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LETTRE CCXXIV. (Année 428.)
Saint Augustin promet au diacre de Carthage de faire ce qu'il désire, dès que sa réponse aux livres de Julien lui laissera quelque loisir ; il donne de curieux détails sur la Revue de ses ouvrages qui a occupé les derniers temps de sa vie.
AUGUSTIN , ÉVÉQUE , A SON BIEN-AIMÉ SEIGNEUR QUODVULTDEUS, SON FRÈRE ET SON COLLÈGUE DANS LE DIACONAT.
1. Une occasion de vous écrire s'offre à moï, par un prêtre de Fussale que je recommande à votre charité. J'ai reçu la lettre où vous me demandez d'écrire sur les hérésies qui ont pu s'élever depuis qu'on a commencé à prêcher dans le monde l'incarnation du Seigneur. J'ai même songé d'abord à entreprendre l'ouvrage et à vous en envoyer quelque chose : vous auriez vu que cet ouvrage est d'autant plus difficile que vous le voulez plus court. Mais j'en si été empêché par des affaires qui sont survenues et auxquelles il m'était impossible d'échapper; j'ai même été obligé d'interrompre ce que j'avais dans les mains. 2. C'est ma réponse aux huit livres que Julien a publiés, après les quatre auxquels j'avais déjà répondu. C'est à Rome que mon frère Alype a trouvé ces livres : il ne les avait pas encore fait tous copier, lorsqu'une occasion s'est présentée de m'en envoyer cinq ; il n'a pas voulu la manquer; il me promettait l'envoi prochain des trois autres, et me demandait vivement de ne pas tarder à y répondre. Pressé par ses instances, j'ai ôté une partie de mon temps à ce que je faisais; voulant mener de front la réponse à Julien et mon oeuvre commencée, je donne à l'un mes jours, à l'autre mes nuits, autant que me le permettent d'autres occupations qui se renouvellent sans cesse. Je faisais une chose très-nécessaire, car c'était la revue de mes ouvrages; j'y cherchais ce qui pourrait me choquer ou choquer les autres; tantôt je me condamnais, tantôt je me défendais en expliquant comment on doit entendre tel ou tel passage. J'avais déjà fait deux volumes, j'avais revu tous mes livres dont j'ignorais le nombre : j'ai su, par là, que ce nombre est de deux cent trente-deux. Il me restait à revoir les lettres, ensuite les discours au peuple, que les Grecs appellent des homélies. J'avais relu beaucoup de mes lettres, mais sans avoir rien encore dicté à cet égard, quand les livres de Julien ont commencé à m'occuper. Je suis en train de répondre au quatrième; lorsque la réfutation de celui-ci et du cinquième sera terminée, si les trois autres n'arrivent pas, je commencerai, avec la volonté de Dieu, ce que vous demandez; je m'en occuperai en même temps que de la revue de mes ouvrages (1), donnant à ces travaux mes heures du jour et de la nuit. 3. Je dis tout cela à votre sainteté, afin que, plus vos instances sont vives, plus vous demandiez ardemment au Seigneur qu'il vienne à mon aide pour la satisfaction de vos louables désirs et l'utilité de ceux à qui vous croyez qu'une oeuvre semblable puisse profiter, bien-aimé seigneur et frère (2). Je vous recommande encore une fois le porteur de ma lettre, et l'affaire pour laquelle il se met en route. Si vous connaissez celui avec qui il doit s'entendre je vous prie de ne pas lui refuser votre appui; car nous ne pouvons pas abandonner dans leurs besoins, ces hommes qui sont pour nous, non. pas des fermiers, mais des frères, et dont nous devons prendre soin dans la charité du Christ. Vivez pour Dieu.
1. Le catalogue de Possidius, qui comprend les livres, les lettres et les sermons de saint Augustin, nous donne un total de mille trente écrits.
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