait était plus précieuse que les écrits des prophètes; mais comme il parlait à des Grecs qui ne croyaient aucun de nos livres, il cherchait à les soumettre par leur propre doctrine. Aussi disait-il dans une de ses apures : J'ai vécu avec les Juifs comme juif, avec deux qui n'avaient point de loi comme si je nen eusse point eu moi-même, quoique je fusse soumis à la loi de Dieu et de Jésus-Christ son fils. (I Cor. IX, 20 et 2l.) C'est ce que fait encore l'Ecriture dans l'Ancien Testament lorsqu'elle parle de Dieu aux Juifs : Seigneur, dit-elle, est-il parmi les dieux quelqu'un qui vous ressemble ? (Exod. xv) il.) Quoi doncl Moïse, y a-t-il quelque comparaison entre les faux dieux et le Dieu véritable? Je ne prétends pas, dit-il, établir aucune comparaison; mais tomme je parle aux Hébreux qui ont une grande idée des faux dieux ! je lob instruis de cette manière pour condescendre à leur faiblesse. De même nous, comme nous parlons aux mêmes Juifs qui ne voient dans Jésus-Christ qu'un pur homme et un infracteur de la Loi, c'est pour cela que nous le comparons aux philosophes les plus admirés chez es Grecs. Nous allons si vous voulez, tirer de nouvelles preuves de ceux qui, chez les mêmes Juifs, ont entrepris de semer leur doctrine, qui ont rassemblé des disciples, et qui, dénoncés aux chefs de la nation, ont péri aussitôt sans laisser aucune trace. Voici tomme Gamaliel ferma la bouche à ses Compatriotes qu'il voyait furieux contre les disciples et altérés de leur sang. Voulant réprimer leur rage, il fit retirer un moment les apôtres, et parla ainsi dans le conseil: Prenez garde, Israélites, à ce que vous allez faire touchant les hommes quon vous dénonce. Il y a quelque temps qu'il s'éleva un certain Theudas, qui prétendait être quelque chose de grand. Il s'était attaché environ quatre cents hommes qui périrent tous avec lui, et furent dispersés. Judas de Galilée s'éleva ensuite. Il avait attiré beaucoup de monde: mais il périt, ainsi que Theudas, avec tous ses disciples. Voici donc ce que je vous dis dans la circonstance présente : Prenez garde â ce que vous allez faire. Si l'oeuvre que vous attaque, vient des hommes, elle se détruira; si elle vient de Dieu, vous ne pourrez la détruire, et vous seriez en danger de combattre contre Dieu même. (Act. V, 35 à 39.) Qu'est-ce donc qui prouve que, si elle vient des hommes, elle se détruira? Vous en avez l'expérience, leur dit-il, dans Judas et dans Theudas. Si Jésus, que prêchent ces hommes-ci ressemble aux deux autres; si tout n'est pas l'ouvrage de la puissance divine, attendez un peu, et vous serez convaincus par les faits mêmes ; vous apprendrez par l'événement si Jésus n'est qu'un imposteur, comme vous le dites, et un infracteur de la Loi, ou si c'est le Dieu dont la puissance ineffable maintient le monde qu'elle a créé, et gouverne toutes les choses d'ici-bas. Ils ont donc attendu d'après ce conseil; et la puissance invincible du Très-Haut s'est manifestée par les faits mêmes; et la ruse que le démon avait imaginée pour tromper un grand nombre d'hommes, s'est tournée contre lui. En effet, dès que cet esprit de malice s'aperçut que le Messie allait venir, voulant répandre des nuages sur son arrivée, et rendre suspecte sa mission, il fit paraître les imposteurs dont nous avons parlé plus haut, afin qu'il pût être confondu avec eux; et comme sur la croix il l'associa à deux brigands, il emploie le même artifice lors de sa venue, il s'efforce d'obscurcir la vérité par les nuages du mensonge. Mais, loin de réussir dans l'une et l'autre conjoncture, il n'a fait que montrer davantage la puissance de Jésus-Christ; car, pourquoi, je vous le demande, de trois hommes crucifiés dans le même lieu, dans le même temps, sur la condamnation des mêmes juges , un seul est-il adoré, tandis que les deux autres sont oubliés? pourquoi encore, lorsque plusieurs ont voulu introduire une morale nouvelle, un seul est-il honoré par toute la terre, tandis que le nom des autres est oublié jusqu'à ce jour ? Ce (321) sont les comparaisons qui font ressortir la vérité avec plus d'éclat : comparez donc, ô Juifs, et cédez du moins à l'évidence. Un imposteur aurait-il pu établir par toute la terre un si grand nombre d'églises? aurait-il pu étendre son culte depuis une extrémité du monde jusqu'à l'autre? aurait-il pu se soumettre tous les hommes malgré une infinité d'obstacles? Non, assurément. Il est donc clair que Jésus-Christ n'est pas un imposteur, mais le Sauveur et le Bienfaiteur des hommes, le Principe de notre vie et de notre salut. Je vais ajouter encore une prédiction, après quoi je reviens à mon sujet. Je ne suis pas venu, dit Jésus-Christ, apporter la paix sur la terre, mais l'épée (annoncant par là, non ce qu'il désirait, mais ce qui devait arriver); car je suis venu séparer le fils d'avec son père, la fille d'avec sa mère, la belle-fille d'avec sa belle-mère. (Matth. X, 34 et 35.) Comment, je vous prie, aurait-il pu faire cette prédiction; s'il n'était qu'un homme, et un homme du commun? Voici le sens de ces paroles. Vous le savez, souvent il arrive que dans une même maison il y a un fidèle et un infidèle, que par exemple le père veut entraîner son fils au culte des idoles, c'est ce fait même que Jésus-Christ prédit; la prédication, dit-il, aura une telle force, que les fils n'auront aucun égard pour leurs pères, les filles pour leurs mères, les parents pour leurs enfants. Non-seulement les hommes n'auront aucune considération pour leurs proches, ils sacrifieront même leur vie , ils supporteront tout et souffriront tout, afin de ne pas renoncer à la foi. Comment un simple homme, un homme ordinaire, a-t-il pu .prévoir, a-t-il pu -produire ces effets parmi les hommes? Comment lui est-il venu à l'esprit de penser que les enfants le respecteraient plus que leurs pères, que les pères le chériraient plus que leurs enfants, que les femmes l'aimeraient plus que leurs époux, et cela, non dans une maison seule, ni dans dix ni dans cent, mais dans toute l'étendue du monde, dans toutes les villes et dans tous les pays, sur terre et sur mer, dans les lieux habités et inhabités ! Et l'on rie peut pas dire qu'il ait prédit ces faits sans les amener à exécution. Combien d'hommes, dès la naissance de la Religion, et plus encore à présent, haïs pour la foi, chassés de la maison paternelle sans pouvoir y rentrer, ont été abondamment consolés par cela même qu'ils souffraient pour Jésus-Christ ! Quel homme, je vous le demande, eût pu imprimer ces sentiments dans le coeur d'un autre homme? Or, le même qui a prédit la célébrité de la femme de l'Evangile, l'affermissement de l'Eglise, la violence d'une guerre intestine et domestique, a prédit aussi que le temple serait renversé, que Jérusalem serait prise, que les Juifs n'existeraient plus à l'état de peuple. Si donc les autres prédictions ont été fausses, si elles n'ont pas été accomplies, ne croyez pas non plus celles que vous attaquez. Mais si les autres brillent par l'événement d'un éclat qui augmente tous les jours, si les portes de l'enfer n'ont pas encore prévalu contre l'Eglise, si l'action de la femme de l'Evangile est célébrée par toute la terre après un si long espace de temps, si les hommes qui ont cru en Jésus-Christ l'ont préféré à leurs pères, à leurs épouses, à leurs enfants, pourquoi donc, je vous le demande, la prédiction que je défends est-elle la seule que vous refusiez de croire, et cela lorsque le témoignage de plusieurs siècles confond votre opiniâtreté? Si depuis la prise de Jérusalem il ne se fût écoulé que dix ans, ou vingt, ou trente, ou cinquante, ce ne serait pas encore une raison pour nier opiniâtrement la vérité de la prédiction, quoiqu'on eût un prétexte pour la contester. Mais s'il s'est écoulé non cinquante, mais plus de cent, plus de deux cents, plus même de trois cents ans, sans qu'on ait vu aucune ombre, aucune apparence d'une révolution que vous attendez toujours, pourquoi vous opiniâtrer contre tout droit et toute raison? 4. Nous avons prouvé suffisamment que le temple des Juifs ne sera jamais rétabli; mais comme nous avons ici une grande abondance de moyens, nous allons laisser les Evangiles pour nous tourner du côté des Prophètes dont les Juifs s'appuient surtout, et nous prouverons par les prophéties qu'ils ne recouvreront jamais ni leur indépendance comme peuple ni leur temple. Cependant je ne devrais pas être obligé de prouver que leur temple ne sera pas rétabli, ce serait à eux, et non pas à moi, à prouver au contraire qu'il sera rétabli. Moi, j'ai en ma faveur le témoignage de plusieurs siècles; eux, qui sont convaincus par les événements mêmes, qui, ne trouvant dans les faits aucune preuve solide, ne nous opposent que de vaines paroles, doivent établir ce qu'ils avancent. Moi, je produis des faits, et je montre que le temple est (322) tombé depuis plusieurs siècles sans qu'il ait été relevé dans tout cet intervalle; eux, qui ne fournissent que des paroles, devraient montrer que leur temple sera rétabli avec leur indépendance. C'est ainsi que l'on procède dans les tribunaux. Lorsque deux contendants se disputent pour un objet, et que l'un des deux produit en sa faveur un écrit, c'est à celui qui attaque l'écrit, et non à celui qui le fait valoir, à fournir des témoins et d'autres preuves pour montrer la fausseté de ce qui est porté dans l'écrit. De même à présent les Juifs devraient citer un prophète qui annonce clairement le rétablissement de leur temple et de leur empire. C'est une chose certaine, et l'on en conviendra pour peu qu'on ait parcouru les livres prophétiques, que, si la captivité présente devait finir, les prophètes auraient dû nécessairement en annoncer la fin. C'était un ancien usage chez les Juifs , que les prophètes leur prédissent de fort loin les biens et les maux qui devaient leur arriver. Pourquoi cela ? C'était à cause de leur dureté et de leur ingratitude. Dans le temps même où ils étaient comblés de bienfaits, ils oubliaient le Dieu qui en était l'auteur, et ils attribuaient leurs prospérités aux démons; par exemple, lorsqu'ils venaient de sortir d'Egypte, lorsque la mer s'était ouverte devant eux, et que les prodiges se multipliaient erg leur faveur, oubliant le vrai Dieu qui les avait. sauvés, ils attribuaient aux faux dieux leur délivrance, et disaient au grand prêtre Aaron : Faites-nous des dieux qui nous précèdent. (Exod. XXXII, 1.) Ils disaient aussi à Jérémie : Nous ne recevrons point de votre bouche les paroles que vous nous dites au nom du Seigneur; mais nous exécuterons les voeux que nous aurons prononcés par notre bouche, en sacrifiant à la Reine du ciel, et en lui offrant des oblations comme nous l'avons fait; nous et nos pères, nos rois et nos princes. Alors nous avons nagé dans l'abondance, nous avons été heureux, nous n'avons souffert aucun mal. .Mais depuis que nous avons cessé de sacrifier à la Reine du ciel, et de lui présenter nos offrandes, novas sommes déchus de notre bonheur, nous avons été consumés par l'épée et par la famine. (Jér. XLIV,16 à 18.) De peur donc qu'ils n'attribuassent aux idoles les faveurs et les peines, afin qu'ils crussent qu'elles venaient de Dieu, qui leur envoyait les unes pour les punir, les autres par un effet de son amour, les prophètes leur prédisaient de fort loin ce qui devait leur arriver. Et afin de vous convaincre que c'est là la vraie cause des prédictions faites aux Juifs, écoutez ce que dit à ce peuple l'éloquent Isaïe : Je sais que vous êtes dur, que les fibres de votre cou sont de fer (c'est-à-dire que vous êtes inflexible), et que votre front est d'airain (c'est-à-dire que vous êtes armé d'effronterie; car nous avons coutume de dire de ceux qui ne savent pas rougir, qu'ils ont un front d'airain). Je vous ai prédit longtemps auparavant ce qui doit vous arriver, je vous l'ai annoncé d'avance... Ensuite énonçant la cause de sa prédiction, il ajoute : De peur que vous ne disiez : Ce sont mes idoles qui m'ont fait ces biens ou ces maux; ce sont mes images taillées et jetées en fonte qui m'ont donné ces avis. (Is. XLVIII, 4 et 5.) Et comme il y avait des hommes fiers et opiniâtres, qui, même après l'événement, prétendaient qu'on ne le leur avait pas annoncé, les prophètes ne se contentaient pas de prédire l'avenir, ils prenaient des témoins de ce qu'ils prédisaient : Donnez-moi, dit le même Isaïe, des témoins qui soient irréprochables, Urie, et le grand prêtre Zacharie, fils de Barachias. (Is. VIII, 2.) Il fait plus encore : il consigne sa prophétie dans un livre neuf, afin qu'après l'événement ce livre dépose contre les Juifs, et atteste qu'il leur avait été annoncé longtemps d'avance. Aussi le Prophète a-t-il. consigné sa prédiction dans un livre, et dans un livre neuf, afin qu'il durât assez longtemps pour attendre l'événement des faits qui y étaient contenus. Ce passage prouve la vérité de ce que je dis, savoir, que Dieu prédisait aux Juifs tout ce qui devait leur arriver; je vais le prouver encore par les maux et les biens qu'ils ont ressentis tour à tour. 5. Les Juifs ont subi trois captivités fort rudes, qui toutes trois leur ont été prédites. Dieu leur en a fait marquer exactement toutes les circonstances, le lieu, le temps, les personnes, l'espèce de maux qu'ils auraient à souffrir, et le retour. Je vais parler d'abord de la prédiction de la captivité en Egypte. Dieu adressa ces paroles à Abraham : Sachez que votre postérité passera dans une terre étrangère, qu'elle y sera réduite en servitude et accablée de maux pendant quatre cents ans. Mais j'exercerai mes jugements, dit le Seigneur, sur le peuple auquel ils seront assujettis; et à la quatrième génération, ils reviendront dans cette contrée chargés de richesses. (Gen. XV, 13 et 14.) (323) Vous voyez comme Dieu a exprimé le nombre des années, quatre cents ans; et l'espèce de servitude, car il ne s'est pas contenté de dire qu'ils seraient réduits en servitude, mais accablés de maux. Ecoutez comment Moïse raconte leurs maux : On ne donne point de paille à vos serviteurs, et l'on exige d'eux la mine quantité de briques. (Exod. V, 16.) Ils étaient battus de verges tous les jours, afin que vous compreniez le sens de ces paroles : Ils seront réduits en servitude et accablés de maux. Mais j'exercerai mes jugements sur le peuple auquel ils seront assujettis ; il parle de la submersion des Egyptiens dans la mer Rouge, au sujet de laquelle Moïse s'exprime ainsi dans son cantique : Il a précipité dans la mer le cheval et le cavalier. (Exod. XV, 1.) Ensuite il marque la nature de leur retour : Ils reviendront dans cette contrée chargés,de richesses Que chaque femme, dit Moïse, emprunte à son hôtesse et à sa voisine des vases d'or et d'argent. (Exod. III, 22.) Comme ils avaient été longtemps en servitude, et qu'ils n'avaient pas reçu le salaire de leurs peines, Dieu leur a fait demander des objets qu'ils ont emportés malgré leurs maîtres. C'est à ce sujet que David s'écrie : Il les a fait sortir chargés d'or et d'argent, et il n'y avait point de malades dans leurs tribus. (Ps. CIV, 37.) Telle est la première captivité qui a été prédite avec toutes ses circonstances. Passons maintenant à la seconde, à celle de Babylone. Jérémie l'avait prédite en termes clairs et formels. Voici ce que dit le Seigneur : Lorsque soixante et dix ans se seront passés à Babylone, je vous visiterai, et je vérifierai les paroles favorables que je vous ai données en vous faisant revenir dans ce pays. Je ramènerai vos captifs, je vous rassemblerai de tous les peuples et de tous les lieux où je vous aurai dispersés, dit le Seigneur, je vous ferai revenir dans le lieu d'où je vous ai fait partir. (Jér. XXIX, 10.) Vous voyez ici encore avec quelle précision Dieu a indiqué la ville, le nombre des années, de quel lieu et pour quel lieu il devait les rassembler. Aussi Daniel n'a prié le Seigneur pour les Juifs que lorsqu'il eut vu les soixante et dix années accomplies. Qui le dit ? Daniel lui-même qui s'exprime de la sorte: Moi Daniel je travaillais aux affaires du roi. Je songeais avec surprise à la vision que j'avais eue, sans trouver personne qui pût me l'expliquer. Je compris par la lecture des Livres saints le nombre des années que devait durer la désolation de Jérusalem dont le Seigneur avait parlé au prophète Jérémie, et qui était de soixante et dix ans. J'arrêtai mes yeux et mon visage sur le Seigneur mon Dieu pour le prier et le conjurer dans le jeûne, le sac et la cendre. (Dan. VIII, 27; IX, 2.) Vous voyez que cette captivité a été aussi prédite, et que le prophète n'a pas osé adresser sa prière à Dieu avant le temps marqué : il craignait de s'approcher en vain du Seigneur et de recevoir la réponse faite à Jérémie : N'intercédez pas pour ce peuple, ne me priez pas pour eux, parce que je ne vous écouterai pas. Mais lorsqu'il voit que le terme de la prédiction est arrivé, et que le temps appelle le retour des Juifs, alors il ne prie pas simplement le Seigneur, il le conjure dans le jeûne, dans le sac et dans la cendre. Il fait en un mot à l'égard de Dieu ce que nous faisons ordinairement à l'égard des hommes. Lorsque nous voyons des serviteurs jetés en prison après avoir commis un grand nombre de fautes, nous n'intercédons pas pour eux dans les premiers moments de la punition; mais après avoir laissé passer quelques jours, lorsque nous voyons que la peine a pu les rendre sages, alors nous nous approchons de leurs maîtres, et nous prenons pour les adoucir le moment favorable. C'est ce qu'a fait le prophète. Lorsque les Juifs eurent été punis, non pas autant que le méritaient leurs fautes, mais enfin lorsqu'ils eurent été punis, il s'approche du Seigneur afin d'intercéder pour eux. Mais si vous voulez, écoutons sa prière elle-même : Je confessai, dit-il, mes fautes, et je dis au Seigneur: O Seigneur Dieu, grand et terrible, qui gardez votre alliance et votre miséricorde envers ceux qui. vous aiment et qui observent vos commandements. (Dan. IX, 4.) Quoi donc, Daniel ! vous intercédez pour des hommes coupables, qui ont offensé le Seigneur; et vous parlez de ceux qui observent ses lois ! ceux qui violent ses préceptes sont-ils donc dignes de pardon? Ce n'est pas d'eux que je parle, dit le Prophète, mais de leurs ancêtres les plus éloignés, d'Abraham, d'Isaac, de Jacob : c'est à eux que le Seigneur a fait des promesses, à eux, dis-je, qui ont observé ses commandements. Comme les coupables n'ont aucun titre pour obtenir leur salut, voilà pourquoi je parle de leurs ancêtres; et pour que vous ne pensiez pas qu'il parle des coupables en disant : Vous qui gardez votre alliance et (324) votre miséricorde envers ceux qui vous aiment et qui observent vos commandements, il ajoute aussitôt : Nous avons péché, nous avons commis l'iniquité, nous avons fait des actions perverses et impies, nous nous sommes détournés de la voie de vos préceptes et de vos ordonnances, nous n'avons pas écouté les prophètes, vos serviteurs. La seule défense, oui, la seule défense qui reste au coupable après avoir péché, c'est de reconnaître sa faute. Considérez la vertu du juste et la perversité des Juifs. Le juste qui n'avait à se reprocher aucune faute, se condamne avec la plus grande sévérité : Nous avons péché, dit-il, nous avons commis l'iniquité, nous avons fait des actions perverses. Les Juifs, au contraire, qui étaient souillés de crimes, disaient: Nous avons gardé vos préceptes; nous appellerons donc heureux ceux qui s'éloignent de vous, puisqu'ils établissent leur fortune par les injustices qu'ils commettent. Le juste est modeste après avoir fait le bien, le méchant s'enorgueillit même après avoir fait le mal. Celui qui n'avait rien à se reprocher, disait : Nous avons fait des actions perverses, nous nous sommes détournés de la voie de vos préceptes. Ceux qui avaient à se reprocher une infinité de crimes, disaient au contraire : Nous avons gardé vos préceptes. Je vous fais cette observation, afin que vous évitiez l'orgueil du méchant et que vous imitiez la modestie du juste. 6. Ensuite le prophète Daniel, après avoir parcouru les iniquités des Juifs, parle de la peine qu'ils ont subie, et voulant par là même rappeler Dieu à la miséricorde, il ajoute : Et cette malédiction, qui est décrite dans la loi de Moïse, serviteur de Dieu, est tombée sur nous, parce que nous avons péché. (Dan. IX, 11.) Et quelle est cette malédiction? voulez-vous que nous la citions en propres termes ? Si vous ne servez pas le Seigneur votre Dieu, je ferai venir contre vous un peuple fier et insolent dont vous n'entendrez pas la langue, et vous serez réduits à un petit nombre. (Deut. XXVIII, 50.) Animés des mêmes sentiments, les trois enfants de Babylone annonçaient qu'ils avaient été punis pour leurs mauvaises actions, et, reconnaissant devant Dieu qu'ils étaient coupables des fautes communes, ils disaient : Vous nous avez livrés, Seigneur, entre les mains de nos ennemis qui sont des pervers, des scélérats, des contempteurs de votre loi, entre les mains d'un prince le plus injuste, le plus méchant qui soit sur la terre. (Dan. III, 32.) Vous voyez l'accomplissement de la malédiction qui dit : Vous serez réduits à un petit nombre, j'amènerai contre vous un peuple fier et insolent. C'est encore ce que fait entendre Daniel : Nous avons été assaillis, dit ce prophète, de maux tels qu'on n'en a jamais vu sous le ciel; tous ces maux sont tombés sur nous selon qu'il est écrit dans la loi de Moïse. (Dan. IX, 12.) Et quels sont ces maux? Les mères ont mangé leurs propres enfants. (Deut. XXVIII, 53.) C'est ce que prédit Moïse, et ce que Jérémie annonce être arrivé. La femme tendre et délicate, dit Moïse, qui ne pouvait pas seulement marcher, qui pouvait à peine poser un pied sur la terre à cause de son extrême mollesse et de sa délicatesse, se nourrira d'un mets horrible, mangera le fruit de ses propres entrailles. Les femmes naturellement compatissantes, dit Jérémie, ont égorgé leurs enfants de leurs propres mains pour en manger la chair. (Jér. Lament. IV, 10.) Cependant Daniel, après avoir rapporté les fautes des Juifs, après avoir parlé de la peine qu'ils ont subie, ne croit pas pour cela qu'ils doivent être sauvés. Voyez donc quelle est la vertu de ce fidèle serviteur. Il montre qu'ils n'ont pas été punis selon la gravité de leurs fautes, que les maux qu'ils ont soufferts n'ont pu effacer leurs péchés, après quoi il a recours à la miséricorde de Dieu, à sa bonté accoutumée pour les hommes : Seigneur notre Dieu, dit-il, qui avez tiré votre peuple de la terre d'Égypte, et qui vous êtes fait alors un nom qui dure encore aujourd'hui, nous reconnaissons maintenant que nous avons péché, que nous avons commis l'iniquité. (Dan. IX, 15.) Comme alors, dit-il, vous n'avez pas sauvé les Juifs pour leurs propres mérites, mais parce que vous avez vu leur affliction et leur détresse, que vous avez entendu leurs cris; de même à présent délivrez-nous de nos maux à cause de votre bonté et de votre amour pour les hommes, puisque nous n'avons pas d'autre titre pour être sauvés. Il déplore ensuite les malheurs de sa patrie, et, pour rendre le tableau plus touchant, il présente la ville même comme une femme captive : Mon Dieu, dit-il , faites reluire votre face sur votre sanctuaire, abaissez votre oreille jusqu'à vos serviteurs, écoutez-nous, ouvrez les yeux, considérez la ruine de votre ville, d'une ville dans laquelle votre nom a été invoqué. (Dan. IX, 17.) Lorsqu'après avoir promené de (325) tous côtés ses regards, il n'a trouvé aucun homme qui puisse apaiser le courroux de Dieu, il a recours aux édifices mêmes, il présente la ville de Jérusalem, il met sous les yeux sa désolation, et conclut sa prière, comme on le voit par la suite, en s'efforçant de rendre Dieu propice. Mais il faut revenir à notre sujet; car c'est une digression que je me suis permise pour reposer vos esprits fatigués d'une longue discussion. Revenons donc au point dont nous nous sommes écartés, et prouvons que les maux qui devaient arriver aux Juifs leur ont été prédits avec toutes leurs circonstances. Je viens de montrer que les deux premières captivités leur avaient été annoncées par des prophètes, et que par conséquent ils n'ont pas dû être surpris quand elles ont eu lieu. Il nous reste à parler de leur troisième captivité, pour nous occuper ensuite de leur captivité présente, et montrer qu'aucun prophète ne leur a marqué le terme, ne leur a promis la fin de leurs maux actuels. Quelle est donc la troisième captivité ? celle qui est arrivée sous Antiochus Epiphane. Alexandre, roi de Macédoine, s'était rendu maître de l'empire de Darius, roi de Perse, qu'il avait vaincu; il eut pour successeurs, après sa mort, quatre princes. Longtemps après, Antiochus, descendant d'un de ces princes, brûla le temple, pilla le Saint des saints, emporta les vases sacrés, s'assujettit les Juifs, et détruisit tout leur empire. 7. Tous ces faits ont été prédits par Daniel avec une exactitude qui va jusqu'à compter les jours. Le Prophète a marqué avec précision dans quel temps ils arriveraient, de quelle manière, par qui, quelle fin ils auraient, et quelle serait la nature des changements qu'ils subiraient. Vous l'apprendrez encore mieux par la vision même, que le Prophète rapporte en parabole. Il désigne Darius, roi des Perses, sous la figure d'un bélier; le roi des Grecs, Alexandre de Macédoine, sous celle d'un boue; les quatre princes ses successeurs, sous celle de quatre cornes; enfin Antiochus Epiphane, sous celle d'une dernière corne. Ou plutôt écoutons la vision même de Daniel : J'ai eu une vision, dit-il, lorsque j'étais assis devant Ubal (c'était un lieu ainsi appelé dans la langue des Perses). Je levai les yeux, et je vis un bélier qui se tenait devant Ubal. Il avait deux cornes élevées, dont l'une beaucoup plus haute s'étendait jusqu'à l'extrémité du monde. Ce bélier frappait de sa corne l'occident, l'aquilon, le midi; aucune bête ne pouvait lui résister, ni s'arracher de ses mains. Il fit tout ce qu'il voulut, et il devint fort puissant. J'étais attentif à ce que je voyais. (Dan. VIII, 2-5.) Par le bélier et ses cornes, le Prophète marque la puissance des Perses, et leur empire qui s'est étendu par toute la terre. Il parle ensuite du roi de Macédoine sous cette autre image : Un bouc vint de l'occident sur la face de toute la terre à laquelle il ne touchait pas. Ce bouc avait une corne fort grande entre les deux yeux. Après quoi il exprime ainsi les combats qu'Alexandre livra à Darius, et les victoires qu'il remporta sur ce prince : Le bouc joignit le bélier qui était armé de ses cornes, il l'attaqua avec fureur (j'abrége le récit), le renversa, lui rompit les deux cornes, et personne ne put l'arracher de ses mains. Parlant ensuite de la mort d'Alexandre, et des quatre rois ses successeurs, il ajoute : Le bouc étant devenu extrêmement fort , sa grande corne se rompit, et il se forma quatre cornes au-dessous vers les quatre vents du ciel. Enfin Daniel passe au règne d'Antiochus, et annonçant qu'il descendait d'un des quatre princes, il en parle de la sorte : De l'une de ces quatre cornes il en sortit une petite qui s'agrandit considérablement vers l'orient et vers le midi. Et pour marquer qu'il détruisit l'empire des Juifs, voici comme il s'exprime : Il eut assez de puissance, à cause des péchés du peuple, pour profaner et supprimer les sacrifices ; il désola le Saint des saints, détruisit l'autel, foula aux pieds les choses saintes, plaça une idole dans l'intérieur du temple, immola des victimes aux démons contre la loi; la justice fut oubliée et dédaignée. Il exécuta tout et réussit en tout. Daniel revient de nouveau au règne du même Antiochus Epiphane, à la captivité, à la prise de la ville, à la désolation du temple, et il ajoute le temps où tout cela aura lieu. Il commence dès le règne d'Alexandre, et va jusqu'à la fin de son livre, en rapportant tous les événements intermédiaires, les querelles de Ptolémée et de Séleucus, les exploits de leurs généraux, leurs ruses, leurs victoires , leurs armées, leurs combats sur terre et sur mer. Il avance toujours, et finit par Antiochus dont il parle de nouveau en ces termes : Sous ses ordres des hommes puissants profaneront le Saint des saints, et feront cesser le sacrifice perpétuel (il nomme sacrifice (326) perpétuel, le sacrifice de tous les jours); ils mettront dans le temple l'abomination de la désolation, ils amèneront avec eux pour tout détruire les violateurs de la sainte alliance, c'est-à-dire ils s'associeront les Juifs prévaricateurs. Le peuple qui connaît son Dieu aura quelque supériorité. Le Prophète parle ici des exploits des Machabées, des avantages qu'eurent les Juifs fidèles sous Juda, Simon et Jean. Les sages du peuple en instruiront plusieurs, mais ils seront affaiblis par l'épée, par la flamme (dans un second embrasement de la ville), par la captivité, par des brigandages qui dureront plusieurs jours. Au milieu de ces affaiblissements, ils recevront quelques secours modiques. Daniel fait entendre qu'ils pourront respirer au milieu de leurs maux, et sortir pour un moment des afflictions dont ils seront accablés. Plusieurs se joindront à eux par des alliances feintes pour les perdre, et les sages mêmes trahiront le bon parti. Daniel marque ainsi les chutes de ceux qui paraissaient les plus fermes; après quoi il découvre la cause pour laquelle Dieu a permis que les Juifs fidèles fussent en butte à tant de maux. Et quelle est cette cause? C'est afin qu'ils passent par le feu, qu'ils deviennent de plus en plus, jusqu'au temps prescrit, purs et blancs, dignes de son choix. Dieu a permis, dit-il, ces disgrâces, afin de purifier les Juifs fidèles, et de montrer ceux d'entre eux dont la vertu était éprouvée. Le Prophète parle en ces termes de la puissance du roi Antiochus : Il exécutera toutes ses volontés, dit-il, il s'élèvera et s'agrandira. Voici comme le même Daniel présente le caractère de ce prince porté au blasphème : Il parlera, ajoute-t-il, il parlera insolemment contre le Dieu des dieux; il réussira jusqu'à ce que la colère du Seigneur soit accomplie. Le Prophète annonce par ces derniers mots que ce n'était pas à lui-même qu'Antiochus devrait l'accroissement de ses forces, mais à la colère du Seigneur contre les Juifs. Après s'être étendu sur les maux que ce roi cruel devait faire à l'Egypte et à la Palestine, après avoir expliqué comment il devait revenir dans sa capitale, qui est-ce qui devait l'y engager et l'y contraindre, Daniel rapporte la révolution qui survint alors, et comment les Juifs, après avoir passé par tant d'épreuves, éprouvèrent quelque soulagement, un ange étant envoyé pour les secourir : En ce temps-là, dit-il, Michel le Grand-Prince s'élèvera, lui qui est le protecteur des enfants de votre peuple. Il viendra un temps d'affliction tel qu'il n'y en a pas eu depuis qu'il existe des nations sur la terre jusqu'à nos jours. En ce temps-là seront sauvés tous ceux de votre peuple qui seront trouvés écrits dans le livre, c'est-à-dire qui seront dignes d'être sauvés. (Dan. XII, 1.) 8. Mais nous n'avons pas encore prouvé le point essentiel. Quel est-il? C'est que le Prophète a déterminé le temps que dureraient ces maux, de même qu'on avait marqué quatre cents ans pour la première captivité , et soixante-dix pour la seconde. Voyons donc si pour la troisième on détermine aussi quelque temps; et où trouverons-nous ce que nous cherchons ? sans doute dans ce qui suit. Lorsque tout un avenir de malheurs eut été révélé au Prophète, embrasement, destruction d'empire, captivité du peuple , il désira d'apprendre quelle en serait la fin, et quelle révolution suivrait ces disgrâces. Il fit donc cette demande : Seigneur, dites-moi quelle sera la fin de ces tristes événements ? Le Seigneur lui répondit : Ecoute, Daniel, ces paroles sont fermées et sont scellées (figure qui signifie l'obscurité de l'avenir) jusqu'au temps de leur accomplissement. (Dan. XII, 8 et 9.) Le Seigneur ensuite découvre la cause pour laquelle il a permis ces maux : Jusqu'à ce que plusieurs soient éprouvés parle feu, soient rendus blancs et dignes de mon choix; jusqu'à ce que les sages et les impies qui auront consommé l'iniquité, comprennent mes desseins. Après quoi il prédit le temps que devaient durer les maux : Depuis le temps, dit-il, qu'aura été aboli le sacrifice perpétuel. On appelait sacrifice perpétuel, comme nous l'avons dit plus haut, le sacrifice de tous les jours, le sacrifice que les Juifs étaient dans l'usage de faire chaque jour à Dieu le matin et le soir. Comme donc Antiochus, après avoir emporté de force Jérusalem, avait aboli cet usage, l'ange du Seigneur dit à Daniel : Depuis le temps qu'aura été aboli le sacrifice perpétuel, il se passera mille deux cent quatre-vingt-dix jours, c'est-à-dire, trois années et demie et un peu plus. Ensuite il fait entendre qu'on verrait alors la fin et le terme de ces maux. Heureux, ajoute-t-il, celui qui aura supporté ces disgrâces, et qui sera arrivé jusqu'à mille trois cent trente-cinq jours! Ce sont quarante-cinq jours ajoutés aux mille deux cent quatre-vingt-dix jours. Les combats qui devaient assurer la révolution durèrent un mois et demi, et ce fut après ce terme que la (327) victoire fut complète, et la délivrance entière. En disant: Heureux celui qui aura supporté patiemment ces disgrâces, et qui sera arrivé jusqu'à mille trois cent trente-cinq jours, il annonce la délivrance. Et il ne dit pas simplement : Celui qui sera arrivé, mais: Celui qui aura supporté et qui sera arrivé. Comme plusieurs méchants devaient voir l'heureux changement, ce ne sont pas eux que l'ange du Seigneur proclame heureux, mais ceux qui dans le temps de l'affliction ayant rendu témoignage à la foi qu'ils n'auront pas trahie, seront sortis de la détresse. C'est pour cela qu'il ne dit pas simplement : Celui qui sera arrivé, mais : Celui qui aura supporté et qui sera arrivé. Est-il rien de plus clair? Vous voyez que le Prophète a marqué avec exactitude pour la durée et pour le terme de la captivité, les années, les mois, et jusqu'à un jour près. Et afin de prouver que ce ne sont pas ici de vaines conjectures, je vais produire un autre témoin, que les Juifs ne regardent pas comme suspect; je veux dire Josèphe,,qui a raconté leurs disgrâces tragiques, et qui a expliqué assez au long l'Ancien Testament. Cet écrivain venu après Jésus-Christ, a parlé de la captivité que le Fils de Dieu a prédite, il parle aussi de la troisième, il explique la vision du Prophète touchant le bélier, le bouc, les quatre cornes, et une cinquième qui vint après elles. Mais pour qu'on ne se défie pas de nos discours, nous allons citer les propres paroles de Josèphe (1). Cet historien, après avoir donné de grandes louanges à Daniel qu'il admire, et qu'il préfère aux autres prophètes, vient à sa vision dont il parle de la sorte : « Daniel a laissé des écrits où l'on voit l'exactitude en même temps et la certitude de sa prophétie. Il dit qu'étant à Suze , ville capitale de la Perse, il sortit dans la plaine avec quelques-uns de ses compagnons ; que dans un tremblement de terre qui survint, ses amis prirent la fuite et qu'il resta seul; qu'il tomba le visage contre terre, appuyé sur ses deux mains ; que quelqu'un étant venu le toucher et lui ordonnant de se lever, il vit ce qui devait arriver à ses compatriotes après plusieurs générations; qu'on lui montra, lorsqu'il fut levé, un grand bélier, auquel il crût plusieurs cornes, dont la
1 Josèphe, Antiq. juives, 1. 10, ch. 11. Le texte de la citation est altéré à la fin; mais il est aisé de le rétablir en consultant les éditions grecques de Josèphe. Cet historien n'est pas fort exact en citant la prophétie de Daniel i il s'est permis d'y ajouter quelques circonstances.
dernière était plus haute que les autres; qu'il tourna ensuite les yeux vers le couchant, et qu'il aperçut un bouc, lequel s'avançant avec impétuosité, joignit le bélier, le frappa deux fois, lui brisa les cornes, le renversa et le foula aux pieds; que le bouc lui parut ensuite plus haut, qu'il lui sortit du front une très-grande corne; que cette corne étant rompue, il en poussa quatre autres, tournées du côté des quatre vents; que d'une d'entre elles il naquit une autre moins considérable qui s'accrût beaucoup. Dieu, qui lui montrait cette vision, lui dit que cette dernière corne subjuguerait les Juifs, prendrait de force leur ville, pillerait le temple, abolirait les sacrifices, que ces maux dureraient mille deux cent quatre-vingt-dix jours. Telle est la vision que Daniel écrit avoir eue dans la campagne de Suze. Il supplia le Seigneur de lui expliquer cette vision. Le Seigneur lui dit que le bélier signifiait les royaumes des Perses et des Mèdes; les cornes, les rois qui devaient y régner; la dernière corne, un dernier roi qui devait l'emporter sur les autres en gloire et en richesses ; que le bouc marquait qu'il sortirait des Grecs un prince qui se mesurant deux fois contre le roi de Perse, le déferait dans un combat, et s'emparerait de toute sa puissance ; que la première grande corne qui sortait du front du bouc, annonçait un premier roi ; que les quatre cornes qui poussaient, la première étant rompue, et dont chacune était tournée vers une des quatre parties du monde , marquaient qu'après la mort du premier roi quatre successeurs se partageraient son empire; que sans être ni ses enfants ni ses parents, ils lui succéderaient, et commanderaient plusieurs années dans le monde. Un des descendants de ces quatre princes devait abolir les lois des Juifs, détruire leur gouvernement, piller leur temple, faire cesser leurs sacrifices pendant trois ans. » Voilà, ô Juifs ! les maux que votre nation a soufferts de la part d'Antiochus Epiphane, selon que l'avait prédit Daniel plusieurs années avant qu'ils arrivassent. Est-il rien de plus clair que les prédictions que nous venons d'expliquer ? 9. Il est temps, à moins que la longueur de notre discours ne vous fatigue, de passer à la question principale pour laquelle nous sommes entrés dans tous les éclaircissements qui précèdent, je veux dire à la captivité présente des Juifs. Renouvelez-moi, je vous prie, votre attention pour l'objet important dont je vais (328) vous entretenir. Dans les jeux olympiques vous avez la patience d'attendre depuis le milieu de la nuit jusqu'au milieu du jour, pour savoir quels athlètes obtiendront la couronne; vous recevez, la tête nue, les rayons d'un soleil brûlant, vous ne voudriez pas vous retirer avant la décision de tous les combats : et lorsqu'il s'agit pour vous-mêmes, non d'une couronne périssable, mais d'une couronne incorruptible, vous seriez languissants et lâches ! Une telle conduite ne serait pas raisonnable. Nous avons prouvé suffisamment que les trois premières captivités ont été prédites ; il nous reste à parler de la quatrième. Je montrerai par le témoignage du même Josèphe, l'homme le plus zélé pour les intérêts des Juifs, que le Prophète a aussi prédit cette dernière captivité. Ecoutons ce que l'historien ajoute à ce que nous avons rapporté plus haut. « Daniel dit-il, a écrit de la même manière sur la domination des Romains, il a prédit qu'ils prendraient la ville de Jérusalem et qu'ils désoleraient le temple. n Observez, ô Juifs, que, quoique Josèphe fût votre compatriote, il n'a pas eu l'impudence d'imiter votre opiniâtreté. Après avoir dit que Jérusalem serait prise, il n'a pas osé ajouter qu'elle serait rétablie, ni marquer le terme de son désastre. Mais il a copié Daniel qui ne marque pas ce terme; et quoiqu'en parlant de la victoire d'Antiochus, de la désolation du temple, il eût déterminé les années et les jours que durerait la captivité, il ne s'est pas exprimé de même au sujet des Romains. Il a bien dit que Jérusalem et le temple seraient désolés, mais sans ajouter quelle serait la fin de cette désolation, parce que le Prophète ne l'ajoute pas. « Daniel, dit-il, nous a laissé dans son livre tous ces faits à venir que Dieu lui a révélés, de sorte que ceux qui le lisent et considèrent les événements, l'admirent pour l'honneur qu'il a reçu de Dieu. » Maintenant où Daniel a-t-il dit que le temple serait désolé ? Lorsqu'il eut achevé sa prière, dans le sac et dans la cendre, Gabriel vint à lui de la part du Seigneur, et lui dit : Dieu a fixé les temps à soixante et dix semaines en faveur de votre peuple et de la cité sainte. (Dan. IX, 24.) Voici un temps marqué, dira-t-on: oui, sans doute; mais c'est celui où devait renaître la captivité, et non celui où elle devait finir. Or, dire le temps que doit durer une captivité , ou le temps après lequel elle doit avoir lieu, ce sont deux choses différentes. Dieu, dit-il, a fixé les temps à soixante et dix semaines en faveur de votre peuple. Il ne dit plus : En faveur de mon peuple. Cependant le Prophète avait dit plus haut, en s'adressant à Dieu : Faites reluire votre face sur votre peuple (Dan. IX, 17) ; mais Dieu regarde ce même peuple comme étranger, à cause de l'attentat qu'il devait commettre. Daniel ensuite ajoute la cause de l'indignation du Seigneur : Jusqu'à ce que les anciens péchés, dit-il, soient effacés par de nouveaux, et que l'iniquité vienne à son comble. Qu'est-ce à dire, que l'iniquité vienne à son comble ? Ils commettent beaucoup de fautes; mais le comble du crime sera lorsqu'ils auront fait mourir leur Seigneur et leur Maître. C'est ce que leur dit Jésus-Christ : Remplissez la mesure de vos pères (Matth. XXIII, 32) : vous avez tué les serviteurs, répandez aussi le sang du Maître. Voyez l'accord des passages : Remplissez la mesure , dit Jésus-Christ, jusqu'à ce que l'iniquité vienne à son comble, dit le Prophète , c'est-à-dire jusqu'à ce qu'elle soit telle , qu'on ne puisse rien y ajouter. Poursuivons : Jusqu'à ce que la justice éternelle soit amenée sur la terre. Quelle est cette justice éternelle, sinon la justice qui nous a été donnée par Jésus-Christ? Jusqu'à ce que les prophéties et les visions soient accomplies, et que le Saint des saints soit sacré de l'huile sainte. Soient accomplies, c'est-à-dire aient leur fin et leur terme, car c'est la force de l'expression qu'emploie Daniel. La Loi et les Prophètes, dit Jésus-Christ, ont duré jusqu'à Jean. (Matth. XI, 13.) Vous voyez comme le Prophète leur prédit une désolation totale et une punition éclatante de leurs crimes. Dieu ne s'engage pas à leur pardonner leurs fautes, mais il menace de les punir avec éclat. 10. Et quand ces menaces ont-elles reçu leur effet? quand les prophéties et l'onction sainte ont-elles entièrement disparu de manière à ne jamais revenir? Quand nous nous tairions, les pierres elles-mêmes crieraient : tant les faits parlent hautement ! Non, il est impossible de trouver dans l'histoire des Juifs une autre époque où ces événements aient eu lieu, excepté celle qui dure encore, qui est déjà fort longue, et qui le deviendra de plus en plus. Le Prophète poursuit, et s'exprimant avec plus d'exactitude encore: Sachez donc ceci, dit-il, et gravez-le dans votre mémoire : Depuis l'ordre qui sera donné pour rebâtir Jérusalem jusqu'au (329) Christ, chef de mon peuple, il y aura soixante-neuf semaines. (Dan. IX, 25.) Suivez-moi attentivement : c'est ici le point capital de notre question. Soixante-neuf semaines font quatre cent quatre-vingt-trois ans; car ce ne sont pas des semaines de jours ni de mois dont parle le Prophète, mais des semaines d'années. Depuis Cyrus jusqu'à Antiochus-Epiphane, et à la captivité qui arriva sous ce prince, on compte trois cent quatre-vingt-quatorze ans. Il annonce donc que ce n'est pas de cette seconde destruction du temple qu'il parle, mais d'une troisième qui eut lieu sous Vespasien et Tite. Il avance dans les temps, et il nous apprend d'où il faut commencer à compter, sans doute depuis le jour où les Juifs sont revenus : Depuis l'ordre, dit-il, qui sera donné pour rebâtir Jérusalem. Or Jérusalem n'a pas été rebâtie sous Cyrus, mais sous Artaxercès-Longue-Main. Lorsque les Juifs furent de retour, Câmbyse monta sur le trône; les mages régnèrent après lui; après les mages, Darius, fils d'Hystape ; après Darius, Xercès son fils; après Xercès, Artabane, et après ce dernier prince, Artaxercès-LongueMain régna sur la Perse. Ce fut sous son règne, dans la vingtième année, que Néhémias, étant de retour, rétablit Jérusalem. C'est ce qu'Esdras raconte dans un détail fort exact. Si donc, à partir de cette époque, nous comptons quatre cent quatre-vingt-treize années, nous arriverons à la dernière destruction de Jérusalem : la place et l'enceinte des murs, dit le même prophète, seront rebâties de nouveau. Du moment donc que Jérusalem aura été rétablie et aura repris son ancienne forme, de ce moment comptez soixante et dix semaines, et vous verrez que la captivité présente ne doit plus avoir de terme. Daniel s'exprime plus clairement encore dans ce qui suit, et déclare que les maux actuels des Juifs n'auront pas de fin : Après soixante et dix semaines, dit-il, l'onction sainte sera abolie ; on ne rendra plus de jugement dans Jérusalem; un peuple avec son chef détruira la ville et le sanctuaire; tout périra comme dans un déluge, sans qu'il reste de racine dont il puisse sortir de rejeton, et la guerre se terminera par une ruine totale. Parlant encore de la même captivité, il ajoute : L'encens et les offrandes seront abolis, de plus l'abomination de la désolation sera dans le temple, et la désolation s'étendra jusqu'à la consommation des siècles. Insistons sur ces dernières paroles, la désolation s'étendra jusqu'à la consommation des siècles, et observons que le Prophète appelle abomination de la désolation, la statue qu'avait placée dans l'intérieur du temple le prince qui avait renversé la ville. Aussi Jésus-Christ, qui est venu selon la chair après Antiochus, Jésus-Christ, annonçant la dernière captivité, et montrant que c'était elle qu'avait prédite le Prophète, s'exprime de la sorte : Quand donc vous verrez que l'abomination de la désolation, prédite par le prophète Daniel, sera dans le lieu saint, que celui qui lit entende ce qu'il lit. Comme toute figure et toute représentation d'homme était appelée chez les juifs abomination, Daniel, qui exprime par cette figure la statue qui fut placée dans le temple, annonce dans quel temps et sous quel prince la captivité doit avoir lieu. Josèphe lui-même, comme nous l'avons montré plus haut, atteste que la prophétie parle des Romains. Que peuvent donc répondre les Juifs lorsqu'il est démontré que les prophètes ont marqué un terme à leurs captivités précédentes, tandis que, loin d'en marquer aucun à leur captivité actuelle, ils ont annoncé au contraire que la désolation s'étendrait jusqu'à la consommation des siècles ? Mais nous allons tirer des faits mêmes un témoignage de la vérité de notre assertion. Si les Juifs n'eussent jamais essayé de rebâtir leur temple , ils pourraient dire que s'ils avaient voulu l'entreprendre, ils auraient pu y réussir selon leurs voeux. Mais je vais montrer que l'ayant tenté trois fois, et ayant été trois fois repoussés, la couronne de la victoire, comme dans les jeux olympiques, appartient à l'Eglise. Quand donc ont-ils formé cette entreprise, ces hommes qui résistent sans cesse à l'Esprit-Saint, qui ne respirent que nouveautés et révoltes? 11. Lorsque l'empire des Juifs eut été détruit par Vespasien et Tite, ils se soulevèrent sous Adrien, et s'efforcèrent de rétablir leur cité dans son ancien état, sans penser que le ciel voulait qu'elle fût ruinée pour toujours, qu'ils combattaient les décrets de Dieu même, et qu'il est impossible de triompher quand on fait la guerre à Dieu. Ils attaquèrent donc l'empereur, et le forcèrent de prêter sa main à une destruction cette fois décisive. Adrien les ayant vaincus et assujettis, fit disparaître tous les restes de Jérusalem, et fit placer sur le sol sa statue pour les empêcher de se révolter par la suite. Après quoi, faisant (330) réflexion que cette statue, usée par le temps, pourrait tomber, et voulant, pour ainsi dire, graver sur les Juifs un caractère ineffaçable de leur défaite et de leur opiniâtreté, il donna son nom à ce qui pouvait rester de leur ville. Comme il s'appelait Elien Adrien, il fit appeler Elia l'ancienne Jérusalem; et c'est ainsi qu'elle s'appelle encore de nos jours, du surnom de son vainqueur et de son destructeur. Vous voyez quelle fut la première entreprise des Juifs opiniâtres ; considérez celle qu'ils formèrent de nouveau sous Constantin. Ce prince, pour les punir,.leur fit couper les oreilles, imprima sur leurs corps le signe de leur rébellion, et les fit conduire partout comme des esclaves rebelles et fugitifs, les faisant remarquer par cette mutilation visible, et apprenant à tous les Juifs répandus dans le monde à ne plus former de pareilles entreprises. Au reste, ces faits sont déjà anciens, quoiqu'ils soient connus des plus âgés d'entre nous : celui que je vais rapporter est plus nouveau, et ne peut être ignoré même des plus jeunes, puisqu'il est arrivé non sous Adrien et Constantin, mais sous un prince qui existait il n'y a pas vingt ans. Julien, qui a surpassé tous les princes en impiété, voulut entraîner les Juifs dans son parti, et les engager à sacrifier aux idoles; ils lui- représentèrent leur ancienne manière d'honorer le Seigneur, et le culte qui était en usage chez leurs ancêtres; ils avouaient alors malgré eux ce que nous leur démontrons maintenant, qu'il leur était impossible de sacrifier hors de leur ville, que c'était enfreindre les lois que d'offrir des sacrifices dans une terre étrangère : Si vous voulez, lui disaient-ils, nous voir sacrifier, rendez-nous notre ville, relevez le temple et l'autel, montrez-nous le Saint des saints, et nous sacrifierons comme nous avons fait anciennement. Ces hommes opiniâtres et pervers n'avaient pas honte de faire ces demandes à un prince idolâtre, d'inviter des mains sacrilèges à rebâtir le Saint des saints, sans songer qu'ils entreprenaient une chose impossible, sans penser que si t'eût été un homme qui eût renversé le temple, un homme aurait pu le relever, mais que Dieu même ayant détruit leur ville, aucune puissance humaine ne pouvait traverser les volontés divines. Quel mortel, dit le Prophète, pourra changer ce qu'un Dieu saint a ordonné ? quel homme pourra arrêter
l'action de son bras puissant? (ls. XIV, 27.) Les hommes ne peuvent pas plus rétablir ce qu'il a une fois détruit pour n'être jamais réparé, que détruire ce qu'il a une fois établi pour demeurer toujours. Mais je suppose, ô Juifs, que le prince vous eût rendu votre temple, et relevé votre autel, comme vous le désiriez en vain, pouvait-il vous donner le feu céleste descendu d'en-haut, sans lequel vos sacrifices auraient été impurs et criminels? Les enfants d'Aaron furent punis de mort pour cela seul qu'ils avaient mis dans leurs encensoirs un feu étranger. (Lévit. X, 2. Nomb. III, 4.) Cependant, aveuglés de toute part, ils demandaient au prince, ils le suppliaient d'entreprendre avec eux de rebâtir leur temple. Julien leur fournit de l'argent, fit venir de tous côtés des ouvriers, envoya des hommes en place pour présider aux ouvrages; il mit tout en oeuvre pour les engager peu à peu à sacrifier, espérant que par là il les amènerait aisément au culte des idoles. Cet insensé, ce furieux espérait encore rendre vaine la sentence de Jésus-Christ, qui avait condamné le temple à être renversé sans pouvoir être jamais relevé. Mais Celui qui surprend les sages dans leurs propres artifices (Job, V, 13), montra sur-le-champ, par les effets mêmes, que les décrets de Dieu prévalent sur tout, que ses oracles ont une force que rien ne peut arrêter. On avait mis la main à cette oeuvre criminelle, on avait creusé fort avant le sein de la terre, on commençait à découvrir les fondements, et l'on se disposait à bâtir, lorsqu'un feu souterrain , s'élançant tout à coup , fit périr une grande partie des ouvriers, rejeta fort loin les pierres déjà posées, et fit renoncer à un projet coupable non-seulement ceux qui étaient occupés des ouvrages, mais encore les Juifs qui se trouvaient là en grand nombre, et qui, à ce spectacle, demeurèrent interdits et confondus. A cette nouvelle, Julien, malgré la fureur impie qui l'animait à cette entreprise, craignit que, s'il voulait poursuivre, il n'attirât le feu du ciel sur sa tête : il fut donc obligé de céder avec toute la nation juive. Transportez-vous à Jérusalem, et vous verrez encore les fondements découverts, sans qu'on puisse en donner d'autre cause que celle que nous venons de rapporter. Nous sommes tous témoins de ce fait, qui est arrivé sous nos yeux il n'y a pas longtemps. Et voyez tout l'éclat de cette victoire : ce prodige ne s'est pas opéré (331) sous les empereurs chrétiens, de peur qu'on ne dise que nous nous sommes opposés aux ouvrages et que c'est nous qui les avons empêchés; c'est lorsque nous étions persécutés nous-mêmes, que nous courions tous des risques pour nos jours, que nous ne jouissions d'aucune liberté, c'est lorsque le paganisme était en crédit, que parmi les fidèles, les uns se cachaient dans leurs maisons, les autres se retiraient dans les déserts et fuyaient la place publique, c'est alors que cet événement a eu lieu, afin qu'il ne reste aux Juifs aucun prétexte pour couvrir leur opiniâtreté. 12. Et vous doutez encore , Juifs incrédules, lorsque vous êtes confondus par la prédiction de Jésus-Christ, par celle de vos prophètes , et par le témoignage des faits eux-mêmes ! Mais on ne doit pas être surpris que vous résistiez à de telles preuves : de tout temps votre nation fut opiniâtre et dure, accoutumée à combattre l'évidence. Voulez-vous que je vous oppose d'autres prophètes, qui annoncent clairement que votre empire aura Un terme, que le nôtre fleurira toujours, que la prédication du Christ se répandra par toute la terre, et que vos sacrifices abolis feront place à un sacrifice d'une autre nature ? écoutez Malachie, qui est venu après les autres prophètes; car je ne produirai plus le témoignage ni d'Isaïe, ni de Jérémie, ni des autres qui ont précédé la captivité, de peur que vous ne disiez que les maux qu'ils annonçaient sont arrivés dans la captivité: je produis un prophète qui, après le retour de Babylone et le rétablissement de Jérusalem, a prédit clairement ce qui vous regarde. Lorsque les Juifs furent de retour, qu'ils eurent recouvré leur ville, rebâti leur temple, recommencé leurs sacrifices, Malachie annonçant leur destruction présente et l'abolition de leurs sacrifices, leur parle de la sorte en la personne de Dieu : Je ne recevrai plus vos victimes, dit le Seigneur des armées; car depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher, mon nom est grand parmi les nations; on brûle de l'encens devant moi en tout lieu, et l'on m'offre un sacrifice pur; mais vous l'avez profané. (Mal. I, 11.) Quand est-ce, ô Juifs , que cette prédiction a été accomplie? quand est-ce qu'on a brûlé en tout lieu de l'encens devant le Seigneur? quand est-ce qu'on lui a offert un sacrifice pur? vous ne pourriez citer d'autre temps qu'après l'arrivée de Jésus-Christ. Que si le Prophète ne parle pas du temps présent, ni de notre sacrifice, mais du vôtre, la prophétie contredira la Loi; car si, tandis que Moïse ordonne de n'offrir de sacrifice que dans le lieu qu'aura choisi le Seigneurs. si, tandis qu'il renferme les sacrifices dans un seul endroit, le Prophète dit qu'on doit brûler de l'encens en tout lieu et offrir un sacrifice pur, il combat la loi de Moïse, il lui est contraire. Mais il n'y a entre eux aucun combat, aucune contradiction : Moïse parle d'un sacrifice, et Malachie d'un autre. Et qu'est-ce qui le démontre? ce que nous venons de dire, et beaucoup d'autres preuves encore. D'abord le lieu même : il a prédit que ce culte ne serait pas renfermé dans une seule ville comme sous les Juifs, mais qu'il s'étendrait depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher; ensuite la nature du sacrifice : en l'appelant pur, il annonce de quel sacrifice il parle; enfin les personnes qui l'offrent : il ne dit pas dans Israël, mais chez toutes les nations. Et pour que vous ne pensiez pas que ce culte doive se borner à une ou deux villes, il ne dit pas simplement en tout lieu, mais depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher, voulant dire que l'Evangile serait prêché dans tous les lieux que le soleil éclaire. Il dit que le nouveau sacrifice sera pur , comme si l'ancien eût été impur, non par lui-même , mais par la disposition de ceux qui l'offraient. Aussi Dieu disait-il aux Juifs par la bouche du prophète Isaïe : Votre encens m'est en abomination. (Is. I, 13.) D'ailleurs, si l'on compare l'ancien sacrifice avec le nouveau, on y trouvera une si grande différence, que celui-ci par comparaison est le seul qu'on puisse appeler pur. Et ce que saint Paul a dit de la Loi et de la Grâce, que la gloire même de la Loi n'est pas une véritable gloire, si on la compare avec la sublimité de l'Evangile, (II Cor. III, 10), on peut le répéter ici avec assurance, on peut dire que le nouveau sacrifice est le seul pur, si on le compare avec l'ancien; car il s'offre non par la fumée et l'odeur des victimes, ni par le sang et le prix du rachat, mais par la grâce de l'Esprit-Saint. Ecoutons un autre prophète qui fait la même prédiction, et qui dit que le culte du Seigneur ne serait plus renfermé dans un seul lieu, mais qu'il serait connu à l'avenir de tous les hommes. Voici donc comme s'exprime Sophonie : Le Seigneur paraîtra dans toutes les nations, il anéantira tous les dieux de la terre, (332) et il sera adoré par chaque homme dans chaque pays (Soph. II, 11) : chose défendue par la loi de Moïse, selon laquelle on ne devait sacrifier que dans un seul lieu. Lors donc que vous entendez les prophètes annoncer que les hommes ne seraient plus obligés de se rassembler de toute part dans une seule ville ni dans un seul lieu; mais que chacun adorerait le Seigneur dans son pays, à quel autre temps pourriez-vous rapporter ces paroles, sinon au temps présent? Ecoutez comment l'Apôtre et les Evangiles s'accordent avec le Prophète. Le Prophète avait dit : Le Seigneur paraîtra; l'Apôtre dit : La grâce de Dieu notre Sauveur a paru; l'un avait dit dans toutes les nations; l'autre dit parmi tous les hommes; l'un avait dit : il anéantira tous les dieux de la terre; l'autre dit: pour nous apprendre que renonçant à l'impiété et aux passions mondaines nous devons vivre avec tempérance, avec justice et avec piété. Croyez-moi, femme, dit Jésus-Christ à la Samaritaine, le temps va venir que vous n'adorerez plus le Père, ni sur cette montagne, ni dans Jérusalem. Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité. Jésus-Christ parlait de la sorte pour nous dispenser par la suite de la nécessité d'observer les lieux, et pour introduire un culte plus sublime et plus spirituel. De tout ce que nous avons dit, nous pourrions conclure qu'il n'y aura plus chez les Juifs ni roi, ni sacrifices, ni sacerdoce. C'est une conséquence nécessaire de la destruction de l'empire des Juifs, dont nous pourrions établir la vérité en citant les prophètes qui l'annoncent expressément ; mais je vois que vous êtes fatigués de la longueur de ce discours, et je crains de paraître vous ennuyer sans aucun fruit. Ainsi donc , après m'être engagé â terminer ce sujet un autre jour, je vous exhorte à sauver vos frères, à les rappeler de l'erreur, à les ramener à la vérité: car il vous sera inutile de nous avoir entendu, si vous ne montrez des oeuvres qui s'accordent avec nos paroles. Ce n'est point pour vous que nous avons parlé, mais pour ces chrétiens faibles, afin qu'instruits par vous, et renonçant à des coutumes perverses , ils montrent en eux un christianisme pur et sans mélange, ils fuient comme des cavernes de voleurs, comme le domicile des démons , les assemblées criminelles des Juifs qui se tiennent dans la ville ou dans les faubourgs. N'abandonnez donc pas le salut de vos frères, mais ne négligeant rien, agissant avec tout le zèle dont vous êtes capables, ramenez des malades à Jésus-Christ, afin que dans la vie présente et dans la vie future, nous obtenions une récompense bien supérieure à nos mérites, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui la gloire soit au Père, en même temps qu'à l'Esprit saint et vivifiant, maintenant et toujours, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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