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LETTRE VIII. (Année 389.)
Nébride demande à Augustin comment les puissances célestes peuvent nous envoyer pendant le sommeil des visions et des songes.
NÉBRIDE A AUGUSTIN.
J'ai trop de hâte d'arriver au fait pour m'arrêter à une préface ou à un exorde. Quel est donc, mon cher Augustin, le moyen employé par les puissances supérieures, et je veux entendre ici les puissances célestes, pour nous envoyer des songes pendant que nous dormons? Comment s'y prennent-elles? à quels artifices, à quels secrets, à quelles machines ou quelles drogues ont-elles recours? Notre esprit est-il ébranlé par leurs propres pensées, de sorte que nous formions nous-mêmes ces songes? Ou bien se contentent-elles de nous les montrer après les avoir formés soit dans leur corps soit dans leur imagination? Ce que nous font voir ces puissances supérieures, est-ce quelque chose qui soit précédemment formé dans leur corps ou leur imagination? Si c'est dans leur corps, nous avons donc aussi des yeux corporels pour voir au dedans de nous durant notre sommeil? Si c'est dans leur imagination et que la nôtre en soit saisie au moyen de ces songes, pourquoi, je vous prie, ne puis-je pas, par mon imagination, forcer la vôtre à enfanter des songes qui m'auront déjà traversé? Certes j'ai bien aussi une imagination; elle peut retracer ce que je veux, et pourtant je ne vous envoie aucun songe; mais je vois que c'est notre corps qui produit les songes en nous; il les produit par son union avec notre âme; l'imagination est chargée de les représenter par des moyens merveilleux. Souvent dans le sommeil, quand nous avons soif, nous croyons boire, et quand nous avons faim, nous croyons manger; il en est ainsi d'autres choses qui, par une sorte de secret commerce, vont fantastiquement du corps à l'âme. Ne soyez point étonné si l'élégance et la subtilité t'ont manqué dans l'exposition de ces matières; ayez égard à leur obscurité et à mon ignorance il vous appartient de remplir, selon votre pouvoir, la tâche que je vous soumets.
1. Les fantômes des Manichéens.
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