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SECOND SERMON POUR L'AVENT DE NOTRE SEIGNEUR.
Demandez au Seigneur votre Dieu qu il vous fasse voir un prodige, soit au fond de l'enfer,soit au plus haut des cieux, etc. Par. d'Isaïe au roi Achaz (Is. VII, II).
1. Nous avons entendu le prophète Isaïe conseiller au roi Achaz, de demander au Seigneur de lui faire voir un prodige, soit au fond de l'abîme, soit au plus haut des Cieux. Nous avons entendu aussi sa réponse; elle semble dictée par un sentiment de piété, mais il n'en était rien; aussi mérita-t-il d'être réprouvé par Celui qui lit dans les coeurs et pour qui la pensée de tout homme est à découvert. « Non, dit-il, je n'en demanderai point, je ne tenterai point le Seigneur (Isa., VII, 12). » Achaz était rempli d'orgueil parce qu'il était assis sur un trône, et ses paroles dénotaient l'astuce d'une sagesse tout humaine. Le Seigneur avait donc dit au prophète Isaïe : «Va trouver ce renard et dis-lui de demander au Seigneur qu'il lui fasse voir un prodige au fond de l'enfer, car ce renard a une tanière, mais quand même il la creuserait jusqu'au fond de la terre, il y trouverait Celui qui peut prendre les sages dans leur astucieuse sagesse. » Le Seigneur avait encore dit à son prophète : « Va et conseille à cet oiseau de demander au Seigneur qu'il lui fasse voir un miracle dans le ciel; cet oiseau a en effet un nid, mais s'il s'élève dans les cieux il y trouvera Celui qui résiste aux superbes et qui met le pied par sa propre vertu, sur le cou des superbes et des gens qui s'élèvent. » Mais il feint de ne vouloir point demander à Dieu un signe de sa puissance dans les cieux ou de son incompréhensible sagesse, dans les abîmes. Voilà pourquoi le Seigneur promet lui-même de donner à la maison de David un signe de sa bonté et de son amour, afin d'attirer du moins par la preuve de sa charité, ceux que ni sa puissance, ni sa sagesse ne frappent de terreur. Il est possible encore, j'en conviens, que par ces mots, « au fond de l'enfer, » il ait voulu parler de cette charité que personne ne dépassa jamais, qui le fit mourir pour ses amis et descendre pour eux dans les enfers, en sorte que. le roi Achaz eut à redouter la majesté de celui qui règne dans les cieux ou à embrasser la charité de celui qui descend dans les enfers, car quiconque ne pense point en tremblant à la majesté de Dieu et ne songe point avec amour à sa charité est insupportable non-seulement aux hommes mais à Dieu même. « C'est pour cela, dit le Prophète, que le Seigneur lui-même te donnera un signe manifeste de sa majesté et de sa charité. Une Vierge concevra et elle enfantera un fils qui sera appelé Emmanuel, c'est-à-dire, Dieu avec nous (Isa., VII, 14). » Ne cherche point à fuir, ô Adam, car le Seigneur est avec nous. Ne crains point, ô homme, et que le nom du Seigneur ne te fasse point trembler de terreur, car Dieu est avec nous. Il est avec nous, parce qu'il a la même chair que nous, il ne fait qu'une chair avec nous. C'est pour nous qu'il vient, il est tel que l'un d'entre nous, et passible comme nous. 2. Et le Prophète continue : « Il mangera le beurre et le miel. » C'est comme s'il avait dit : Il sera petit enfant et se nourrira des même aliments que les autres enfants. « En sorte qu'il sache rejeter le mal et choisir le bien, ajoute Isaïe (Isa., ibidem). » Vous l'entendez le bien et le mal, comme il était dit de l'arbre au fruit défendu, de l'arbre de la désobéissance. Mais le second Adam fait un choix bien meilleur que. le premier; en effet il choisit le bien et rejette le mal, tandis que celui-là préfère la malédiction et elle tombe sur lui, il repousse la bénédiction et la bénédiction fuit loin de lui (Psalm. CVIII, 18). Dans ces mots du prophète : « Il mangera le beurre et le miel, » nous voyons le choix de cet enfant; que sa grâce maintenant nous vienne en aide et nous accorde, ce qui nous importe le plus, de comprendre, comme il faut, le sens de ces paroles et ensuite de l'exposer de manière à vous le faire comprendre aussi. Il y a deux choses dans le lait de la brebis, le beurre et le fromage: l'un est gras et humide, l'autre est sec et dur. Notre Enfant sait donc admirablement choisir, quand il préfère le premier et laisse le second. En effet, quelle est cette centième brebis qui s'est égarée et qui s'écrie par la bouche du Psalmiste : « Je me suis égarée comme une brebis qui a péri (Psalm. CXVIII, 176) ? » N'est-ce pas le genre humain, que le très-bon Pasteur vient chercher après . avoir laissé les quatre-vingt-dix-neuf autres dans les montagnes? En effet, dans cette brebis-là on retrouve deux choses aussi, une nature douce, bonne, très-bonne même, c'est le. beurre ; la corruption du péché, cest le fromage. Voyez donc le choix excellent de notre Enfant, qui prend notre nature mais sans la corruption du péché. N'est-ce point des pécheurs en effet que l'Ecriture a dit : « Leur coeur s'est durci comme le lait caillé (Psalm. CXVIII, 70), » parce que le ferment de la malice, la présure de l'iniquité a corrompu en eux la pureté du lait? 3. Ainsi en est-il de l'abeille, si elle a un doux miel, elle a aussi un aiguillon pénétrant. Mais notre Abeille c'est celle qui butine parmi les lys et qui habite la contrée fleurie des anges, d'où elle a pris son vol vers la cité de Nazareth, nom synonyme de fleur, attirée par la douce odeur qu'exhale la fleur de la perpétuelle virginité sur laquelle elle se pose et à laquelle elle s'attache. Cette abeille a aussi son miel et son aiguillon, car, selon le chant du Prophète, elle a en même temps la miséricorde et le jugement (Psalm. C, 1). Aussi un jour que ses disciples lui conseillaient de détruire par le feu du ciel une ville qui n'avait pas voulu la recevoir, elle répond cette Abeille : le Fils de l'homme n'est pas venu pour exercer le jugement mais pour sauver le monde. Notre Abeille n'avait point d'aiguillon alors, elle s'en était comme désarmée, quand elle ne répond que par la miséricorde, non point par le jugement, aux indignes traitements qu'on lui fait essuyer. Mais gardez-vous bien d'espérer clans l'iniquité et de commettre l'iniquité dans cette espérance. Un jour viendra en effet, où notre Abeille reprendra son aiguillon et en fera pénétrer l'acre piqûre jusqu'à la moëlle des os du pécheur, car le Père ne juge personne, c'est à son Fils qu'il a laissé le jugement (Joan., V, 22). Mais quant à présent notre petit Enfant mange le beurre et le miel, puisqu'il unit en sa personne ce qu'il y a de bon dans la nature humaine à la miséricorde qui est en Dieu, et se montre véritablement homme, sauf le péché qu'il n'a point. C'est donc un Dieu plein de miséricorde et non point encore un juge. 4. Après cela, je crois qu'il est facile de reconnaître quel est ce rameau qui s'élève sur la souche de Jessé et quelle est cette fleur sur laquelle l'Esprit-Saint vient se reposer. Le rameau est la Vierge Mère de Dieu, et la fleur est son Fils. Oui, le Fils de la Vierge est une fleur d'un blanc et d'un rose éclatant et belle entre mille; une fleur que les anges souhaitent de contempler, dont le parfum rend la vie aux morts; c'est, comme elle le dit elle-même, une fleur des champs (Cant., II, 1), non des jardins, car les fleurs des champs poussent sans le secours de l'homme, personne ne l'a semée, personne ne la cultive, personne ne répand un engrais à la place on elle pousse. Il en est tout à fait de même du sein de la Vierge Marie; c'est ainsi qu'il a fleuri, ainsi que ses chastes entrailles ont produit, comme une prairie d'une éternelle verdeur, que le soc de la charrue n'a point remuée et que la main de l'homme a toujours respectée, une fleur dont la beauté ne doit point se corrompre dont l'éclat ne se flétrira jamais. O Vierge, rameau sublime, tu te termines par une tête sainte et superbe qui s'élève jusqu'à celui qui est assis sur un trône; jusqu'à la majesté du Seigneur même. Après tout, pourquoi m'en étonnerai-je, quand je te vois pousser à une grande profondeur les racines de l'humilité? O plante vraiment céleste, plus précieuse et plus sainte que toutes les autres plantes ! O arbre vraiment arbre de vie, qui seul' as mérité de porter le fruit du salut! Ta ruse, ô serpent malin, se trouve prise au piège, ta fausseté est découverte. Tu en avais doublement imposé en accusant le créateur de mensonge et d'envie, mais te voilà convaincu d'une double imposture, celui à qui tu avait dit : « Tu ne mourras point (Gen., III, 4), » a commencé par mourir, et la vérité du Seigneur demeure éternellement (Psalm., CXVI, 2). Dis-moi donc maintenant si tu le peux, dis-moi quel est l'arbre dont il m'a défendu par envie de cueillir le fruit, lui qui m'a donné ce rameau choisi et le fruit sublime qu'il porte? « En effet, comment celui qui n'a pas même épargné son propre Fils, ne nous donnera-t-il point toutes choses avec lui (Rom., VIII, 32) ? » 5. A présent vous avez remarqué, si je ne me trompe, que la Vierge est cette voie royale par laquelle le Sauveur est venu à nous, car c'est de son sein qu'il s'est élancé comme un jeune époux de sa couche nuptiale. Ne nous écartons donc point de cette route dont je vous ai parlé dans mon premier sermon, s'il vous en souvient bien, et efforçons-nous, mes très-chers Frères, de monter vers le Sauveur par la même voie qu'il a suivie pour descendre jusqu'à nous, d'arriver par elle à la grâce de celui qui, par elle aussi, est venu jusque dans notre misère. Puissions-nous avoir, par vous, accès auprès de votre Fils, ô vous qui avez eu le bonheur de trouver la grâce, d'enfanter la vie et le salut. Que celui qui nous a été donné par vous, par vous aussi nous reçoive. Que votre sainteté excuse auprès de lui la faute de notre corruption, et que votre humilité, qui charme les regards de Dieu, lui fasse pardonner à notre vanité. Que votre immense charité couvre la multitude de nos péchés et que votre glorieuse fécondité nous rende féconds aussi en bonnes uvres. O vous, notre Dame, notre médiatrice et notre avocate, réconciliez-nous avec votre Fils, recommandez-nous, présentez-nous à lui. Faites, ô bienheureuse vierge, par la grâce que vous avez trouvée, par la prérogative que vous avez méritée, par la miséricorde dont vous ôtes la mère, que Jésus-Christ, votre Fils et notre Seigneur, le Dieu béni par-dessus toutes choses dans les siècles des siècles, qui a daigné, par vous, partager notre faiblesse et notre misère, nous fasse la grâce, à votre intercession, de nous faire partager un jour avec lui la gloire et le bonheur éternels. Ainsi soit-il.
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