LETTRE CCXLV
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rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

LETTRE CCXLV.

 

Saint Augustin répond à son saint ami Possidius, qui l'avait consulté pour savoir s'il devait interdire certaines parures parmi les chrétiens. On trouvera ici des détails qui sont d'intéressants traits de moeurs de cette époque, et l'on s'étonnera de la persistance de certaines pratiques païennes au milieu d'un peuple converti à la foi de l'Evangile.

 

AUGUSTIN ET LES FRÈRES QUI SONT AVEC LUI, AU BIEN-AIMÉ SEIGNEUR, AU VÉNÉRABLE FRÈRE ET COLLÈGUE POSSIDIUS ET AUX FRÈRES QUI SONT AVEC LUI, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

 

1. II faut penser bien plus au parti que vous prendrez avec ceux qui refusent d'obéir, qu'aux moyens de leur montrer que ce qu'ils font n'est pas permis. La lettre de votre sainteté m'a trouvé très-occupé; le porteur est fort pressé de s'en retourner; je ne puis ni le laisser partir sans réponse ni vous répondre comme il faudrait. Je ne veux pas pourtant que vous vous hâtiez d'interdire les parures d'or et les riches vêtements, sauf à l'égard de ceux qui, n'étant pas mariés et ne désirant pas se marier, ne doivent songer qu'à plaire à Dieu. Quant aux autres, ils pensent à ce qui est de ce monde; les maris cherchent à plaire à leurs femmes et les femmes à leurs maris (1). Il ne convient pas pourtant que les femmes, même celles qui sont mariées, laissent voir leurs cheveux : l'Apôtre veut qu'elles soient voilées (2). Pour ce qui est de l'emploi du fard afin de se donner plus d'éclat ou de blancheur, c'est une misérable falsification : je suis bien sûr que les maris eux-mêmes ne voudraient pas être ainsi trompés; or, c'est seulement pour leurs maris qu'il est permis aux femmes de se parer : c'est une simple tolérance et non point un ordre. Car la vraie parure, surtout des chrétiens et des chrétiennes, ce n'est point le charme menteur du fard, ni l’éclat de l'or, ni la richesse des étoffes, ce sont les bonnes moeurs.

2. Mais il faut avoir en exécration la superstition de ces noeuds (3) au nombre desquels on doit compter les pendants d'oreilles que les hommes portent d'un seul côté : cela ne se fait point pour plaire aux hommes, mais pour honorer les démons. Il n'y a pas à chercher dans les Ecritures des prescriptions particulières contre de criminelles superstitions, après que l'Apôtre a dit en général : « Je veux que vous n'ayez aucune société avec les démons (4), et encore : « Qu'y a-t-il de commun entre le Christ et Bélial (5)? » J'espère qu'on j ne prétendra point que l'Apôtre, ayant nommé Bélial et interdit la société des démons en général, mais n'ayant rien marqué de particulier sur Neptune, les sacrifices à Neptune sont permis aux chrétiens. Il faut avertir ces malheureux que s'ils refusent d'obéir à des préceptes salutaires, ils doivent au moins se garder de soutenir leurs sacrilèges, de peur de tomber dans un crime plus grand.,Mais quel parti prendre avec eux s'ils craignent de détacher leurs pendants d'oreilles et ne craignent pas de recevoir le corps du Christ avec cette marque du démon !

Pour ce qui est de l'ordination de celui qui a été baptisé dans le parti de Donat, je ne puis

 

1. I Cor. VII, 32-34. — 2. Ibid. XI, 5, 13. — 3. Ligaturarum. — 4. I Cor. X, 20. — 5. II Cor. VI, 15.

 

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rien prendre sur moi à cet égard : car autre chose est de le faire si on vous y oblige, autre chose est de demander si vous pouvez le faire.

 

 

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