LETTRE CCXVIII
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rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

LETTRE CCXVIII. (Octobre 427.)

 

Saint Augustin encourage à la vie chrétienne un jeune homme du monde dont le coeur s'était séparé des choses de la terre; et comme le pélagianisme, était alors le grand péril des âmes, l'évêque d'Hippone ne manque pas de prémunir son jeune ami.

 

AUGUSTIN A SON BIEN-AIMÉ ET DÉSIRÉ SEIGNEUR ET FILS PALATIN, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

 

1. Votre vie, devenue plus forte et plus féconde devant le Seigneur notre Dieu , a été pour nous le sujet d'une grande joie. Vous avez, dès votre jeunesse, aimé à vous instruire, pour avoir la sagesse des vieillards (1). Car la prudence est la vieillesse de l'homme, et une vie sans tache est une longue vie (2). Que le Seigneur l'accorde à vos désirs, à vos recherches, à vos instances, lui qui sait donner à ses fils les biens les meilleurs (3) ! Quoique autour de vous les bons conseils abondent pour vous diriger dans la voie dû salut et de l'éternelle gloire, et quoique surtout la grâce du Christ vous fasse entendre au fond du coeur un efficace langage, nous vous apportons quelques paroles d'exhortation à cause des devoirs que nous impose notre affection envers vous : ce sera notre réponse à votre lettre ; vous n'êtes pas de ceux dont on doive secouer l'indolence et le sommeil, mais vous courez et nous venons exciter vos pas:

2. Il faut, mon fils, que vous ayez la sagesse pour persévérer, parce que vous l'avez eue ,pour choisir. Qu'il soit de votre sagesse de savoir d'où vient ce don. Marchez sous les yeux de Dieu, espérez en lui : il agira lui-même, il fera éclater voire justice comme la lumière et votre

 

1. Eccl. VI, 18. — 2. Sag. IV, 9. — 3. Matth. VII, 11.

 

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innocence comme le midi (1). Il redressera votre course et dirigera votre route dans la paix (2).

De même que vous avez méprisé ce que vous espériez dans le monde, de peur de vous glorifier dans l'abondance des richesses que vous aviez commencé à désirer à la façon des enfants du siècle ainsi maintenant ne vous confiez point dans votre propre force pour porter le joug et le fardeau du Seigneur, et ce joug sera doux, et ce fardeau léger (3). Le Psalmiste réprouve de la même manière ceux qui se confient dans leur propre force et ceux qui mettent leur gloire dans l'abondance des richesses  (4). Vous n'aviez pas encore la gloire des richesses, mais vous avez sagement méprisé celle qui aurait pu devenir l'objet de vos désirs. Prenez garde de vous laisser surprendre par la confiance en vous; car vous êtes homme, et quiconque met son espérance dans l'homme est maudit (5). Confiez-vous à Dieu de tout votre coeur, il sera lui-même votre force ; et, dans votre pieuse reconnaissance, vous lui direz avec humilité et foi : « Je vous aimerai, Seigneur, qui êtes ma force (6). » Cette charité de Dieu qui chasse toute crainte (7), ne se répand point dans nos coeurs par nos forces, c'est-à-dire par les forces humaines, mais, comme dit l'Apôtre , « par le Saint-Esprit qui nous est a donné (8). »

3. Veillez donc et priez, de peur que vous n'entriez en tentation (9). La prière même vous avertit que vous avez besoin du secours de Notre-Seigneur, de peur que vous ne mettiez en vous l'espérance de bien vivre. Maintenant vous ne priez plus pour recevoir les richesses et les honneurs de la vie présente, ou quelque chose des vains biens de ce monde , mais pour que vous n'entriez pas en tentation. Si l'homme, par sa seule volonté, pouvait s'en défendre, il ne le demanderait point par la prière; si la volonté suffisait pour ne pas entrer en tentation, nous ne prierions pas ; et si la volonté manquait, nous ne pourrions pas prier. Que Dieu donc vienne à notre aide pour vouloir, mais prions, afin que nous puissions ce que nous aurons voulu, lorsque, avec la grâce de Dieu, nous aurons aimé le bien. Vous avez commencé à le goûter, et vous devez en rendre grâces à Dieu. Qu'avez-vous en effet que vous n'ayez reçu ? Si vous l'avez reçu,

 

1. Ps. XXXVI, 5, 6. — 2. Prov. IV, 27. — 3. Matth. XV, 29, 30. — 4. Ps. XLVIII, 7. — 5. Jérém. XVII, 5. — 6. Ps. XVII, 2.— 7. I Jean, IV, 18. — 8. Rom. V, 5. — 9. Marc, XIV, 38.

 

prenez garde de vous en glorifier comme si vous ne l'aviez pas reçu (1), c'est-à-dire comme si vous aviez pu l'avoir de vous-même. Sachant de qui vous l'avez reçu, demandez-lui qu'il achève ce qu'il a commencé en vous. Travaillez donc à votre salut avec crainte et tremblement ; c'est Dieu qui, selon sa volonté, opère en vous le vouloir et le faire (2). C'est le Seigneur qui prépare la volonté (3), c'est lui qui dirige les pas de l'homme, et l'homme voudra la voie de Dieu (4). Cette sainte pensée vous préservera, et votre sagesse deviendra de la piété : c'est-à-dire que vous deviendrez bon par le secours de Dieu lui-même, et vous ne serez point ingrat envers la grâce du Christ.

4. Vos parents vous désirent; leur foi se réjouit de vous voir mettre dans le Seigneur des espérances meilleures et plus hautes que les espérances de la terre. Pour nous, que vous soyez absent ou présent, nous souhaitons vous avoir dans ce même Esprit par lequel la charité se répand en nos coeurs, afin qu'en quelque lieu que soient nos corps, nos âmes ne puissent jamais être séparées. Nous avons reçu avec reconnaissance les cilices que vous nous avez envoyés; vous nous avez ainsi averti, le premier, de la nécessité de pratiquer et de garder l'humilité de la prière.

 

1. I Cor, IV, 7. — 2. Philip. 11, 12, 13. — 3. Prov. VIII, 35, Selon les Septante. — 4. Ps. XXXVI, 23.

 

 

 

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