LES MOISSONNEURS



Les créatures ne gardent pas toujours les mêmes besognes; de temps en temps, les nations spirituelles sont refondues et leurs citoyens répartis selon de nouveaux cadres. Ces réorganisations, ces jugements ont, entre autres effets, celui de séparer les serviteurs de Dieu d'avec les serviteurs du diable. C'est cela que Jésus appelle une moisson; et les moissonneurs, ce sont les soldats du Ciel.

Leur travail est ardu. Il leur faut chercher çà et là ceux qu'ils ont à conduire, les soigner, les enseigner, les guider, les garder des chausse-trapes; ils ont à les réunir, à combiner leurs itinéraires invisibles, à préparer l'endroit du paradis futur; enfin, ils parachèvent l'action de la miséricorde divine, ils arrachent, à force de prière, quelques âmes de plus à l'erreur; ils sont l'incarnation de la sollicitude du Père, car la venue du règne de Dieu n'est pas un concept métaphysique, c'est une réalité visible, matérielle, sociale.

La récolte ne peut se faire avant que tous les épis ne soient mûrs. Le divin Fermier visite donc Ses champs et fait donner un supplément d'engrais aux coins qui sont en retard. Ses valets vont et viennent dans le monde, aidant l'un, guérissant celui-ci, enseignant un troisième, amenant sur cet autre une épreuve réparatrice. Mais comprenez bien qu'ils ne sont que des instruments; ils ne portent point d'autres signes distinctifs que leur humilité et le mépris général; ils n'agissent point de leur propre mouvement; ils sont mus par l'Esprit et ils ne se rendent pas toujours compte qu'ils sont des missionnés.

Ces serviteurs inconnus sont les plus grands des hommes, mais ils s'ignorent eux-mêmes. Vous n'atteindrez pas leur séjour en vous investissant de votre chef de l'apparence visible de leurs prérogatives : il faut attendre avec résignation et foi l'ordre que le Père nous fera tenir soit par l'appel des événements, soit d'une façon plus précise, mais moins fréquente, par la voix d'un de Ses Amis.