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LETTRE CCXXIII. (Année 428.)
Quodvultdeus s'afflige de ne pouvoir obtenir ce qu'il souhaite et fait de grandes instances auprès de saint Augustin. Il se compare à l'importun dont parle l'Evangile et veut frapper à la porte jusqu'à ce qu'on lui ouvre.
QUODVULTDEUS, DIACRE, A SON VÉNÉRABLE ET BIENHEUREUX SEIGNEUR ET PÈRE AUGUSTIN.
1. Je n'ai reçu qu'une lettre de votre révérence, celle que vous avez bien voulu m'envoyer par un ecclésiastique; quant à l'autre que votre béatitude assure avoir remise à l'honorable Philocalus, elle ne m'est encore point parvenue. J'ai toujours eu la conscience de mes propres péchés; mais je vois aujourd'hui avec évidence que ma personne est pour toute l'Eglise un empêchement à la faveur que j'ai instamment demandée. J'en ai cependant l'entière confiance; Celui qui, par la grâce de son Fils unique, a daigné effacer les iniquités du. genre humain, ne permettra pas que les miennes soient une cause de malheur pour tout le monde; mais plutôt il fera surabonder la grâce où a abondé le péché (1), ô vénérable seigneur et bienheureux Père ! Je n'ignorais pas et je. vous avais dit à l'avance les difficultés de l'ouvrage que je vous suppliais de faire pour notre instruction; mais je savais quelle est l'abondance de cette source divine que le Seigneur a mise en vous. 2. Quoique Philastre et Epiphane, deux vénérables évêques, aient fait quelque chose de semblable à ce que je demande (et je l'ignorais comme tant d'autres choses, ou plutôt comme toute chose); je ne pense pas pourtant qu'ils aient eu le soin et la précaution de faire suivre chaque erreur des vérités contraires et d'y joindre les pratiques; et, puis, ni l'un ni l'autre de ces deux ouvrages n'ont peut-être la brièveté que je désire. C'est inutilement qu'on renverra à l'éloquence des Grecs celui qui ne saura pas même ce qu'on aura écrit en latin; et, quant à moi, ce n'est pas un conseil que j'ai demandé, mais un secours. Que puis-je apprendre à votre révérence, non-seulement sur la difficulté, mais encore sur l'obscurité des interprètes, lorsque vous le savez bien mieux et parfaitement? Au reste, depuis les ouvrages de Phi]astre et d'Epiphane, il y a eu de nouvelles hérésies dont ces deux évêques ne parlent pas. 3. J'ai donc particulièrement recours à votre piété; je fais appel de ma voix seule, mais au nom du désir de tous, à ce coeur toujours prêt à la bonté. Ne parlons plus de ces festins étrangers que vous nous offrez dans votre lettre; ne refusez pas à nos besoins et à nos instances de nuit le pain de l'Afrique que notre province a coutume de placer avant tout, et qui a le goût et le prix de la manne du ciel. Je ne cesserai de frapper jusqu'à ce que vous m'accordiez ce pain si désiré; je n'ai aucun droit à ce que je vous
1. Rom. V, 21.
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demande, mais je l'obtiendrai par une importunité que rien ne lassera.
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