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LETTRE VI. (Au commencement de l'année 389.)
Admiration de Nébride pour les lettres de saint Augustin. Il pose des questions sur la mémoire et l'imagination. Il lui semble qu'il ne peut y avoir de mémoire sans imagination, et que ce n'est pas des sens, mais plutôt d'elle-même que limagination tire les images des choses.
NÉBRIDE A AUGUSTIN.
1. Je conserve vos lettres comme mes yeux; elles sont grandes, non par l'étendue, mais par les choses, et renferment de grandes preuves de ce qu'il y a de plus grand. Elles parleront à mon oreille comme le Christ, comme Platon, comme , Plotin. Elles seront, par leur éloquence, douces à entendre; par leur brièveté, faciles à lire; par leur sagesse, profitables à suivre. Ayez donc soin de m'apprendre tout ce qui paraîtra bon et sain à votre esprit. Vous répondrez à ma lettre quand vous serez arrivé à des conclusions dont vous soyez satisfait sur l'imagination et la mémoire. Il me parait à moi que quoique l'imagination n'agisse pas toujours avec la mémoire, la mémoire ne peut jamais agir sans l'imagination. Mais alors, qu'arrive-t-il, me direz-vous, lorsque nous nous souvenons d'avoir compris ou pensé? A cela je réponds qu'il se mêle toujours à nos perceptions et à nos pensées quelque chose de corporel et de changeant qui appartient à l'imagination elle-même; car, ou , bien nous exprimons nos pensées avec des paroles, et ces paroles n'existent pas sans le temps, et dès lors elles sont du domaine des sens et de l'imagination; ou bien notre esprit reçoit une impression telle quelle dont l'imagination et la mémoire parent en même temps. Je vous dis cela sans réflexion et sans ordre, selon ma coutume; vous l'examinerez et vous me donnerez dans vos lettres tout le vrai que vous aurez séparé du faux. 2. Ecoutez encore autre chose: pourquoi, je vous prie, ne, disons-nous pas que l'imagination tire d'elle-même et non pas des sens toutes ses
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images? de même que pour voir les choses intelligibles, l'esprit est averti par les sens mais n'en reçoit rien, ainsi l'imagination, dans la contemplation de ses images, peut n'emprunter rien aux sens, mais être plutôt avertie par eux : de là vient peut-être qu'il lui est donné de voir ce que les sens ne voient pas; et ce serait la preuve que l'imagination a en elle-même et par elle-même toutes ses images. Vous me direz ce que vous en pensez.
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