BIEN VIVRE II
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BIEN VIVRE II

XXI. — De la virginité.

XXII. — De la continence.

XXIII. — De la fornication.

XXIV. — De l'abstinence.

XXV. — De l'ivresse.

XXVI. — Du péché.

XXVII. — De la confession des péchés et de la pénitence.

XXVIII. — De la Communion.

XXIX. — De la pensée.

XXX. — Du silence.

XXXI. — Du mensonge.

XXXII. — Du parjure.

XXXIII. — De la détraction.

XXXIV.— De l'envie.

XXXV. — De la colère.

XXXVI. — De la haine.

XXXVII. — De l'orgueil.

XXXVIII. — De la jactance.

XXXIX. — De l’humilité.

XL. — De la patience.

 

XXI. — De la virginité.

 

62. « Les vierges prudentes prirent de l'huile dans leurs vases avec les lampes (Matth. XXV, 4). » Très-chère soeur, entendez ce que je dis. Les personnes qui sont vierges d'esprit et de corps, ne sont pas folles, mais sages : elles peuvent aller à la rencontre de l'Époux, parce qu'elles ont de l'huile dans leurs vases, c'est-à-dire, la chasteté dans leurs âmes. Quant à celles qui sont vierges de corps sans l'être d'esprit, elles ne sont point sages, mais folles : elles ne peuvent aller au devant de l'Époux, parce qu'elles n'ont point d'huile dans leurs vases, ce qui veut dire, qu'elles n'ont pas la chasteté dans leurs coeurs. Voici comment s'exprime le bienheureux Isidore : celle qui est vierge de corps sans l'être de coeur, n'aura pas de récompense, et le Seigneur dans son Evangile, dit aux vierges folles : « Je ne vous connais pas (Matth. XXV, 12). » Voilà pourquoi, soeur chérie, je vous engage à être vierge d'esprit et de corps, afin de mériter d'être placée par Jésus-Christ, votre céleste Époux, dans le lit nuptial du Paradis. La virginité n'est pas un précepte, elle est un conseil, parce qu'elle est chose trop relevée. Elle est un double bien, attendu que dans ce monde elle est exempte des soucis du siècle (I Cor. VII, 32), et que, dans, l'autre, elle recevra la récompense promise à la chasteté. Nul doute que, ceux qui restent chastes et vierges, soient égaux aux anges de Dieu. Les vierges seront plus heureuses dans la béatitude éternelle, au témoignage d'Isaïe, dont voici les expressions : « Le Seigneur dit aux eunuques : je leur donnerai dans ma maison et au milieu de nos murailles une place, un nom meilleur que celui qui vient des fils et des filles, ce sera un nom éternel, un nom qui ne périra jamais (Isa. LXX, 5). » fout péché obtiendra le pardon par la pénitence : mais la virginité, si on vient à la perdre, ne se répare plus : car bien qu'on reçoive le pardon de la faute commise contre elle, on ne recouvre jamais la première innocence.

63. Soeur vénérable, l'intégrité de la chair ne sert à rien là où l'intégrité de l'âme fait défaut. Les vierges qui se réjouissent de leurs mérites, sont comparées aux hypocrites , qui recherchent au dehors la gloire due aux bonnes actions, gloire qu'ils auraient dit avoir dans leur conscience. Dans l'Évangile quand il est dit que les vierges n'ont pas d'huile dans leurs vases, cela signifie qu'elles ne gardent pas dans leur conscience le témoignage de leurs bonnes oeuvres : ce qui est se glorifier extérieurement devant les hommes, non intérieurement, au fond du coeur, devant Dieu. Voici comment s'exprime le bienheureux Augustin : la virginité de la chair ne sert à rien, là où habite la colère de l'âme. Il y a une grande différence entre la pureté de l'âme virginale qu'aucune faute n'a souillée et celle qui a servi à assouvir les passions de plusieurs. Soeur vénérable, écoutez les paroles de saint Jérôme: II ne sert de rien d'avoir une chair virginale, si le coeur est marié, de conserver la virginité corporelle, si on ne veut pas éloigner ses yeux de la concupiscence. La pureté des sens est inutile, si la charité ou l'humilité n'est pas dans le coeur. Je vous engage donc, soeur honorable dans le Christ, à être vierge d'esprit et de corps. Je vous avertis aussi, d'avoir avec vous l'huile des bonnes oeuvres, d'en garnir vos lampes, de l'éclaircir par les vertus sacrées, afin que lorsque le cri se fera entendre : « Voici l'Époux, allez à sa rencontre (Matth. XXV, 6), n vous puissiez vous avancer au devant de Jésus-Christ, votre Époux céleste, et être placée par sa bonté dans le lit nuptial du paradis.

 

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XXII. — De la continence.

 

64. Soeur bien aimée, je vous prie d'écouter en toute sorte de dévotion les avertissements que je vais vous donner. Le nombre trente est au premier degré et il signifie l'alliance des noces. Le nombre soixante est au second degré et représente la continence des veuves. Le nombre cent est au troisième, il est regardé comme la couronne de la virginité. Le bienheureux Isidore a dit : Il y en a qui, après s'être livrés à la luxure durant la jeunesse, veulent être continents dans leur vieillesse : ils ne veulent être chastes que lorsque la luxure refuse de les avoir pour esclaves, ils ne seront point récompensés parce qu'ils n'ont pas éprouvé la fatigue de la lutte. La gloire est réservée à ceux qui ont eu à livrer de brillants combats. Le fruit de la chasteté, c'est la douceur même. La chasteté c'est la beauté sans tache des saints. Elle est la sécurité de l'âme et la santé du corps. La luxure affaiblit la chair, et la mène en la brisant à une vieillesse prématurée. Une longue chasteté est réputée virginité. Par conséquent, soeur vénérable, nous devons aimer la beauté de cette vertu. Ceux qui sont continents, vivent dans la chasteté, préparent à Dieu une demeure dans leur coeur. Aussi l'Apôtre a-t-il dit : « Ceux qui sont purs sont le temple du Seigneur et le Saint Esprit habite en eux (I Cor. VI, 49). » La continence rapproche l'homme de Dieu. Dieu habite là où elle se trouve. La chasteté attache l'homme au ciel. Elle le conduit au royaume des cieux qui est promis à ceux dont la vie est chaste. Ceux qui sont chastes, dans leur vie, auront un héritage dans le ciel. Bonne est la chasteté conjugale, meilleure est la continence des veuves, excellente est (intégrité des vierges. Mieux vaut une veuve humble qu'une vierge superbe. Une veuve dans l'humilité est préférable à une vierge pleine d'orgueil. Une veuve qui pleure ses péchés, est plus estimable qu'une vierge qui fait parade devant les hommes de sa virginité. Mieux vaut une veuve qui pleure ses iniquités, qu'une vierge qui s'élève à cause de ses propres mérites. Une vierge ne doit point se glorifier devant les hommes du don de sa virginité : si elle tombe dans cet écart, elle n'a pas d'huile avec elle, et sa lampe est éteinte; une vierge ne doit pas mépriser les veuves, Une vierge qui veut plaire à Dieu, ne doit pas dédaigner les femmes qui vivent avec chasteté; parce que si elle prend cette liberté, elle déplaira à Dieu et se nuira à elle-même. Une vierge qui a du mépris pour les femmes qui vivent et servent Dieu dans la chasteté commet le péché d'orgueil. Pourquoi? Parce qu'un pécheur humble vaut mieux qu'un juste orgueilleux..

65. Soeur vénérable, ne dédaignez donc pas les femmes qui sont sorties du siècle, qui ont eu des maris et des enfants : car si vous les méprisez, vous commettez devant Dieu un très-grand péché. Anne la prophétesse eut un époux, néanmoins elle prophétisa au sujet de Jésus-Christ, et mérita de le voir (Luc. II, 36). Marie Madeleine vécut de la vie du monde, malgré cela, elle vit le Christ ressuscité et mérita d'être apôtre des apôtres (Joan. XX). Vierge honorable, je vous dis cela, pour que vous ne méprisiez en aucune façon les servantes de Jésus-Christ, qui ont abandonné le monde pour servir Dieu. Vous ne devez point les mépriser, mais plutôt les honorer, parce que vous ne devez pas avoir de mépris pour celles que le Seigneur a choisies. Je vous engage donc, vénérable soeur, à les servir pour l'amour de Jésus-Christ, et à les aimer comme des mères. Soeur bien-aimée dans le Christ, vous devez leur rendre les services d'une fille, par la raison que Dieu les a converties. à lui en les tirant de la vie du monde : vous lui faites donc injure, si vous méprisez ses servantes. Pour vous, soeur aimable dans lia. Christ, ne dites gras: je suis un bois sec, je suis un arbre stérile ; car si vous, aimera votre époux, et le crames comme vous le devez, vous avez sept enfants : le premier est la pudeur, le second la patience, le troisième la sobriété, le quatrième la tempérance, le cinquième la charité, le sixième l'humilité, le septième la chasteté. Voilà, soeur vénérable, que, par la grâce du Saint Esprit, vous avez enfanté, sans douleur, de votre sein, sept fils à Jésus-Christ, en sorte qu'en vous s'accomplit ce qui est écrit : «La femme stérile a mis au monde sept, enfants (Jerem. XV, 9). »  Mais, soeur aimable dans le Christ, les enfants que vous avez donnés à Jésus-Christ, vous devez les nourrir, les réchauffer, les allaiter, les refaire, les fortifier et les châtier. Nourrissez-les par les bonnes moeurs, réchauffez-les sur le sein de la contemplation intérieure et présentez-leur les mamelles de la douceur éternelle. Fortifiez-les par le doux amour d'en haut et donnez-leur le pain de la parole du ciel. Châtiez-les avec la discipline de la crainte du Seigneur, ordonnez-leur de n'avoir point d'orgueil : qu'ils né, soient, ni légers, ni pécheurs, qu'ils ne s'éloignent, qu'ils ne s'écartent jamais de vous. Vous voyez, soeur chérie, que les vierges occupent la principale place dans le royaume de Dieu. Ce n'est pas sans raison, car  c’est parce qu'elles ont méprisé le monde, qu'elles sont arrivées au royaume des cieux, au séjour fortuné, où daigne vous conduire celui au service de qui vous avez consacré votre corps et votre âme. Amen.

 

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XXIII. — De la fornication.

 

66. Soeur bien aimée dans le Christ, je vous engage donc à recevoir avec dévotion, ces paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ : «Que vos reins soient ceints et que des lampes ardentes brillent à vos mains (Luc. XII, 35). » Nous entourons nos reins d’une ceinture, lorsque nous resserrons par la continence la licence de la chair. Nous tenons des lampes à la main, lorsque nous donnons à notre prochain des exemples de lumière. La fornication de la chair, selon ce mot de saint Isidore, est un adultère. La fornication de l'âme, c'est la servitude des Idoles. Les traits lancés par les yeux sont la première fornication, les paroles sont la seconde: mais celui qui n'est point pris par les yeux peut résister aux paroles. Toute souillure impure est appelée fornication, bien qu'on y éprouve des voluptés de différentes espèces. En effet la délectation de la fornication donne naissance à plusieurs excès honteux, qui ferment le royaume des cieux et séparent l’homme de Dieu. Des sept péchés capitaux, la fornication est le plus grand parce qu'elle viole le temple de Dieu, par l'impureté de la chair, et prend un membre de Jésus-Christ, pour en faire le membre d'une prostituée. Par conséquent vierge honorable, s'il est vrai que Dieu vit en vous, il faut que la fornication y soit morte. La luxure est l'ennemie de Dieu, elle fait perdre et la bénédiction et l'héritage paternels. Elle souille non-seulement le corps, mais aussi la conscience. Celui qui s'y livre, tout en paraissant vivant; est mort. Dieu jugera, c'est-à-dire, condamnera les fornicateurs et les adultères. Ecoutez, soeur bien-aimée, les paroles de saint Isidore : se souiller par la fornication est le pire de tous les péchés, elle est la plus grande des fautes; c'est une faute grave, qui surpasse tous les maux, elle est plus terrible que la mort. Mieux vaut mourir que s'y livrer; oui, le trépas est préférable à la tache qu'elle produit dans l'âme. Il est préférable de perdre la vie que de perdre son âme par la fornication. La luxure conduit l'homme aux châtiments de l'enfer : elle le plonge au fonds des abîmes, et le précipite dans les gouffres du Tartare.

67. Les regards sont des messagers de fornication. La vue en est la première occasion. L'âme, en effet, est prise par les yeux. C'est par eux que la flèche de l'amour pénètre jusqu'à l'âme : ils lancent les traits gui excitent à la fornication. En conséquence, ô ma sœur dans le Christ, retenez vos regards, refusez-vous l'exercice de la vue. Ne figez vos yeux sur aucune chair, ne regardez aucun homme dans une pensée de convoitise et d'amour charnel. Ne considérez le visage de nul d'entre eux pour l'aimer d'une manière coupable : « Détournez vos  yeux pour qu'ils n'aperçoivent pas la vanité (Psalm. CXVIII, 37). » Ne convoites-la beauté d'aucun homme. Dites-moi, ma vénérable sœur, quel profit trouve-t-on dans la beauté de la chair? N'est-il pas vrai que l'homme se flétrit comme l'herbe et que sa beauté disparaît comme une ombre.? Et quand viendra la mort, répondez-moi, quelle beauté le corps conservera-t-il ? Quand vous voyez un cadavre tout gonflé, et exhalant une mauvaise odeur ne vous bouchez-vous point les narines, pour ne point sentir ces exhalaisons répugnantes? Dites-moi où est alors la beauté du visage, où sont ces paroles tendres qui amollissaient le coeur de ceux qui les entendaient? où ces entretiens charmants qui réjouissaient les hommes? Dites-moi, sœur honorable, où seront alors ces rires immodérés et ces jeux inconvenants? où cette joie vaine et inutile qui provoquait le rire des autres? Tout cela est fini, tout cela est réduit au néant, s'est évanoui comme une fumée. Ainsi ce qui détruit le corps enlève aussi la beauté. Reconnaissons donc, sœur vénérable, que bien vaine est la beauté. Aussi Salomon s'écrie-t-il : « Trompeuse est la grâce et vaine est la beauté (Prov. XXXI, 30). » Par conséquent, sœur bien aimée dans le Christ, si la beauté de la chair est vaine, si elle est vermine et pourriture, terre et cendre, veillez à ne point regarder les hommes à cause d'elle, et à ne point désirer l'éclat qu'elle répand sur eux. Pourquoi cela? Parce que « le monde passe avec sa concupiscence. Tout ce qui se trouve dans le monde, est concupiscence de la chair et concupiscence des yeux (I Joan. II, 46). » Il faut donc pour Jésus-Christ, mépriser le monde avec tout ce qu'il renferme. Quant à vous, vierge digne d'égards, vous qui avez abandonné le siècle pour l'amour de Jésus-Christ, vous ne devez point vous complaire dans la beauté des hommes.

68. Je vous engage donc, sœur chérie en Jésus-Christ, à aimer par dessus tout Jésus-Christ votre époux, afin de pouvoir régner avec lui dans la céleste cour. Certainement, si la concupiscence de la fornication plaît plus à l'âme que l'amour de la chasteté, le péché domine encore dans son coeur. Mais si la beauté de la chasteté sourit plus à l'es prit que la laideur de la fornication, ce n'est          plus le péché qui triomphe dans l'homme, mais bien la justice. Toutefois si l'homme, chaste dans son corps, se livre, par la pensée, à la fornication, l'iniquité règne dans son âme. La fornication du coeur est la servitude des idoles. Il existe encore une autre fornication. C'est la fornication par l'esprit dont le Seigneur a dit : « Qui aura regardé une femme avec convoitise, l'a déjà souillée dans son coeur (Matth. V, 28). » C'est surtout parla luxure de la chair, plus que par les autres vices, que les hommes sont esclaves du démon. La chasteté est la beauté de l'âme et, par elle, l'homme s'élève à la hauteur des mérites des anges. Mon aimable sœur dans le Christ, croyez-moi, plusieurs, pour n'avoir point veillé sur leurs yeux,    sont tombés dans de grands périls pour leurs âmes.

69. Demande. — Frère bien-aimé, Dites-moi si vous avez connu quelque 1rersonne induite au mal parles regards?

Réponse. — Vénérable soeur, que j'en connais qui ont été pris de la sorte et qui sont ainsi tombés dans les filets du démon! je vais vous parler de quelques-uns de ceux que je connais. C'est parce que « Dina, fille de Jacob, sortit pour voir les femmes du pays, que Sichem l'aima, l'enleva et souilla honteusement sa virginité (Gen. XLIII). » Voilà comment cette malheureuse fille, pour avoir imprudemment regardé ce qu'elle ne devait pas voir, perdit son honneur et sa virginité. David aussi, étant un jour sur la terrasse de son palais, aperçut une femme et fut pris d'amour pour elle, et par suite de cet amour, il commit un adultère et un homicide, et viola ainsi la loi du Seigneur. (I Reg. XV). Voilà comment pour avoir regardé sans retenue ce qu'il ne devait point voir, il contracta une souillure pour tout le temps de sa vie. Samson, si plein de force, étant descendu chez les Philistins, y vit une femme, il l'aima et dormit sur son sein, elle lui rasa les cheveux, le livra à ses ennemis qui lui crevèrent les yeux sur le champ. Voilà comment ce malheureux, pour avoir vu ce qu'il ne devait pas voir, perdit les yeux et tomba dans un péril qui lui coûta la vie. (Judic. XV et XVI). Reconnaissez donc, soeur aimable dans le Christ, que bien des personnages, par leurs regards, coururent tin grand danger pour le corps et pour l'âme. Je vous engage donc, aimable soeur dans le Christ, à faire un pacte avec vos yeux, afin de ne point regarder sans retenue ce que vous ne devez pas voir (Job. XXXI, 1). Prenez garde aussi, et veillez, de crainte que la mort ne pénètre dans votre âme par la fenêtre de vos yeux (Jerern. IX, 21). C'est pourquoi, soeur bien-aimée dans le Christ comme je vous l'ai dit plus haut, si votre chair vous fait encore sentir ses atteintes, si la luxure vous tente, si la passion vous, excite, si la pensée de la fornication vous fait souffrir, représentez-vous le spectacle de votre mort, mettez-vous sous les yeux la fin de votre vie, le jour de votre trépas. Rappelez-vous les tourments à venir, songez tous les jours au jugement dernier, que ce spectacle terrible se déroule à vos yeux. Rappelez-vous les peines horribles de l'enfer, que l'ardeur de ses flammes éteigne en vous le feu de la luxure, que la lueur de ce brasier inextinguible éloigne de vous l'idée de la fornication. Qu'une ardeur plus grande en domine une moindre, que le pétillement horrible de cette fournaise chasse l'amour impur. Comme le clou chasse le clou, ainsi bien souvent, le feu de l'enfer chassa de l'âme le feu de la luxure. Soeur vénérable, je supplie le Dieu tout-puissant, de vous donner           la véritable chasteté de l'esprit et du corps. Amen.

 

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XXIV. — De l'abstinence.

 

70. C'est un jeûne parfait, quand notre homme extérieur se prive d'aliments et quand, en même temps, l'homme intérieur se livre à la prière. Par le jeûne, la prière pénètre plus facilement le Ciel. Par le jeune et la prière, l'esprit de l'homme s'unit aux anges et s'attache à Dieu. Les jeûnes sont des armes puissantes contre les tentations des démons. C'est par ces moyens que ces esprits infernaux sont vaincus. Soeur bien-aimée dans le Christ, voulez-vous savoir quel est le meilleur remède à 1a luxure?

Oui, mon frère, je le veux bien, et je vous prie de me le montrer.

Ecoutez donc, soeur aimable dans le Christ. Par le jeûne, la fornication est arrêtée, et ta luxure réduite. Tant que le corps n'est pas rassasié, la luxure n'a pas d'empire sur lui. L'abstinence triomphe de la chair, elle la réprime; elle arrête les mouvements de la passion, elle détruit la vigueur de l'impureté: La faim et la soif la détruisent, la faim et la soif l'abattent. L'esprit surchargé de mets perd la vigueur, de la prière. Telle, la chair qui n'est pas longtemps sans prendre de nourriture, telle l’âme qui s'alimente assidûment de la parole de Dieu. Saint Jérôme s’exprime en ces termes : les jeûnes doivent être modérés et ne pas trop affaiblir l’estomac ; parce qu'une nourriture médiocre et tempérée est utile au corps et à l'âme. Un estomac trop chargé ne rend pas les sens subtils et dégagés. Il vaut mieux prendre chaque jour un peu d'aliments, que manger copieusement à de rares intervalles. Une nourriture sobre et un estomac vite affamé sont préférables à dés jeûnes de trois jours. C'est bien jeûner que de s'éloigner de tous les vices. L'abstinence du péché vaut mieux que celle des aliments. On ne tient pas compte de l'abstinence qui est suivie de la satiété dé l'estomac. Le bienheureux Isidore a dit : C'est savourer des mets en pensée toute la journée; que de le préparer pour le soir des mets délicieux pour satisfaire son avidité. Des entrailles vides font qu'on veille dans la prière. Car celui qui est chargé d'aliments est dominé par un sommeil pesant. Aussi nous ne pouvons bien veiller, quand notre estomac est bien garni de nourriture.

71. Soeur vénérable, que votre coeur soit desséché par le désir du royaume céleste, en sorte que vous accomplissiez cette parole du Psalmiste : « Mon âme a eu soif de Dieu, de combien de façons ma chair languit après lui (Psalm. LXII, 1) ! » La chair a soif de Dieu, lorsque le jeûne la prive et la dessèche. Sœur aimable dans le Christ, croyez-moi, si, en cette vie vous éprouvez parfaitement la faim et la soif de Dieu, vous trouverez en lui votre rassasiement dans la céleste patrie. L'abstinence tue et fait vivre : elle fait vivre l'âme et tue le corps. Elle édifie les vertus dans l'âme et détruit les vices du corps. Nous devons repousser l'amour de la bonne chère de toutes nos forces, mépriser le penchant pour les bons morceaux, éviter de prendre soin du ventre, car lorsque le ventre est immodérément repu, le corps est excité à la luxure. Nous ne devons point manger pour que l'estomac soit garni, mais pour que le corps se soutienne. Là où l'estomac est rempli d'aliments, le feu de la luxure s'enflamme. Mais un corps que l'abstinence brise, ne connaît point les ardeurs de la chair. Ce riche, vêtu de pourpre, qui tous les jours faisait de splendides repas, pour n'avoir point voulu se priver de nourriture en cette vie, demande, du milieu des flammes où il est jeté, une goutte d'eau qu'il ne peut obtenir (Luc. XVI, 24). De même que, par l'abstinence, toutes les vertus spirituelles sont enracinées et établies dans l'âme ; ainsi, par la délicatesse des viandes, tous les vices sont nourris et fortifiés dans le corps. On ne peut acquérir la perfection dans la vertu si, auparavant, on n'a surmonté, en soi, le penchant à la bonne chère. Si les trois enfants ne brûlèrent pas dans la fournaise, c'est parce qu'ils avaient pratiqué l'abstinence (Dan. III, 51). Daniel fut également délivré de la gueule des lions, parce qu'il avait aussi observé l'abstinence (Ibid. XIII. Nul ne peut écarter de soi les tentations des démons, s'il n'a pas réprimé en soi l'avidité de la bouche.

72. Demande. — Frère bien-aimé, je vous prie de me dire comment je dois châtier mon corps par l'abstinence.

Réponse. — Ma bien aimée sueur, vous devez le nourrir de telle sorte qu'il ne s'enorgueillisse pas , et d'un autre côté, vous devez le réduire de telle façon qu'il ne succombe point ; vous devez traiter votre chair de manière qu'elle vous serve, et vous devez la châtier par l'abstinence de façon pourtant qu'elle ne périsse pas. Si vous l'affligez outre mesure vous tuez votre concitoyen, et si vous le traitez trop bien, vous nourrissez un ennemi. Ma très-chère soeur, en toute abstinence vous devez tendre à tuer, non votre chair, mais vos vices. Par conséquent, sueur bien-aimée dans le Christ, châtiez votre corps par l'abstinence et par les jeûnes, privez-vous d'aliments, portez un visage pâle, non point fleuri, que votre face ne soit pas vermeille, mais blême. Que votre corps soit desséché, non point gras, qu'il soit exténué au lieu d'être pesant, ne le nourrissez pas pour les vers. Mangez de manière à avoir toujours faim, sustentez-vous de façon à éprouver encore le besoin de prendre quelque chose de plus. Que jamais voire estomac ne soit garni de viandes. Ayez faim, ayez soif, privez-vous et maigrissez. Croyez-moi, sueur vénérable, vous ne pourrez vaincre les tentations, si vous ne châtiez intérieurement votre corps par l'abstinence. La luxure s'accroît par le boire et le manger. La satiété excite la révolte- de la chair; la première ne va pas sans l'autre. Le froid des veilles éteint l'ardeur de la concupiscence. Les esprits malins entrent davantage là- où ils voient plus d'aliments et de boisson. Soeur aimable. dans le Christ, comme je vous l'ai dit, si vous voulez fuir parfaitement les tentations de la chair, privez-vous non-seulement des aliments mais encore de toutes les jouissances du siècle; afin de pouvoir aller, après cette vie, vous réjouir dans le ciel avec les anges. Amen.

 

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XXV. — De l'ivresse.

 

73. Soeur bien aimée, écoutez les paroles de Notre Seigneur Jésus. Christ : «veillez à ce que vos coeurs ne soient point appesantis par la bonne chère et l'ivresse (Luc. XXI, 34). » L'apôtre saint Paul dit aussi, en reprenant ses disciples : « Ne vous enivrez point de vint; dans le vin se trouve la luxure (Ephes. V, 18). » Et Salomon . « le vin est chose qui porte à la luxure, et l'ivresse est pleine de tumulte. Ne regardez point le vin, quand il est jaune et qu'il pétille dans le verre. On le boit avec plaisir, mais à la fin il mord comme une couleuvre et il répand son venin comme un serpent (Prov. XX, 1). » II n'y a pas de secret pour l'ivresse. Le vin a terrassé bien des hommes, en a jeté un grand nombre dans de grands périls pour l'âme et pour le corps. II a été créé pour réjouir, non pour enivrer (Eccli. XXXI, 35). Là où règne la satiété, règne la luxure. La volupté de la luxure est dans le ventre tendu par la nourriture et arrosé de vin. L'ivresse affaiblit le corps et saisit l'âme comme dans un filet : elle engendre le trouble de l'esprit, accroît la fureur du coeur, nourrit la flamme de la fornication, aliène l'intelligence , au point que l'homme ne se tonnait plus lui-même : l'homme ivre est tellement hors de lui, qu'il ne sait plus où il est. Plusieurs se font gloire de boire beaucoup sans s'enivrer. Le prophète les réprimande en ces termes : « Malheur à vous qui êtes vaillants à boire et forts à préparer l'ivresse par des mélanges (Isa. V, 22) ; » et ailleurs : « Malheur à vous qui vous levez de grand matin afin de boire jusqu'à l'ivresse, et qui faites des libations jusqu'au soir, afin que le vin vous échauffe de ses fumées (Ibid. 11). » Le prophète Joël s'écrie aussi : « Réveillez-vous, ivrognes et pleurez, poussez des hurlements vous qui buvez le vin avec délices (Joel. I, 5). » Il ne dit pas qui buvez par nécessité, mais qui buvez avec délices, c'est-à-dire avec bonheur. L'ivrognerie est un péché mortel, c'est une faute grave ; on la met au rang de l'homicide, de l'adultère et de la fornication, elle exclut l'homme du royaume de Dieu, elle le chasse du paradis, elle le plonge au fond de l'enfer. Noé but du vin et il découvrit le membre de sa virilité qu'il avait tenu caché durant six cents ans (Gen. IX, 21). Enivré lui aussi par cette même liqueur, Loth coucha avec ses deux filles, il ne sentit néanmoins pas le péché qu'il commettait, parce qu'il ne se possédait point (Gen. XIX). Pensez donc, ma soeur bien aimée, combien tous les serviteurs de Dieu doivent détester de fuir l'ivrognerie.

74. Demande. — Mon frère, est-ce un péché de boire du vin ?

Réponse. — Vénérable soeur, ce n'est point un péché d'en prendre modérément, je veux dire, avec sobriété. Voici comment l'apôtre saint Paul parle à Timothée, son disciple : . Buvez un peu de vin à cause de votre estomac et de vos fréquentes infirmités (I Tim. V, 23). » Ecoutez aussi ce que dit Salomon : » pris avec mesure le vin est la santé de l'âme et du corps (Eccli. XXXI, 36), pris sans mesure, c'est un poison. Pris immodérément, il s'empare de l'esprit, il alourdit l'âme, il enflamme la luxure, il l'excite, il la nourrit. Dieu nous a donné ce breuvage. pour réjouir notre coeur, non pour nous enivrer.  Par conséquent, vierge honorable, nous devons boire non point à bouche que veux-tu; mais autant que le besoin le réclame. Prenez donc garde de sacrifier à la gourmandise, ce que le Seigneur ne nous a donné que comme remède pour le corps ; veillons à ce que le vin, que le ciel a créé pour le salut de nos corps, ne tourne point au profit de nos vices. Prenons garde que la médecine de la chair ne dégénère en ivresse. Beaucoup ont été pris par le démon au moyen du vin, et l'ivrognerie n'est point autre chose qu'un démon manifeste. Pour vous donc, soeur aimable dans le Christ, prenez modérément de ce breuvage , il vous procurera la santé du corps et l'allégresse de l'âme. Buvez-en avec sobriété, et il secouera votre torpeur et votre nonchalance, et vous rendra ardente et dévouée dans le service de Dieu. Pourquoi ? Parce que, pris avec modération, il rend l'homme attentif à la prière et actif dans le service de Dieu. En conséquence, soeur bien-aimée, si vous m'écoutez comme un frère, et si vous accomplissez toutes choses, ainsi que je vous le marque, vous serez sage.

 

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XXVI. — Du péché.

 

75. Très-chère soeur, entendez Notre Seigneur dire dans son Evangile : « Quiconque commet le péché, est esclave du péché (Joan. VIII, 34). » Le péché se commet de deux manières, ou par cupidité ou par crainte; ou on veut obtenir ce qu'on désire; ou l'on redoute de voir arriver le mal dont on a peur. Il se commet de quatre manières par pensée, et de quatre manières aussi par action. On le commet par pensée, par la suggestion du démon, par la délectation de la chair, par le consentement de l'esprit, par la pensée de l'orgueil. On le commet par action, tantôt en secret, tantôt en public, quelquefois par habitude, d'autrefois par désespoir. Voilà les péchés que nous commettons par pensée et par action, on s'en rend coupable de trois façons, c'est-à-dire par ignorance, par infirmité et de propos délibéré. Eve pécha par ignorance dans le paradis, ainsi que l'Apôtre le dit : «l'homme n'a pas été séduit, c'est la femme qui le fut (I Tim. II, 14). » Adam pécha de propos délibéré et Eve par ignorance. Celui qui est trompé ignore ce à quoi il consent. Pierre pécha par faiblesse, lorsque, tremblant à la voix d'une servante, il renia Jésus-Christ (Matth. XXVI). Pécher par faiblesse est plus grave que pécher par ignorance; mais il est beaucoup plus grave encore de pécher de propos délibéré que par faiblesse. Celui qui pèche en public est aussi plus coupable que celui qui pèche en secret. Il commet une double faute, il pèche et il apprend à pécher.

76. Quand l'homme tonnait sa faute et conçoit en lui-même de la honte de ses péchés, c'est déjà une certaine justice. Il vaut mieux s'abstenir de pécher par amour du Seigneur, que par crainte de l'enfer. Il vaut mieux aussi ne pas commettre le mal, que le réparer. Quiconque pèche est orgueilleux. Car celui qui fait ce qui est défendu, méprise les commandements du Seigneur. Ecoutez donc, soeur bien aimée, ce que je dis, et les avis que je vous donne : un seul mal fait périr beaucoup de biens. Gardez votre âme du péché : celui qui pèche en un point de la loi, les viole tous : une seule faute, efface bien des justices, N'inclinez pas votre coeur vers ce qui flatte le corps. N'asservissez pas votre âme sous la domination de la chair; ne consentez pas à la délectation charnelle. Soeur vénérable, si vous vivez selon la chair, vous mourrez. Purifiez donc votre conscience de toute faute : que votre esprit soit pur ; que votre corps aussi soit net de toute iniquité : que votre chair soit sans tache, que la souillure du péché ne demeure point dans votre coeur. Le corps ne peut se corrompre si l'âme ne se corrompt auparavant : si l'âme tome, le corps est aussitôt prêt à pécher. L'âme précède la chair ; dans le crime, elle marche la première pour faire le mal, le corps ne peut faire que ce que l'esprit veut bien. Purifiez donc votre coeur de l'iniquité, et votre chair ne commettra pas le péché.

77. Demande. — Mon frère, je vous prie de me dire, si l'âme du pécheur est laide et noire; et si celle du juste est belle et ravissante?

Réponse. — Ma soeur bien aimée dans le Christ, en. ce monde, il y a trois choses plus noires et plus viles que tout mal, je veux dire, l'âme du pécheur qui persévère dans le péché; elle est plus noire que le corbeau ; les mauvais anges qui l'enlèvent au jour de la mort, et l'enfer où elle est plongée. Il n'y a rien ici bas, de plus fétide ou de plus noir que ces trois choses. Il en existe pareillement trois qui n'ont rien au dessus d'elles en fait de bonté : ce sont l'âme du juste qui, persévérant dans les bonnes oeuvres, brille comme le soleil: les saints anges qui la reçoivent au jour de la mort, et le paradis où elle est placée. On ne saurait trouver rien de mieux parmi les créatures. Les bons anges présentent au Seigneur l'âme du juste, en disant : « Voici, ô Dieu, celui que vous avez choisi et enlevé à la terre, il habitera à jamais dans vos parvis (Psal. LXIV, 5). » Soeur aimable dans le Christ, si vous purifiez votre âme de toute souillure, si vous persévérez, ainsi que vous l'avez promis, dans le service de Dieu, sans le moindre doute, vous vous réjouirez dans le lit nuptial du ciel, avec Jésus Christ votre époux. Ainsi-soit-il.

 

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XXVII. — De la confession des péchés et de la pénitence.

 

78. L'homme commence à être juste lorsqu'il se met à s'accuser de ses propres péchés, aussi est-il écrit : «Le juste commence par s'accuser lui-même (Prov. XVIII, 17). » Il n'y a rien de pire que de connaître ses fautes et de ne les point pleurer. Tout pécheur les doit pleurer de deux manières : d'abord parce que, par sa négligence, il n'a point pratiqué le bien, en second lieu, parce que,dans son orgueil, il a fait le mal qu'il ne devait pas faire. C'est faire une digne pénitence que de pleurer ses péchés passés et de ne plus les commettre après les avoir pleurés. En effet, celui qui pleure ses fautes et y retombe, est comme celui qui lave une brique crue : plus il la lave, plus il fait de la boue. Quand un pécheur fait pénitence tandis qu'il peut encore pécher, et s'éloigne de tout péché tant qu'il vit, on ne peut pas douter, que lorsque la mort arrivera, il parvienne à l'éternel repos. Quant à celui qui vit mal et ne fait pénitence qu'à la mort, on ne peut dire qu'il est damné, mais la rémission de ses péchés est également douteuse. Que celui. donc qui veut être assuré du pardon à l'heure de la mort fasse pénitence, et pleure ses péchés pendant qu'il est en santé. Comme la miséricorde de Dieu agit d'une manière occulte, il faut pleurer sans relâche. Soeur bien aimée, écoute les paroles de saint Isidore : il ne faut pas que le pénitent soit sans inquiétude au sujet de ses péchés. Pourquoi? Parce que la sécurité engendre la négligence, et la négligence, fait souvent retomber dans ses premières fautes, l'homme qui ne se tient pas sur ses gardes.

78. Maintenant donc, sœur bien aimée, recevez le conseil que je vous donne et, tant que vous le pouvez, corrigez votre vie, taudis que Dieu vous en donne la facilité, découvrez vos péchés, tant que vous en avez la latitude; pleurez-les tandis que vous le pouvez; faites pénitence; avouez-les, tandis que la chose vous est facile; tant que vous êtes en vie, arrosez-les de vos larmes. Que l'appel, adressé aux. mourants, serve à vous corriger. Pendant que vous le pouvez, corrigez le mal que Bous axez commis; arrachez-vous agi vice et au péché ; tandis qu'il en est temps, criez vers Dieu pour vous ; tant que vous habitez le corps, assurez-vous la rémission de vos péchés : avant que la jour de la mort arrive, faites pénitence: avant que l'abîme vous engloutisse, livrez-vous à la componction : avant de tomber dans l'abîme, versez des pleurs sur vos iniquités, avant d'être plongée dans ces cavernes, déplorez vos négligences: il n'y a plus de joie, là où il n'y a plus de place pour l'indulgence; il n'y a plus de facilité laissée au repentir, où il n'y a plus de possibilité de correction, plus de place pour la confession. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas de rédemption dans l'enfer. Bien que vous soyez pécheresse, par la pénitence, vous obtiendrez le pardon de vos fautes. Il n'y en a pas de si énorme, dont la pénitence ne procure le pardon. Le désespoir augmente la faute, il est le plus grand de tous les maux, il est le pire de tous les péchés. Par conséquent, soeur bien aimée, croyez en toute certitude, qu'il y a de l'espoir dans la confession : ne doutez pas, ne désespérez pas de la miséricorde de Dieu. Ayez confiance dans l'aveu que vous faites de vos fautes, en la bonté du Seigneur.

Frère bien aimé, ce que vous dites est bien dit, vous me donnez un bon conseil.

80. Hélas ! pauvre pécheresse, malheureuse que je suis ! Je suis tombée en tant de péchés, en tant de crimes, en tant de négligences! Par où commencer mes gémissements, mes larmes et mes pleurs? Malheureuse pécheresse que je suis, sur quoi pleurerai-je d'abord? Quel sera le premier objet de ma tristesse? Ma mémoire ne suffit pas à rappeler tant de crimes. O larmes, où vous êtes-vous retirées ? O pleurs, où êtes-vous? où vous cachez-vous, fontaines de larmes? Mettez-vous en mouvement et alimentez mes pleurs; ruisselez sur mon visage, mouillez mes joues, rendez mes gémissements amers. O mon Dieu, venez à mon secours, avant que je meure, avant que la mort me prévienne, que l’enfer m'entraîne, que les flammes me consument, que les ténèbres m'enveloppent. Secourez-moi, mon Dieu, avant que je tombe dans les tourments et que le feu de l'enfer me dévore, avant que je sois tourmentée sans fIn dans les abîmes. Mon Dieu, que ferai-je quand arrivera votre jugement redoutable ? Que répondrai-je à l’examen qui s'y fera? Que dirai-je, malheureuse pécheresse que je suis, quand je serai présentée au tribunal de Jésus-Christ? Malheur au jour où j'ai péché. Malheur à la journée où j'ai commis l'iniquité, où j'ai transgressé les commandements du Seigneur. Plût au ciel que le soleil ne m'eût point prêté ses rayons. Plût à Dieu que cet astre ne se fût pas levé sur ma tête. O jour détestable, jour abominable, jour entièrement indigne d'être nommé, ô jour qui m'as enfanté à ce monde, qui m'as ouvert le sein de ma mère ! Mieux valait ne pas venir à la vie que d'être tourmentée à jamais dans l'enfer; mieux valait ne jamais naître que de souffrir des peines éternelles, ne voir jamais la lumière de ce jour que de ressentir les châtiments sans fin. Pleurez sur moi, ciel et terre, pleurez, ô vous, créatures, et vous qui avez le sentiment de la vie, répandez des larmes sur moi. Car j'ai gravement péché, j'ai malheureusement péché, misérablement péché, mes iniquités sont innombrables. De moi-même j'ai promis de bien vivre ; mais je n'ai jamais gardé les bonnes résolutions que j'avais prises. Toujours je suis revenue à mon péché, toujours j'ai multitiplié mes fautes, sans cesse j'ai renouvelé mes manquements, jamais je n'ai amélioré ma conduite, jamais je n'ai cessé de faire le mal.

81. Priez pour moi le Seigneur, ô saints personnages, intercédez pour moi auprès de lui, vous tous, saints dit paradis. Ames des justes, implorez-le en ma faveur, qu'il prenne pitié de moi et enlève mes iniquités. Mon âme, que tu es misérable, qui aura compassion de toi ? Qui te consolera? ô âme malheureuse, qui poussera des gémissements pour toi? Où êtes-vous, ô gardien des hommes ? Où êtes-vous, rédempteur des âmes? Où êtes-vous, bon pasteur? Pourquoi m'avez-vous méprisée ? Pourquoi avez-vous détourné de moi votre visage? Mon Dieu, ne m'oubliez point à jamais. Ne m'abandonnez pas pour toujours, ne me laissez point en la puissance des démons. Je suis une pécheresse, une créature indigne; cependant, j'ai recours à vous, ô mon Seigneur. Vous êtes clément, vous êtes bon, vous avez une miséricorde infinie. Vous ne dédaignez, vous ne détestez, vous n'écartez personne de votre tendresse. Faites briller votre bonté sur moi. Je vous en conjure, Seigneur, ne me refusez pas ce que vous avez miséricordieusement accordé à beaucoup. Je ne défends pas mes fautes, je ne cache pas mes péchés. Le mal que j'ai commis me déplaît. Malheureuse que je suis, j'ai péché. Je confesse mon erreur, je dévoile ma faute, je connais mon iniquité. Seigneur, j'ai péché, soyez propice à une pécheresse ; pardonnez-moi mes fautes, effacez mes manquements, accordez indulgence à mes crimes. Si vous examinez mes péchés avec sévérité, Seigneur, qui soutiendra votre regard. Nul ne les supportera avec assurance, nulle justice n'y sera exposée en sûreté; quel est, en effet, le juste qui ose se dire sans péché? Nul n'est sans péché, nul n'est exempt de tache, nul n'est pur en votre présence; nul, parmi les saints, n'est sans quelque souillure. Ceux même qui servaient le Seigneur ne furent point inébranlables, et l'iniquité s'est trouvée parmi les anges; les étoiles ne sont pas pures devant vous, les cieux ne sont pas sans tache en votre présence (Job, XV, XXV, VI, IV, XIV). Si donc, nul n'est saint devant vous, nul n'est sans tache, combien plus paraîtrai-je souillée, moi pécheresse, pourriture et vermine, triste fille des hommes, moi qui ai bu l'iniquité comme l'eau et ajouté péché à péché, qui suis assise dans la poussière, qui habite une maison de boue, qui ai la terre pour fondement? Mon Dieu, présentez votre main droite à cette pécheresse.

82. Je vous en conjure, rappelez-vous, Seigneur, quelle est ma substance; souvenez-vous que je suis terre. N'oubliez pas que je suis cendre et poussière. Donnez-moi une médecine qui me guérisse, un breuvage qui me rende la santé. Malheureuse, je suis tombée dans la fosse de mes péchés; créature indigne, je suis descendue au fond de l'enfer. Mou Dieu, délivrez de l'enfer mon âme captive; que ces abîmes ne me retiennent pas pour toujours, qu'ils ne m'engloutissent pas, que le gouffre ne referme pas sur moi ses ouvertures, qu'il ne me refuse pas une issue. Voici que le jour redoutable approche, le dernier jour est là, le moment de la mort est bien près, il ne me reste plus que le sépulcre; faites-moi grâce, Seigneur, avant que je m'en aille à la terre des ténèbres; venez à mon secours, ô mon Dieu, avant que j'entre dans la région de la misère et de l'obscurité (Job. X). Rédempteur des âmes, venez à mon aide, avant que je meure; rompez les liens de mes iniquités avant que j'arrive à la mort.

83. Soeur bien aimée dans le Christ, que Dieu ait pitié de vous, qu'il vous remette tous vos péchés, qu'il vous accorde l'indulgence de tous vos manquements, qu'il vous pardonne tout ce que vous avez commis de mal, et qu'il vous lave de toute faute. Agissez donc comme il faut; proposez-vous, dans votre cœur, de ne plus pécher, prenez bien la résolution de ne plus commettre le mal, veillez à ne point recommencer vos fautes, ne vous souillez pas après ale péché; après le deuil de la pénitence ne revenez pas à vos égarements, ne donnez pas matière à de nouveaux gémissements. Il ne se repent pas, il se moque, celui qui commet des actions qui seront un sujet de repentir ; il ne paraît point prier humblement le Seigneur, mais il l'insulte audacieusement, celui qui recommence l'acte qui lui a une fois attiré une pénitence, Aussi le bienheureux Isidore a-t-il dit : La pénitence que souille aussitôt une faute nouvelle est vaine. Et ailleurs il dit encore Une blessure qui se rouvre, se guérit plus lentement. Celui qui pèche fréquemment et pleure, mérite à peine le pardon. Soyez donc ferme dans la pénitence ; n'abandonnez pas la bonne vie que vous avez commencé à mener. Le salut est à ceux qui persévèrent, aussi est-il dit : « Bienheureux ceux qui observent l'équité et pratiquent la justice eu tout temps (Psalm. CV,3).» Et encore: «Quiconque persévérera jusqu'au bout, sera sauvé (Matth. X, 22). » Vierge honorable, je vous engage à parler toujours la rougeur sur votre visage au souvenir de vos péchés; que la pudeur couvre votre face à la pensée de vos fautes. Que la honte de votre faute vous fasse rougir de lever les yeux au ciel; marchez la tête baissée, plongée dans le chagrin, le visage attristé, que le cilice et la cendre entourent vos membres, oui, que le cilice recouvre votre corps. Que la terre soit votre couche, que le sol soit votre lit. Vous êtes poussière, asseyez-vous dans la poussière; cendre, restez sur la cendre. Soyez toujours dans le gémissement, toujours dans la tristesse, toujours dans les soupirs du fond du coeur; que toujours la componction se fasse sentir à votre âme., que le regret soit dans votre poitrine, que les plaintes soient dans votre coeur, que souvent les larmes coulent de vos yeux; soyez toujours prête à verser des pleurs.

84. Vierge vénérable, croyez-moi, jamais les serviteurs de Dieu ne doivent être en sécurité dans cette vie, quoiqu'ils soient justes. Ils doivent toujours veiller, et rappeler avec larmes leurs péchés en leur mémoire. Aussi, au Cantique des cantiques, est-il dit, dans les louanges de l'Epoux, c'est-à-dire de Jésus-Christ : « Sa chevelure est comme les tiges étalées du palmier, noire comme les plumes des corbeaux (Cant. V, 11). » Qu'entendons-nous par la chevelure de Jésus-Christ, sinon les fidèles qui, en conservant dans leur âme la foi de la sainte Trinité et en s'attachant au Seigneur, pratiquent ce qu'ils croient. Semblables aux cheveux, ils rendent gloire à Dieu par leur conduite prudente Le palmier, en croissant, s'élève dans les airs, il est le symbole de la victoire . La chevelure de Jésus-Christ est « semblable à des branches de palmier, » parce que les élus, en montant toujours au haut des vertus, parviennent avec la grâce de Dieu, au triomphe et à la victoire. Ces branches sont noires comme le plumage du corbeau, parce que bien que ces saintes âmes s'élèvent vers le ciel par leurs vertus, elles reconnaissent toujours néanmoins qu'elles sont pécheresses. Ainsi, ma bien aimée dans le Christ, bien que votre conduite soit bonne et religieuse, bien que vous serviez Dieu en justice et dévotion, je vous engage à ne jamais cesser cependant de verser des larmes. Si donc vous voulez effacer les souillures de vos iniquités, aimez toujours les pleurs. Que les larmes vous soient douces, que toujours le deuil et les plaintes vous soient agréables, ne cessez jamais de gémir et de vous lamenter : soyez aussi portée aux sanglots que vous l'avez été au mal; que votre pente vers la pénitence soit aussi forte que l'a été votre ardeur à pécher. Il faut cependant employer les remèdes selon la faiblesse humaine, les péchés graves demandent de grands gémissements. Soeur vénérable , daigne vous aider et vous consoler, dans cette vie présente, Celui que les anges adorent dans la cour céleste. Ainsi soit-il.

 

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XXVIII. — De la Communion.

 

85. «Quiconque mangera indignement le pain et boira le calice du Seigneur, sera coupable du corps et du sang du Seigneur (I Cor. XI, 27), » c'est-à-dire, commettra un péché et souillera son âme. Pourquoi? Parce qu'il s'approchera mal d'un bien. « Que l'homme donc s'éprouve lui-même et qu'il mange ainsi de ce pain et boive de ce calice.» C'est comme si l’Apôtre disait : que chacun examine sa conduite, qu'il purifie son coeur de toute malice, afin de pouvoir s'approcher d'un si grand sacrement. En effet, « quiconque mange et boit indignement le corps et le sang du Seigneur, mange et boit son jugement, » c'est-à-dire la cause de sa damnation. C'est ce qui fait dire à saint Isidore, que ceux qui mènent dans l'Église une conduite criminelle et ne s'abstiennent pas de la communion, en pensant, qu'ils peuvent, parce moyen, se purifier de leurs fautes, doivent savoir qu'ils ne réussissent point à effacer la souillure de leur âme. Le Prophète dit au contraire : « Qu'est-ce à dire que mon bien-aimé a commis beaucoup de crimes dans ma maison? Est-ce que les viandes saintes effaceront vos malices de votre coeur (Jerem. XI, 15) ? » En conséquence, que celui qui veut recevoir le corps du Seigneur s'applique d'abord à demeurer dans la foi du Christ et dans son amour. De là vient cette. parole du Seigneur dans son Évangile « Celui qui mange ma chair demeure en moi, et moi je demeure en lui. » C'est comme s'il disait : celui-là demeure en moi, qui accomplit ma volonté par de saintes oeuvres. Autrement, s'il ne demeure point d'abord en moi et moi en lui, par la foi et les bonnes oeuvres, il ne peut manger ma chair, ni boire mon sang. Que mangera-t-il donc? Tout le monde participe fréquemment aux sacrements, mais les uns mangent et boivent spirituellement le corps et le sang du Seigneur; pour les autres, au contraire, ils ne reçoivent que le sacrement, c'est-à-dire le corps du Christ, sous le sacrement et non la chose du sacrement. On appelle ici sacrement le propre corps du Christ, né de la Vierge Marie ; la chose spirituelle, c'est la chair de Jésus-Christ. Celui qui est bon reçoit donc le sacrement et la chose du sacrement celui qui est méchant, le « mangeant indignement, mange et boit son jugement, » comme le dit l'Apôtre, parce qu'il ne s'est pas éprouvé d'abord et ne discerne pas le corps du Seigneur. Que mange et boit donc le pécheur? Il ne prend point spirituellement la chair et le sang du Seigneur pour son salut, mais il mange le jugement pour sa condamnation , bien qu'il paraisse recevoir, avec les autres, le sacrement de l'autel. Par conséquent, l'un reçoit le corps du Seigneur pour son salut, l’autre pour sa condamnation. Celui qui reçoit le corps sacré, avec le traître Judas, est condamné avec Judas; celui qui, ainsi que Pierre et les autres fidèles, le prend avec foi et dévotion, est sanctifié sans nul doute avec Pierre et les autres apôtres dans le corps du Christ. Écoutez donc, épouse du Christ, les paroles du bienheureux Augustin: quiconque vient, avec un corps chaste, un coeur pur et un esprit rempli de dévotion, communier à cet autel, arrivera par une heureuse transmigration, sous les yeux de Dieu, à l'autel qui est Jésus-Christ dans les cieux.

86. Soeur aimable dans le Christ, écoutez, je vous prie, quelle est la prudence du serpent. Cet animal, quand il va boire, vomit tout son venin avant d'arriver à la fontaine. Imitez-le donc eu cela, ô soeur bien-aimée, et, avant de vous approcher de la fontaine, c'est-à-dire, de la communion du corps et du sang de Notre Seigneur Jésus-Christ, rejetez tout venin, c'est-à-dire bannissez de votre coeur la haine, la colère, la malice, l'envie,, la volonté et les pensées mauvaises. Pardonnez aussi à votre prochain et à toutes vos compagnes les manquements qui ont été commis envers vous, afin due le Seigneur vous pardonne vos péchés, ainsi qu'il le dit lui-même :  « Pardonnez et on vous pardonnera (Luc. VI, 37). » Si vous accomplissez tout cela, ainsi que je vous l'ai dit, vous pourrez approcher de la fontaine vive, c'est-à-dire de Jésus-Christ qui est la source de tous les biens. Il dit aussi, en parlant de lui : « Je suis le pain vivant descendu du ciel (Joan. VI, 51). » C'est de ce pain que David a dit, au livre des Psaumes : « l'homme a mangé le pain des anges (Psalm. LXXVII, 25). » Cette nourriture. et ce breuvage dont parle le Psalmiste, ne convenaient pas aux anges, bien que tombés du ciel, parce que c'étaient des choses corporelles : mais bien le pain et le breuvage qui étaient figurés par ces aliments. Le Christ est le pain des anges et ce sacrement est sa véritable chair et un véritable breuvage: l'homme mange et boit spirituellement ce sacrement. Et ainsi, ce dont vivent les anges dans les cieux, les hommes en vivent sur la terre : parce que tout est divin et spirituel dans ce que l'homme reçoit. Mais, comme l'Apôtre le dit: « Il y en eut qui mangèrent, au désert, la même nourriture spirituelle, et néanmoins ils moururent (I Cor. X, 3 et 5). » De même aujourd'hui dans l'Eglise, le corps du Seigneur est la vie pour plusieurs, et, pour d'autres, il est le châtiment et le supplice du péché. Ce corps adorable est sans nul doute la vie à ceux pour qui Jésus-Christ est la vie : il est la mort pour ceux qui, par leur faute, par leur ignorance et leur négligence, sont membres du démon.

87. Aussi, soeur bien aimée dans le Christ, je vous engage, en goûtant à cette nourriture, et, en recevant le corps du Seigneur, à comprendre que vous prenez autre chose que ce que l'odeur vous fait sentir. Ecoutez aussi, vierge honorable, ce que dit le prêtre dans la consécration du corps du Seigneur : « nous vous prions, dit-il, que cette oblation soit bénie,» et qu'elle répande sa bénédiction sur nous; qu'elle soit écrite et que, par elle, nous soyons tous écrits dans le ciel; qu'elle soit accueillie, et que, par elle, nous entrions dans les entrailles de Jésus-Christ; qu'elle soit raisonnable, qu'elle nous dépouille des sentiments de la bête : «daignez la rendre acceptable, » en sorte que, en nous déplaisant à nous-mêmes, nous vous soyons agréables en Jésus-Christ, son Fils unique. Ainsi, vierge digne d'égards , comme il a été dit plus haut, le Christ nourrit de lui-même les saints anges dans le ciel : il repaît aussi en lui-même tous les fidèles sur la terre. C'est par sa vue qu'il rassasie ces esprits bienheureux dans la patrie, et par la foi qu'il repaît tous les fidèles sur la terre, de peur que nous ne venions â défaillir le long du chemin. Anges et hommes, le Christ nous nourrit de sa propre substance, et cependant il la conserve en son intégrité. Qu'il est bon, qu'il est merveilleux ce pain qui alimente les anges dans le ciel, et nourrit les hommes sur la terre, que l'ange mange à pleine bouche dans la patrie, et que, selon sa faible capacité, l'homme voyageur mange aussi pour ne point défaillir en route. Le Christ, le pain vivant qui nourrit les anges, est aussi la rédemption et la médecine des hommes. Maintenant donc, soeur bien aimée, suppliez le Seigneur de tout votre esprit, de purifier votre conscience de toute malice, afin que vous soyez en état de recevoir les mystères du corps et du sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

 

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XXIX. — De la pensée.

 

88. Sœur bien aimée, écoutez ce que le Seigneur dit par le prophète Isaïe : « Otez de devant vos yeux le mal de vos pensées (Isa. 1, 16). » Bien que l'homme ne fasse par d'actions mauvaises, s'il aune mauvaise pensée dans son coeur, il n'est pas exempt de faute, aussi le bienheureux Isidore dit-il : nous. péchons, non-seulement par actions, mais encore par pensées, si nous nous arrêtons à celles qui se présentent à nous d'une manière illicite. Comme la vipère est tuée par les petits qui sont encore dans ses flancs, ainsi les pensées que nous avons nourries en nous nous donnent la mort, elles consument notre âme dans leur venin de vipère. Aussi, ma soeur bien aimée dans le Christ, je vous engage à garder votre coeur avec toute sorte de sollicitude parce que c'est de là que tire sa source toute action soit bonne soit mauvaise. Aussi est-il écrit : « surveillez votre coeur avec toute la vigilance possible, car c'est de lui que toute la vie procède (Prov. IV, 23). » Ecoutez encore, vierge honorable, ce que l'Epoux dit dans le Cantique des cantiques en faisant l'éloge de l'Epouse : « Les tresses de votre tête sont comme la pourpre du roi assujettie par des rubans (Cana. VII, 5). » Les tresses des cheveux signifient le lit de l'âme sainte, dont on dit qu'elle est comme la pourpre du roi, unie par des bandeaux. La pourpre , en effet, est liée en tuyaux par des bandelettes; quand on jette l'eau par ces rigoles, le liquide coule sur le vêtement qui est au dessous, afin de le teindre, et c'est de là que, teinte de pourpre, l'étoffe tire son nom. Tout cela s'applique à l'âme sainte. Car les cheveux de la tête sont les pensées de l'esprit; on les lie en tuyaux, pour que, dans ce qui touche aux saintes Ecritures, elles ne se répandent point en licences inutiles.

89. Gardez donc votre coeur, vierge vénérable, loin de toute contagion nuisible; qu'aucune pensée honteuse ne se glisse dans votre esprit, que votre âme soit pure. Car Dieu examine non-seulement la chair, mais l'esprit; s'il juge les consciences des hommes, il lui demande compte même de ses pensées. Quand une mauvaise pensée vous sourit, n'y donnez point votre consentement, ne lui permettez pas de séjourner dans votre coeur. A quelque heure qu'elle se présente, chassez-la. Aussitôt que le scorpion se montre, brisez-lui la tête, écrasez la tête du serpent, c'est-à-dire de la mauvaise pensée. Corrigez la faute où elle prend naissance, je veux dire dans votre coeur : chassez-en le principe même de la. pensée mauvaise. Péchez là où vous saurez que Dieu n'est point. Or rien n'est caché aux yeux de Dieu. Il voit les choses secrètes, car c'est lui qui fait ces choses. Il est présent partout, son esprit remplit tous les lieux : la majesté de Dieu tout-puissant pénètre tous les éléments, en dehors de Dieu, il n'y a pas de lieu, le Seigneur connaît les pensées des hommes. Soeur bien aimée voulez-vous n'être jamais triste !

Mon frère, c'est mon désir.

Vivez donc saintement. Si votre conduite est sainte, vous ne serez jamais triste. L'âme qui est eu sûreté supporte sans peine la tristesse, l'âme qui est bonne possède toujours la joie, si vous persévérez dans une vie sainte, la tristesse s'éloignera de vous; elle ne se présentera pas à vous, si vous persistez dans la pratique de la sainteté: si vous vivez purement et saintement, vous ne craindrez ni les blessures ni la mort. Quant à la conscience des pécheurs;elle est toujours en peine L'homme coupable n'est jamais tranquille : l'esprit qui a conscience du mal qu'il a fait se perce de ses propres aiguillons. Soeur vénérable, entendez ce que le Seigneur dit de la femme en parlant au serpent : « Elle t'écrasera la tête (Gen. III, 15). » Or on brise la tête du serpent, lorsqu'on châtie la faute au lieu de sa naissance. Que le Dieu tout-puissant purifie votre coeur de toute contagion mauvaise, afin que vous puissiez le servir sans tache. Amen.

 

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XXX. — Du silence.

 

90. Le prophète Isaïe a dit : « Le culte de la justice est un silence et une tranquillité qui ne finiront jamais (Isa. XXXn, 17). » David de son côté dit avec instance : « Placez, Seigneur, une garde à ma bouche, placez sur mes lèvres une porte de précaution (Psalm. CXI, 3). » Observant le silence avec un soin extrême, les saints Pères s'attachèrent à être en repos et à voir combien doux et suave est le Seigneur. Or, dédaignant les soins de la vie active, ils s'appliquèrent à la vie contemplative. Soeur bien aimée, repoussez les paroles déshonnêtes, fuyez les entretiens impurs. Les vains propos souillent l'âme promptement et l'on commet facilement ce qu'on entend avec plaisir. Que jamais rien ne sorte de votre bouche qui puisse être un obstacle au bien pour vous; ne proférez jamais une parole inconvenante. Que vos lèvres ne laissent point échapper d'expressions qui blessent les oreilles de ceux qui vous écoutent; fuyez les paroles honteuses. Les vains propos dénotent une conscience vaine, la langue découvre la conscience, elle révèle l'intérieur de l'homme : telle la parole, telle l'âme: «Car la langue parle de l'abondance du coeur (Matth. XII, 34). Sevrez votre langue de tout entretien oiseux, de toute parole inutile. Ne répétez point de contes honteux, ne racontez point de vaines plaisanteries. Les propos oiseux n'échappent pas à la sévérité du jugement. Chacun rendra compte de ce qu'il aura dit; au jour de la justice, on rappellera en face à chacun ses paroles. Que vos entretiens soient pleins de gravité et de doctrine. Que vos propos soient irrépréhensibles, que votre langue ne vous perde pas, qu'elle ne vous condamne pas : ne dites rien que votre ennemi puisse prendre en mauvaise part. Que le silence soit votre ami. Planez une garde à l'entrée de votre bouche, un cachet sur vos lèvres, entourez votre langue du silence comme d'une clôture. Sachez en quel temps vous devez parler, examinez à quelle heure vous devez le faire. Parlez en temps opportun, et gardez le silence quand il le faut. Ne parlez que lorsqu'on vous interroge; que les questions adressées par les autres vous ouvrent la bouche; que vos paroles soient en petit nombre et ne dépassez pas la mesure. Il est difficile de parler beaucoup sans faire quelque péché (Prov. X, 19), sans tomber dans quelque faute. Une vierge bavarde est une vierge folle, une vierge sage dit peu de paroles. La sagesse fait de sobres discours : parler beaucoup, c'est une folie : que la mesure soit dans vos paroles et la balance dans vos conversations. Ne dépassez jamais la mesure en parlant, vénérable sœur, que celui-là daigne placer une garde à votre bouche qui vous a choisie pour épouse.

 

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XXXI. — Du mensonge.

 

91. Les menteurs font qu'on ne les croit pas même lorsqu'ils disent la vérité. Il faut éviter avec un soin extrême toute espèce de mensonge : bien qu'il y en ait qui soient moins coupables, par exemple, lorsqu'on ment pour sauver des hommes, néanmoins il est écrit : « La bouche qui ment tue l'âme (Sap. I, 11). » Les parfaits évitent le mensonge avec beaucoup de soin, ils ne défendent jamais par la fausseté les fautes de qui que ce soit, et ils ne nuisent point à leur âme en voulant obliger les autres. Cependant nous croyons que cette sorte de mensonge est facilement pardonnée. Soeur bien aimée : je vous engage à fuir toute espèce de mensonge ; ni par occasion, ni de propos délibéré, ne dites jamais rien de faux; ne mentez pas, même pour obliger autrui. Ne défendez pas par un mensonge, la vie même des autres : nul mensonge n'est juste : tout mensonge est un péché pour tout le monde tout ce qui s'écarte de la vérité est mal. Les lois civiles condamnent les faussaires, punissent les trompeurs. Si les hommes réprouvent le mensonge, si la fausseté est punie par les tribunaux, combien plus Dieu les réprouvera-t-il, lui qui est le témoin des paroles et des oeuvres? Lui à qui l'on rendra compte, même d'une parole oiseuse (Matth. XII, 36) ? Chacun sera puni pour en avoir proféré: « Et vous perdrez tous ceux qui mentent (Psalm. V, 7). » Le faux témoin ne restera pas sans châtiment. Soeur vénérable, évitez donc le mensonge, ne proférez aucune parole trompeuse. Dites ce qui est vrai, ne mentez jamais Soyez sincère, ne trompez personne par le mensonge, ne dites pas une chose, et n'en faites point une autre. Soeur bien aimée, que Dieu vous accorde de dire la vérité. Amen.

 

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XXXII. — Du parjure.

 

92. Le Seigneur a dit dans son Évangile : « Ne jurez point par le ciel. parce qu'il est le siège de Dieu; ni par la terre qui est le support de ses pieds; ni par votre tête, parce que vous n'en pouvez rendre un seul cheveu blanc ou noir. Que votre discours soit, oui, non, tout ce qui est en plus vient du mal (Matth. V, 35). » De même que celui qui ne parle pas, ne petit mentir; de même celui qui n'est pas empressé de jurer, ne peut être parjure. Avec quelque artifice de langage que l'on jure, Dieu, qui est témoin de ce qui se passe dans la conscience, prend le serment dans le sens où l'entend celui devant qui il se fait. Nous ne devons pas accomplir le mal que nous avons juré de faire. Soeur vénérable, voulez-vous que je vous dise comment vous ne serez jamais parjure? C'est en ne jurant jamais. Si vous ne faites jamais de serment, vous ne serez jamais parjure : si vous craignez ce malheur, ne jurez en aucune occasion : renoncez à toute habitude de faire des serments. Jurer est périlleux, l'habitude de faire des serments, engendre l'habitude de se parjurer. Elle conduit l'homme au parjure. Que dans votre bouche, il n'y ait que ces paroles : « oui » « non. » La vérité n'a pas besoin de serment, une parole fidèle en tient lieu, que la fidélité à ce que vous avez juré soit aussi inébranlable. Soeur bien aimée, que le Saint Esprit, qui s'est établi un temple dans votre corps virginal, place dans votre bouche le cachet de la retenue. Amen.

 

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XXXIII. — De la détraction.

 

93. Soeur bien aimée dans le Christ, entendez ce que je dis, écoutez mes avis, prêtez l'oreille à mes paroles. La détraction est un grand vice, un péché grave, le sujet d'une condamnation rigoureuse, c'est un grand crime. Tout le monde blâme le détracteur, tout le monde le désapprouve, tout le monde lui fait affront. Le prophète David s'écrie : « Je poursuivais celui qui disait du mal de son prochain (Psalm. C, 5. » C'est là le comble de la honte, il n'est rien de plus vil. Les détracteurs aboient comme des chiens; comme ces animaux mordent les jambes des passants, ainsi déchirent-ils la conduite du prochain. Les chiens ont coutume de mordre les gens et de déchirer d'une dent pestiférée les jambes des passants. Soeur vénérable, retranchez de votre langue le vice de la détraction; ne rongez pas la vie des autres, ne la blâmez pas, de la déchirez pas : ne vous souillez pas du récit du mal d'autrui, n'attaquez point le pécheur, mais ayez plutôt de la compassion pour lui. Craignez même de trouver en vous ce que vous rencontrez dans les autres : corrigez en vous, ce que vous critiquez dans vos frères. Le zèle que vous apportez à reprendre la conduite d'autrui, apportez-le à vous corriger vous-même. Quand vous parlez mal d'un autre, examinez-vous vous-même: quand vous mordez l'un de vos frères, reprochez-vous vos péchés. Si vous voulez critiquer, critiquez vos fautes. Ne regardez pas les péchés des autres, mais les vôtres; ne fixez pas les yeux sur le mal d'autrui, mais sur le vôtre propre. Jamais vous n'attaquerez vos frères si vous avez l'oeil sur vous. Inquiétez-vous donc de vous corriger vous-même et soyez attentive à vous améliorer et â travailler à votre salut. N'écoutez pas les détracteurs. Ne prêtez pas l'oreille à ceux qui disent du mal en secret. Les détracteurs et :ceux qui les écoutent commettent la même faute. Celui qui dit le mal et celui qui l'écoute; sont aussi blâmables l'un que l'autre. Les détracteurs ne posséderont pas le royaume de Dieu. La vierge qui désire entrer dans le lit nuptial de la patrie céleste ne doit point attaquer les autres de la langue. O soeur vénérable, si vous détournez vos oreilles des détracteurs, si vous retenez, ainsi que je l'ai dit, votre langue pour l'empêcher de se permettre des paroles perverses, vous serez mise au rang des vierges prudentes.

 

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XXXIV.— De l'envie.

 

94. L'homme envieux est un membre du démon dont la jalousie fit entier la mort dans l'univers. L'envie brûle tous les germes des vertus; elle dévore tout bien par une ardeur pestilentielle, elle est la teigne de l'âme, elle se nuit à elle-même avant de nuire aux autres, elle se mord avant de mordre les autres , elle attaque son auteur avant tous les autres, elle dévore les sens de l'homme, brûle sa poitrine, déchire son âme, et, semblable à un cancer, elle se nourrit du coeur de l'homme. Que la bonté accoure donc contre l'envie : que la charité s'oppose à la jalousie. Soeur très-aimante dans le Christ, ne souffrez pas du bien d'autrui, ne soyez pas attristée de ses progrès, que la félicité des autres ne vous soit pas un tourment. Il n'y a pas de vertu qui n'ait pour contraire le mal de l'envie. Seule la misère n'a pas à la craindre. Pourquoi? parce que nul ne porte envie au misérable. La vierge qui désire habiter dans le ciel ne doit point porter envie aux hommes : la vierge qui désire entrer entrer aux noces avec Jésus Christ ne doit pas s'attrister de l'honneur dont jouissent les autres. Très-chère soeur, que Dieu purifie votre coeur de toute malice et de toute envie, afin que vous le puissiez servir sans tache. Amen.

 

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XXXV. — De la colère.

 

95. Vierge honorable, écoutez ce que dit Salomon : « une réponse douce brise toute colère, et les dures paroles excitent la fureur (Prov. XV, 1). » Et encore : « une parole douce calme les ennemis et multiplie les amis (Eccli. VI, 5). » Moins on est patient, moins on est sage. La colère trouble l'œil de l'âme; par elle, les sages perdent leur sagesse, et l'homme sort de lui-même. Quelques-uns sont prompts à se mettre en colère, mais ils le sont également à se calmer : d'autres sont plus lents à s'emporter, mais ils se calment aussi plus lentement. Enfin, il en est, ce qui est plus grave, qui se mettent vite en fureur, et qui sont lents à se calmer. Mieux vaut cependant l'homme prompt à s'irriter et prompt aussi à revenir, que celui qui est plus lent à se mettre en colère et qui revient également plus tard. Très-chère sœur, écoutez aussi le bienheureux Jacques : « que tout homme, dit-il, soit prompt pour écouter, tardif pour parler, et lent à se mettre en colère.» Pourquoi ? « Parce que la colère de l'homme n'opère pas la justice de Dieu (Jac. I, 18). » Sans nul doute, la colère de la vierge ne peut pas non plus opérer la justice du Seigneur. La vierge, qui doit être le temple du Seigneur, ne doit jamais se mettre en colère; il ne convient pas à une épouse de Jésus-Christ d’être irritée : la vierge qui prépare dans son cœur une demeure à ce divin maître, doit bannir, par tous les moyens possibles, la colère de son cœur; si elle désire parvenir avec Jésus-Christ au lit nuptial du ciel, il faut qu'elle bannisse entièrement la colère de son cœur. Sœur très-aimée, si la colère vous surprend, réprimez-la; si pourtant elle s'empare de vous, mitigez-la. Calmez l'emportement, adoucissez l'indignation de votre âme. Retenez les mouvements de la colère, arrêtez son impétuosité. Si vous ne pouvez la tempérer ni l'éviter, que la fureur ne vous enflamme pas, que la colère ne vous embrase point, que l'indignation ne vous agite pas , que le soleil ne se couche pas sur votre colère (Eph. IV, 26). Amen.

 

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XXXVI. — De la haine.

 

96. Vierge honorable, écoutez mes paroles. La haine éloigne l'homme du royaume de Dieu, elle l'écarte du paradis, elle l'arrache du ciel; c'est une passion funeste : ni la souffrance ne la détruit, ni le martyre ne la purifie, ni l'effusion du sang ne la lave. Nous ne devons point haïr les hommes, mais leurs vices. Qui hait son frère est homicide, il demeure et marche dans les ténèbres (I Joan. II, 11). Celui qui hait l'homme, n'aime point le Seigneur. Telle la différence entre une paille et une poutre, telle la différence entre la colère et la haine; car la haine            est une colère invétérée. La colère trouble l'œi1 de l'âme, la haine aveugle l'œil du cœur. Soeur très-aimée dans le Christ, entendez mes paroles. Si vous avez contristé votre soeur en quelque chose, satisfaites-lui; si vous avez péché contre elle, faites pénitence en sa présence ; si vous avez scandalisé quelqu'une des servantes de Dieu, priez-la de vous pardonner; hâtez-vous de vous réconcilier, ne prenez de repos que lorsque vous serez revenue en paix. Si votre ennemi vient à tomber, ne vous en réjouissez pas: ne soyez pas heureuse de sa chute, de crainte que pareille chose ne fonde sur vous, et que Dieu ne détourne sa fureur sur votre tête. Trouvez votre jouissance à gémir sur le sort de l'affligé, compatissez aux souffrances des autres, soyez triste dans les tribulations d'autrui, plaignez-vous avec ceux qui se plaignent, pleurez avec ceux qui pleurent. Soeur vénérable, ne soyez pas dure, que vos entrailles ne soient pas insensibles, ne traitez pas celui qui vous a offensée selon sa faute, car le jugement de Dieu s'exercera aussi sur vous. Pardonnez, afin de recevoir votre pardon; vous n'obtiendrez d'indulgence que si vous êtes indulgente. Bannissez la haine de votre coeur, que l'aigreur ne séjourne pas dans votre âme. Soeur aimable, que Dieu vous donne son amour et l'amour du prochain. Ainsi soit-il.

 

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XXXVII. — De l'orgueil.

 

97. L'orgueil est la racine de tous les maux. L'homme orgueilleux est odieux au Seigneur et aux hommes (Eccli. X, 7). Le superbe est semblable au démon. L'orgueil et la cupidité forment tellement un seul et même mal, que l'orgueil ne peut exister sans la cupidité, ni la cupidité sans l'orgueil. C'est par l'un et l'autre de ces sentiments que le démon s'est écrié: «Je monterai au ciel (Isa. XIV, 13).» C'est par humilité que le Christ a dit : « Mon âme s'est humiliée dans la poussière. » Le démon a dit, par orgueil et par cupidité : « Je serai semblable au Très-Haut. » Jésus-Christ s'est rendu par l'humilité, obéissant à son Père jusqu'à la mort. Enfin, c'est par l'orgueil que le démon a été précipité dans l'enfer, et c'est par son humilité que le Christ est exalté jusques aux cieux. Qu'est tout péché, sinon un acte par lequel nous méprisons Dieu en foulant aux pieds ses préceptes? Soeur très-chère, croyez-moi, si nous faisons par orgueil des oeuvres saintes, des veilles prolongées, des prières, des jeûnes, des aumônes et des travaux fatigants, tout cela, devant Dieu, est réputé pour rien. Par conséquent, soeur vénérable, ne déployez point les ailes de l'orgueil, ne les élevez jamais. Pourquoi ? Parce que L'orgueil a renversé les anges, a mis à terre les puissants, a déposé les superbes (Luc. I, 51) : « Dieu résiste aux superbes, et sa grâce est pour les humbles (Jac. IV, 6). » Je vous engage aussi, épouse du Christ, à vous réjouir plus de la société des anges et des servantes de Dieu, que de la noblesse de votre extraction. Je vous prie, soeur très-aimante, devons trouver plus heureuse de la compagnie des vierges pauvres, que de la noblesse de vos parents riches. Pourquoi ? Parce que, auprès de Dieu, il n'y a point acception de personnes. Quiconque méprise le pauvre fait injure à Dieu, «l'homme qui dédaigne le pauvre, outrage celui qui l'a créé (Prov. XVII, 5). » Vénérable soeur, que le Seigneur vous accorde une profonde humilité et une charité véritable. Amen.

 

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XXXVIII. — De la jactance.

 

98. Nous devons éviter la jactance, soit dans nos actions, soit dans nos paroles. Par conséquent. soeur bien aimée, considérez-vous vous-même, et ne vous attribuez rien de ce qu'il y a en vous, sinon vos péchés. Fuyez la jactance, évitez le désir de la vaine gloire, défiez vous du désir     que vous en auriez; ne vous laissez aller à aucun mouvement d'arrogance, ne vous     vantez pas, ne présumez rien de vous, ne vous élevez point avec hardiesse, te vous attribuez rien de bon, ne tirez point vanité de ce que vous faites de bien, que le souffle de la faveur ne vous enfle pas; méprisez la louange des hommes, ne recherchez pas si on vous loue ou si on vous blâme. Que les éloges ne vous séduisent pas, que les reproches ne vous abattent point. L'homme qui ne recherche pas les applaudissements, est insensible au blâme. Les vierges qui se glorifient de leurs mérites devant les hommes, n'ont point d'huile dans leurs vases, parce que, par leur désir de vaine gloire, elles ont perdu la récompense qu'elles attendaient du Seigneur.. Que toujours elles regardent leur laideur, parce qu'elles aiment la vaine gloire et qu'elles s'attristent d'avoir perdu les bonnes oeuvres qu'elles font, si elles lés font pour obtenir les louanges des hommes. Aussi, le Seigneur dit-il dans son Evangile . « Je vous le dis, en vérité, elles ont reçu leur récompense (Matth. VI, 2). » Le désir de la vaine gloire soumet au démon les vertus des saints; c'est ce qui arriga à Ezéchias, qui, pour avoir montré avec jactance ses richesses aux Chaldéens, entendit le Prophète lui annoncer qu'il les perdrait (IV Reg. XX, 17). Le Pharisien, qui était venu au Temple pour y prier, perdit, lui aussi, tous ses biens, parce qu'il en fit parade avec orgueil (Luc. XVIII, 14). Comme l'aigle fond du haut du ciel sur sa proie, ainsi, l'homme tombe des hauteurs d'une bonne conduite par le désir de la vaine gloire. Soeur, que je chéris dans le Christ, ne placez point votre conscience sur la langue d'autrui; si les autres font vos louanges, ne vous vantez pas: que les étrangers vous louent, mais vous, ne vous louez point; jugez-vous d'après vous, non d'après le jugement des autres. Nul ne peut savoir mieux que vous qui vous êtes, que vous, dis-je, qui avez conscience de vous.

99. Soeur vénérable, voulez-vous que je vous dise comment vous pouvez accroître toutes les vertus?

— Oui; mon frère, je le veux bien, et je vous prie de me le montrer.

— Ecoutez donc, soeur vénérable, si vous souhaitez augmenter toutes vos vertus et ne les point perdre, cachez-les ; dérobez tout ce que vous faites de bien, à l'arrogance. Redoutez de paraître selon que vous le méritez. Célez vos vertus, montrez vos péchés ; révélez les vices de votre coeur. Mettez dans l'ombre vos bonnes oeuvres, et ne montrez jamais ce que vous avez fait ou dit de bien. Découvrez de suite vos mauvaises pensées ; car un péché découvert est un péché guéri, par le silence le crime s'accroît; s'il reste caché, de très-petit il devient grand. Si ou le montre à découvert, il décroît, si on l'ensevelit, dans le silence, il s'agrandit. Les vertus s'augmentent dans le secret, elles diminuent en public. Elles s'annihilent quand on les déploie avec, jactance, elles se multiplient quand on les cacha avec humilité. Aussi, mon honorable soeur, dirigea toujours vers le Seigneur votre intention et votre action, En toutes vos oeuvres implorez le secours de Dieu. Attribuez tout à la grâce divine, au don du Seigneur, rien à vos mérites, ne présumez rien de votre vertu, me faites aucun fonds sur votre courage. Soeur bien aimée, écoutez l'apôtre qui vous dit : « Que l'homme qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur (I Cor. I, 31). » Par conséquent, soeur vénérable dans le Christ, mettez toujours votre gloire et votre honneur dans Jésus-Christ, votre époux.

 

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XXXIX. — De l’humilité.

 

100. Soeur bien aimée, entendez Notre-Seigneur Jésus-.Christ, votre Époux, vous dire dans l'Évangile : «Apprenez de moi que je suis doux et humble de tueur (Matth. XI, 29). » Soeur vénérable, «humiliez-vous sons la main puissante de Dieu, afin qu'il vous exalte au temps de la tribulation (I Petr. V, 6). » La conscience d'une vierge doit toujours être humble et triste, c'est-à-dire, par son humilité, elle ne doit point tomber dans l'orgueil, et par une tristesse inutile, elle ne doit pas se laisser aller à la dissipation. L'humilité est la vertu suprême d'une vierge. L'orgueil est son suprême opprobre. Une vierge humble peut avoir un extérieur vulgaire, elle est néanmoins glorieuse devant Dieu à cause de ses vertus. Une vierge orgueilleuse peut être belle, parée, éclatante aux yeux des hommes, elle est toujours vile, dédaignée et rejetée devant le Seigneur. Pourquoi? Parce que pâme du juste est la demeure de Dieu. Voici comment s'exprime le Seigneur : «,Sur qui me reposerai-je, sinon sur celui qui est humble et tranquille, et qui craint mes paroles (Isa. LXVI, 2) ? » Soeur que je chéris dans le Christ, soyez humble: soyez fondée sur l'humilité, soyez la dernière de toutes. Soeur bien aimée, ne vous préférez à personne, ne vous regardez comme supérieure à aucune de vos soeurs, regardez-les toute comme étant au dessus de vous; plus vous êtes élevée, plus vous devez vous abaisser en toutes choses. Si vous possédez l'humilité, vous obtiendrez la gloire, plus vous serez anéantie, plus grande sera la gloire qui vous accompagnera (Prov. XI et XV). Descendez pour monter, humiliez-vous pour être exaltée, dans la crainte, que, si vous vous élevez, vous ne soyez abaissée, parce que celui qui « s'élève sera humilié et celui qui s'humilie sera élevée (Matth. XXIII, 12).» Oui quiconque s'élève sera abaissé. Plus on tombe de haut, plus la chute est grave et terrible. L'humilité ne sait pas ce que c'est que tomber, elle n'est exposée à aucune ruine, elle ignore ce que c'est que d'être abattue. O épouse du Christ, reconnaissez que Dieu est venu humble en ce monde, qu'il s'est abaissé jusqu'à prendre l'apparence d'un esclave, et s'est fait obéissant jusqu'à la mort (Phil. II, 7). Sœur aimable, marchez dans la voie qu'il vous a tracée. Suivez son exemple, imitez sa conduite. Soyez vile, dédaignée, abjecte, déplaisez-vous à vous-même : car quiconque est vil à ses propres yeux est grand devant Dieu : on plait au Seigneur quand  on se déplaît à soi-même. Sœur très-chère, soyez petite à vos yeux, afin d'être grande à ceux du Seigneur. Vous lui serez d'autant plus précieuse, que vous serez plus abaissée dans votre propre estime. Sœur vénérable, si vous avez une humilité profonde, vous vous réjouirez dans le royaume du ciel avec les vierges prudentes. Amen.

 

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XL. — De la patience.

 

101. Le Seigneur dit dans l'Évangile : « Bienheureux ceux qui sont  pacifiques, parce qu'ils seront appelés enfants de Dieu (Matth. V, 9). » Soeur bien aimée, si les pacifiques sont bienheureux et doivent être appelés enfants de Dieu, la patience vous est donc nécessaire : « cette vertu est parfaite dans ses oeuvres (Jac. I, 4). » La vierge patiente est sage, celle qui est portée à la colère, est folle. Sœur vénérable, vous pouvez être martyre sans être frappée par le fer, si vous concevez véritablement la patience dans votre coeur. Celui qui n'est point pacifique ne méritera pas d'entrer dans la société des anges: l'envieux et l'irascible partageront le sort des démons. Celui qui n'aime point la paix met la concorde en fuite, bien plus, l'homme colère soulève des discussions. Une vierge pleine de douceur, si elle reçoit des injures, les regarde comme rien. Celle qui est pacifique prépare dans son coeur une demeure à Jésus-Christ. Pourquoi? Parce que le Christ est la paix, et il a coutume de se reposer dans la paix. Le Fils de la paix doit aimer la paix. Disposez-vous plutôt à supporter les injures qu'à en faire souffrir aux autre; apprenez à plutôt subir le mal qu'à le faire subir à autrui. Soyez patiente, douce, aimable, modeste et pleine de mansuétude. Aimez la paix, chérissez la paix, gardez la paix avec tout le monde. Embrassez tout le monde dans la douceur et la charité : montrez que vous aimez plus que l'on ne vous aime, que vous chérissez plus qu'on ne vous chérit. Ne soyez pas légère en amitié, gardez-en toujours les liens. Conservez toujours la patience de l'âme; soyez bonne, prompte à aimer, affable dans vos paroles, d'un esprit agréable pour tous. Otez toute occasion de dispute, méprisez les contestations, vivez toujours dans la paix. Très-chère soeur, si cela vous est possible, soyez en paix avec tout le monde, vainquez, par la patience, les mauvais procédé de ceux qui parlent mal de vous, opposez le bouclier de la patience aux flèches de l'injure, et recevez les coups de la langue, sur la cuirasse de la conscience. Vous avez une grade vertu, si vous ne blessez pas celui qui vous a blessée : vous possédez une grande force d'âme, si vous pardonnez les outrages: une gloire considérable vous est acquise, si vous épargnez celui dont vous auriez pu tirer vengeance. Soeur vénérable, que la paix de Dieu qui surpasse tout sentiment, garde votre tueur et votre âme. Amen.

 

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